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12/07/2024 | FRANCE | N°22/01588

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 22/01588


N° RG 22/01588 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCOL





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 12 JUILLET 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



22/00060

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 07 Avril 2022





APPELANTE :



MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DU CALVADOS

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me David ALVES DA COSTA, avocat au barreau de

ROUEN







INTIMEES :



Madame [C] [F]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]



comparante en personne, assistée de Me Armelle BODET-ROUSSIGNOL, avocat au barreau de ROUEN





CONSEIL DEPARTEMENTAL DU CALVADOS

...

N° RG 22/01588 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCOL

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 12 JUILLET 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/00060

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 07 Avril 2022

APPELANTE :

MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DU CALVADOS

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me David ALVES DA COSTA, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

Madame [C] [F]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Armelle BODET-ROUSSIGNOL, avocat au barreau de ROUEN

CONSEIL DEPARTEMENTAL DU CALVADOS

Hôtel du Département

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparant ni représenté

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 Juin 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 11 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé le 12 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [C] [F], née le 13 septembre 1993, souffre depuis la naissance d'une infirmité motrice cérébrale avec atteinte des quatre membres. Elle est dépendante pour les activités de la vie courante et se déplace exclusivement en fauteuil roulant électrique.

Magistrate au tribunal judiciaire de Caen depuis le 1er septembre 2021, elle exerce ses fonctions avec l'aide d'une assistante financée par le ministère de la justice.

Le 28 mars 2021, Mme [F] a présenté à la maison départementale des personnes handicapées du Calvados (MDPH) une demande d'attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH), volet aide humaine, en renouvellement de prestations perçues antérieurement d'une autre MDPH pour vingt heures par jour.

Par décision du 8 octobre 2021, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a accordé à Mme [F] le renouvellement de sa PCH à hauteur de treize heures par jour, dont dix heures trente pour les actes essentiels, une heure trente pour la nuit en trois passages d'un salarié de l'UNA de trente minutes et une heure pour la vie sociale.

Une période transitoire de trois mois, jusqu'au 31 décembre 2021, a prévu le maintien du plan antérieur de vingt heures par jour.

Une seconde décision du même jour a octroyé le paiement de la charge spécifique de l'abonnement à la téléassistance pour trois ans au coût mensuel de 8,59 euros.

Le 2 novembre 2021, Mme [F] a formé un recours administratif préalable obligatoire contre la décision du 8 octobre 2021 aux fins de solliciter le maintien de la PCH à hauteur de vingt heures par jour, et ce sans limitation de durée.

Lors de sa séance du 3 décembre 2021, la CDAPH a rejeté la contestation de Mme [F] et a maintenu sa décision de renouvellement de sa PCH à hauteur de treize heures par jour.

Par requête en date du 2 février 2022, Mme [F] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Evreux d'un recours contre ces décisions.

Par jugement du 7 avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire d'Evreux a :

- dit qu'il se déclarait compétent pour connaître du litige,

- accordé à Mme [F] la prise en charge d'une aide humaine à hauteur de vingt-quatre heures par jour, sans limitation de durée,

- rejeté la demande indemnitaire de Mme [F],

- condamné la MDPH à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la MDPH aux dépens de l'instance.

La décision a été notifiée à la MDPH le 14 avril 2022, elle en a relevé appel le 11 mai suivant.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 12 février 2024, soutenues oralement, la MDPH demande à la cour de :

- à titre principal, avant dire droit, désigner tel expert médical qu'il plaira à la cour avec pour mission d'examiner Mme [F], prendre connaissance de son dossier médical et de tout document utile, donner son avis sur la quotité d'heures d'aides humaines nécessaire à la prise en charge de son handicap et en expliquer les modalités de mise en 'uvre, donner son avis sur la pertinence de la mise en place d'aides techniques à la prise en charge de son handicap tel qu'un système de télésurveillance et/ou de garde de nuit, dire que l'expert pourra s'adjoindre les services de tout sapiteur qu'il estimerait nécessaire, dire que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de deux mois,

- dire que les parties seront convoquées par le greffe à la première audience utile après dépôt du rapport,

- réserver les dépens,

- à titre subsidiaire, infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evreux le 7 avril 2022,

- en conséquence, confirmer la décision de la CDAPH du 3 décembre 2021 attribuant à Mme [F] un plan d'aides humaines au titre de la PCH à hauteur de treize heures par jour,

- confirmer la décision de la CDAPH du 3 décembre 2021 attribuant à Mme [F] le paiement de charges spécifiques au titre de la PCH, pour le coût d'un abonnement de télésurveillance,

- juger que la prise en charge de l'aide humaine est sans limitation de durée,

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [F] aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions remises le 3 mai 2024, soutenues oralement, Mme [F] demande à la cour de :

- dire et juger son recours en première instance recevable,

- rejeter la demande d'expertise de la MDPH comme une demande nouvelle et/ou comme une demande inutile,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evreux lui accordant une aide humaine (prestataire extérieur) au titre de la PCH de vingt-quatre heures par jour, sans limitation de durée,

- condamner la MDPH à lui régler la somme de 3 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,

- confirmer la condamnation de la MDPH à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

- condamner la MDPH à lui régler la somme de 3 700 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- confirmer la condamnation de la MDPH aux dépens de première instance,

- condamner la MDPH à régler les dépens d'appel.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.

Le Conseil départemental du calvados, régulièrement convoqué, n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de la demande d'expertise

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, la demande d'expertise formulée par la MDPH pour la première fois à hauteur d'appel tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir l'évaluation du handicap de Mme [F] et l'évaluation de la quotité horaire de la prestation de compensation de son handicap, volet aide humaine.

Elle est donc recevable.

2/ Sur l'attribution de la prestation de compensation du handicap

En l'espèce, le litige porte sur les heures attribuées au titre de l'aide humaine et plus spécifiquement sur la présence d'un tiers auprès de Mme [F] la nuit.

Il ressort des éléments produits que du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2021, la MDPH des Yvelines, dans le cadre d'un renouvellement, a accordé à Mme [F] une PCH volet aide humaine de 267,96 heures par mois pour l'aidant familial qui était sa mère, de 269,77 heures par mois pour l'aidant familial qui était son père, de 70,61 heures par mois pour un emploi direct soit 608,34 heures mensuelles soit environ 20 heures par jour.

Mme [F], en raison de sa nomination professionnelle à [Localité 1] a formé une demande auprès de la MDPH du Calvados qui lui a accordé, du 1er octobre jusqu'au 31 décembre 2021, l'aide humaine dans le cadre de la PCH comme suit :

- surveillance régulière ( service prestataire) 7 heures par jour

- actes essentiels de l'existence, participation à la vie sociale (service prestataire) 1 heure par jour

- actes essentiels de l'existence, entretien personnel (toilette, habillage, alimentation, élimination, déplacements dans/hors logement) ( service prestataire) 12 heures par jour,

soit un total de 20 heures par jour.

A l'origine, Mme [F] a sollicité la reconduction de la PCH dans les conditions préalablement attribuées.

Par décision du 8 octobre 2021 la CDAPH lui a attribué pour la période comprise entre le 1er janvier 2022 et le 30 septembre 2024, une prestation de compensation du handicap, volet aide humaine comme suit :

- actes essentiels de l'existence, entretien personnel (toilette, habillage, alimentation, élimination,) ( service prestataire) 1 heure 30 par jour,

- actes essentiels de l'existence, participation à la vie sociale ( service prestataire) 1 heure par jour,

- actes essentiels de l'existence, entretien personnel (toilette, habillage, alimentation, élimination, déplacements dans/hors logement) ( service prestataire) 10 heures 30 par jour,

soit un total de 13 heures par jour.

Au dernier état de sa décision, la CDAPH a en outre précisé qu'au cours de la nuit, seraient pris en charge trois passages de l'UNA de 30 minutes ainsi qu'un abonnement de téléassistance pour 3 années.

Devant les premiers juges saisis de son recours, Mme [F] a sollicité la majoration du nombre d'heures d'aide humaine accordées à 24 heures par jour sans limitation de durée ou, en tout état de cause, pour une durée non inférieure à 20 heures.

Elle expose à hauteur de cour qu'elle est dépendante d'une aide humaine dans toutes les activités de la vie quotidienne, que son handicap est stabilisé et qu'aucune amélioration n'est envisageable. Elle précise qu'elle souffre également de troubles importants du transit (constipations et diarrhées), de dysurie et de vomissements de jour comme de nuit, ce qui nécessite une présence quotidienne à ses côtés.

Elle indique avoir été opérée à plusieurs reprises du foie, souffrir d'une lordose, d'une scoliose et d'une cyphose qui la contraignent à ne pas pouvoir dormir allongée mais à dormir dans une attelle de nuit, avec les jambes fléchies afin d'empêcher les douleurs, ce qui l'empêche de réaliser tout mouvement y compris au niveau de la tête.

Elle précise ainsi que, la nuit, lorsqu'elle est prise de vomissements, elle ne peut se mettre sur le côté, se redresser ou tourner la tête, ce qui présente un risque d'étouffement. De même, elle expose que lorsqu'elle est prise de diarrhées nocturnes, il convient de la transporter aux toilettes, de la changer pour éviter qu'elle ne soit laissée dans une situation indigne.

Elle affirme que la télésurveillance nocturne proposée ainsi que 3 passages d'auxiliaires la nuit ne sont pas adaptés à ses besoins en ce que d'une part, elle ne dispose d'aucun proche, d'aucun membre de sa famille à proximité susceptible de se déplacer à domicile pour la lever et répondre à ses besoins essentiels et, d'autre part, qu'il n'est pas possible de prévoir les heures au cours desquelles elle sera prise de vomissements, de diarrhées ou de maux de ventre la nuit.

Mme [F] verse aux débats des attestations de ses médecins et de ses proches aux fins d'établir qu'elle a besoin d'une aide humaine 24 heures par jour.

Elle constate que contrairement aux dispositions des articles L 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et de l'article R 241-31 du code de l'action sociale et des familles, la CADPH, lors de son refus de renouvellement, n'a jamais expliqué ni motivé en quoi sa situation se serait améliorée.

Elle précise au contraire être affectée depuis le 1er septembre 2021 au tribunal judiciaire de Caen en qualité de magistrat, vivre loin de sa famille et se trouver en conséquence totalement dépendante des aides extérieures.

La MDPH ne conteste pas le fait que Mme [F] soit dépendante pour tous les actes de la vie quotidienne ; qu'elle présente une très faible autonomie et qu'elle a besoin d'une aide humaine en journée.

Elle considère cependant que la présence humaine auprès de Mme [F] durant 24 heures et plus spécifiquement la nuit de façon constante n'est pas justifiée en ce que sa situation médicale ne présente pas de risque immédiat, qu'elle est en capacité d'utiliser une téléalarme. Elle rappelle qu'au regard des éléments de référence transmis par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, l'éligibilité au plafond de 24 heures évoque la nécessité d'interventions diurnes et nocturnes et ne prend pas en compte les temps de présence 'au cas où'.

Après avoir contacté les deux services que sont le service de télésurveillance et celui de l'UNA ( service de garde de nuit itinérante), elle affirme que la mise en place du service de télésurveillance est possible même en l'absence de famille proche et que le passage d'un salarié de l'UNA est possible dans un délai court à partir du moment où il n'y a pas d'exigence sur des heures précises.

Elle demande en conséquence l'infirmation du jugement entrepris et la confirmation de la décision accordant un plan d'aides humaines au titre de la PCH à Mme [F] à hauteur de 13 heures par jour.

Sur ce ;

Il résulte de l'article L.245-1 du code de l'action sociale et des familles, que toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France métropolitaine, dans les collectivités mentionnées à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale ou à [Localité 7], dont l'âge est inférieur à une limite fixée par décret et dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces.

Selon l'article L.245-3 du même code, la prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges liées à un besoin d'aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux.

L'article D. 245-4 du code de l'action sociale et des familles dispose qu'a droit à la prestation de compensation du handicap, la personne qui, au titre de son handicap, présente une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation de deux activités telles que définies par le référentiel de l'annexe 2-5 du même code et dans les conditions précisées dans ce référentiel, à savoir:

- la mobilité: se mettre debout, faire des transferts, marcher, se déplacer, avoir la préhension de la main dominante, avoir la préhension de la main non dominante, avoir des activités motrices fines,

- l'entretien personnel: se laver, s'habiller, prendre ses repas,

- la communication: parler, entendre, voir, utiliser des appareils et techniques de communication,

- les tâches et exigences générales dont les relations avec autrui: s'orienter dans le temps, s'orienter dans l'espace, gérer sa sécurité, maîtriser son comportement dans les relations avec autrui.

Une difficulté est dite grave lorsque l'activité est réalisée difficilement et de façon altérée par rapport à l'activité habituellement réalisée.

Une difficulté est dite absolue quand elle ne peut pas du tout être réalisée sans aide, y compris par stimulation, par la personne elle même ; aucune des composantes de l'activité ne pouvant être réalisée.

Ces difficultés doivent être définitives ou d'une durée prévisible d'au moins un an.

L'annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles fixe les plafonds horaires accordés au titre de l'aide humaine à 70 minutes pour la toilette, 40 minutes pour l'habillage, 105 minutes pour l'alimentation, 50 minutes pour l'élimination, 35 minutes pour les déplacements intérieurs, 5 minutes pour les déplacements extérieurs et 60 minutes pour la participation à la vie sociale, soit 6h05 par jour.

De même, pour les personnes qui s'exposent à un danger du fait d'une altération d'une ou plusieurs fonctions mentales, cognitives ou psychiques, le besoin de surveillance s'apprécie au regard des conséquences que des troubles sévères du comportement peuvent avoir dans différentes situations.

Pour les personnes qui nécessitent à la fois une aide totale pour la plupart des actes essentiels et une présence constante ou quasi constante due à un besoin de soins ou d'aide pour les gestes de la vie quotidienne, le cumul des temps d'aide humaine pour les actes essentiels et la surveillance peut atteindre 24 heures par jour.

La condition relative à la présence constante ou quasi constante due à un besoin de soins ou d' aide pour les gestes de la vie quotidienne est remplie dès lors que des interventions itératives sont nécessaires dans la journée et que des interventions actives sont généralement nécessaires la nuit.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [F] a besoin d'une aide constante en journée ainsi que durant les périodes de lever et de coucher.

Il ressort des éléments médicaux produits par l'intimée et plus spécifiquement des certificats établis par le docteur [T] [S], notamment 19 janvier 2022, qu'elle présente un traitement lourd pour dysurie et constipation, qu'elle dort dans une attelle de nuit qui l'empêche de réaliser tout mouvement y compris au niveau de la tête.

Le docteur [U] atteste le 19 octobre 2018 que son état de santé justifie la présence permanente à ses côtés d'une auxiliaire de vie.

Le professeur [N], qui indique l'avoir opérée à deux reprises pour une volumineuse hyperplasie nodulaire focale du foie, précise au sein de son certificat du 9 avril 2024, qu'en raison de sa condition de tétraplégique et de ses séquelles post-opératoires, elle garde une constipation alternant avec des diarrhées ainsi qu'une gastroparésie postopératoire séquellaire lui entraînant des épisodes de vomissements quasi-quotidiens dont il est difficile de prévoir l'heure de survenue.

Il atteste du fait que sa situation personnelle justifie formellement le renouvellement de ses droits auprès de la MDPH avec la présence d'une auxiliaire de vie 24 heures sur 24.

Le docteur [G], praticien hospitalier du pôle handicap et rééducation à l'hôpital [6] de [Localité 5] précise que la nuit elle a besoin d'une présence pour pouvoir l'emmener aux toilettes du fait de troubles de transit importants ainsi qu'en cas de vomissements.

Les auxiliaires de vie de Mme [F] attestent du fait qu'elles sont régulièrement sollicitées la nuit lorsqu'elle est malade, qu'il faut la placer en position assise avec un paladier, puis, si nécessaire, la transférer du lit aux toilettes avec un guidon de transfert, précisant que cette dernière peut parfois passer de 20 à 30 minutes aux toilettes.

Au regard des éléments produits, la cour constate que la MDPH ne justifie pas des éléments ayant motivé la diminution du volume d'heures d'aide humaine accordé à Mme [F] de 20 heures à 13 heures par jour à compter du 1er janvier 2022.

Pour sa part, Mme [F], qui justifie vivre désormais seule au sein d'un logement éloigné du domicile familial, produit des éléments tendant à établir qu'elle a besoin d'une présence constante la nuit ; que depuis son installation à [Localité 1] elle a sollicité sa famille pour venir auprès d'elle la nuit.

Sa mère, Mme [F] [J], atteste ainsi du fait qu'elle a sollicité de son employeur une prise de congés et une possibilité de télétravail ponctuelles afin de séjourner 11 jours par mois au domicile de sa fille, les horaires des auxiliaires de vie étant regroupés sur les 20 autres journées du mois. Elle précise cependant de l'impossibilité de maintenir à long terme cette organisation, son supérieur hiérarchique attestant qu'au regard des fonctions de chef de service exercées au sein de la DRH par Mme [J] [F], cette organisation ne peut perdurer.

Au regard des difficultés médicales rencontrées par Mme [F], le passage trois fois par nuit, à heures fixes, d'un tiers, ainsi que la mise en place d'une alarme ne sauraient répondre suffisamment à ses besoins en ce que d'une part ses épisodes de diarrhées et vomissements ne sont pas prévisibles, que d'autre part, trois réveils nocturnes chaque nuit sont incompatibles avec le maintien de l'activité professionnelle à temps complet exercée actuellement par l'intimée.

Au regard de ces éléments, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise, il y a lieu de confirmer la décision entreprise qui a accordé à Mme [F] une prise en charge humaine au titre de la prestation de compensation du handicap à hauteur de 24 heures par jour.

Il sera rappelé que la MDPH acquiesce à la demande consistant à ce que cette prise en charge soit accordée sans limitation de durée et, ce, malgré le fait que la demande de Mme [F] et la décision de la MDPH soient antérieures à l'entrée en vigueur du décret du 27 octobre 2021 relatif à la durée de la prestation de compensation du handicap.

Le jugement entrepris est également confirmé de ce chef.

3/ Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Mme [F] n'apporte aucun élément de nature à caractériser l'existence d'un préjudice moral lié à la décision de la MDPH.

Elle ne justifie ni de l'existence ni de l'ampleur du préjudice allégué, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande par confirmation du jugement entrepris.

4/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de condamner la MDPH, appelante succombante dans la présente instance, aux dépens d'appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [F] les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer.

Au regard de la facture de ses frais d'avocat versée aux débats, il convient de condamner la MDPH, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et de confirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Evreux du 7 avril 2022 ;

Y ajoutant :

Condamne la Maison Départementale des Personnes Handicapées du Calvados à verser à Mme [C] [F] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la Maison Départementale des Personnes Handicapées du Calvados aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01588
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;22.01588 ?
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