N° RG 23/02982 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JONS
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITE
ARRET DU 18 JUILLET 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
11-22-383
Jugement du Tribunal de proximite de Bernay du 30 juin 2023
APPELANTE :
S.A. SOCIÉTÉ CREDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE (CFCAL) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Pascale BADINA de la Selarl Cabinet BADINA et ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN postulant de Me Stéphanie BORDIEC, membre de la Sas MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMES :
Madame [W] [D] épouse [B]
née le [Date naissance 1] 1950 À [Localité 8] (27)
[Adresse 6]
[Localité 3]
n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assignée par acte d'un commissaire de justice en date du 31/10/2023
Monsieur [V] [B]
né le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 7] (27)
[Adresse 6]
[Localité 3]
n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assigné par acte d'un commissaire de justice en date du 31/10/2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 juin 2024 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, Présidente, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Madame GOUARIN, Présidente
Madame TILLIEZ, Conseillère
Monsieur MELLET, Conseiller
DEBATS :
Madame DUPONT greffière
A l'audience publique du 13 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 juillet 2024
ARRET :
Réputé contradictoire
Prononcé publiquement le 18 juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par madame Gouarin, présidente et par madame Dupont, greffière lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant offre préalable acceptée le 18 mars 2020, la SA Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine (le CFCAL) a consenti à M. [V] [B] et à Mme [W] [D] épouse [B] un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 44 100 euros remboursable en 60 mensualités de 782,66 euros au taux contractuel nominal de 2,50% l'an et au taux effectif global de 5,67% l'an.
Par lettres recommandées du 5 novembre 2021, le prêteur a mis en demeure les emprunteurs de lui régler la somme de 5 074,52 euros au titre des mensualités impayées dans un délai de quinze jours sous peine de déchéance du terme du prêt.
Par lettres recommandées du 1er avril 2022, le CFCAL a prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure M. et Mme [B] de lui régler la somme de 36 721,74 euros.
Par acte d'huissier de justice du 10 octobre 2022, le CFCAL a fait assigner M. et Mme [B] en paiement du solde du prêt.
Par jugement réputé contradictoire du 30 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Bernay a :
- déclaré la société CFCAL recevable en ses demandes ;
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts ;
- condamné solidairement M. et Mme [B] à payer au CFCAL la somme de 24 065,66 euros au titre du solde du crédit, avec intérêts au taux légal dispensés de majoration à compter de la signification du jugement ;
- accordé à M. et Mme [B] des délais de paiement de 24 mois ;
- débouté le CFCAL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté le CFCAL de ses demandes plus amples ou contraires ;
- condamné in solidum M. et Mme [B] aux dépens.
Par déclaration du 29 août 2023, le CFCAL a relevé appel de cette décision.
M. et Mme [B] n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel leur a été signifiée par remise de l'acte du commissaire de justice à leur personne respective le 31 octobre 2023.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions reçues le 29 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens de celles-ci, le CFCAL demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, condamné solidairement M. et Mme [B] au paiement de la somme de 24 065,66 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et 1 000 euros au titre de l'indemnité de 8% assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;
Statuant à nouveau sur ces points,
- condamner solidairement M. et Mme [B] au paiement de la somme de 64 351,71 euros assortie des intérêts au taux de 2,60% sur la somme de
59 523,97 euros à compter du 30 avril 2022 et au taux légal pour le surplus ;
Y ajoutant,
- condamner solidairement M. et Mme [B] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement M. et Mme [B] aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Les dispositions du jugement ayant déclaré recevable comme n'étant pas forclose l'action du prêteur et ayant accordé des délais de 24 mois à M. et Mme [B] ne sont pas déférées à la cour par la déclaration d'appel.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
L'appelante fait grief au premier juge d'avoir prononcé la déchéance du droit aux intérêts aux motifs que le prêteur ne produisait pas la notice d'assurance remise aux emprunteurs et ne qu'il ne justifiait pas de sa remise effective à ces derniers sans l'avoir mise en mesure de formuler ses observations sur le moyen relevé d'office et alors que le prêt n'était assorti d'aucune proposition d'assurance.
Si le CFCAL reproche au premier juge d'avoir relevé d'office le moyen tiré du défaut de justification de la remise d'une notice d'assurance sans le soumettre au débat contradictoire, il ne sollicite pas l'annulation du jugement pour ce motif de sorte que le moyen est inopérant.
Aux termes de l'article L. 312-29 du code de la consommation, lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice est fournie à l'emprunteur sur support papier, ou sur tout autre support durable.
Il résulte des pièces contractuelles versées aux débats que le contrat de regroupement de crédits signé par M. et Mme [B] ne comportait aucune exigence d'assurance obligatoire ni aucune proposition d'assurance facultative de sorte qu'il ne saurait être fait grief au prêteur de ne pas justifier de la remise d'une notice d'assurance aux emprunteurs. Les emprunteurs ont d'ailleurs signé une fiche intitulée 'mise en garde concernant l'absence de couverture d'assurance' aux termes de laquelle ils ont été informés que le montant financé n'était pas couvert par une assurance emprunteur, que dans l'hypothèse d'un décès, d'un arrêt de travail prolongé ou d'une perte d'emploi, les échéances du prêt ou le capital resteraient à leur charge ou à celle de leurs ayants droit et qu'ils disposaient de la faculté de souscrire une assurance auprès de l'assureur de leur choix et de la proposer en garantie au prêteur.
Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé dans ses dispositions ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour ce motif.
Sur la demande en paiement du solde du prêt
Selon l'article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt et le prêteur pourra demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice des articles 1152 et 1231 du code civil sera fixée suivant un barème déterminé par décret.
Au soutien de sa demande en paiement du solde du prêt, le CFCAL verse aux débats les pièces suivantes :
- l'offre de prêt régulièrement acceptée le 18 mars 2020,
- la fiche de dialogue et les justificatifs y afférents,
- la fiche de renseignements client,
- la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées,
- la fiche de mise en garde relative à l'assurance,
- la fiche d'informations relative au regroupement de crédits,
- le justificatif de la consultation du FICP effectuée le 12 mars 2020 pour chacun des emprunteurs,
- le tableau d'amortissement,
- l'historique des mouvements du compte,
- les mises en demeure préalables à la déchéance du terme,
- les lettres de notification de la déchéance du terme,
- le décompte de la créance arrêté au 14 avril 2023.
Il en résulte que le prêteur, qui justifie du respect de l'obligation d'information des emprunteurs et de l'obligation de vérification de la solvabilité de ces derniers, qui lui incombent, est fondé à se prévaloir de l'exigibilité de l'intégralité des sommes dues à la suite de la déchéance du terme régulièrement prononcée à hauteur des sommes suivantes :
- 5 478,62 euros au titre des échéances impayées,
- 39,93 euros au titre des intérêts de retard impayés,
- 28 565,66 euros au titre du capital à échoir,
- 2 637,53 euros au titre de l'indemnité contractuelle de défaillance de 8%,
- 851,24 euros au titre des intérêts impayés au 31 mars 2022,
Dont à déduire la somme de 4 500 euros versée entre le prononcé de la déchéance du terme et la date du décompte arrêté au 14 avril 2023.
Soit la somme de 33 072,98 euros au paiement de laquelle M. et Mme [B] seront solidairement condamnés, outre les intérêts au taux de 2,50% sur la somme de 28 565,66 euros à compter du 1er avril 2023 et les intérêts au taux légal sur la somme de 2 637,53 euros à compter de la mise en demeure du 1er avril 2022, étant relevé que la somme de 64 351,71 euros réclamée par l'appelante au dispositif de ses conclusions n'est pas explicitée par les motifs desdites conclusions ni corroborée par aucun décompte et qu'il n'y a pas lieu d'inclure dans les sommes dues les frais de contentieux qui relèvent soit des dépens soit des frais irrépétibles.
Sur les frais et dépens
Les dispositions du jugement déféré ayant condamné in solidum M. et Mme [B] aux dépens et débouté le CFCAL de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ne sont pas dévolues à la cour.
M. et Mme [B] devront supporter in solidum la charge des dépens d'appel et verser au CFCAL la somme de 1 000 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour :
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur ;
Condamne solidairement M. [V] [B] et Mme [W] [D] épouse [B] à verser à la SA Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine la somme de 33 072,98 euros, outre les intérêts au taux de 2,50% sur la somme de 28 565,66 euros à compter du 1er avril 2023 et les intérêts au taux légal sur la somme de 2 637,53 euros du 1er avril 2022 ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [V] [B] et Mme [W] [D] épouse [B] aux dépens d'appel ;
Condamne in solidum M. [V] [B] et Mme [W] [D] épouse [B] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente