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12/07/2024 | FRANCE | N°23/01218

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 23/01218


N° RG 23/01218 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JKUZ





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 12 JUILLET 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



19/01371

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 07 Mars 2023







APPELANTE :



CPAM DE [Localité 6]-[Localité 5]-[Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN>










INTIMEE :



Madame [D] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Corinne MORIVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de DIEPPE

























COMPOSITION DE LA COUR  :



En applica...

N° RG 23/01218 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JKUZ

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 12 JUILLET 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/01371

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 07 Mars 2023

APPELANTE :

CPAM DE [Localité 6]-[Localité 5]-[Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Madame [D] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Corinne MORIVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de DIEPPE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 29 Mai 2024 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 29 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 12 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] [Localité 5] [Localité 4] (la caisse) a effectué un contrôle de la conformité des facturations de Mme [D] [U], infirmière libérale, sur la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018.

Elle lui a notifié un indu de 54 863,42 euros, le 14 mars 2019.

Mme [U] a saisi la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté partiellement sa demande le 27 mai 2021.

Entre temps, Mme [U] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.

Par jugement du 7 mars 2023, le tribunal a :

- annulé l'indu à hauteur de 34 009,44 euros,

- condamné Mme [U] à payer à la caisse la somme de 7 756,93 euros,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Mme [U] aux dépens.

La caisse a relevé appel du jugement le 3 avril 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 27 juillet 2023, soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'indu à hauteur de 34 009,44 euros,

- le confirmer pour le restant,

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 41 766,37 euros.

Par conclusions remises le 26 juillet 2023, soutenues oralement à l'audience, Mme [U] demande à la cour de :

- débouter la caisse de ses demandes,

- confirmer le jugement,

- condamner la caisse aux dépens et à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur le respect de l'article 10 de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) - 12'619 anomalies pour un montant de 32 821,68 euros

La caisse fait valoir que pour les actes soumis à une obligation d'accord préalable, c'est la réception par elle, de la demande d'entente préalable, qui constitue le point de départ du délai d'acceptation tacite ; que si rien n'oblige un infirmier à adresser sa demande d'entente préalable par courrier recommandé, la nomenclature détermine une obligation de traçabilité de l'envoi et de la réception. La caisse soutient qu'il est reproché à Mme [U] de ne pas avoir adressé de demandes d'accord préalable pour l'administration et la surveillance d'une thérapeutique orale au domicile des patients présentant des troubles psychiatriques avec établissement d'une fiche de surveillance, au-delà du premier mois, par passage, de sorte que les actes facturés ont été réglés par le service administratif de l'assurance-maladie, sans avoir pu faire l'objet d'un contrôle du service médical et que des demandes, qui n'ont jamais été réceptionnées, n'ont pu être implicitement acceptées. Elle considère que l'intimée ne peut arguer d'une faute résultant du paiement des actes sans vérification et de ce qu'elle disposait d'un accord préalable, alors que le contrôle a posteriori des règles de facturation est reconnu et encadré par la loi. Elle explique que le service administratif a rarement accès aux demandes d'accord préalable et qu'au regard de l'importance des flux réceptionnés, le contrôle administratif intervient le plus souvent a posteriori. Elle considère qu'il ne peut être déduit du règlement qu'elle opère des facturations télétransmises ou transmises par voie postale, la preuve de la réception des demandes d'accord préalable. Elle fait remarquer que le procès-verbal de constatation d'huissier de justice du 30 janvier 2020, produit aux débats par l'intimée, montre que la demande d'entente préalable a été établie et éditée à une date donnée mais ne fait pas mention de la date d'envoi de cette demande. Elle soutient qu'aucune prise en charge ne peut lui être imposée lorsque les formalités de l'entente préalable n'ont pas été accomplies et que les demandes produites tardivement par l'intimée ne sont pas recevables, ne permettant pas la régularisation des facturations. Elle indique enfin que la commission de recours amiable n'a accepté aucun des actes litigieux facturés en l'absence de demande d'accord préalable.

Mme [U] expose que le modus operandi qu'elle exécute, concernant les demandes d'entente préalable, est le même depuis qu'elle exerce la profession d'infirmière libérale, soit depuis 1993 ; qu'elle les adresse, avec la prescription médicale, soit par voie postale, soit dans une enveloppe déposée directement dans la boîte aux lettres dédiée de la caisse ; que les ordonnances sont envoyées par télétransmission alors que les demandes d'accord préalable ne peuvent pas l'être, la plate-forme informatique de la caisse ne le permettant pas. Elle soutient qu'aucun formalisme n'est prévu par les textes et que pour chacun des 12'619 actes concernés, elle a bien formulé une demande d'accord préalable considérée comme étant acceptée implicitement, à défaut de réponse sous 15 jours ; que la caisse a réglé les facturations pendant deux ans sans faire état de difficulté. Elle considère que celle-ci est fautive de l'avoir fait sans s'être assurée de l'accord préalable. Mme [U] indique avoir conservé les formulaires de demande d'accord préalable dans son ordinateur, lesquels sont enregistrés dans son logiciel VEGA, ce qui démontre le respect de la procédure applicable et explique que lorsqu'elle enregistre la demande en vue de son édition, elle ne la poste pas le jour même mais avant l'expiration du délai d'un mois courant à compter de la prescription puisque la demande d'entente préalable porte précisément sur les soins devant intervenir plus d'un mois après la prescription. Selon elle, le fait que la date d'envoi ne soit pas mentionnée dans l'ordinateur se justifie par l'absence de possibilité d'effectuer un envoi à la caisse via cet outil. Elle considère qu'il est contradictoire de la part de la caisse de soutenir qu'aucune demande n'a été reçue, alors que la commission de recours amiable a reconnu que pour certains dossiers litigieux une demande d'autorisation d'entente préalable avait bien été adressée et reçue. Elle fait observer que depuis la réclamation de l'indu, elle a envoyé en recommandé, pendant un certain temps, toutes ses demandes d'accord préalable et que la caisse n'accuse pas réception de l'ensemble des envois. Elle considère que la caisse, en ne permettant pas de justifier de l'envoi des demandes d'entente préalable et en le reprochant ensuite au professionnel, commet un abus de droit.

Sur ce :

Il résulte de l'article 7 de la NGAP que la caisse d'assurance maladie ne participe aux frais résultant de certains actes que si, après avis du contrôle médical, elle a préalablement accepté de les prendre en charge, sous réserve que l'assuré remplisse les conditions légales d'attribution des prestations ; que sont soumis à la formalité de l'accord préalable, les actes ou traitements pour lesquels cette obligation d'accord préalable est indiquée par une mention particulière ou par la lettre AP ; que lorsque l'acte doit être effectué par un auxiliaire médical, la demande d'accord préalable doit être accompagnée de l'ordonnance médicale qui a prescrit l'acte ou de la copie de cette ordonnance ; que les demandes d'accord préalable sont établies sur des imprimés conformes aux modèles arrêtés par le ministre des affaires sociales et de la santé ; que le délai au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la date de réception de la demande d'accord préalable ; que la réponse de la caisse d'assurance maladie doit être adressée au malade et en copie au praticien, au plus tard le 15ème jour à compter de la date de réception de la demande par le service du contrôle médical, la caisse ou la mutuelle ; que le silence gardé pendant plus de quinze jours par cet organisme sur la demande de prise en charge vaut décision d'acceptation.

Par ailleurs, en application de l'article 10 de la NGAP, l'administration et la surveillance d'une thérapeutique orale au domicile des patients présentant des troubles psychiatriques avec établissement d'une fiche de surveillance, au-delà du premier mois, par passage, nécessite un accord préalable du service du contrôle médical.

Aucune prise en charge ne peut être imposée à l'organisme lorsque les formalités de l'entente préalable n'ont pas été accomplies, soit par l'assuré, soit par le professionnel de santé qui fait bénéficier ce dernier de la dispense d'avance des frais. La constatation de la bonne foi de l'assuré est inopérante à cet égard.

Il appartient au praticien d'établir qu'il a accompli les formalités de l'entente préalable et de rapporter, par tous moyens, la preuve de l'envoi de la demande.

Contrairement à ce qu'indique Mme [U], la commission de recours amiable n'a pas annulé des indus fondés sur le non-respect de l'article 10 puisqu'elle a retenu que les justificatifs produits n'étaient pas recevables, le caractère préalable n'ayant pas été respecté.

Les pièces produites (attestations, constat d'huissier de justice, version papier des demandes d'entente préalable mentionnant la date à laquelle elles ont été établies) ne permettent pas de démontrer que ces demandes ont été adressées à la caisse et qu'une autorisation implicite est née d'une absence de réponse de celle-ci.

L'indu est en conséquence justifié et le jugement doit être infirmé.

2. Sur les facturations d'actes au-delà de la validité de prescription (1 166,40 euros) et les facturations non conformes à la prescription (21,36 euros)

La prescription médicale, éventuellement complétée, doit être antérieure à la réalisation de l'acte. Le droit à remboursement s'apprécie au moment de la réalisation de celui-ci et il ne peut donc être tenu compte d'une rectification de la prescription a posteriori.

- s'agissant du patient M. [Y]

Le tribunal a annulé l'indu d'un montant de 948,05 euros validé par la commission de recours amiable concernant des soins facturés au-delà de la validité d'un mois d'une prescription médicale du 12 décembre 2016, au motif que Mme [U] versait aux débats l'ordonnance comportant la mention à renouveler pour trois mois.

La caisse soutient que l'ordonnance du 12 décembre 2016 qui lui a été transmise ne précise pas qu'elle est renouvelable pour trois mois.

Mme [U] indique que seule la qualité du double de l'ordonnance, en possession de la caisse, explique que la mention 'AR 3 mois' ne soit pas lisible.

Cependant, il ressort de la comparaison des deux copies de l'ordonnance litigieuse, que l'absence de mention du renouvellement pour trois mois, sur le document transmis à la caisse, ne résulte pas d'un problème de qualité du duplicata et que la mention litigieuse a été ajoutée a posteriori. L'indu doit dès lors être confirmé et le jugement infirmé de ce chef.

- s'agissant du patient M. [L]

Le tribunal a annulé l'indu de 228,93 euros au motif que Mme [U] produisait une ordonnance du 25 avril 2017 prescrivant des soins jusqu'au 30 septembre 2017, ainsi qu'une prescription du 20 septembre 2017 prescrivant des soins jusqu'au 24 janvier 2018.

La caisse indique qu'il est reproché à l'infirmière d'avoir facturé des actes au-delà de la validité de la prescription médicale du 1er octobre 2016, valable jusqu'au 31 mars 2017 ; que l'ordonnance du 25 avril 2017 est produite pour les besoins de la cause et que seule celle d'octobre 2016 lui a été transmise pour obtenir le règlement des actes litigieux.

Il ressort de l'aperçu informatique des décomptes produit par la caisse, que la prescription enregistrée à l'appui des soins dispensés avant et après le 31 mars 2017 est celle du 1er octobre 2016, ce dont il résulte que la prescription établie le 25 avril 2017 (prenant effet le 1er avril) ne permet pas de régulariser les facturations litigieuses. L'indu est par suite confirmé et le jugement infirmé de ce chef.

- s'agissant du patient M. [T]

La caisse a retenu un indu de 21,36 euros au motif que Mme [U] avait facturé deux fois à tort un acte AMI 1,5, une indemnité de déplacement (IFA), une majoration d'acte unique (MAU) et des indemnités kilométriques (IK), les 11 avril et 11 juin 2017.

Le tribunal a annulé l'indu en retenant que même si ce n'était pas une ordonnance du 27 mars 2017 prescrivant dix prises de sang qui avait été télétransmise à la caisse pour justifier la facturation, il convenait de retenir que les actes litigieux n'avaient pas été facturés à tort.

L'ordonnance du 21 mars 2017, transmise à la caisse à l'appui de la facturation, ainsi qu'il résulte de l'aperçu informatique des décomptes, prescrit un seul prélèvement à réaliser au domicile du patient.

La production a posteriori d'une ordonnance différente ne permet pas de valider les actes facturés, de sorte que le jugement qui a annulé l'indu est infirmé.

3. Sur les frais du procès

Mme [U] qui perd le procès est condamnée aux dépens d'appel. Elle est par ailleurs déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 7 mars 2023 sauf en ce qu'il a annulé l'indu notifié à Mme [D] [U] à hauteur de 34 009,44 euros et l'a condamnée à payer à la caisse la somme de 7 756,93 euros ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne Mme [U] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] [Localité 5] [Localité 4] la somme de 41 766,37 euros ;

La condamne aux dépens d'appel et la déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/01218
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;23.01218 ?
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