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12/07/2024 | FRANCE | N°23/00941

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 23/00941


N° RG 23/00941 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JKCG





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 12 JUILLET 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



19/00070

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 20 Février 2023







APPELANTE :



Madame [D] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Patricia RIQUE-SEREZAT de la SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau

du HAVRE











INTIMEE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

























COMPOSITION DE LA COUR...

N° RG 23/00941 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JKCG

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 12 JUILLET 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/00070

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 20 Février 2023

APPELANTE :

Madame [D] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Patricia RIQUE-SEREZAT de la SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 Mai 2024 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 16 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 12 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 2 octobre 2017, Mme [D] [S], salariée de la société [6] en qualité d'"agent documentation import" a été victime d'un accident du travail : alors qu'elle était au volant de son véhicule, arrêtée au feu rouge, une voiture l'a percutée par l'arrière.

Le certificat médical initial a fait état de cervicalgies post AVP, avec impotence fonctionnelle, et de douleurs dorsales diffuses.

Par lettre du 2 mai 2018, la caisse primaire d'assurance maladie a indiqué à Mme [S] que le médecin conseil avait fixé la consolidation de ses lésions au 30 avril 2018.

Contestant cette décision, Mme [S] a sollicité une expertise médicale technique, qui a été réalisée le 30 août 2018 par le Dr [T]. Celui-ci a émis l'avis suivant : « oui, l'état de l'assurée, victime d'un accident du travail le 02/10/2017 pouvait être considéré comme consolidé le 01/05/2018".

Par lettre du 13 novembre 2018, la caisse a notifié à Mme [S] les conclusions de l'expertise et lui a notifié sa décision de considérer son état consolidé avec séquelles non indemnisables au 1er mai 2018.

Mme [S] a alors saisi la commission de recours amiable de la caisse, qui en sa séance du 4 février 2019 a rejeté son recours.

Elle a poursuivi sa contestation en saisissant le tribunal judiciaire du Havre, pôle social, qui par jugement du 21 juillet 2022 a ordonné une expertise confiée au Dr [P].

L'expert a indiqué que la date de consolidation de l'état de santé de l'assurée, en lien avec le fait accidentel du 2 octobre 2017, était le 1er mai 2018.

Puis, par jugement du 20 février 2023, le tribunal :

- a fixé au 1er mai 2018 la date de consolidation de Mme [S] en lien avec l'accident,

- a rejeté son recours,

- a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration expédiée le 9 mars 2023, Mme [S] a formé appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Soutenant oralement ses écritures (remises au greffe le 6 février 2024), Mme [S] demande à la cour de dire son appel recevable et bien fondé, et de :

- fixer la date de consolidation de son état de santé au 2 octobre 2018,

- condamner la caisse en sa qualité de défendeur aux dépens de l'instance,

- dire que les dépens seront recouvrés directement par la SELARL Rique-Serezat Theubet conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner la caisse à la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] soutient que son état de santé n'était pas consolidé au 1er mai 2018 en faisant valoir qu'avant son accident elle ne souffrait d'aucun état antérieur, d'aucune douleur ; que dès le 6 octobre 2017 étaient mentionnées des douleurs diffuses au niveau du rachis cervico-thoracique et au niveau lombaire, de sorte que les lombalgies dont elle souffre depuis l'accident sont bien rattachables à ce dernier, et cela en dépit de l'absence de recherche au niveau des lombaires et du rachis avant septembre 2018. Elle souligne qu'à la date du 1er mai 2018 des soins étaient encore pratiqués.

Elle déplore une errance de diagnostic, l'absence d'éclairage technique et médical donné par l'expert sur la spondylarthropie évoquée à l'issue de la scintigraphie osseuse du 29 août 2018, son silence s'agissant du pincement discal isolé en L5S1, la discopathie cervicale et médiothoracique débutante mise en évidence par l'IRM du 16 novembre 2018. Elle fait remarquer que le Dr [R], ayant réalisé des expertises amiables à l'initiative de son assureur la [4], et le Dr [K], désigné par le juge des référés, considèrent que la consolidation ne peut être antérieure au mois d'octobre 2018.

Soutenant oralement ses écritures (remises au greffe le 12 mars 2024), la caisse demande à la cour de confirmer le jugement et, y ajoutant, de condamner Mme [S] à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Elle fait valoir que l'expert, le Dr [T], a adopté des conclusions nettes, précises, dépourvues d'ambiguïté, qui s'imposent à elle ; que trois médecins (le médecin conseil, le Dr [T] et le Dr [P]) ont fixé la date de consolidation au 1er mai 2018 ; que le Dr [K] a lui-même considéré que les lésions présentées par Mme [S] après le 1er mai 2018 n'étaient pas en lien avec son accident du 2 octobre 2017. Elle considère que Mme [S] n'apporte aucun élément médical susceptible de remettre en cause les conclusions du Dr [P], n'établit pas l'errance de diagnostic dont elle se prévaut.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur la décision de la caisse de déclarer l'état de Mme [S] consolidé au 1er mai 2018

La fin de la situation créée par l'accident peut résulter soit d'une guérison, soit d'une consolidation. Il est rappelé que cette dernière correspond au moment où, à la suite de l'état transitoire que constitue la période de soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent, sinon définitif, tel qu'un traitement n'est plus, en principe, nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente découlant de l'accident, sous réserve des rechutes et des rémissions possibles.

En vertu de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, dans ses versions applicables au litige, les contestations d'ordre médical relatives à l'état de la victime donnent lieu à une procédure d'expertise médicale.

Selon l'article L. 141-2 désormais abrogé mais restant applicable au présent litige, quand l'avis technique de l'expert a été pris dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, il s'impose à l'intéressé comme à la caisse. Au vu de l'avis technique, le juge peut, sur demande d'une partie, ordonner une nouvelle expertise.

Sur ce fondement, si les conclusions de l'expert sont obscures, contradictoires ou ambiguës, il appartient au juge d'ordonner un complément d'expertise ou, sur demande d'une des parties, une nouvelle expertise.

Lorsque l'expert technique a rendu un avis clair et précis, le juge peut ordonner une nouvelle expertise si l'une des parties le demande, mais peut aussi estimer, dans l'exercice de son pouvoir souverain, qu'une nouvelle mesure d'instruction s'avère inutile.

En l'espèce, le Dr [T], médecin expert technique, a relevé le 30 août 2018 que :

- Mme [S] avait présenté des doléances algiques du rachis cervical et dorsal dans un premier temps, tableau rapidement élargi à un cortège de doléances algiques diffuses sur l'ensemble du rachis et du bassin ;

- toutes les explorations s'étaient avérées négatives : radiographies du cou, du dos, des lombes, du bassin, IRM cérébrale, IRM cervicale ;

- Mme [S] était ressortie ce jour d'un séjour hospitalier avec un nouveau bilan somatique rassurant ;

- il était retrouvé des algies diffuses invalidantes au quotidien, douleurs caractéristiques d'un tableau anorganique pouvant rentrer dans un cadre psychiatrique de syndrome post-traumatique (ou autre étiquette) ;

- de facto, la situation sémiologique restait pérenne depuis le début de l'année 2018, la prise en charge médicale fluctuait en fonction des essais et des échecs de l'allothérapie, ce qui semblait devoir continuer fort probablement ; il s'agissait d'une situation médicale fixée dans le temps, ce qui amenait à considérer l'état de santé de la patiente consolidé à la date du 1er mai 2018.

En dépit de la clarté et de la précision de cet avis, le tribunal a estimé devoir ordonner une expertise médicale confiée au Dr [P], qui a :

- retenu une cervicalgie aiguë suite à un mouvement d'extension-flexion du cou dans le cadre d'un accident de la voie publique, de faible cinétique, sans complication ostéoarticulaire,

- noté des douleurs diffuses du rachis lombaire deux mois après l'accident, évoluant en sciatique bilatérale, en lien avec une hernie discale objectivée par l'IRM du 10 septembre 2018 ; considéré que compte-tenu du délai d'apparition des douleurs, du siège du traumatisme initial, de l'IRM, l'origine de la hernie était en lien avec une discopathie L5-S1 et ne devait pas être considérée comme imputable à l'accident ; estimé que les lombalgies, notamment, étaient sans lien avec l'accident ;

- retenu qu'à partir du 1er mai 2018 Mme [S] présentait des douleurs diffuses du rachis dorso-lombaire non imputables à l'accident et évoluant pour leur propre compte.

Le Dr [P], comme le Dr [T], a conclu au 1er mai 2018 comme date de consolidation de l'état de santé de Mme [S] en lien avec le fait accident.

Si le Dr [K], médecin expert désigné par le juge des référés, ayant examiné Mme [S] le 9 mars 2020, a retenu une date de consolidation médico-légale au 2 octobre 2018, il a également considéré, "en accord avec la CPAM du [Localité 5]", que l'arrêt de travail était "imputable" du 2 octobre 2017 au 1er mai 2018, a considéré que les "lombalgies de survenue retardée [citées à partir de décembre 2017, étaient] en rapport avec une discopathie L5-S1 et protrusion discale avec conflit sur la racine S1 droite", et que "cette hernie discale ne [pouvait] pas être retenue comme imputable en raison de sa survenue décalée de deux mois. En effet, une hernie discale lombaire traumatique aurait entraîné des douleurs intenses, quasi immédiates, en coup de fouet et une irradiation radiculaire constante depuis l'accident. Nous retiendrons comme imputable à l'accident de la voie publique les cervicalgies". Il a estimé que depuis le 1er mai 2018, les différents examens et hospitalisations étaient en lien avec les lombalgies, pathologie non imputable à l'accident.

De même, si le Dr [R] diligenté par l'assureur de Mme [S] évoque une date de consolidation au 28 juin 2018, c'est en considérant, après avoir rappelé la teneur du certificat médical initial du 2 octobre 2017, que si l'imputabilité des cervicalgies au fait accidentel ne fait aucun doute, en revanche l'imputabilité des lésions présentées au niveau de son rachis lombaire ne peut être retenue du fait de l'apparition tardive par rapport à l'accident et de l'absence de description de ces lésions sur les documents médicaux initiaux.

Les rapports produits mettent en évidence que les différents médecins ayant eu à connaître de la situation de Mme [S] avaient connaissance de ce que celle-ci avait présenté, outre la cervicalgie post AVP ou entorse du rachis cervical, des "douleurs dorsales diffuses" dès le 2 octobre 2017, une "douleur diffuse tout le long du rachis cervico thoracique et lombaire" et des "douleurs dorsales diffuses bilatérales" dès le 6 octobre 2017, ce qui n'a pas fait obstacle au diagnostic médical d'entorse bénigne.

Il est en outre relevé que la radiographie du rachis dorso-lombaire du 29 mars 2018 a abouti à un "contrôle satisfaisant", précisant notamment à propos du rachis lombaire : "absence de trouble de la statique, absence de pincement discal ou de lyse isthmique vertébral ou d'anomalie congénitale vertébrale, intégrité disco-vertébrale par ailleurs, respect des différentes lignes du rachis lombaire de profil".

La poursuite des séances de kinésithérapie au niveau du rachis cervical, dorsal et lombaire au-delà du 1er mai 2018, et des soins de manière générale encore en 2019-2020 (prescription d'anti-inflammatoires, antalgiques, et rééducation, port de ceinture de maintien lombaire...), n'est pas susceptible de remettre en cause la consolidation à cette première date.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les frais du procès

Mme [S], partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Par suite, elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée à ce même titre à payer à la caisse la somme de 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 20 février 2023 par le tribunal judiciaire du Havre, pôle social,

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] [S] aux dépens d'appel,

Condamne Mme [S] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00941
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;23.00941 ?
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