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29/08/2024 | FRANCE | N°23/00350

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 29 août 2024, 23/00350


N° RG 23/00350 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JI3G





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 29 AOUT 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 30 Décembre 2022









APPELANTE :



S.A. SOCIÉTÉ DES PROCÉDÉS MODERNES DES TRAITEMENTS MÉTALLURGIQUES (PROMOTRAME)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me G

ildas LE FRIEC de la SELARL LMC PARTENAIRES, avocat au barreau de VERSAILLES













INTIME :



Monsieur [G] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Marie Pierre OGEL de la SCP GARRAUD-OGEL-HAUSSETETE, avocat au ...

N° RG 23/00350 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JI3G

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 29 AOUT 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 30 Décembre 2022

APPELANTE :

S.A. SOCIÉTÉ DES PROCÉDÉS MODERNES DES TRAITEMENTS MÉTALLURGIQUES (PROMOTRAME)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Gildas LE FRIEC de la SELARL LMC PARTENAIRES, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIME :

Monsieur [G] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Marie Pierre OGEL de la SCP GARRAUD-OGEL-HAUSSETETE, avocat au barreau de DIEPPE substituée par Me Anne-Sophie LEBLOND, avocat au barreau de DIEPPE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 Juin 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 19 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 août 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 29 Août 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société des Procédés Modernes des Traitements Métallurgiques ( Promotrame) ( la société ou l'employeur) a pour activité le recyclage de matériaux industriels et plus spécifiquement des câbles téléphoniques de la société Orange.

Elle emploie moins de 11 salariés.

M. [U] ( le salarié) a été engagé par la société en qualité de manutentionnaire par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 2 septembre 1980.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la récupération.

Courant l'année 2006, un inspecteur du travail a dressé un procès-verbal confirmant la présence d'amiante dans la société Promotrame.

Par jugement du 16 novembre 2012, le tribunal correctionnel de Dieppe a déclaré la société Promotrame coupable d'avoir manqué à son obligation de sécurité.

A compter de septembre 2018, le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle.

Le 3 mars 2020, M. [U] a été déclaré inapte par le médecin du travail.

Le 4 juin 2020, la société Promotrame a proposé à M. [U] un poste de reclassement d'opérateur polyvalent triage puis, par courrier du 4 janvier 2021, un poste de reclassement d'agent administratif.

Parallèlement, M. [U] a affirmé que des sommes au titre de ses salaires ne lui étaient plus réglées.

M. [U] a sollicité une indemnité temporaire d'inaptitude consécutive à sa maladie professionnelle. L'employeur a refusé cette demande.

Par requête du 11 février 2021, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Dieppe aux fins de voir solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 17 mars 2021, la société Promotrame a proposé à M. [U] un poste de gestionnaire administratif. Le salarié a refusé cette proposition au motif que le poste ne répondait ni à ses qualifications ni aux préconisations du médecin du travail.

Par lettre du 7 juin 2021, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 17 juin suivant puis, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 23 juin 2021 motivée comme suit:

' Par la présente, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement.

Nous nous trouvons dans l'obligation de vous licencier en raison de l'impossibilité de reclassement, conformément aux avis de la médecine du travail, après votre refus d'une proposition de poste adapté et aménagé au regard de vos compétences, ne modifiant pas votre contrat de travail, pour lequel il vous était proposé une formation.

Les motifs de cette mesure sont exposés ci-après.

Promotrame est une petite entreprise de huit salariés et d'un chiffre d'affaires de 493 730 euros en 2020.

Nous rappelons nos diligences effectuées.

Au retour de votre arrêt maladie pour maladie professionnelle, vous avez effectué une visite médicale de reprise le 3 mars 2020.

Par certificat médical du même jour, le docteur [Z] [D], médecin du travail, a émis, en ce qui vous concerne, un avis d'inaptitude avec les indications relatives au reclassement suivantes:

'contre-indication absolue à toute exposition au plomb, aucune exposition respiratoire mais aussi aucune exposition de contact. Possibilité d'un autre poste sans aucun contact avec le plomb mais également non soumis à la pollution d'autres postes essentiellement contaminants. Le poste de reclassement devra garantir l'absence d'exposition au plomb ( aussi bien au niveau respiratoire, que de contact) attention aux parties communes, réfectoire, sanitaires, environnement de travail... Possibilité de réaliser des formations.'

En conséquence, nous avons examiné avec le médecin du travail les emplois disponibles dans notre entreprise au regard des recommandations du médecin du travail et des restrictions d'emploi.

En raison de la crise sanitaire liée à la COVID, l'établissement a été fermé en mars et avril 2020, puis l'activité a partiellement et progressivement repris en mai.

Ainsi, le 4 juin 2020, nous vous proposions un poste d'opérateur polyvalent triage.

Différentes mesures techniques ont été effectuées pour l'évaluation de la compatibilité de ce poste avec votre état de santé, entre juin et novembre 2020.

Le 5 août 2020, le docteur [Z] [D], médecin du travail, donnait son avis sur la proposition de reclassement opérateur polyvalent de triage des métaux non CMR, sur la base de résultats de prélèvements effectués en juin 2020.

Suite à ces analyses, il est apparu que l'exposition au plomb du poste proposé, même minime et très inférieure aux normes industrielles, était encore trop importante pour satisfaire aux prescriptions du médecin du travail.

'Les résultats révèlent un taux faible de plomb(...) Ce reclassement est incompatible avec les capacités restantes de Monsieur [U], je vous rappelle l'avis du 3 mars 2020.'

Nous avons donc continué d'échanger activement avec la médecine du travail.

Nous avons ainsi pu vous faire une seconde proposition de poste de reclassement en tant qu'agent administratif le 4 janvier 2021.

La médecine du travail en était naturellement informée et saisie pour avis le 7 janvier.

Le 13 janvier 2021, vous nous adressiez, par courrier recommandé, une demande de précisions sur la proposition de reclassement:

1) Comment compter vous m'adapter à mon nouveau poste administratif puisque je n'ai jamais fait ce genre de travail'

2) Je lis que mon temps de travail sera de 35 heures alors que je suis à 39 heures, est ce que j'aurai le même salaire'

3) Est ce que ce nouveau poste a fait l'objet d'une consultation et d'un avis du médecin du travail'

Le 13 mars 2021, nous recevions un avis positif de la médecine du travail sur ce poste d'agent administratif: 'à partir du moment où les capacités restantes du salarié sont respectées (...) Le poste que vous me décrivez s'il est uniquement dans un bureau sans déplacement sur les postes exposant au plomb semble pouvoir correspondre aux capacités restantes de Monsieur [U]. Vous m'indiquez une absence de plomb sur ce poste, je n'ai donc pas de raison a priori de m'opposer à ce reclassement.'

Le 17 mars 2021, par courrier recommandé, nous vous communiquions une troisième proposition de poste en tant qu'agent administratif, aménagée des précisions de la médecine du travail (pj)

Le 30 mars 2021, vous demandiez des précisions sur la rémunération et le temps de travail.

Je prends note de votre proposition relative à un poste de gestionnaire administratif.

La fiche jointe prévoit des conditions de travail aux termes desquelles mon honoraire de travail est de 39 heures hebdomadaire, ce qui est légitime au regard du poste que j'occupais précédemment.

En revanche, la rémunération brute mensuelle indique qu'elle serait calculée sur un brut de 1 659,27 euros pour 151h67 d'heures travail et que les heures supplémentaires seraient payées en fonction de leur réalisation.

Ainsi, ces clauses sont contradictoires et je vous remercie de bien vouloir me répondre sur ce point afin que je puisse prendre ma décision.

Le 2 avril, nous vous rappelions que les conditions de travail étaient inchangées et votre salaire maintenu.

Vos conditions de travail seront inchangées afin d'assurer le maintien de votre salaire.

Ainsi, l'horaire de travail correspondant au poste proposé sera de 39 heures, rémunérées ainsi: 151h67 rémunérées au taux horaire de 10,94 euros, assorti d'une indemnité compensatrice d'heures supplémentaires de 4 heures hebdomadaires, rémunérées au taux horaire brut majoré légalement de 25%, soit 13,67 euros.

Par ailleurs, l'indemnité minimum supplémentaire forfaitaire de 13 heures accordées mensuellement à partir de mars 1997 suite à la diminution du temps de travail de 4( heures à 39 heures, soit 6 heures hebdomadaires, sera maintenue dans la mesure où elle respecte l'homogénéité entre les salariés et le respect de la législation du travail et des conditions spécifiques de la convention collective applicable à la société, soit 177,75 euros brut mensuel ( 13X10,94X1,25).

La prime de régularité prévue sous condition de conformité avec les conditions requises, est maintenue, soit 218,80 euros brut mensuel ( 20X10,94).

Dans ces conditions, le salaire brut mensuel sera ainsi de 2 292,72 euros pour 169 heures de travail effectué, sous réserve d'effectuer le travail convenu, et si les conditions requises sont réunies, comme précédemment.

Il n'y a pas de contradiction.

Le 13 avril 2021, nous constations votre silence et vous demandions des explications sur le refus de notre proposition de poste afin de pouvoir éventuellement l'aménager.

Par courrier recommandé en date du même jour, vous nous demandiez de nouvelles précisions.

Je prends note de votre proposition du 17 mars 2021, vous me proposez un poste de gestionnaire administratif sachant que je n'ai jamais travaillé dans les bureaux, n'ayant jamais fait de comptabilité ni de secrétariat.

La formation interne que vous évoquez au courrier précise qu'elle est destinée à m'adapter à mon poste alors même que je n'ai aucune notion de base en la matière de gestion et j'ignore comment cette formation interne va se dérouler' Qui me formera' Quel temps de formation y sera consacré' Quels outils de formation seront utilisés'...

Il est manifeste que je risque non seulement la faute grave mais aussi un licenciement pour incompétence puisque je n'ai strictement aucune notion en la matière pour le poste.

Par ailleurs, vous me garantissez un salaire identique alors même que durant mon arrêt de travail et même après, vous ne m'avez pas réglé les 39h/semaine conformément à mon contrat, ni même la prime du 13ème mois. Vous comprendrez aisément que faute de précisions et de garanties contractuelles, je ne peux accepter en l'état cette proposition.

Par courrier recommandé du 16 avril, nous vous communiquions des précisions sur les tâches des missions ainsi que les modalités de formation.

Pour répondre à vos interrogations, nous vous invitons à porter attention à la fiche de poste du poste proposé dans la mesure où les activités du poste ne font nullement mention de la tenue de comptabilité.

Concernant les activités de secrétariat, il ne s'agit que de tâches ne requérant pas de compétence particulière. Il s'agit d'apporter un soutien administratif au responsable d'exploitation et de garantir la confidentialité des informations sensibles de l'entreprise par l'utilisation de ressources internes.

Concrètement le poste de gestionnaire administratif requiert:

- d'être disponible à la réception d'appels téléphoniques et de recevoir effectivement des appels entrants et sortants, de recueillir l'information ou de la transmettre, de transférer l'appel à la personne destinataire de l'appel, de noter les coordonnées de l'interlocuteur ou de prendre un bref message,

- de traiter le courrier: trier les correspondances en fonction des instructions qui pourront être données, procéder à l'envoi ou à la réception du courrier en procédant éventuellement aux déplacements nécessaires à l'extérieur de la société,

- de publier et adresser des actes simples, tels que des notes au personnel,

- de gérer les demandes du personnel: recevoir et diffuser auprès du personnel compétent les autorisations et attestations,

- mener des enquêtes simples et établir des rapports propices à l'instruction de dossiers; fournisseurs...

- administration de la production: apporter une assistance à l'établissement des rapports de transformation en collaboration avec le responsable d'exploitation, collecter les données de gestion ( stocks, transformations).

Cheville ouvrière de l'entreprise, ce poste requiert la conservation de la confidentialité des informations auxquelles vous seriez exposé. Ce qui a toujours été le cas.

Enfin, les opérations d'administration de la production vous dont déjà été attribuées dans le passé.

La formation se déroulera dans les locaux de l'entreprise pour la durée nécessaire à la prise de poste et sera animée par Monsieur [T] [E], responsable de site.

Manifestement, il convient de préciser que la proposition est faite dans le but de vous permettre de réintégrer l'entrepris et non de nous séparer de vous.

Avec plus de 40 ans d'ancienneté dans l'entreprise, vous connaissez le métier et son cycle d'exploitation. Il s'agit d'un avantage essentiel dans la réalisation de ces missions.

Concernant les bulletins de salaire, les inexactitudes matérielles éventuelles seront naturellement corrigées et, en cas de besoin, l'élément de salaire manquant vous sera naturellement versé.

Par courrier recommandé en date du 21 avril, vous indiquez:

Je prends note que n'aurais aucune(s) tâche(s) de comptabilité en revanche, je m'étonne de toutes les tâches concernant la gestion du personnel. D'une part, ces fonctions requièrent une formation et d'autre part diffuser, mener des enquêtes, va nécessairement me conduire à sortir du bureau ce que restreint le médecin du travail.

Contrairement à ce que vous indiquez des opérations de l'administration de la production ne m'ont jamais été confiées.

En l'état actuel des choses et compte tenu du poste qui ne répond pas totalement aux restrictions de la médecine du travail, je ne peux accepter cette proposition.

Le 26 avril 2021, nous précisions les adaptations du poste au regard de l'interdiction absolue d'exposition au plomb et au regard de vos compétences connues.

Nous insistions sur la formation d'adaptation prévue lors de la prise de poste.

Les explications se présentaient ainsi:

Le poste en question est un poste vacant depuis une réorganisation de l'entreprise et le départ de M. [F], qui réalisait de nombreuses tâches administratives.

Il est à pourvoir le plus tôt possible.

Il n'y a pas de gestion du personnel, mais vous serez amené à fréquenter vos collègues dans votre bureau, à recueillir leurs demandes et à les diffuser depuis votre bureau: autorisations, attestations.

Les enquêtes, dont nous avons besoin, ne nécessitent pas de déplacement dans la mesure où les informations se trouvent dans des rapports papiers ou sur internet.

Votre poste de travail sera aménagé de manière à pouvoir répondre aux exigences de l'avis de la médecine du travail.

Vos nouvelles fonctions feront l'objet d'une formation au moment de votre prise de poste tel qu'indiqué précédemment.

Les opérations d'administration de la production vous ont déjà été confiées et vous y aviez donné entière satisfaction. Il s'agit d'assurer le suivi en temps réel des lots afin de pouvoir assurer la facturation suivant les processus spécifiques de notre entreprise.

Le 3 mai 2021, par courrier recommandé, vous nous avez indiqué refuser le poste au motif de votre étonnement.

Dans la continuité de nos échanges, je ne vous cache pas mon étonnement.

Vous indiquez que je reprends les tâches de Monsieur [F] qui était le PDG de la société et qui a été licencié.

Vous comprendrez aisément que je ne considère pas votre proposition comme sérieuse.

Il est manifeste que vous me proposez un poste en totale inadéquation avec mes aptitudes et ma qualification professionnelle et que vous ne manquerez pas de rompre ultérieurement mon contrat pour insuffisance professionnelle ou pour faute.

Je suis flatté d'une telle considération mais ne peux accepter en l'état un poste à siège éjectable.

Par courrier recommandé du 6 mai 2021, nous vous rappelions que notre proposition était sérieuse et circonstanciée.

L'affectation d'un agent administratif dans le bureau de l'ancienne direction n'attribue aucune compétence de direction.

Il s'agit bien d'effectuer uniquement des tâches administratives nécessaires et chronophages correspondant à votre classification.

Nous donnons suite à votre correspondance du 3 mai courant.

Nous nous réjouissons de lire que vous ne voyez plus de motif de refus à notre proposition. En effet, il ne s'agit nullement de remplacer l'ancien PDG mais d'effectuer des tâches administratives d'un poste de coefficient 175 échelon B, niveau 2, suivant la convention collective 3228, comme précédemment indiqué dans la fiche de poste, et encore décrit dans notre courrier RAR du 16 avril 2021.

Notre proposition, sérieuse et circonstanciée, ne trouvant plus de motif de refus autre que le trait d'humour, nous vous attendons le lundi 17 mai 2021à 8h30 au siège de l'entreprise pour la prise de vos fonctions'

Nous vous remercions de votre ponctualité.

Malheureusement, par courrier recommandé du 12 mai 2021, vous nous faisiez savoir votre refus.

En réponse à votre courrier du 6 mai 2021, je refuse en l'état, votre proposition de reclassement. Ce poste n'est pas adapté à mes compétences.

Prenant en compte ce refus, nous avons recherché d'autres solutions de reclassement conformes aux restrictions imposées par le médecin du travail.

Ainsi, dans la mesure où les analyses sur les postes suivants montrent une exposition au plomb inférieure aux normes industrielles mais supérieure à zéro, nous avons dû écarter du champ de nos recherches les postes: triage, grenaillage, manutention, échantillonnage, brûlage, broyage, cisaillage.

Le médecin du travail, le docteur [Z] [D], a bien précisé que votre état de santé implique une contre-indication absolue à toute exposition au plomb.

Les analyses d'exposition au plomb effectuées dans tout l'établissement ont montré que seul le bureau que l'ancienne direction occupait n'était pas exposé au plomb.

Cependant, en raison de la petite taille de notre entreprise, qui n'est rattachée à aucune entité économique, nous ne sommes pas en mesure de faire d'autre proposition de poste adaptée à l'avis d'inaptitude et aux indications ultérieures de la médecine du travail.

Dans ces conditions, nous estimons avoir respecté nos obligations conformément aux articles L 1226-10 et L 1226-12 du code du travail.

Pour les raisons ci-dessus exposées et indiquées tout au long de nos échanges tenus, nous nous sommes efforcés de rendre votre réintégration effective.

Nous vous avons proposé un emploi aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé. Nous estimons avoir fait le maximum.

Ainsi, le contrat de travail en lui-même reste identique en termes de statut, de responsabilité, de classification et de rémunération. Seule la catégorie de poste a due être adaptée pour répondre aux indications formulées par le médecin du travail.

En effet, les analyses d'exposition au plomb effectuées dans tout l'établissement ont montré que seul le bureau que l'ancienne direction occupait n'était pas exposé au plomb.

Vous avez été embauché le 2 septembre 1980 en qualité d'opérateur spécialisé.

Vous avez tout au long de votre carrière au sein de notre entreprise, montré votre capacité à exercer différents postes de travail, à savoir sept postes: manutention, triage, broyage, grenaillage, cisaillage, échantillonnage, brûlage.

Vous aviez déjà exercé une partie des missions qui vous étaient proposées dans le reclassement. Précédemment, vous avez déjà réalisé les opérations de gestion des lots dans l'administration de la production.

Le poste d'agent administratif était disponible et à pourvoir.

Nous avons répondu à vos six recommandés et tenu compte de vos observations;

En outre, le poste a été aménagé de manière à respecter scrupuleusement les prescriptions de la médecine du travail tout en adaptant les missions à vos compétences au regard de vos diplômes, de votre savoir-faire, de votre connaissance des processus de l'entreprise.

Ce poste d'agent administratif ne requiert aucun diplôme ni aucune formation initiale.

Vous savez lire, écrire, compter, vous avez la connaissance du métier, comme il en ressort de nos échanges.

Encore, nous vous avons précisé l'existence d'une période de formation d'adaptation, à la prise de poste et aussi longtemps que nécessaire.

Cette période de formation nous semblait exclure la possibilité d'un licenciement pour inaptitude professionnelle.

Pourtant, vous avez opposé un refus au motif d'une inadaptation à vos compétences, sans explication qui nous permettrait d'adapter notre proposition.

Le 25 mai 2021, vous avez reçu la notification recommandée de l'impossibilité de votre reclassement.

Le 7 juin 2021, vous receviez la convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement par courrier recommandé.

Durant cet entretien, tenu le 17 juin 2021 à 11h dans nos locaux, vous étiez assisté de Madame [I] [J], conseillère du salarié inscrite sur les listes des conseillers.

Lors de cet échange, nous avons exposé nos points de vue. Vous avez maintenu votre refus du poste proposé prétextant une peur de reproches et d'être licencié pour incompétence. Vous avez demandé à être licencié pour inaptitude.

Pour notre part, nous considérons ce refus comme abusif.

Les raisons invoquées relèvent du procès d'intention.

Ce refus est illégitime et porte atteinte aux valeurs humaines de l'entreprise.

Nous comprenons qu'il n'y a pas de difficulté objective à laquelle nous pourrions répondre, mais une accusation gratuite de malveillance voire de malignité vicieuse.

Or, ces dernières années, nous avons fait des progrès importants dans la maîtrise du risque d'exposition aux particules d'agents CMR et nous constatons des diminutions de taux d'exposition, déjà inférieurs aux normes.

En outre, nous rappelons que vous nous avez assigné en justice en vue de demander la résiliation judiciaire de votre contrat de travail, alors même que nous étions confrontés à des difficultés de mesurage, de recherches de reclassement et de fermeture d'établissement pour cause de COVID.

En conséquence de quoi, en application de l'article L 1226-14 du code du travail, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 dudit code, ainsi que l'indemnité spéciale de licenciement ne vous sont pas dues.

La date de première présentation de cette lettre fixera la date de fin de contrat de travail. Vous n'avez pas de préavis à exécuter. (...)'

Par requête du 20 octobre 2021, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Dieppe aux fins de voir dire le refus de proposition de reclassement justifié, en contestation du licenciement ainsi qu'en demande d'indemnité.

Par jugement du 30 décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Dieppe a :

- prononcé la jonction des deux dossiers enregistrés sous les n° RG 21/00024 et RG 21/00109

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U] aux torts de l'employeur à la date du 23 juin 2021,

- déclaré que le refus de proposition de reclassement est justifié,

- condamné la société Promotrame à payer à M. [U] les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 4 442,82 euros outre au titre des congés payés y afférents : 444,28 euros,

rappel d'indemnité de licenciement : 29 417 euros,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 13 328,46 euros,

rappel de salaire pour l'année 2018 : 519,18 euros outre au titre des congés payés y afférents : 51, 92 euros,

rappel de salaire pour l'année 2019 : 2 076,72 euros outre au titre des congés payés y afférents : 207, 67 euros,

rappel du 13ème mois : 1 451,06 euros,

congés payés indûment prélevés : 3 850, 88 euros,

indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile : 700 euros,

- condamné la société Promotrame aux entiers dépens de la présente instance.

Le 27 janvier 2023, la SA Promotrame a interjeté appel de ce jugement sauf en ce qu'il a prononcé une jonction de dossiers.

Le salarié a constitué avocat par voie électronique le 6 février 2023.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 23 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la SA Promotrame demande à la cour de :

- la recevoir et la juger bien fondée en son action,

- juger qu'elle n'a commis aucun manquement à l'égard de M. [U],

- juger qu'elle n'a pas manqué à ses obligations de reclassement,

- juger abusif le refus de M. [U] d'une proposition de reclassement,

- juger M. [U] mal fondé en ses demandes

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

- débouter M. [U] de toutes ses demandes

- condamner M. [U] à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 4 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, M. [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Promotrame au titre des rappels de salaire, congés payés, prime de 13ème mois ainsi qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- réformer le jugement en ce qu'il a omis de statuer sur la demande de rappel de salaire de l'année 2020,

- par conséquent, condamner la société Promotrame à lui verser les sommes suivantes:

rappel de salaire de l'année 2020 :2 076, 72 euros

congés payés afférents : 207, 67 euros

- donner acte à la SA Promotrame d'un versement à valoir sur le rappel de salaire à hauteur de 3 951, 18 euros bruts

- constater que la SA Promotrame reste devoir un solde sur les rappels de salaire de

719, 44 euros outre 71,94 euros au titre des congés payés afférents,

Pour le surplus,

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris

- par conséquent, prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la SA Promotrame et condamner la société à lui verser 4 442,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 444,82 euros au titre des congés payés afférents ainsi qu'à la somme de 29 417 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- réformer le jugement sur le quantum des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

- par conséquent, condamner la société à lui verser la somme de 22 214, 10 euros sur ce chef

A titre subsidiaire,

- juger le refus de proposition de reclassement justifié

- juger le licenciement abusif

- par conséquent, condamner la SA Promotrame à lui verser les sommes suivantes

indemnité compensatrice de préavis : 4 442, 82 euros

congés payés y afférents : 444, 28 euros

rappel d'indemnité de licenciement : 29 417 euros 56 127, 62 euros (sic)

dommages et intérêts pour licenciement abusif : 22 214, 10 euros

En tout état de cause,

- condamner la société Promotrame à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2024 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 19 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les demandes de rappels de salaire

Le salarié indique que le 17 mars 1997, la durée hebdomadaire de travail a été ramenée dans l'entreprise de 45 à 39 heures, qu'il a été précisé que les salariés bénéficieraient d'une indemnité mensuelle calculée sur la base de 3 heures supplémentaires par semaine, soit 13 heures supplémentaires par mois.

Il soutient ne pas avoir été réglé de cette somme de 173,06 euros brut par mois à compter de septembre 2018, de sorte qu'il sollicite la condamnation de son employeur au paiement des sommes suivantes:

- 519, 18 euros pour 2018 outre 51,92 euros au titre des congés payés ( 3 mois)

- 2 076,72 euros pour 2019 outre 207,67 euros au titre des congés payés (12 mois)

- 2 076,72 euros pour 2020 outre 207,67 euros au titre des congés payés (12 mois).

Il précise que si les premiers juges ont fait droit à ses demandes pour les années 2018 et 2019, ils ont omis de statuer pour l'année 2020.

Il conteste les allégations de la société selon lesquelles ses droits à congés sur ces heures auraient été pris indiquant qu'il n'a jamais bénéficié de congés payés sur ces heures qui ne lui ont pas été payées.

Il observe qu'en indiquant avoir provisionné une partie de ces sommes, la société fait l'aveu de ce qu'elle n'a pas respecté l'accord de diminution du temps de travail.

En dernier lieu, il indique que si la société lui a versé une somme de 2 077,87 euros net en prétendant qu'elle correspondait à la somme de 3 951,18 euros brut, cette somme ne correspond pas à la totalité des sommes dues soit 4 670,62 euros brut, de sorte qu'il demeure dû la somme de 719,44 euros augmentée de 71,94 euros au titre des congés payés.

La société reconnaît qu'elle était redevable du montant de la partie de salaire correspondant à l'indemnité de réduction du temps de travail soit 13 heures mensuelles à compter de septembre 2018.

Elle affirme cependant que les éléments de salaire concernés génèrent un droit au congé qui a déjà été pris en compte.

En outre, elle affirme que certaines heures ont été réglées au salarié sur la période considérée, de sorte que, suivant le décompte établi par l'expert comptable de l'entreprise, la somme due sur la période 2018/2020 se limite à 3 951,18 euros brut, somme déposée sur un compte CARPA et réglée au salarié.

Sur ce ;

Il n'est pas contesté qu'un accord de réduction du temps de travail est entré en vigueur au sein de l'entreprise à compter du 1er avril 1997 ; que la durée du travail a été ramenée de 45 à 39 heures ; qu'une indemnité mensuelle a été accordée aux salariés sur la base de 3 heures supplémentaires par semaine soit 13 heures supplémentaires par mois étant précisé que cette indemnité était à valoir sur des heures supplémentaires à venir, dans l'hypothèse où, de façon très exceptionnelle, la société serait amenée à en faire faire.

Il ressort de la lecture des bulletins de salaire de M. [U] qu'au cours de l'année 2018, il a effectué des heures supplémentaires ; qu'en mars 2019, il a perçu une 'indemnité min sup' de 65,25 heures et qu'en août 2020, il a perçu cette indemnité équivalente à 13 heures.

Au regard de ces éléments, la société, pour la période comprise entre septembre 2018 et décembre 2020, demeure en conséquence redevable de la somme de 3 951,18 euros brut au salarié au titre de cette indemnité.

Il ne ressort pas des éléments produits que le salarié ait bénéficié de ses droits à congés sur ces heures non rémunérées, de sorte que la société sera condamnée à lui verser en sus la somme de 395,11 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur la prime de 13ème mois

Le salarié soutient ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits au titre de la prime de 13 ème mois précisant n'avoir perçu que 1065,12 euros en décembre 2018 au lieu de 1615,26 euros, et avoir également été privé d'une partie de cette prime en décembre 2019.

Si la société reconnaît lui devoir la somme de 2 077,87 euros brut, il conteste le montant avancé au motif que contrairement aux allégations de l'employeur la mention 'complément de rémunération' portée sur certains de ses bulletins de paie ne correspond pas à la prime de 13 ème mois, que celle-ci n'a jamais été mensualisée.

L'employeur soutient que, certains mois, le salarié a perçu une somme intitulé 'complément de rémunération' qui correspondait à la prime de 13 ème mois, de sorte qu'il n'est redevable à ce titre, sur la période 2018/2020, que de la somme de 2 077,87 euros brut, précisant avoir déposé sur un compte CARPA la somme de 1 560,48 euros net.

Sur ce ;

L'article R 3243-1 du code du travail dispose notamment que le bulletin de paie doit indiquer la nature et le montant des accessoires de salaire soumis à cotisations.

En l'espèce, les bulletins de paie du salarié mentionnent expressément les versements de primes de 13 ème mois. Ainsi, les bulletins de paie de décembre 2018 et décembre 2019 comportent une ligne intitulée 'treizième mois'.

Il ne résulte pas des pièces produites que la prime de 13 ème mois ait été mensualisée.

L'employeur ne peut en conséquence légitimement soutenir que certaines sommes intitulées sur les bulletins de paie 'complément de rémunération' correspondaient en définitive à cette prime.

Au regard des pièces produites, il y a lieu de constater que le salarié n'a pas été intégralement rempli de ses droits au titre de la prime de 13 ème mois pour les années 2018 et 2019, de sorte que, conformément à sa demande, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande relative aux congés payés

Le salarié soutient ne pas avoir été rempli de ses droits au titre des congés payés acquis durant la relation contractuelle. Il expose que son bulletin de salaire de novembre 2020 fait état de 44 jours de congés payés acquis, soit la somme de 3850,88 euros ; que son solde de tout compte mentionne que la somme de 2 514,05 euros lui a été accordée pour l'ensemble de ses congés payés ; que l'employeur affirme qu'il pouvait prétendre à 92 jours de congés payés ; que la somme versée ne correspond pas au nombre de congés payés acquis.

L'employeur, après avoir rappelé que pour la détermination des droits à congés payés, la suspension du contrat de travail excédant une année, ne peut être assimilée en totalité à une période de travail effectif, indique que le salarié a acquis uniquement 12,5 jours de congés en octobre 2018, sur la période de référence à compter du 1er juin 2018 ainsi que 7 jours au titre de la période précédente ; qu'entre septembre 2018 et août 2019, il a continué à acquérir des jours de congés ; qu'à compter de septembre 2019, il ne pouvait plus acquérir de nouveaux jours de congés et que sur ses bulletins de paie, chaque mois 2,5 jours de congés lui ont été ajoutés par erreur.

L'employeur indique que 33,5 jours ont été réglé au salarié à hauteur de 2 514,05 euros soit 75,04 euros par jour, que sur la base de 44, 5 jours il aurait dû percevoir la somme de 3 339,28 euros, de sorte qu'il ne pourrait prétendre qu'à la somme de 825,23 euros brut à ce titre, somme réglée le 27 octobre 2023.

Sur ce ;

Les salariés peuvent prétendre à l'acquisition de droits à congés payés au titre de l'intégralité des périodes de suspension de leur contrat de travail par l'effet d'un arrêt de travail.

A compter de septembre 2018, le salarié a été placé en arrêt de travail.

L'employeur indique qu'au 31 mai 2019, le bulletin de salaire indiquait 30 jours de congés sur la période 2018/2019 et un report de 7 jours de la période précédente.

Le salarié a acquis 2,5 jours de congé par mois jusqu'à la rupture du contrat de travail, de sorte que l'employeur était redevable de 92 jours de congés payés.

Il ressort du reçu pour solde de tout compte et de la lecture du bulletin de paie que le salarié a perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 2 514,05 euros correspondant à 33,5 jours soit 75,04 euros la journée de congés payés.

L'employeur n'explique pas le montant retenu, le salarié observant qu'au regard de son taux horaire de 10,94 euros brut, une journée de congé payés correspond à 87,52 euros.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a accordé au salarié un rappel d'indemnité de congés payés à hauteur de 3 850,88 euros.

2/ Sur la rupture du contrat de travail

A titre principal, le salarié forme une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail fondée sur les manquements de l'employeur.A titre subsidiaire, il conteste la légitimité du licenciement prononcé.

L'employeur conteste avoir commis un manquement dans l'exécution de la relation contractuelle. A supposer ces manquements établis, il indique que le salarié n'a jamais formulé aucune demande avant sa saisine du conseil de prud'hommes, qu'en conséquence ces reproches n'étaient pas suffisamment graves pour justifier le prononcé d'une résiliation judiciaire du contrat de travail.

L'employeur soutient que le licenciement prononcé était légitime, que le refus du poste de reclassement par le salarié était abusif.

Sur ce ;

En cas d'action en résiliation judiciaire suivie en cours d'instance d'un licenciement, l'examen de la résiliation judiciaire revêt un caractère préalable, dans la mesure où si la résiliation du contrat est prononcée, le licenciement ultérieurement notifié par l'employeur se trouve privé d'effet. L'examen de la légitimité du licenciement n'a donc lieu d'être opéré qu'en cas de rejet de la demande de résiliation judiciaire.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtu une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie.

Il appartient au salarié d'apporter la preuve des manquements invoqués.

Des griefs anciens dont le salarié a tardé à se saisir pour introduire son action en résiliation judiciaire peuvent faire apparaître qu'ils n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et donc à justifier la résiliation judiciaire du contrat.

En l'espèce, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, le salarié reproche à l'employeur une absence de règlement de l'intégralité du salaire, des primes de 13ème mois, d'une partie de ses congés payés ainsi que l'absence de fourniture de travail, l'absence de proposition de reclassement pendant près de 8 mois après l'avis du médecine du travail.

Le non paiement de l'intégralité des congés payés dus est un manquement qui s'est produit postérieurement à la rupture de la relation contractuelle, de sorte qu'il ne peut être invoqué par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Il a été précédemment jugé que le salarié n'avait pas été intégralement rempli de ses droits au titre de son salaire en ce que l'employeur ne lui avait pas versé au cours de la relation contractuelle l'intégralité des sommes dues au titre de l'indemnité mensuelle relative à la réduction du temps de travail ainsi que l'intégralité des primes de 13 ème mois.

Cependant, il ne résulte pas des éléments produits que le salarié ait formulé une demande à son employeur à ce titre au cours de la relation contractuelle.

Il n'est pas démontré l'existence d'un refus de régularisation par la société des sommes dues.

Ces manquements anciens n'ont en conséquence pas empêché la poursuite du contrat de travail.

Si le salarié reproche à l'employeur de l'avoir laissé de nombreux mois dans l'incertitude sans lui fournir de travail, sans effectuer de proposition de reclassement, il y a lieu de constater d'une part que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude le 3 mars 2020, d'autre part que dès le 4 juin 2020 l'employeur proposait au salarié un premier poste de reclassement pour lequel ce dernier, par courrier du 10 juin 2020, sollicitait des précisions.

En raison de la position du médecin du travail, l'employeur a proposé un second poste de reclassement le 4 janvier 2021 puis un troisième le 17 mars 2021.

Le salarié ne peut légitimement soutenir ne pas avoir été destinataire de ces propositions de poste en ce qu'il a, par courriers du 10 juin 2020, 13 janvier 2020, 30 mars 2020 et 13 avril 2021 demandé des précisions à son employeur puis refusé ces postes.

Au regard de l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail, l'employeur ne pouvait autoriser la reprise d'activité du salarié sans s'assurer de la conformité du poste proposé aux préconisations médicales.

Il n'est ni allégué ni justifié de l'absence de reprise du salaire par l'employeur à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude.

Il ressort de ces éléments que l'employeur a rempli son obligation, que le salarié n'établit pas l'existence d'un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite de la relation contractuelle.

Par infirmation du jugement entrepris, le salarié doit être débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Sur la légitimité du licenciement

L'employeur soutient avoir loyalement et sérieusement procédé à la recherche de reclassement. Il indique avoir formulé une proposition de reclassement au salarié aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé en tenant compte de ses capacités résiduelles, en aménageant le poste et en lui offrant une formation adaptée.

Il observe que le salarié a refusé ce poste soutenant qu'il convient de qualifier ce refus d'abusif.

Le salarié soutient que son refus de poste n'était pas abusif en ce que la proposition de poste constituait un changement de ses conditions de travail, de sa qualification, considérant qu'il n'était pas conforme à ses capacités. Il revendique en conséquence le versement de l'indemnité de licenciement doublée ainsi que le versement d'une indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents.

Il forme en outre une demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Sur ce ;

Sur la légitimité du licenciement

Bien que reposant sur une inaptitude physique d'origine professionnelle régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement ne sera légitime que pour autant que l'employeur aura préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par l'article L 1226-10 du code du travail.

L'obligation de reclassement des salariés physiquement inaptes mise à la charge de l'employeur s'analyse en une obligation de moyen renforcée et il appartient à l'employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer par des éléments objectifs qu'il y a satisfait et que le reclassement du salarié par le biais de l'une des mesures prévues par la loi s'est avéré impossible, soit en raison du refus d'acceptation par le salarié d'un poste de reclassement adapté à ses capacités et conforme aux prescriptions du médecin du travail, soit en considération de l'impossibilité de reclassement à laquelle il se serait trouvé confronté.

En l'espèce, il y a lieu de constater que si le salarié considère son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse il n'invoque aucun moyen au soutien de sa demande, n'affirme pas, par exemple, que l'employeur n'aurait pas loyalement et pleinement rempli son obligation de reclassement, se contentant d'affirmer que son refus du poste de reclassement proposé n'était pas abusif.

En conséquence, au vu de ces éléments, il y a lieu de juger légitime le licenciement prononcé et de débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le caractère abusif du refus du poste de reclassement

La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif .

Est abusif le refus du salarié, sans motif légitime, d'un poste approprié à ses capacités et comparable à l'emploi précédemment occupé. Mais le refus par un salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur ne peut être abusif dès lors que la proposition entraîne une modification du contrat de travail.

La modification de la tâche confiée à un salarié dès l'instant où elle correspond à sa qualification ne caractérise pas une modification du contrat de travail. Cependant, si les nouvelles fonctions font glisser le salarié vers des tâches relevant manifestement d'une autre qualification, le contrat de travail est alors atteint en son objet même.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que la société a proposé au salarié un poste de reclassement d'agent administratif puis, en dernier lieu, de gestionnaire administratif en précisant que le montant de la rémunération serait identique à celle du contrat de travail précédent, que le temps de travail effectif serait de 151h67 heures par mois et qu'une formation interne lui serait proposée pour faciliter son adaptation.

Sur interrogation du salarié, l'employeur lui a confirmé par courrier du 2 avril 2021 que ses conditions de travail demeureraient inchangées, qu'il continuerait à percevoir l'indemnité compensatrice d'heures supplémentaires, lui a exposé avec précision le contenu du poste, le déroulement de la formation interne envisagée en lui précisant qu'en raison de son ancienneté dans l'entreprise, son expérience était précieuse.

Le salarié a refusé ce poste par courrier du 21 avril 2021 soutenant notamment que le poste ne répondait pas totalement aux restrictions du médecin du travail.

A hauteur de cour, le salarié soutient que ce poste aurait entraîné un changement de catégorie professionnelle et soupçonne, sans produire d'éléments, que ce poste aurait un caractère fictif.

La cour constate que l'employeur n'a pas précisé l'incidence de ce changement de poste sur la qualification du salarié.

En outre, le poste de gestionnaire administratif est différent du poste de manutentionnaire contractuellement confié à M. [U].

Au regard de ces éléments, la proposition faite au salarié entraînant une modification de son contrat de travail, son refus ne peut être qualifié d'abusif, de sorte que le salarié pouvait prétendre au versement de l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à l'indemnité spéciale de licenciement, le caractère professionnel de l' inaptitude n'étant pas contesté.

L'employeur ne contestant pas spécifiquement le quantum des sommes allouées, le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens à hauteur d'appel.

Le jugement entrepris qui a condamné l'employeur au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens est confirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort ;

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Dieppe du 30 décembre 2022 en ses dispositions relatives au rappel de prime de 13 ème mois, au rappel de congés payés, à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, au rappel d'indemnité de licenciement, à l'indemnité de procédure et aux dépens ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant:

Déboute M. [G] [U] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Juge légitime le licenciement prononcé ;

Déboute M. [G] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Condamne la société des Procédés Modernes des Traitements Métallurgiques à verser à M. [G] [U] les sommes suivantes:

- 3 951,18 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre septembre 2018 et décembre 2020 outre 395,11 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

Rejette toute autre demande ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00350
Date de la décision : 29/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-29;23.00350 ?
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