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18/07/2024 | FRANCE | N°23/03151

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 18 juillet 2024, 23/03151


N° RG 23/03151 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JOZI





COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE



ARRET DU 18 JUILLET 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



1122000583

Jugement du Juge des contentieux de la protection de Louviers du 21 mars 2023





APPELANTE :



S.A. YOUNITED agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Marc ABSIRE de la Selarl DAMC,

avocat au barreau de ROUEN postulant, de la Selarl Interbarreaux HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN

substitué par Me Marion MARECHAL, avocat au barreau de ROUEN





INTIMEE :



Madame [D] [K] épouse [T]...

N° RG 23/03151 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JOZI

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 18 JUILLET 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

1122000583

Jugement du Juge des contentieux de la protection de Louviers du 21 mars 2023

APPELANTE :

S.A. YOUNITED agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Marc ABSIRE de la Selarl DAMC, avocat au barreau de ROUEN postulant, de la Selarl Interbarreaux HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN

substitué par Me Marion MARECHAL, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Madame [D] [K] épouse [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assigné par acte d'un commissaire de justice en date du 6/11/2023

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du13 juin 2024 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, Présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Monsieur MELLET, Conseiller

DEBATS :

Madame DUPONT greffière

A l'audience publique du 13 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 juillet 2024

ARRET :

Réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 18 juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame Gouarin, présidente et par Madame Dupont, greffière lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant offre préalable acceptée le 2 février 2020, la SA Younited Credit a consenti à Mme [D] [K] veuve [T] un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 52 485 euros remboursable en 84 mensualités de 690,93 euros hors assurance au taux contractuel nominal de 2,89% et au taux annuel effectif global de 5,04%.

Par lettre recommandée du 2 octobre 2021, la société Younited Credit a mis en demeure Mme [K] de régulariser les échéances impayées d'un montant de 1 763,06 euros dans un délai de 15 jours sous peine de déchéance du terme du prêt.

Le 27 décembre 2021, la société Younited Credit a prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure Mme [K] de lui régler la somme de 55 382,36 euros.

Par acte de commissaire de justice du 3 novembre 2022, la société Younited a fait assigner Mme [K] en paiement du solde du prix.

Par jugement du 21 mars 2023, le juge des contentieux de la protection de la chambre de proximité de Louviers a :

- rappelé qu'une décision de recevabilité ou un plan de surendettement en cours d'exécution n'interdisait pas au créancier d'agir en justice pour obtenir un titre exécutoire mais empêchait celui-ci, une fois le titre obtenu, de mettre en oeuvre une voie d'exécution pour le recouvrement de sa dette ;

- dit la société Younited recevable en sa demande en paiement ;

- dit la société Younited déchue de son droit aux intérêts conventionnels ;

- condamné Mme [K] à payer à la société Younited la somme de  

32 583,62 euros avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision ;

- rejeté la demande de capitalisation des intérêts ;

- condamné Mme [K] aux dépens ;

- débouté la société Younited de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Younited de toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 21 septembre 2023, la société Younited a relevé appel de cette décision.

Mme [K] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui été signifiée par acte de commissaire de justice remis à destinataire le 6 novembre 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions reçues le 20 décembre 2023, auxquelles il sera renvoyé pour exposé des moyens de celles-ci, la société Younited demande à la cour de :

- infirmer le jugement dans les limites ou pour les motifs figurant dans la déclaration d'appel ;

Statuant à nouveau sur ces points,

- dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

- condamner Mme [K] à lui payer la somme de 55 382,36 euros avec intérêts au taux de 2,89% à compter du 27 décembre 2021 et, à titre subsidiaire, à compter de l'assignation ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner Mme [K] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

Les dispositions du jugement déféré ayant déclaré l'action de la société Younited recevable comme n'étant pas forclose ne sont pas dévolues à la cour qui statuera dans les limites de l'appel.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

L'appelante fait grief au premier juge d'avoir prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au motif que le prêteur ne justifiait pas avoir évalué la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations relatives notamment à ses charges alors que les dispositions du code de la consommation, qui sont d'interprétation restrictive, n'imposent pas au prêteur d'exiger la production d'un justificatif des charges, qu'elle a obtenu la communication des pièces requises par l'article D. 312-8 du code de la consommation et qu'elle a vérifié la solvabilité de l'emprunteur.

Aux termes de l'article L. 312-16 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris les informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.

Selon l'article L. 312-17 du même code, lorsque l'opération de crédit est conclue au moyen d'une technique de communication à distance, une fiche d'information qui comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et aux charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours est fournie par le prêteur à l'emprunteur afin de contribuer à l'évaluation de la solvabilité de ce dernier et cette fiche est corroborée par des pièces justificatives à jour énumérées par l'article D. 312-8 comme suit : tout justificatif de domicile de l'emprunteur, tout justificatif du revenu de l'emprunteur et tout justificatif de l'identité de l'emprunteur.

En application de ces dispositions, la charge de la preuve de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur incombe au prêteur, lequel est tenu de se renseigner sur la capacité de l'emprunteur à faire face aux charges du prêt au regard des informations fournies et des pièces justificatives y afférentes.

En l'espèce, la société Younited justifie avoir fait compléter par Mme [K] une fiche d'informations personnelles dont il résulte que cette dernière est retraitée, qu'elle dispose de revenus mensuels d'un montant total de 1 849,03 euros, qu'elle est propriétaire de son logement et qu'elle n'a aucune personne à charge. Au titre des charges, Mme [K] fait uniquement état des mensualités des prêts qui font l'objet du contrat de regroupement de crédit litigieux.

L'établissement prêteur justifie également avoir obtenu de Mme [K] la justification de ses revenus composés d'une pension de retraite et d'une rente accident du travail, de son identité et de son domicile. La solvabilité de l'intéressée a également été vérifiée par la consultation du Ficp.

Il en résulte que le prêteur a satisfait à son obligation de vérifier la solvabilité de l'emprunteur lors de la souscription du crédit, laquelle suppose de s'assurer de la véracité des déclarations relatives aux revenus de l'intéressé par la production des justificatifs y afférents mais n'impose nullement au prêteur de solliciter les justificatifs des charges supportées par l'emprunteur, lequel est tenu d'une obligation de sincérité dans les déclarations effectuées à ce titre.

Il ne saurait en conséquence être reproché au prêteur de n'avoir pas exigé de l'emprunteur des justificatifs relatifs à ses charges dont la production n'est pas prévue par les textes précités.

Il en résulte que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels n'est pas encourue et que le jugement déféré doit être infirmé dans ses dispositions ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels en ajoutant aux textes une obligation de production d'un justificatif des charges et condamné Mme [K] au paiement de la somme de 32 583 euros correspondant au montant du capital emprunté déduction faite des règlements intervenus.

Sur la demande en paiement du solde du prêt

Aux termes de l'article L. 312-39 ancien du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

Ces dispositions sont rappelées dans le contrat au paragraphe 3.4 du contrat consacré aux conséquences de la défaillance de l'emprunteur.

Pour justifier du principe et du montant de sa créance, le prêteur verse aux débats les pièces suivantes :

- l'offre de prêt signée électroniquement le 2 février 2021,

- la convention concernant la signature électronique,

- le fichier de preuve Universign,

- la fiche d'informations relative aux revenus et aux charges de l'emprunteur,

- les justificatifs de l'identité, du domicile et des revenus de l'emprunteur,

- la fiche explicative relative au prêt amortissable à taux fixe,

- la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées,

- la notice d'informations relative à l'assurance facultative,

- la notice relative au rachat de crédits,

- le justificatif de la consultation du Ficp effectuée le 2 janvier 2021,

- le tableau d'amortissement du prêt,

- la mise en demeure préalable à la déchéance du terme du 2 octobre 2021,

- la notification de la déchéance du terme du 27 décembre 2021,

- la liste des mouvements du compte depuis la conclusion du contrat,

- le décompte des sommes dues arrêté au 9 août 2022.

Il en résulte qu'à la suite de la déchéance du terme régulièrement prononcée le 27 décembre 2021 en conséquence de la mise en demeure demeurée infructueuse et compte tenu de la justification par le prêteur du respect des obligations d'information et de vérification de la solvabilité de l'emprunteur, Mme [K] reste redevable des sommes suivantes :

- 4 138,89 euros au titre des échéances impayées,

- 47 446,73 euros au titre du capital restant dû,

- 3 795,74 euros au titre de l'indemnité de défaillance de 8% contractuellement convenue,

Soit la somme de 55 382,36 euros au paiement de laquelle il convient de condamner Mme [K], outre les intérêts au taux de 2,89% l'an sur la somme de 47 446,73 euros à compter du décompte du 9 août 2022.

Sur la capitalisation des intérêts

Le premier juge a débouté l'établissement prêteur de sa demande de capitalisation des intérêts au motif que le préjudice subi par le prêteur était déjà réparé par la condamnation du débiteur au paiement des sommes dues.

Aux termes de l'article L. 312-38 ancien du code de la consommation, aucune indemnité ni aucun frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

Ces dispositions font obstacle à la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil.

Le jugement sera en conséquence confirmé, par motif substitué, dans ses dispositions ayant rejeté la demande de capitalisation des intérêts.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront infirmées.

Mme [K] devra supporter la charge des dépens d'appel et verser à la société Younited la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement dans ses dispositions ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la Sa Younited et condamné Mme [K] au paiement de la somme de 32 583,62 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts conventionnels ;

Condamne Mme [D] [K] veuve [T] à verser à la SA Younited la somme de 55 382,36 euros augmentée des intérêts au taux de 2,89% l'an sur la somme de 47 446,73 euros à compter du 9 août 2022 ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] [K] veuve [T] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [D] [K] veuve [T] à payer à la SA Younited la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre de la proximité
Numéro d'arrêt : 23/03151
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;23.03151 ?
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