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12/07/2024 | FRANCE | N°22/02403

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 22/02403


N° RG 22/02403 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JEFZ





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 12 JUILLET 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



21/00650

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 10 Juin 2022







APPELANTE :



CPAM DU FINISTERE

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN







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INTIMEE :



Société [6] venant aux droits de la société [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Florent LABRUGERE, avocat au barreau de LYON substitué par Me Aurélie MANIER, avocat au barreau de LYON

























COMPOSI...

N° RG 22/02403 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JEFZ

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 12 JUILLET 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00650

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 10 Juin 2022

APPELANTE :

CPAM DU FINISTERE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Société [6] venant aux droits de la société [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Florent LABRUGERE, avocat au barreau de LYON substitué par Me Aurélie MANIER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 Juin 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 11 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 12 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 2 mars 2020, M. [M] [H], salarié de la société [5] (la société) en qualité d'agent de sécurité, a établi une déclaration de maladie professionnelle qu'il a adressée à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère (la caisse) faisant état d'une « anxiété majeure ».

A l'appui de cette déclaration, était joint un certificat médical initial établi le même jour par le docteur [B] [P] indiquant que M. [H] souffrait d'une « anxiété majeure ».

Par courrier du 18 novembre 2020, la caisse a notifié à la société la transmission du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne (CRRMP). Ce dernier a rendu un avis favorable le 19 février 2021.

Par courrier du 23 février 2021, la caisse a notifié à M. [H] ainsi qu'à la société sa décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Par courrier du 22 avril 2021, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contester cette décision.

Par requête en date du 27 juillet 2021, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Lors de sa séance du 28 octobre 2021, la commission de recours amiable a confirmé l'opposabilité à l'égard de la société de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle.

Par jugement du 10 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen a :

- dit que la décision de la caisse de prendre en charge la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, en date du 20 février 2020, et l'ensemble de ses conséquences financières étaient inopposables à la société,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- condamné la caisse aux entiers dépens.

La décision a été notifiée à la caisse le 20 juin 2022, elle en a relevé appel le 13 juillet suivant.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions remises le 18 avril 2024, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen le 10 juin 2022,

- constater que la procédure d'instruction du dossier de maladie professionnelle de M. [H] a été parfaitement contradictoire à l'égard de la société,

- constater que, par avis en date du 19 février 2021, le CRRMP a établi l'existence d'un rapport de causalité entre la maladie soumise à l'instruction et l'activité professionnelle de M. [H],

- juger qu'elle était donc parfaitement fondée à reconnaître le caractère professionnel de cette affection,

- confirmer, en conséquence, l'opposabilité de la décision de prise en charge de cette maladie professionnelle à l'égard de la société.

La caisse considère que les dispositions de l'ordonnance du 22 avril 2020 modifiée par l'ordonnance du 17 juin 2020 n'étaient pas applicables en l'espèce en ce que la procédure d'instruction n'a pas expiré entre le 12 mars et le 10 octobre 2020.

Elle affirme que la société a été en mesure d'accéder à l'intégralité des pièces du dossier de son salarié ; qu'aucune disposition ne lui impose d'informer expressément l'employeur de la possibilité d'avoir connaissance, par l'intermédiaire d'un praticien désigné par l'assuré, de l'avis motivé du médecin du travail et du rapport établi par les services du contrôle médical.

La caisse rappelle avoir pris en charge la pathologie de l'assuré après avis favorable du CRRMP. Elle soutient qu'elle n'avait pas à justifier la décision du CRRMP.

Par dernières conclusions remises le 31 mai 2024, soutenues oralement, la société [6], venant aux droits de la société [5], demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- à titre principal, juger que la caisse n'a pas mis en 'uvre, ni ne lui a notifié, lors de la procédure d'instruction ainsi que lors de la procédure de consultation/observations, les mesures et délais dérogatoires prorogés fixés par l'ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 et modifiée par l'ordonnance n°2020-737 du 17 juin 2020 pendant la période d'urgence sanitaire,

- juger que la caisse a délibérément violé le principe du contradictoire,

- en conséquence, juger que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du 20 février 2020 de M. [H] lui est inopposable,

- à titre subsidiaire, juger que la caisse ne l'a pas informée de sa possibilité de demander la désignation d'un médecin pour recevoir les pièces mentionnées au 3° et 5° de l'article D. 461-29,

- juger qu'en conséquence la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire,

- en conséquence, juger que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du 20 février 2020 de M. [H] lui est inopposable,

- à titre infiniment subsidiaire, juger qu'elle s'en rapporte sur la désignation d'un autre CRRMP,

- condamner la caisse aux entiers dépens.

La société expose que l'état d'urgence sanitaire lié à l'épidémie de la Covid 19 a conduit le législateur à proroger un certain nombre de délais, notamment ceux relatifs à la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles; qu'il en va ainsi, selon l' ordonnance 2020 -460 du 22 avril 2020 modifiée par l'ordonnance 2020-737 du 17 juin 2020 , du délai global de mise à disposition du dossier dans le cadre de la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'en l'espèce la caisse n'a pas respecté ces délais en ce qu'elle n'a pas porté à 40 jours le délai de consultation du dossier et à 20 jours celui lui permettant de formuler ses observations ; qu'en conséquence elle a méconnu le principe du contradictoire.

La société soutient en outre que la caisse n'a pas respecté les dispositions de l'article D 461-29 du code de la sécurité sociale en ce que le courrier du 18 novembre 2020 ne mentionnait pas qu'elle pouvait solliciter la communication de pièces médicales par l'intermédiaire d'un médecin désigné, de sorte qu'elle ne lui a pas permis de pouvoir consulter l'intégralité des pièces du dossier.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur le moyen tiré du non respect des délais de consultation

L'article R 461-10 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d'un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse met le dossier mentionné à l'article R. 441-14, complété d'éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu'ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l'employeur.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'échéance de ces différentes phases lorsqu'elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

A l'issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.

La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis.

L'article 11 de l' ordonnance n° 2020 -460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid-19 a notamment prévu la prorogation des délais applicables à la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles mentionnées à l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale qui expiraient entre le 12 mars 2020 et une date fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale qui ne pouvait excéder le terme d'un délai d'un mois à compter de la date de la cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020, soit le 10 août 2020.

Par ordonnance n° 2020 -737 du 17 juin 2020 , cette prorogation s'est appliquée, à compter du 19 juin 2020 , aux délais applicables à la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles qui expiraient entre le 12 mars 2020 et une date fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale qui ne pouvair être postérieure au 10 octobre 2020 inclus.

L'article 11-II de l' ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, modifié par l'article 6 de l' ordonnance n° 2020-737 du 17 juin 2020, a apporté en particulier les précisions suivantes :

- les délais impartis aux salariés et employeurs, relatifs aux déclarations de maladies professionnelles mentionnés aux premier et deuxième alinéa de l'article L.461-5 du code de la sécurité sociale, sont prorogés, respectivement, de quinze jours et deux mois,

- les délais pour répondre aux questionnaires sont prorogés, pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, de dix jours,

- le délai global de mise à disposition du dossier dans le cadre de la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles mentionnées à l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale est prorogé de vingt jours.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que M. [H] a transmis à la caisse une déclaration de maladie professionnelle le 2 mars 2020 ; que la caisse a diligenté une enquête ; qu'elle a transmis le dossier au CRRMP par courrier du 18 novembre 2020, de sorte que le délai de cent-vingt jours francs dont disposait la caisse en application de l'article R 461-10 du code de la sécurité sociale pour statuer sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée n'expirait pas entre le 12 mars 2020 et le 12 octobre 2020.

Les dispositions sus visées n'étaient en conséquence pas applicables à l'espèce, de sorte qu'il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris, de rejeter le moyen.

2/ Sur le moyen tiré de l'absence d'information des pièces consultables et de la mise à disposition d'un dossier incomplet

L'article D 461-29 du code de la sécurité sociale dispose que le dossier examiné par le comité régional comprend les éléments mentionnés à l'article R. 441-14 auxquels s'ajoutent :

1° Les éléments d'investigation éventuellement recueillis par la caisse après la saisine du comité en application de l'article R. 461-10 ;

2° Les observations et éléments éventuellement produits par la victime ou ses représentants et l'employeur en application de l'article R. 461-10 ;

3° Un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l'exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises éventuellement demandé par la caisse en application du II de l'article R. 461-9 et qui lui est alors fourni dans un délai d'un mois ;

4° Un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime décrivant notamment chaque poste de travail détenu par celle-ci depuis son entrée dans l'entreprise et permettant d'apprécier les conditions d'exposition de la victime à un risque professionnel éventuellement demandé par la caisse en application du II de l'article R. 461-9 et qui lui est alors fourni dans un délai d'un mois ;

5° Le rapport établi par les services du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie indiquant, le cas échéant, le taux d'incapacité permanente de la victime.

La communication du dossier s'effectue dans les conditions définies à l'article R. 441-14 en ce qui concerne les pièces mentionnées aux 1°, 2° et 4° du présent article.

L'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par les services du contrôle médical mentionnés aux 3° et 5° du présent article sont communicables de plein droit à la victime et ses ayants droit. Ils ne sont communicables à l'employeur que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime ou, à défaut, par ses ayants droit. Ce praticien prend connaissance du contenu de ces documents et ne peut en faire état, avec l'accord de la victime ou, à défaut, de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie.

Seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à son employeur.

En l'espèce, la société reproche à la caisse de ne pas avoir stipulé au sein du courrier du 18 novembre 2020 qu'elle pouvait demander la désignation d'un médecin pour recevoir les pièces mentionnées aux 3° et 5° de l'article sus-visé.

Cependant, aucune disposition n'impose à la caisse d'informer expressément l'employeur de la possibilité d'avoir connaissance, par l'intermédiaire d'un praticien, de l'avis motivé du médecin du travail et du rapport établi par les services du contrôle médical mentionnés aux 3° et 5° de l'article D. 461-29. Il appartenait à la société de solliciter la mise en oeuvre de cette possibilité prévue par le texte. Il ne peut être fait grief à la caisse de ne pas avoir informé la société de cette possibilité dès lors qu'une telle obligation ne résulte pas d'un texte spécial.

En outre l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs allocataires leur impose seulement de répondre aux demandes qui leur sont soumises.

En tout état de cause, la société ne rapporte pas la preuve selon laquelle elle a demandé à avoir connaissance de ces documents.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il y a lieu de rejeter ce moyen.

Au regard de ces éléments, par infirmation du jugement entrepris, il sera en conséquence jugé que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [H] doit être déclarée opposable à la société.

3/ Sur les dépens

La société qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort ;

Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rouen du 10 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Juge opposable à la société [6] venant aux droits de la société [5] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère de prise en charge de la pathologie de M. [M] [H] au titre de la législation sur les risques professionnels ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société [6] venant aux droits de la société [5] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02403
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;22.02403 ?
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