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12/07/2024 | FRANCE | N°22/02375

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 22/02375


N° RG 22/02375 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JED3





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 12 JUILLET 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



20/00909

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 03 Juin 2022





APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8] - [Localité 7] - [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Vincent BOURDON, av

ocat au barreau de ROUEN











INTIMEE :



S.A.S.U. [6]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Michaël RUIMY de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Aurélie MANIER, avocat au...

N° RG 22/02375 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JED3

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 12 JUILLET 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/00909

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 03 Juin 2022

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8] - [Localité 7] - [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.S.U. [6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Michaël RUIMY de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Aurélie MANIER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 Juin 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 11 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 12 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [V] [O] [F] [E], maçon bancheur au sein de la société [6] (la société), a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8], [Localité 7], [Localité 5] (la caisse) une demande de reconnaissance de maladie professionnelle établie le 11 juillet 2019 au titre d'une « hernie discale ».

Un certificat médical initial du 18 juillet 2019 fait état d'une « lombosciatalgie chronique bilatérale avec discopathie protrusive L5/S1 droite ».

Le 18 mai 2020, la caisse a notifié à M. [F] [E] ainsi qu'à la société, après enquête, une décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels.

Cette décision, contestée par la société, a été confirmée par la commission de recours amiable de la caisse en sa séance du 1er juillet 2021.

La société a poursuivi sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen qui, par jugement du 3 juin 2022, a :

- déclaré la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par M. [F] [E] le 11 juillet 2019 inopposable à la société,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la caisse aux dépens.

La décision a été notifiée à la caisse le 17 juin 2022, elle en a relevé appel le 8 juillet suivant.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions remises le 4 juin 2024, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- déclarer opposable à la société sa décision du 18 mai 2020 de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la maladie « sciatique par hernie discale L5/S1 » dont M. [F] [E] est atteint,

- condamner la société aux entiers dépens,

- condamner la société à lui verser une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse expose avoir respecté le principe du contradictoire considérant que les certificats médicaux de prolongation ne constituant pas des pièces sur lesquelles elle fonde sa décision, il ne lui appartenait pas de les transmettre à la société.

Elle indique que depuis le 7 mai 2022, en application du décret du 20 août 2019, il n'existe plus de certificat médical AT/MP de prolongation d'arrêt de travail ou de soins ; qu'elle a mis à disposition de l'employeur l'ensemble des éléments dont elle disposait et qu'il appartient à ce dernier de prouver l'existence d'autres certificats qui ne lui auraient pas été transmis.

Elle précise qu'il ressort de la fiche de concertation médico-administrative que c'est à partir d'un élément médical extrinsèque que le médecin conseil a confirmé que les conditions médicales réglementaires du tableau n°98 étaient remplies, qu'un scanner du rachis lombaire a été réalisé le 23 juillet 2013 ; que la teneur des éléments médicaux confirmant la pathologie constitue un élément de diagnostic qui n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs.

Par dernières conclusions remises le 29 mai 2024, soutenues oralement, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- juger que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire à son égard en ne mettant pas l'ensemble des certificats médicaux de prolongation à sa disposition lors de la consultation du dossier,

- en conséquence, juger que la décision de prise en charge du 18 mai 2020 de la maladie déclarée par M. [F] [E] doit lui être déclarée inopposable,

- en tout état de cause, condamner la caisse aux entiers dépens de l'instance.

La société soutient qu'il appartient à la caisse, en application de l'article R 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, de mettre à sa disposition les divers certificats médicaux qu'elle détient ; qu'en l'espèce les divers certificats médicaux de prolongation établis ne figuraient pas au dossier mis à sa disposition ; qu'en conséquence, la caisse a méconnu ses obligations.

Elle considère qu'en application de la dernière jurisprudence de la cour de cassation ( cass.civ 2ème. 16 mai 2024), dès lors que les certificats médicaux de prolongation portent grief à l'employeur, ils doivent être mis à disposition lors de la consultation du dossier de l'assuré.

En l'espèce, elle observe que le certificat médical initial ne mentionnait pas d'atteinte radiculaire de topographie concordante, ne permettait pas de savoir si un examen clinique avait été réalisé par le médecin traitant pour établir cette condition médicale ; que par conséquent la caisse s'est nécessairement fondée sur d'autres éléments médicaux tels que d'éventuels certificats médicaux de prolongation pour confirmer la réalisation de cet examen clinique, de sorte que les certificats médicaux de prolongation lui faisaient grief et devaient lui être communiqués.

En dernier lieu, la société conteste les allégations de la caisse selon lesquelles il n'existe plus depuis le 7 mai 2022, en application du décret du 20 août 2019, de certificats médicaux de prolongation et soutient que la charge de la preuve de l'existence d'autres certificats médicaux ne lui appartient pas.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge

En vertu de l'article L. 461-1 al. 5 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

En particulier, le tableau n°98 des maladies professionnelles, relatif aux « affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes », regroupe les sciatiques par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante et les radiculalgies crurales par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante . L' atteinte radiculaire de topographie concordante renvoie à la cohérence entre le niveau de la hernie et le trajet de la douleur.

Il n'est pas exigé une correspondance littérale entre les indications figurant sur le certificat médical et le libellé de la maladie figurant au tableau, mais il appartient au juge de vérifier si la pathologie déclarée est au nombre des pathologies désignées par le tableau.

Lorsque le libellé de la maladie mentionnée au certificat médical initial est différent de celui figurant au tableau visé, il importe que l'avis du médecin-conseil favorable à la prise en charge de cette pathologie soit fondé sur un élément médical extrinsèque.

Il appartient à la caisse d'établir que les conditions du tableau sont réunies, la présomption ne jouant qu'en ce cas.

En l'espèce, le certificat médical initial ne mentionne pas l'atteinte radiculaire de topographie concordante .

Le colloque médico-administratif mentionne une sciatique par hernie discale L5/S1 ainsi que le code syndrome '098AAM51B' et fait référence à un élément médical extrinsèque objectivant le diagnostic soit une intervention chirurgicale réalisée le 9 janvier 2015 par le docteur [G].

Il n'appartenait pas à la caisse de communiquer l'examen médical mentionné, celui- ci étant couvert par le secret médical.

Il ressort en outre de ces éléments que l'élément extrinsèque objectivant le diagnostic n'était pas un certificat médical de prolongation.

L'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que le dossier mentionné aux articles R. 441-8 et R. 461-9 constitué par la caisse primaire comprend :

1°) la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l'employeur ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire.

Sur ce fondement, la société soutient que le dossier qu'elle a pu consulter ne comprenait pas tous les éléments listés puisqu'elle n'a pas eu connaissance des divers certificats médicaux de prolongation établis et adressés à la caisse avant la clôture de l'instruction.

L'absence des certificats médicaux de prolongation telle qu'invoquée par l'employeur est indifférente au regard de la régularité du dossier constitué par la caisse préalablement à sa décision relative à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle en ce que ces certificats qui renseignent sur la durée de l'incapacité de travail avant la guérison ou la consolidation sont sans incidence sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et n'ont dès lors pas à figurer parmi les pièces du dossier consulté par l'employeur

La décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [V] [O] [F] [E] doit par voie de conséquence être déclarée opposable à la société.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

2/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle est en outre condamnée à verser à la caisse la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort ;

Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rouen du 3 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Juge opposable à la société [6] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] [Localité 5] de prise en charge de la pathologie de M. [V] [O] [F] [E] au titre de la législation sur les risques professionnels ;

Condamne la société [6] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] [Localité 5] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société [6] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02375
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;22.02375 ?
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