N° RG 24/01401 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JUJC
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITE
ARRET DU 25 JUILLET 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
23/00013
Jugement du tribunal judiciaire juge de l'execution d'Evreux du 25 Mars 2024
APPELANT :
Monsieur [Y] [B] assisté de son curateur
Monsieur [G] [B]
[Adresse 11]
[Localité 15]
représenté par Me Pierre DELANNAY de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'EURE
assisté par Me Pauline COSSE, de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'EURE
INTIMEES :
Madame [X] [T]
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 17]
[Adresse 12]
[Localité 9]
représentée et assistée par Me Thibaut BEAUHAIRE de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l'EURE
Etablissement Public TRESORERIE DE [Localité 18]
[Adresse 19]
[Localité 18]
n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assigné par acte d'un commissaire de justice en date du 29/04/2024
SERVICE DES IMPOTS DES PARTICULIERS DU CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES
[Adresse 19]
[Localité 18]
n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assigné par acte d'un commissaire de justice en date du 30/04/2024
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE SEINE société coopérative à capital et personnel variables, agissant poursuites et diligences de son directeur général, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 16]
[Localité 14]
représentée et assistée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN
Etablissement Public SERVICE DES IMPOTS DES PARTICULIERS
[Adresse 5]
[Localité 8]
n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assigné par acte d'un commissaire de justice en date du 30/04/2024
S.A. SASICAPA LOGICAP (SACIAC AIPAL CREDIT)
[Adresse 2]
[Localité 15]
n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assigné par acte d'un commissaire de justice en date du 30/04/2024
S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 10]
[Localité 13]
n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assigné par acte d'un commissaire de justice en date du 2/05/2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Madame GOUARIN, Présidente
Madame TILLIEZ, Conseillère
Monsieur MELLET, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame DUPONT
DEBATS :
A l'audience publique du 24 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 juillet 2024
ARRET :
Réputé contradictoire
Prononcé publiquement le 25 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, greffière présent à cette audience.
Exposé des faits et de la procedure
Par jugement réputé contradictoire du 24 janvier 2006, le tribunal d'instance de Puteaux a, entre autres dispositions, condamné M. [C] [Z] à payer à M. [Y] [B], assisté de sa curatrice, la somme de 19 382,04 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au mois de juin 2005, une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux, la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.
Ce jugement a été signifié à M. [Z] par acte d'huissier de justice délivré à sa personne le 3 avril 2006.
En garantie de la créance, une hypothèque judiciaire provisoire a été inscrite sur un bien appartenant à M. [Z] situé [Adresse 12] à [Localité 9], cadastré section ZE n°[Cadastre 3] et n°[Cadastre 4] et publiée le 9 novembre 2005, volume 2005 V n°1424. Un bordereau rectificatif a été publié le 28 décembre 2005 volume 2005 V n°1706 et un bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire définitive a été publié le 16 mars 2006 volume 2006 V n°393. Ce bordereau a été renouvelé le 29 février 2016 volume 2016 V n°220, suivi d'un bordereau rectificatif publié le 14 mars 2016 volume 2016 V n°278 et d'un second bordereau rectificatif publié le 29 mars 2016 volume 2016 V n°323.
[C] [Z] est décédé le [Date décès 7] 2007.
Par ordonnance du 26 mars 2009, le président du tribunal de grande instance d'Evreux a désigné le service du domaine, en la personne du directeur départemental des finances de la Somme, en qualité de curateur à la succession vacante de [C] [Z].
Par ordonnance du 26 janvier 2016, le président du tribunal de grande instance d'Evreux a enjoint à Me [F], notaire à [Localité 18], de communiquer à Me Baron, conseil de M. [Y] [B] assisté de sa curatrice, Mme [L] [B], l'identité et l'adresse du légataire universel de la succession de feu [C] [Z].
Par message du 6 février 2016, le notaire a informé Me Baron de ce que Mme [X] [T] était le légataire universel potentiel de [C] [Z].
Par acte d'huissier de justice délivré le 15 mai 2017 au visa de l'article 771 du code civil, le service du domaine a fait délivrer à Mme [X] [T], en sa qualité de légataire universelle de [C] [Z], une sommation de prendre parti sur la succession.
Par lettre du 5 juillet 2017, Mme [T] a informé le service du domaine de l'acceptation pure et simple de la succession de [C] [Z].
Par ordonnance du 14 novembre 2017, le président du tribunal de grande instance d'Evreux a déchargé le service du domaine de sa mission de curateur à la succession vacante de [C] [Z].
Par jugement du 16 juin 2020 rectifié par jugement du 6 octobre 2020, le tribunal judiciaire d'Evreux a déclaré Mme [T] propriétaire du bien immobilier situé [Adresse 12] à [Localité 9] et condamné Mme [T] à verser à 'M. [G] [B], pris en sa qualité de curateur' de M. [Y] [B], la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Le jugement du 16 juin 2020 a été signifié à Mme [T] par acte d'huissier de justice délivré le 1er juillet 2020 et un certificat de non-appel a été établi le 7 mai 2021. Le jugement rectificatif a été signifié le 22 octobre 2020 et un certificat de non-pourvoi établi le 16 juillet 2021.
Par acte d'huissier de justice du 23 septembre 2022, M. [Y] [B], assisté de son curateur, M. [G] [B], a fait délivrer à Mme [T] un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur le bien situé [Adresse 12] à [Localité 9] en recouvrement de la somme de 55 442,74 euros en principal, intérêts et frais due en vertu du jugement du 24 janvier 2006 et du jugement du 16 juin 2020 rectifié.
Par acte de commissaire de justice du 20 janvier 2023, M. [Y] [B] assisté de son curateur, M. [G] [B], a fait assigner Mme [T] à l'audience d'orientation.
Par jugement du 25 mars 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evreux a :
- débouté 'M. [G] [B] pris en sa qualité de curateur de M. [Y] [B]' de ses demandes ;
- débouté la CRCAM Normandie Seine de ses demandes ;
- condamné 'M. [G] [B] pris en sa qualité de curateur de M. [Y] [B]' à payer à Mme [T] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné 'M. [G] [B] pris en sa qualité de curateur de M. [Y] [B]' aux dépens.
Par déclaration du 18 avril 2024, M. [Y] [B] assisté de son curateur, M. [G] [B], a relevé appel de cette décision.
Par requête déposée au greffe le 23 avril 2024 comportant le projet d'assignation ainsi que la liste des pièces justificatives, M. [Y] [B], assisté de son curateur, a sollicité l'autorisation de faire assigner à jour fixe Mme [T], la CRCAM Normandie Seine, la trésorerie de [Localité 18], le service des impôts aux particuliers du centre de finances publiques de [Localité 18], le service des impôts des particuliers de [Localité 8], la société Sasicapa Logicap et la Société générale.
Il a été fait droit à la requête, déposée dans le délai de 8 jours de la déclaration d'appel, par ordonnance du 23 avril 2024.
L'assignation à jour fixe a été délivrée à la trésorerie de [Localité 18] et Mme [T] par acte du 29 avril 2024 à étude, au service des impôts des particuliers de [Localité 8], au centre de finances publiques de [Localité 18] et à la société Sasicapa Logicap par acte du 30 avril 2024 à personne morale, la Société générale par acte du 2 mai 2024 à personne morale et remises au greffe le 06 mai 2024.
La trésorerie de [Localité 18], le service des impôts des particuliers du centre des finances publiques de [Localité 18], le service des impôts des particuliers de [Localité 8], la société Sasicapa Logicap et la SA Société générale n'ont pas constitué avocat.
Exposé des prétentions des parties
Par dernières conclusions reçues le 11 juin 2024, M. [Y] [B], assisté de son curateur, M. [G] [B], demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et condamné au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens ;
- juger qu'il est titulaire d'une créance liquide et exigible et qu'il agit en vertu d'un titre exécutoire ;
- juger que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables ;
- mentionner le montant retenu pour sa créance à la somme de
55 995,77 euros en principal, outre les intérêts au taux légal majoré de 5 points, frais et accessoires, sauf à parfaire ultérieurement ;
- fixer la date de l'audience de vente ;
- dire qu'une visite de l'immeuble sera organisée dans les deux semaines qui précéderont la vente aux enchères à intervenir par l'huissier de justice qui a dressé le procès-verbal de description avec, si besoin, l'assistance de la force publique, d'un serrurier et d'un expert en diagnostics immobiliers ou sous toute autre modalité ;
- autoriser le créancier poursuivant à communiquer à première demande le cahier des conditions de vente et le procès'verbal de description, à tout conseil d'enchérisseur potentiel ;
- autoriser le créancier à publier une annonce sur le site internet de son choix, en ne publiant que des photographies extérieures du bien ;
- taxer les frais préalables provisoires de l'avocat poursuivant à la somme mentionnée dans l'état de frais versé par ce dernier à l'audience d'orientation;
- débouter Mme [T] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- ordonner que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente.
Par dernières conclusions reçues le 6 juin 2024, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine (la CRCAM) demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- accueillir M. [B] en sa demande tendant à voir ordonner la vente forcée du bien ;
- fixer la créance de la CRCAM à la somme de 37 109,57 euros compte arrêté au 26 janvier 2023 outre les intérêts postérieurs au taux légal majoré de 5 points et l'autoriser à venir à la distribution du prix de vente ;
- débouter Mme [T] de ses demandes ;
- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel que la Selarl Gray Scolan sera autorisée à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions reçues le 4 juin 2024, Mme [T] demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
A titre subsidiaire,
- juger la procédure de saisie immobilière disproportionnée et dire n'y avoir lieu à saisie immobilière ;
- lui accorder les plus larges délais de paiement ;
- l'autoriser à procéder à la vente amiable du bien ;
A titre infiniment subsidiaire,
- fixer la mise à prix à de plus justes proportions ;
En tout état de cause, y ajoutant,
- condamner M. [B] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés par celles-ci.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription du titre exécutoire
Pour rejeter la demande tendant à voir ordonner la vente forcée du bien objet du commandement valant saisie, le premier juge a estimé que l'exécution du titre était prescrite au motif que la règle prévue à l'article 2234 du code civil ne s'appliquait pas lorsque le titulaire de l'action disposait, au moment où cet empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription et qu'en l'espèce, si le décès de [C] [Z] intervenu en 2007 caractérisait une impossibilité d'agir dans l'attente des informations utiles sur la dévolution successorale, il n'était pas établi que cette impossibilité d'agir s'était poursuivie au-delà du 19 juin 2018 dès lors que Mme [T] avait accepté la succession le 5 juillet 2017.
L'appelant fait grief au premier juge d'avoir statué ainsi alors que le décès de [C] [Z] a placé ses créanciers dans l'impossibilité d'agir au sens des dispositions de l'article 2234 du code civil, que le délai décennal de prescription du titre a été suspendu le [Date décès 7] 2007 et qu'il disposait donc d'un délai de dix ans à compter de l'acceptation de la succession de Mme [T] le 5 juillet 2017 pour agir en saisie immobilière.
Au soutien de sa demande de confirmation du jugement, Mme [T] fait principalement valoir que M. [B] disposait d'un délai de dix ans à compter du 18 juin 2008 pour mettre à exécution le jugement du 24 janvier 2006, que les inscriptions d'hypothèque et leur renouvellement sont dépourvues d'effet interruptif, qu'il n'est pas établi en quoi la prescription n'aurait pas pu courir à l'égard de M. [B] entre la signification du jugement le 3 avril 2006 et le jugement du 16 juin 2020, que les diligences dont il est fait état sont postérieures à l'acquisition de la prescription et que M. [B] ne démontre pas d'impossibilité absolue à faire délivrer des actes interruptifs de prescription pendant le cours du délai de prescription alors que l'empêchement d'agir a pris fin à une date à laquelle le titre n'était pas encore atteint par la prescription.
Il n'est en l'espèce pas contesté que le délai de prescription décennale du titre, qui s'est substitué au délai de prescription trentenaire à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, expirait le 19 juin 2018.
Aux termes de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Cette règle ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, à la date de cessation de l'empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription.
La charge de la preuve de l'acquisition de la prescription pèse sur celui qui s'en prévaut.
Il s'ensuit que le premier juge a inversé la charge de la preuve en retenant, pour déclarer prescrit le titre exécutoire fondant les poursuites, que le créancier poursuivant ne démontrait pas que l'impossibilité d'agir s'était poursuivie au-delà du 19 juin 2018 alors qu'il appartient à Mme [T]
d'établir la date à laquelle le créancier a eu connaissance de l'identité de l'ayant droit de [C] [Z] et de démontrer qu'à la date à laquelle l'empêchement résultant du décès du débiteur avait pris fin, le créancier disposait encore du temps nécessaire pour agir.
Si Mme [T] indique avoir accepté la succession de [C] [Z] le 5 juillet 2017, elle n'établit pas la date à laquelle elle a effectué les formalités d'envoi en possession et de délivrance du leg et porté cette information à la connaissance de M. [B].
Elle ne justifie pas davantage de la date à laquelle elle a informé le créancier de l'acceptation de la succession ni de l'ordonnance rendue le 14 novembre 2017 par la présidente du tribunal d'Evreux, laquelle a déchargé le service du Domaine de la mission de curateur à la succession de [C] [Z].
Mme [T] ne démontre pas avoir informé le créancier de l'acceptation de la succession de [C] [Z] dans un délai lui permettant d'agir avant l'expiration de la prescription.
Il résulte en outre des dispositions du jugement du 16 juin 2020 que, faute pour Mme [T] d'avoir effectué les démarches nécessaires, le créancier ne pouvait exercer aucune voie d'exécution sur le bien immobilier dont le transfert de propriété n'était pas publié. Les pièces produites établissent que le jugement du 16 juin 2020 ainsi que le jugement rectificatif du 6 octobre 2020 ont été publiés le 29 avril 2021.
Il s'ensuit que la prescription a été suspendue à compter du [Date décès 7] 2007, décès de [C] [Z] et ce, au moins jusqu'au 5 juillet 2017, date de l'acceptation de la succession par Mme [T], de sorte que l'exécution du titre n'était pas prescrite à la date à laquelle le commandement de payer valant saisie a été délivré.
Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé dans ses dispositions ayant débouté M. [B] de ses demandes au motif que le titre exécutoire constituant le fondement des poursuites était prescrit.
Sur la demande de saisie immobilière
Aux termes de l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire peut procéder à une saisie immobilière.
L'article R. 322-15 du même code dispose qu'à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution, après avoir entendu les parties, vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.
En application de ces dispositions, le juge de l'exécution est tenu de vérifier que le créancier poursuivant dispose d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
En l'espèce, M. [B] verse aux débats le titre servant de fondement aux poursuites, soit en l'espèce le jugement rendu le 24 janvier 2006 par le tribunal d'instance de Puteaux et le procès-verbal de signification du jugement à M. [Z] du 3 avril 2006.
Aux termes de ce jugement désormais irrévocable, [C] [Z] a été condamné à verser à M. [B] la somme de 19 382,04 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au mois de juin 2005 compris, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyers et des charges jusqu'à la libération effective des lieux, les intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2005 sur la somme de 18 247,76 euros et du 22 août 2005 sur le surplus, la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.
Il est ainsi justifié d'un titre exécutoire au sens des dispositions de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et d'une créance liquide et exigible.
Le créancier est également fondé à poursuivre l'exécution forcée des dispositions du jugement du 16 juin 2020 signifié par acte d'huissier de justice du 1er juillet 2020 modifié par le jugement rectificatif du 6 octobre 2020 signifié le 22 octobre 2020, dont il est constant qu'il n'a pas été frappé d'appel. Aux termes de ce jugement, Mme [T] a été condamnée à payer à M. [B] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En l'absence de contestation élevée à ce titre par Mme [T], le montant de la créance de M. [B] sera mentionné à hauteur des sommes suivantes visées par le commandement valant saisie :
- 19 382,04 euros au titre des loyers impayés,
- 7 481,80 euros au titre des indemnités d'occupation,
- 24 249,49 euros au titre des intérêts au taux légal arrêtés au 6 septembre 2022,
- 500 euros au titre des frais irrépétibles afférents au jugement du 24 janvier 2006,
- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles afférents au jugement du 16 juin 2020,
- 1 829,41 euros au titre des frais,
Soit la somme de 55 442,74 euros outre intérêts et frais postérieurs.
Sur le caractère disproportionné de la saisie immobilière
Au visa des dispositions de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution, Mme [T] soutient que la procédure de saisie immobilière est disproportionnée eu égard à la fois au montant du passif allégué en principal et à sa situation personnelle.
En application des dispositions citées qui posent le principe de la liberté du créancier dans le choix des mesures d'exécution, il appartient au débiteur qui en poursuit la mainlevée d'établir que la procédure de saisie immobilière excède ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation, compte tenu notamment du montant de celle-ci.
En l'espèce, la procédure de saisie immobilière a été mise en oeuvre aux fins de recouvrement de la somme de 55 442,74 euros due à M. [B], peu important à cet égard que la créance soit composée pour partie d'intérêts dès lors qu'il est établi que la créance dont le recouvrement est poursuivi est intégralement exigible. Mme [T], qui n'a jamais effectué aucun versement, qui a fait subir au créancier ses atermoiements et sa
carence dans le cadre des opérations de dévolution successorale et qui fait état d'une situation financière modeste, ne soutient ni ne démontre que d'autres voies d'exécution étaient possibles sur son patrimoine.
Il n'est en conséquence caractérisé aucun abus de droit commis par le créancier dans l'exercice de la saisie pratiquée en exécution d'une décision de justice définitive.
La contestation élevée au titre du caractère disproportionné de la voie d'exécution mise en oeuvre doit donc être écartée.
Sur la demande de délais de paiement
Mme [T] sollicite les plus larges délais de paiement pour s'acquitter des sommes dues et soutient qu'elle est en mesure de s'acquitter du solde du moyen d'une vente en viager ou d'un prêt viager hypothécaire.
Compte tenu des ressources perçues par la débitrice, qui dispose d'une pension de retraite d'un montant mensuel de 800 euros et en l'absence de justification de toute démarche effective en vue de mettre en vente le bien ou d'obtenir un prêt, Mme [T] sera déboutée de sa demande de délais de paiement.
Sur la demande de vente amiable
Au visa des dispositions des articles L. 322-1 et suivants et R. 322-20 du code des procédures civiles d'exécution, Mme [T] demande à être autorisée à vendre amiablement le bien en faisant valoir que, âgée de 77 ans, elle souhaite conserver le bien qui constitue sa résidence et qu'elle justifie de démarches entreprises en vue d'une vente en viager.
Si les pièces versées aux débats établissent que Mme [T] a effectué des simulations en ligne en vue de la vente du bien en viager occupé ou de la souscription d'un prêt viager hypothécaire, elle ne justifie d'aucune démarche effective en vue de la mise en vente du bien.
Dès lors que la volonté de vendre le bien objet de la procédure de saisie afin de désintéresser les créanciers n'est pas caractérisée, la demande de vente amiable sera rejetée.
Sur la contestation relative à la mise à prix du bien
Si Mme [T] soutient que la mise à prix du bien à la somme de 200 000 euros n'est pas conforme à la valeur vénale du bien, elle ne produit aucune évaluation établie par un notaire ou une agence immobilière de la valeur dudit bien et se borne à verser aux débats les estimations de la valeur vénale qu'elle a elle-même établies dans le cadre des demandes de simulation de vente en viager ou de prêt viager hypothécaire.
La contestation élevée à ce titre doit en conséquence être écartée.
Sur la créance de la CRCAM
Mme [T] fait valoir que la prescription de la créance de la CRCAM est acquise au motif que la banque ne démontre pas l'impossibilité de délivrer des actes interruptifs pendant le cours de la prescription.
En réplique, la banque soutient que sa créance n'est pas prescrite aux motifs que la prescription trentenaire alors applicable n'était pas acquise à la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, que le délai de prescription a été interrompu par le décès du débiteur survenu le [Date décès 6] 2007, que l'impossibilité d'agir est caractérisée par l'ignorance dans laquelle elle se trouvait de la dévolution successorale du débiteur décédé malgré les multiples démarches effectuées pour tenter d'exécuter et rechercher les héritiers de [C] [Z].
En l'espèce, par ordonnance du 17 avril 1989, le président du tribunal d'instance de Vernon a condamné M. [C] [Z] à verser à la CRCAM la somme de 73 504,31 francs outre les intérêts au taux légal à compter du 29 mars 1989 outre les frais. L'ordonnance d'injonction de payer a été signifiée par remise de l'acte d'huissier de justice à son destinataire le 11 mai 1989.
Une inscription d'hypothèque judiciaire a été publiée et enregistrée le 21 novembre 2008, rectifiée le 13 janvier 2009 puis renouvelée le 26 octobre 2018 au profit de la CRCAM.
La CRCAM a déclaré sa créance le 8 mars 2023 pour un montant de
37 109,57 euros en principal, intérêts et frais.
Il est acquis aux débats que la prescription alors trentenaire du titre n'était pas acquise à la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et que le décès de [C] [Z] le [Date décès 7] 2007 a interrompu le délai de prescription.
Dès lors que Mme [T] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que la banque a eu connaissance de la dévolution successorale avant le 19 juin 2018, l'impossibilité d'agir du créancier à son encontre est caractérisée et le délai de prescription n'est pas acquis.
Il convient en conséquence de débouter Mme [T] de sa demande tendant à voir déclarer prescrit le titre exécutoire dont se prévaut la CRCAM.
La débitrice n'élève aucune contestation relative au montant de la créance de la banque.
Au vu des pièces versées aux débats, notamment l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire et le décompte des sommes dues, la créance de la CRCAM sera mentionnée pour un montant de 37 109,57 euros arrêté au 26 janvier 2023 et décomposé comme suit :
- 11 002,60 euros en principal,
- 26 106,97 euros au titre des intérêts au taux légal échus au 26 janvier 2023,
Outre les intérêts postérieurs au taux légal majoré de cinq points.
La banque sera autorisée à venir à la distribution du prix de vente.
Sur les frais et dépens
Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront infirmées.
Les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de la vente.
Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat qui en a fait la demande.
Mme [T] sera condamnée à verser à M. [B] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande formée à ce titre en première instance et en appel.
Elle sera également condamnée à verser à la CRCAM la somme de
1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour :
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [X] [T] de sa demande tendant à voir constater la prescription du titre fondant les poursuites de M. [Y] [B] ;
Constate que M. [Y] [B] est titulaire d'une créance liquide et exigible ;
Constate que la saisie porte sur des droits saisissables ;
Mentionne le montant retenu de la créance de M. [Y] [B] à la somme de 55 442,74 euros en principal, intérêts, frais et accessoires selon décompte arrêté au 23 septembre 2022, outre les intérêts au taux légal postérieurs à cette date ;
Déboute Mme [X] [T] de sa demande tendant à voir déclarer disproportionnée la saisie immobilière ;
Déboute Mme [X] [T] de sa demande de délais de paiement ;
Déboute Mme [X] [T] de sa demande de vente amiable ;
Déboute Mme [X] [T] de sa contestation relative à la mise à prix du bien ;
Ordonne la vente forcée du bien objet du commandement délivré le 23 septembre 2022 ;
Renvoie les parties devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de poursuite de la vente et de fixation des modalités de celles-ci ;
Déboute Mme [X] [T] de sa demande tendant à voir constater la prescription du titre fondant les poursuites de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine ;
Constate que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine est titulaire d'une créance liquide et exigible ;
Mentionne le montant retenu de la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine à la somme de 37 109,57 euros en principal et intérêts selon décompte arrêté au 26 janvier 2023, outre intérêts au taux légal postérieurs majorés de cinq points ;
Dit que la Caisse de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine viendra à la distribution du prix de vente ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de la vente et pourront être recouvrés, pour ceux qui la concernent, par le Selarl Gray & Scolan dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [X] [T] à verser à M. [Y] [B] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Condamne Mme [X] [T] à verser à M. [Y] [B] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Mme [X] [T] à verser à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Déboute Mme [X] [T] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
La greffière La présidente