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29/08/2024 | FRANCE | N°23/00874

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 29 août 2024, 23/00874


N° RG 23/00874 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJ6I







COUR D'APPEL DE ROUEN



CH. CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 29 AOUT 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



2020F00030

Tribunal de commerce d'Evreux du 09 février 2023





APPELANTE :



S.A. ALLIANZ VIE

[Adresse 1]

[Localité 8]



représentée par Me Victor AVERLANT de la SCP AVERLANT, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Vincent NIDERPRIM de la SELARL AVOX, avocat au barr

eau de PARIS, plaidant.







INTIMES :



Monsieur [N] [U]

né le [Date naissance 3] 1960 à

[Adresse 2]

[Localité 6]



représenté et assisté par Me Virginie DONNET, avocat au barreau d'EURE.





S.C.P....

N° RG 23/00874 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJ6I

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 29 AOUT 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2020F00030

Tribunal de commerce d'Evreux du 09 février 2023

APPELANTE :

S.A. ALLIANZ VIE

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Me Victor AVERLANT de la SCP AVERLANT, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Vincent NIDERPRIM de la SELARL AVOX, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

INTIMES :

Monsieur [N] [U]

né le [Date naissance 3] 1960 à

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté et assisté par Me Virginie DONNET, avocat au barreau d'EURE.

S.C.P. MANDATEAM MANDATEAM prise en sa qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [N] [U]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Christophe OHANIAN de la SELARL CAMPANARO NOEL OHANIAN, avocat au barreau d'EURE.

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 mai 2024 sans opposition des avocats, en double rapporteurs devant M. URBANO, conseiller et Mme MENARD-GOGIBU, conseillère.

Les magistrats rapporteurs ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 21 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 août 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 août 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE 

Monsieur [N] [U] a été immatriculé au registre du commerce et des sociétés d'Evreux à compter du 1er septembre 2008 en vue d'exercer une activité de vente de piscines et accessoires, spas sous l'enseigne "ZEN 27" à [Localité 11], [Adresse 4].

Par jugement en date du 15 décembre 2016, le tribunal de commerce d'Evreux a ouvert à l'égard de Monsieur [N] [U] une procédure de liquidation judiciaire .

La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 30 octobre 2016.

La SCP Diesbecq Zolotarenko, devenue aujourd'hui la SCP Mandateam, a été désignée en qualité de liquidateur. Au cours des opérations de liquidation judiciaire, elle a découvert que Monsieur [U] avait contracté auprès de la SA Allianz Vie, un contrat Allianz Multi Epargne Vie par l'intermédiaire de l'agent général L&P Roblin installé à [Localité 10]. Le bulletin d'adhésion au contrat d'assurance-vie est daté du 2 décembre 2016 et mentionne comme date d'effet, le 3 novembre 2016. Le versement initial brut à l'adhésion s'est élevé à la somme de 99 012 euros.

A défaut d'obtenir de la compagnie d'assurance le règlement de la somme de 99 012 € ou la communication des dates et montants des retraits depuis la conclusion du contrat, le liquidateur, par actes des 20 et 26 février 2020 a fait assigner M. [U] et la société Allianz Vie SA devant le tribunal de commerce d'Evreux aux fins de voir :

- A titre principal :

Ordonner à la société Allianz Vie de communiquer les dates et montant des retraits effectués par Monsieur [N] [U] sur le contrat d'assurance-vie depuis sa date de souscription.

Dire que le contrat d'assurance-vie souscrit par Monsieur [N] [U] au profit de la Compagnie Allianz-Vie est inopposable à la liquidation judiciaire de Monsieur [U].

Condamner la Compagnie Allianz-Vie à payer à la SCP Diesbecq Zolotarenko ès qualités la somme de 99 012 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 mai 2018 jusqu'à parfait paiement.

- A titre subsidiaire :

Dire que la prime versée par Monsieur [N] [U] est manifestement exagérée au regard de ses facultés.

Condamner la Compagnie Allianz-Vie à rembourser à la SCP Diesbecq Zolotarenko la prime de 99 012 euros versée par Monsieur [N] [U] lors de la souscription du contrat d'assurance-vie.

Par jugement en date du 9 février 2023, le tribunal de commerce d'Evreux a :

- débouté Allianz-Vie et Monsieur [N] [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- dit, au visa de l'article L132-14 du code de commerce, que la prime versée par Monsieur [U] pour la souscription du contrat d'assurance-vie souscrit le 2 décembre 2016 auprès d'Allianz-Vie est manifestement exagérée au regard de ses facultés

- condamné Monsieur [U] à payer à la SCP Mandateam ès qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U] la somme de 31.079,48 euros

- En complément de cette condamnation, condamné in solidum Monsieur [U] et Allianz-Vie à payer à la SCP Mandateam ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U] la somme de 67.932,52 euros

- condamné in solidum Monsieur [U] et Allianz-Vie à payer à la SCP Mandateam ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Allianz-Vie aux entiers dépens .

La société Allianz-Vie a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 mars 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES 

Vu les conclusions du 27 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société Allianz Vie qui demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evreux en ce qu'il a :

- débouté la société Allianz Vie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné in solidum Monsieur [U] et la société Allianz Vie à payer à la SCP Mandateam, ès qualités de liquidateur judiciaire de monsieur [U] la somme de 67.932,52 €,

- condamné in solidum Monsieur [U] et la société Allianz Vie à verser à la SCP Mandateam, ès qualités de liquidateur judiciaire de monsieur [U] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la compagnie Allianz Vie aux entiers dépens de la procédure dont frais de greffe de la présente décision liquidés à la somme de 84,48 €.

Statuant de nouveau, il est demandé à la cour d'appel de Rouen de :

- juger que la SCP Mandateam est irrecevable et mal fondée dans toutes ses demandes,

- juger que Monsieur [U] est irrecevable et mal fondé dans toutes ses demandes,

En conséquence

- débouter la SCP Mandateam de l'intégralité de ses demandes a l'encontre de la SA Allianz Vie ;

- débouter Monsieur [U] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la SA Allianz Vie ;

- condamner la SCP Mandateam à payer à la SA Allianz Vie la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la SCP Mandateam à payer à la SA Allianz Vie la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCP Mandateam aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 13 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de Monsieur [U] qui demande à la cour de :

- recevoir Monsieur [N] [U] en son appel incident et le dire bien fondé

- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 10 février 2023 en ce qu'il a :

débouté Monsieur [N] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

condamné Monsieur [N] [U] à payer à la SCP Mandateam, ès qualités de liquidateur judiciaire la somme de 31.079,48 € ;

condamné in solidum Monsieur [N] [U] et la Société Allianz Vie à payer à la SCP Mandateam la somme de 67.932,52 € ;

condamné in solidum Monsieur [N] [U] et la Société Allianz Vie à payer à la SCP Mandateam la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant de nouveau :

A titre principal

- juger irrecevable l'action de la SCP Mandateam

A titre subsidiaire

- débouter la SCP Mandateam de l'ensemble de ses demandes

En tout état de cause

- condamner la SCP Mandateam à lui payer une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamner la SCP Mandateam à lui payer à une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure de première instance

- condamner la SCP Mandateam à lui payer à une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure d'appel

- condamner la SCP Mandateam aux entiers dépens de l'instance.

Vu les conclusions du 17 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société Mandateam qui demande à la cour de :

- dire recevable et bien fondé l'appel incident qu'elle forme à l'encontre du jugement rendu le 9 février 2023 par le tribunal de commerce d'Evreux

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 9 février 2023 par le tribunal de commerce d'Evreux en ce qu'il a :

*débouté la SCP Mandateam de sa demande tendant à voir condamner la Compagnie Allianz-Vie à lui rembourser, ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U], la prime de 99.012 euros versée par Monsieur [N] [U] lors de la souscription du contrat d'assurance-vie

*limité à la somme de 67.932,52 € le montant de la condamnation prononcée au profit de la SCP Mandateam à l'encontre d'Allianz-Vie

*débouté subsidiairement la SCP Mandateam de sa demande tendant à voir condamner la Compagnie Allianz-Vie à payer à la SCP Mandateam, ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U] la somme de 99.012 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi

Et statuant à nouveau il est demandé à la Cour de :

- dire recevables et bien fondées l'ensemble des demandes formées par la la SCP Mandateam à l'encontre de la société Allianz Vie et de Monsieur [N] [U]

A titre principal,

- dire que la prime versée par Monsieur [N] [U] pour la souscription du contrat d'assurance-vie souscrit le 2 décembre 2016 auprès de la société Allianz-Vie est manifestement exagérée au regard de ses facultés.

- condamner la Compagnie Allianz-Vie à rembourser à la SCP Mandateam, ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U] la prime de 99.012 euros versée par Monsieur [N] [U] lors de la souscription du contrat d'assurance-vie.

A titre subsidiaire,

- dire que la responsabilité délictuelle de la Compagnie Allianz-Vie est engagée à l'égard de la SCP Mandateam, ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U].

- condamner la Compagnie Allianz-Vie à payer à la SCP Mandateam, ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U] la somme de 99.012 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi.

En tout état de cause,

- dire recevables et bien fondées l'ensemble des demandes formées par la la SCP Mandateam à l'encontre de la société Allianz-Vie et de Monsieur [N] [U]

- condamner in solidum Monsieur [N] [U] et la société Allianz-Vie à payer à la SCP Mandateam, ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U] la somme de 99.012 euros.

- débouter la société Allianz-Vie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- débouter Monsieur [N] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la Compagnie Allianz-Vie à verser à la SCP Mandateam, ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- dire que le jugement à intervenir sera opposable à Monsieur [N] [U].

- condamner la Compagnie Allianz-Vie aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION :

Au préalable, la société Allianz-Vie demande à la cour de dire M. [U] irrecevable en toutes ses demandes sans soutenir aucun moyen au soutien de sa fin de non-recevoir. De plus, Monsieur [U] n'articule aucune demande à l'encontre de la société Allianz Vie. La fin de non-recevoir sera rejetée, et la demande tendant à le débouter de ses demandes formées à l'encontre de la société Allianz-Vie sera déclarée sans objet.

Sur la recevabilité de l'action de la société Mandateam :

Monsieur [U] soutient que :

*la société Mandateam ne dispose pas d'un intérêt à agir dans la mesure où elle n'établit pas que son action est susceptible de désintéresser les créanciers. Les actifs immobiliers de M. [U] ont été réalisés, ce qui a pour conséquence de permettre au liquidateur de régler l'intégralité du passif définitif ;

*les demandes nouvelles en cause d'appel sont irrecevables ;

*il n'est pas justifié d'instances en cours laissant pendant un passif de 76 362,60 € ;

La société Allianz Vie soutient que la société Mandateam ne dispose pas d'un intérêt à agir à son encontre dès lorsqu'elle n'est pas bénéficiaire du contrat d'assurance vie.

La société Mandateam soutient que :

*la réalisation des actifs de Monsieur [U] ne permet pas de couvrir le passif définitif non contesté, qui ne fait l'objet d'aucune instance en cours, d'un montant de 592 539,72 €. Après désintéressement de la société Crédit Mutuel de sa créance à l'encontre de M. [U] en qualité de caution, il reste un passif de 142 342,21 € pour un actif de 57 133,79 €.

*les dispositions de l'article L132-14 du code des assurances confèrent au créancier du souscripteur le droit d'obtenir de l'assureur le remboursement des primes. A tout le moins elle est recevable en son action en recherche de la responsabilité délictuelle de l'assureur.

Réponse de la cour :

Sur l'action de la société Mandateam à l'encontre de M. [U] :

La société Mandateam avait présenté devant le premier juge une demande tendant à la condamnation de M. [U] au paiement de la somme de 99 012 € (conclusions du 14 septembre 2022). Il en résulte que la demande n'est pas nouvelle en cause d'appel.

La société Mandateam entend exercer son action sur le fondement de l'article L641-9 du code de commerce. Dès lors qu'elle soutient agir en recouvrement des sommes obtenues par M. [U] par des rachats partiels de son capital pour un montant total de 74 22,70 € alors que la procédure de liquidation était ouverte, elle dispose, en qualité de représentant des créanciers d'un intérêt à agir pour le recouvrement de cette somme.

Par ailleurs, Monsieur [U] était marié avec Mme [R] sous le régime de la communauté légale. Ils ont divorcé le 24 mai 2019. Par ailleurs encore, Monsieur [U] était caution personnelle de la SCI Barbara, elle-même en liquidation judiciaire.

Il ressort de l'état des créances définitivement arrêté le 25 janvier 2022 que le passif de la liquidation de M. [U] est de 666 902,32 € dont 592 539,72 € à titre définitif. Parmi les créanciers, la société Caisse Régionale de Crédit Mutuel a déclaré une créance de 430 420,69 € au titre de l'engagement de caution de M. [U] pour prêt consenti à la SCI Barbara, une créance de 19 776,82 € au titre de l'engagement de caution de M. [U] pour le même prêt, une créance de 60 053,44 € au titre d'un contrat d'ouverture de compte.

La SCI Barbara, elle-même en liquidation judiciaire a cédé son immeuble au prix de 169 506,59 €. Il ressort du décompte de la société Caisse Régionale de Crédit Mutuel que le 5 mars 2019, sa créance à l'encontre de la SCI Barbara était de 280 690,92 €. Il en résulte que la créance à l'encontre de la caution n'était plus que de cette somme.

Pour recouvrer le solde de sa créance, la société Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] a fait procéder à l'adjudication d'un bien immobilier détenu avec Madame [R], au prix de 371 000 €. Monsieur [U] soutient sans être contredit sur ce point que cet immeuble n'entrait pas dans le champ de la procédure collective. Il ressort du courrier du 2 décembre 2022 du trésorier de l'ordre des avocats du barreau de l'Eure que cette somme a été appréhendée par la société Caisse Régionale de Crédit Mutuel.

La liquidation judiciaire de M. [U] a réalisé la vente d'un appartement situé à [Localité 9] que M. [U] possédait en indivision avec sa s'ur. Sur le prix de vente de 135 000 € sont revenus à la liquidation la somme de 63 747,60 € (en principal et intérêts). Après déduction des honoraires du liquidateur et des frais de procédure, il reste des fonds disponibles à hauteur de 57 133,79 €.

Monsieur [U] soutient que les actifs cédés représentent une somme totale de 604 102,31 €, mais ne rapporte pas la preuve qu'en dehors des sommes perçues par la société Caisse Régionale de Crédit Mutuel, la totalité du produit de la vente du bien de la SCI Barbara et de celle du bien détenu avec son ex épouse, ont profité à sa liquidation personnelle.

Bien que la société Caisse de Crédit Mutuel soit désormais totalement désintéressée de ses créances à l'encontre de M. [U] en sa qualité de caution de la SCI Barbara, le passif de la liquidation est de 85 208,42 € (592 539,72 € -430 420,69 € - 19 776,82 € - 57 133,79 €).

Par voie de conséquence, la société Mandateam justifie d'un intérêt à agir pour recouvrer un actif susceptible de désintéresser les créanciers.

Elle sera déclarée recevable à agir à l'encontre de M. [U].

Sur l'action de la société Mandateam à l'encontre de la société Allianz Vie :

Aux termes de l'article L132-13 du code des assurances : « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »

Aux termes de l'article L132-14 du code des assurances : « Sous réserve des dispositions des articles ( ') du livre des procédures fiscales, de l'article('.) du code des douanes, de l'article (')du code général des collectivités territoriales et du (') de la loi (') de finances rectificative pour 2004, le capital ou la rente garantis au profit d'un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant. Ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes, dans le cas indiqué par l'article L132-13, deuxième alinéa, en vertu soit de l'article 1341-2 du code civil, soit des articles L621-107 et L 621-108 du code de commerce. »

Il résulte de ces dispositions que lorsque le contrat d'assurance est dénoué par le décès du souscripteur ou de l'adhérent, le créancier ou son représentant dispose d'une action paulienne contre l'assureur en remboursement des primes manifestement exagérées qui ont été versées en fraude de ses droits, ou si elles ont été versées pendant la période suspecte.

La société Mandateam ne justifie ni même n'allègue que le contrat d'assurance est dénoué. Dès lors, elle ne dispose pas d'un intérêt à agir sur le fondement de l'article L132-14 du code des assurances. Son action est irrecevable sur ce fondement.

En revanche, elle dispose, en qualité de représentant des créanciers, d'un intérêt à rechercher la responsabilité délictuelle de la compagnie d'assurances lors de la souscription du contrat. Son action sera déclarée recevable sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Sur le fond :

Sur les demandes formées à l'encontre de Monsieur [U] :

La société Mandateam soutient que :

*Monsieur [U] a procédé entre le 16 février 2017 et le 17 janvier 2020 à des rachats partiels de son capital d'assurance vie pour un montant total de 74 222,70 €. Ces actes de dispositions effectués alors que le débiteur était dessaisi de toutes actions sur son patrimoine sont inopposables à la masse des créanciers et les sommes ainsi obtenues par le débiteur doivent être restituées à la liquidation judiciaire.

*Monsieur [U] ne peut prétendre utilement avoir réglé ses dettes au moyen de somme frauduleusement soustraites à ses créanciers.

Monsieur [U] soutient que :

*la procédure de liquidation judiciaire n'était pas ouverte lorsqu'il a souscrit son contrat d'assurance vie en y apportant la somme de 99 012 € ;

*l'exercice d'un droit de rachat d'une assurance vie, qui constitue une révocation du bénéficiaire, est exclusivement rattachée à la personne du débiteur en procédure collective.

*aucune demande tendant à l'inopposabilité du contrat d'assurance vie ou à sa nullité n'a été formulée par la société Mandateam dans le dispositif de ses premières conclusions d'appel incident.

Réponse de la cour :

C'est sans en tirer de conséquences dans le dispositif de ses conclusions que M. [U] soutient que la société Mandateam n'a pas présenté dans ses premières conclusions d'appelant incident de demandes tendant à l'inopposabilité du contrat d'assurance vie ou à sa nullité. Dès ses premières conclusions d'appelant incident (conclusions du 18 août 2023), la société Mandateam a demandé que M. [U] soit condamné à lui payer la somme de 99 012 € in solidum avec la société Allianz-Vie.

Le premier juge a condamné M. [U] à payer à la société Mandateam les somme de 31 079,48 € et 67 932,52 € sur le fondement de l'article L132-14 du code des assurances après avoir jugé que la prime versée pour la souscription du contrat le 2 décembre 2016 était manifestement exagérée au regard des faculté de M. [U].

Outre que l'action fondée sur l'article L132-14 du code des assurances a été déclarée irrecevable et qu'elle n'a pas vocation à être exercée contre le débiteur, la société Mandateam exerce son action à l'encontre de M. [U] sur le fondement de l'article L641-9 du code de commerce.

Il en résulte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit, au visa de l'article L132-14 du code de commerce, que la prime versée par Monsieur [U] pour la souscription du contrat d'assurance-vie souscrit le 2 décembre 2016 auprès d'Allianz-Vie est manifestement exagérée au regard de ses facultés.

Aux termes de l'article L641-9 du code de commerce : « I.-Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné. (') »

En premier lieu et ainsi qu'il a été exposé plus haut, il n'y a pas, en l'espèce de rachat total du contrat. S'il est exact que la faculté de rachat ne peut être exercée que par le souscripteur, il résulte des dispositions de l'article L641-9 susvisé que dès l'ouverture de la procédure de liquidation, les rachats partiels d'un contrat d'assurance vie versés au débiteur par la compagnie d'assurance font partie de son patrimoine et par conséquent de l'actif de sa liquidation.

Il ressort des pièces produites par la société Allianz Vie que M. [U] a procédé à des rachats partiels de son capital à hauteur de la somme totale de 74 271,21 € (et non 74 222,70 € comme indiqué par erreur dans les conclusions de la société Mandateam). La procédure de liquidation judiciaire étant ouverte dès le 15 décembre 2016 et les rachats étant postérieurs à cette date, cette somme fait partie de l'actif de la liquidation.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [U] au paiement des sommes de 31 079,48 € et 67 932,52 €.

Monsieur [U] sera condamné à payer à la société Mandateam ès qualités de mandataire à la liquidation de M. [U], la somme de 74 271,21 €.

Il résulte de ce qui précède que l'action de la société Mandateam ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de M. [U] n'est pas abusive. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande présentée à ce titre.

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Allianz Vie :

La société Mandateam soutient que :

*la société Allianz-vie a été informée du placement en liqudation judiciaire de Monsieur [U] par la publication du jugement au Bodacc, soit dès le 27 décembre 2016 ; elle en a par ailleurs été informée par la lettre du 7 décembre 2017 du liquidateur, en acceptant néanmoins les rachats demandé par le débiteur, elle a engagé sa responsabilité envers la liquidation ;

*le préjudice ainsi causé aux créanciers est de 99 012 €.

La société Allianz répond que :

*le rachat même partiel d'un contrat d'assurance vie est un droit exclusivement attaché à la personne du souscripteur, et elle n'avait aucun moyen de s'y opposer. En outre, il ne pèse sur elle aucune obligation de consulter le Bodacc avant une opération de rachat.

Réponse de la cour :

Il est constant que le 2 décembre 2016, lorsque M. [U] a adhéré au contrat Allianz Multi Epargne Vie, la procédure de liquidation n'était pas encore ouverte.

Il ressort des conditions générales du contrat Allianz Multi Epargne Vie souscrit par M. [U] que le contrat auquel celui-ci a adhéré est un contrat d'assurance vie de groupe prévoyant une faculté de rachat « à tout moment, et sur simple demande manuscrite ». Dès lors, sauf à engager sa responsabilité envers M. [U], la compagnie d'assurances n'avait pas de possibilité de s'opposer aux rachats partiels demandés.

Ainsi, même si au plus tard le 7 décembre 2017, elle a été avisée par le liquidateur de l'existence de la procédure de liquidation de M. [U], c'est sans commettre de faute envers la liquidation que la société Allianz Vie à procédé aux rachats demandés par son assurés.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [U] et Allianz-Vie à payer à la SCP Mandateam ès qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [U] la somme de 67.932,52 €.

La société Mandateam ès qualités sera déboutée de ses demandes à l'encontre de la société Allianz-Vie.

Sur la demande présentée par la société Allianz-Vie au titre de la procédure abusive :

La SCP Mandateam ès qualités a pu de bonne foi, se méprendre sur l'étendue de ses droits. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée au titre de la demande abusive.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [U] et la société Allianz-Vie de leurs demandes présentées au titre de la procédure abusive ;

- débouté M. [U] de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.

Statuant à nouveau :

Déclare recevable l'action de la SCP Mandateam ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de M. [U] à l'encontre de M. [U] ;

Déclare irrecevable l'action de la SCP Mandateam ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de M. [U] présentée sur le fondement de l'article L 132-14 du code des assurances ;

Déclare recevable l'action de la SCP Mandateam ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de M. [U] présentée à l'encontre de la société Allianz-Vie sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

Rejette la fin de non-recevoir des demandes de Monsieur [U] présentée par la société Allianz Vie ;

Déclare sans objet les demandes de la société Allianz-Vie à l'encontre de M. [U] ;

Condamne M. [U] à payer à la SCP Mandateam ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de Monsieur [U] la somme de 74 271,21 € ;

Déboute la société Mandateam ès qualités de la liquidation judiciaire de Monsieur [U] de ses demandes à l'encontre de la société Allianz-Vie.

Y ajoutant :

Condamne M. [U] aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne M. [U] à payer à la SCP Mandateam ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de M. [U] la somme de 5 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne la SCP Mandateam ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de M. [U] à payer à la société Allianz Vie la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute M. [U] de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00874
Date de la décision : 29/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-29;23.00874 ?
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