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12/07/2024 | FRANCE | N°23/01032

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 23/01032


N° RG 23/01032 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JKIU





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 12 JUILLET 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



22/00655

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 27 Février 2023







APPELANT :



Monsieur [Z] [I] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Sophie LE MASNE DE CHERMONT, avocat au barreau de ROUEN substituée par M

e Marion DODEUR, avocat au barreau de ROUEN











INTIMEE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE RED

[Adresse 1]

[Localité 6]



représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

























...

N° RG 23/01032 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JKIU

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 12 JUILLET 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/00655

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 27 Février 2023

APPELANT :

Monsieur [Z] [I] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Sophie LE MASNE DE CHERMONT, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Marion DODEUR, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE RED

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 29 Mai 2024 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 29 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 12 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] [Localité 5] [Localité 4] a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels un accident du travail dont a été victime, le 5 juillet 2010, M. [Z] [I] [V].

La caisse a déclaré l'état de santé de l'assuré guéri au 15 septembre 2010.

M. [V] a déclaré une rechute, suivant certificat médical du 25 février 2017, mentionnant ' réminiscence anxieuse, cauchemars, dépression en lien avec souvenir de [l']explosion, évoquant un syndrome de stress post-traumatique'.

La rechute a été reconnue comme étant imputable à l'accident du travail, après mise en 'uvre d'une expertise médicale. La caisse a fixé la date de consolidation de l'état de santé au 31 août 2021 et a notifié à l'intéressé, le 10 mars 2022, l'attribution d'un taux d'incapacité permanente (IPP) de 0 %.

M. [V] a contesté cette décision devant la commission médicale de recours amiable qui a fixé son taux d'IPP à 5 %, en sa séance du 17 août 2022.

M. [V] a saisi le tribunal judiciaire de Rouen d'un recours contre les décisions implicite et explicite de rejet de la commission.

Par jugement du 27 février 2023, le tribunal a :

- ordonné la jonction des procédures,

- débouté M. [V] de ses demandes,

- condamné celui-ci aux dépens.

M. [V] a relevé appel de ce jugement le 17 mars 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 21 avril 2023, soutenues oralement, M. [V] demande à la cour de :

- infirmer ou à défaut réformer la décision,

- annuler la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse,

- majorer le taux d'IPP global de 5 % qui lui a été attribué à hauteur de 15 % à tout le moins,

- ordonner à la caisse de lui notifier un nouveau taux d'incapacité,

- condamner celle-ci aux dépens et au paiement d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose qu'au moment de l'accident du travail, il travaillait comme salarié intérimaire, chargé de l'étanchéité sur un chantier ; qu'une bouteille de gaz a explosé et qu'en voulant éteindre l'incendie, il a inhalé des fumées qui lui ont causé des troubles respiratoires ; qu'il a présenté notamment des acouphènes et une hypoacousie au niveau de l'oreille droite ; que la rechute a été déclarée pour un syndrome de stress post-traumatique et qu'il est en arrêt de travail de façon continue depuis le 25 février 2017. M. [V] soutient qu'il subit, sur le plan physiologique, un déficit consistant en des acouphènes et des vertiges et qu'il subit surtout un retentissement psychologique, n'ayant jamais connu la nécessité d'être suivi par un psychologue ou un psychiatre avant l'accident du travail. Il qualifie son état d'anxiété de très intense, avec oppression thoracique, appétits irréguliers, sentiment de tristesse accompagné de pleurs, troubles du sommeil entraînant une asthénie fréquente. Il fait valoir que le sapiteur parisien, interrogé par le médecin-conseil de la caisse, qui a retenu un état antérieur d'alcoolisme et de polytoxicomanie, l'a examiné sans être en possession de son dossier médical et a rédigé son rapport sur la base des seules réponses à ses questions. Il précise qu'avant de l'interroger, le médecin-conseil avait fixé son taux d'IPP à 15 %.

Il soutient en outre qu'il ne peut plus travailler et perçoit actuellement le revenu de solidarité active ; qu'il a été placé en invalidité de première catégorie depuis juin 2022, de sorte que son accident a, de façon certaine, un impact professionnel, alors qu'il avait un emploi stable avant l'accident.

Par conclusions remises le 4 avril 2024, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- débouter M. [V] de ses demandes,

- le condamner aux dépens.

Elle fait valoir qu'à la date de consolidation de l'état de santé, au 31 août 2021, son médecin-conseil a relevé que les séquelles du traumatisme, traité médicalement, sur un état antérieur au niveau psychologique, n'étaient pas imputables à l'accident du travail mais à l'état antérieur, que les acouphènes n'étaient pas indemnisables selon le barème et qu'il n'existait pas de séquelles indemnisables du traumatisme ORL. Elle rappelle que la commission médicale de recours amiable est composée de deux médecins et que l'appelant ne produit aucun élément utile, contemporain de la date de consolidation, permettant de contester le taux fixé par cette commission. Elle soutient qu'un état pathologique antérieur à l'accident n'est pas pris en compte dans l'estimation du taux d'incapacité s'il n'a pas été aggravé par les séquelles de l'accident et que l'appelant ne démontre pas que l'accident a aggravé son état antérieur. Elle considère que le fait de n'avoir eu aucun suivi psychiatrique avant l'accident ne signifie pas que l'état antérieur n'avait pas déjà été révélé.

La caisse considère que l'audiogramme tonal réalisé 13 ans après l'accident du travail ne peut permettre d'établir un lien entre l'accident et une éventuelle perte auditive.

S'agissant de l'attribution d'un taux professionnel, la caisse considère que la preuve d'une incidence professionnelle n'est pas rapportée à la date de la consolidation des séquelles.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur le taux d'IPP

En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

L'incapacité permanente est appréciée à la date de la consolidation de l'état de la victime.

L'aggravation, due entièrement à un accident du travail, d'un état pathologique antérieur n'occasionnant auparavant aucune incapacité doit être indemnisée en sa totalité au titre de l'accident du travail.

M. [V] était âgé de 56 ans à la date de la consolidation de son état de santé, après la rechute.

Le médecin-conseil de la caisse a retenu l'existence d'un état antérieur interférant consistant en des antécédents d'addictions multiples avec traitement (toujours sous Subutex). Il indique dans son rapport d'évaluation du taux d'IPP, établi le 17 février 2022, que M. [V] est en arrêt de travail depuis le 25 février 2017, est suivi par un psychiatre depuis mars 2017, reçoit un traitement (un médicament pour réduire la consommation d'alcool, un antidépresseur et un troisième qui est un antipsychotique pouvant être utilisé pour traiter une dépression résistante). Il rapporte que selon l'assuré le stress post-traumatique s'est déclenché quand il est allé conduire ses jumeaux à l'école pour la première fois, dès lors que le chantier où avait eu lieu l'explosion était situé dans une école mais que M. [V] conduit ses enfants à l'école tous les jours, sans évitement du lieu. Le médecin sapiteur qui l'a examiné le 10 février 2022 indique qu'il n'y a pas d'éléments dissociatifs ni délirants, pas de ralentissement psychomoteur, pas d'humeur triste, pas d'altération de l'élan vital et que l'entretien ne révèle absolument aucune séquelle de l'accident du travail.

Le médecin-conseil indique encore que M. [V] a vu un médecin ORL, le 13 août 2019, pour des acouphènes et n'a reçu ni traitement ni appareillage auditif. Les acouphènes ne gênent pas le sommeil et aucune perte auditive n'est alléguée.

La commission médicale de recours amiable rapporte qu'à l'examen du médecin-conseil, l'humeur est triste mais sans retentissement sur les activités de la vie quotidienne, qu'il est fait état d'une oppression thoracique ressentie, de troubles du sommeil, d'une lassitude ressentie, d'une dévalorisation, d'une absence d'idéation suicidaire, d'un discours logorrhéique sans tristesse apparente. Elle a retenu un taux d'IPP de 5 % pour la possible participation (réduite) de l'accident à l'état psychique actuel en relevant que les éléments du syndrome de stress post-traumatique n'étaient pas au complet et qu'il existait un état interférant.

Le médecin consultant du tribunal a constaté que l'assuré présentait un état de stress traumatique, avec état antérieur et bénéficiait d'une invalidité de catégorie 1 (attribuée à compter du 19 novembre 2021), estimant que le taux de 5 % d'IPP retenu par la commission médicale de recours amiable était justifié.

Il est constant que le chapitre 5.5 du barème indicatif d'évaluation des accidents du travail, relatif aux oreilles, prévoit une indemnisation des acouphènes gênant le sommeil et accompagnant une baisse de l'acuité auditive, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Toutefois, la juridiction n'est pas liée par le barème et il y a lieu de tenir compte des acouphènes qui occasionnent une gêne objective.

Suivant le chapitre 4.2.1.11 du barème(névroses post-traumatiques), le syndrome névrotique anxieux, hypocondriaque, cénesthopatique, obsessionnel, caractérisé, s'accompagnant d'un retentissement plus ou moins important sur l'activité professionnelle de l'intéressé est évalué à hauteur de 20 à 40 %.

Dans un courriel du 12 octobre 2020, le psychiatre de l'assuré indiquait qu'il ne pouvait travailler actuellement. La commission médicale de recours amiable indique qu'il ne travaille pas mais que la cause est multifactorielle. La catégorie 1 de l'invalidité signifie que l'assuré présente un état d'invalidité réduisant des 2/3 au moins sa capacité de travail.

Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas établi que l'état antérieur de M. [V] avait occasionné une incapacité. Par ailleurs, l'accident du travail a aggravé cet état dès lors qu'à partir de la rechute, l'assuré a dû être pris en charge au niveau psychiatrique et recevoir un traitement par antidépresseur. Le taux d'IPP ne peut en conséquence être réduit en raison de l'état antérieur. Toutefois, au regard des séquelles de la rechute à la date de la consolidation, le taux est fixé à 10 %.

Le jugement est par suite infirmé.

2. Sur les frais du procès

La caisse qui perd le procès est condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il est équitable qu'elle paie à M. [V] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

la cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 27 février 2023 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Fixe le taux d'IPP de M. [Z] [I] [V] à la suite de la rechute imputable à son accident du travail du 5 juillet 2010, consolidée au 31 août 2021, à 10 % ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] [Localité 5] [Localité 4] aux dépens de première instance et d'appel ;

La condamne à payer à M. [V] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/01032
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;23.01032 ?
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