N° RG 23/01427 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLDN
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 05 JUILLET 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
20/00470
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 02 Mars 2023
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'EURE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
INTIME :
Monsieur [Z] [L]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Gontrand CHERRIER de la SCP CHERRIER BODINEAU, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Nicolas BODINEAU, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 22 Mai 2024 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 22 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 juillet 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 05 Juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
* * *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure (la caisse) a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels un accident du travail dont a été victime, le 2 août 2017, M. [Z] [L], salarié de la société [5], en qualité d'agent de fabrication soudage. Le certificat médical initial faisait état d'une rupture du tendon d'Achille droit.
La caisse a fixé la date de la consolidation de l'état de santé de l'assuré au 16 mars 2020 et le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) à 10 %, par décision du 11 juin 2020.
M. [L] a contesté ce taux devant la commission médicale de recours amiable et, en l'absence de réponse dans le délai de quatre mois, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Evreux. Entre-temps, la commission a confirmé le taux d'IPP de 10 %.
Par jugement du 2 mars 2023, le tribunal a :
- infirmé la décision de la commission médicale de recours amiable,
- fixé le taux d'IPP anatomique à 15 % et le taux d'IPP professionnel à 5 %,
- condamné la caisse à payer à M. [L] une somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la caisse aux dépens de l'instance,
- rappelé que les frais de la consultation médicale ordonnée par la juridiction seraient à la charge de la caisse nationale d'assurance-maladie,
- rappelé que la décision était exécutoire de plein droit à titre provisoire.
La caisse a relevé appel de cette décision le 13 avril 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 19 juillet 2023, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :
- infirmer la décision,
- fixer le taux d'IPP à 10 %,
- débouter M. [L] de ses demandes,
- juger ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
Elle soutient que le médecin-conseil avait pris en compte les douleurs du pied droit lors de l'évaluation des séquelles, contrairement à ce qu'a affirmé le médecin consultant désigné par le tribunal et rappelle qu'il convient de se placer à la date de consolidation de l'accident pour apprécier l'état séquellaire. Elle considère que le taux médical retenu de 15 % prend en compte des douleurs dues à des complications actuelles et à une épine calcanéenne qui interfère dans les séquelles douloureuses.
S'agissant du taux professionnel retenu par le tribunal, la caisse fait valoir que l'assuré ne produit aucun élément permettant de corroborer une éventuelle incapacité d'exercer sa profession, ni même de justifier cette éventuellement incapacité en lien certain et direct avec l'accident du travail du 2 août 2017, alors qu'il présentait déjà une épine calcanéenne douloureuse sans lien avec l'accident. Elle ajoute qu'il ne justifie pas de sa qualification professionnelle et que l'évaluation du taux d'IPP faite par le médecin-conseil inclut les conséquences fonctionnelles de l'accident, eu égard à la profession de l'assuré.
Par conclusions remises le 17 mai 2024, soutenues oralement, M. [L] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé un taux d'IPP de 15 % au titre de la part anatomique,
- le réformer pour le surplus,
- lui accorder un taux de 10 % au titre de la part professionnelle, soit 25 % au total,
- condamner la caisse aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que selon le médecin consultant du tribunal, l'évaluation du médecin-conseil est conforme au barème en ce qui concerne la limitation des mouvements et l'atrophie mais ne prend pas en compte l'élément douloureux, alors qu'il prenait deux tramadol par jour.
Il indique que l'accident du travail a mis fin à son contrat de mission en cours et à toute possibilité de reprendre un quelconque contrat de travail. Il considère que son employabilité s'est trouvée impactée par l'accident et qu'il lui est impossible d'exercer sa profession.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur le taux d'IPP
En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
L'incapacité permanente est appréciée à la date de la consolidation de l'état de la victime.
Le taux peut être majoré pour tenir compte des conséquences de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle sur la carrière professionnelle de la victime, au regard du risque de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, de déclassement professionnel, de retard dans l'avancement ou de perte de gains.
Selon le chapitre 2. 4 du barème indicatif d'invalidité des accidents du travail, la rupture du tendon d'Achille réparée est évaluée en fonction de la limitation des mouvements de la cheville et de l'atrophie du mollet.
M. [L] a été opéré de la rupture de son tendon d'Achille le 3 juin 2018. Il a subi une seconde intervention chirurgicale le 19 juin 2018 pour exérèse d'un fragment osseux dû au traumatisme initial. Le compte rendu médical du 3 août 2018 mentionnait la persistance de douleurs au niveau du talon, gênant pour le chaussage. Le médecin précisait qu'il ne procéderait pas à l'ablation de l'exostose (excroissance osseuse) partie basse du tendon, sur le calcanéum, en raison d'un risque trop important de lésion de l'insertion du tendon d'Achille à ce niveau, ce qui risquerait de provoquer une rupture itérative au niveau de l'enthésopathie (douleur à l'insertion du tendon). Le médecin-conseil de la caisse note dans son rapport d'évaluation que l'assuré prend du tramadol ; qu'il a des difficultés à poser le pied droit au sol ; qu'il se déplace à l'intérieur et à l'extérieur avec deux cannes et porte des chaussures orthopédiques ; qu'il ne présente pas d'atrophie du mollet ; que l'accroupissement est diminué de moitié ; qu'il ne peut marcher sur la pointe et sur les talons, marche sur terrain plat avec une boiterie et une attitude antalgique du pied droit dévié vers l'extérieur de 30°, que les flexions dorsales et plantaires sont limitées à droite (0° contre 10° et 40° contre 60°).
Le médecin-conseil de la caisse a fixé le taux d'IPP à 10 % au regard des séquelles de la rupture du tendon d'Achille opéré, consistant en des douleurs résiduelles du pied, en une boiterie à la marche et en une légère limitation de la flexion/extension du pied.
Le médecin consultant du tribunal a indiqué que la calcification était due à un arrachement osseux du calcanéum fracturé lors de l'accident, d'où venaient les complications actuelles, en sus de l'épine calcanéenne, qui elle, n'était pas due à l'accident mais interférait dans les séquelles douloureuses justifiant une prise de deux comprimés de tramadol par jour.
S'il est constant que la prescription du Tramadol à hauteur de deux comprimés par jour, qui est produite aux débats, date de 2021, le médecin-conseil de la caisse faisait déjà état de la prise de cet antalgique lors de l'évaluation des séquelles, sans avoir cependant précisé la posologie. Au regard de ces éléments, le jugement qui a retenu un taux dit anatomique de 15 % est confirmé.
En ce qui concerne le taux professionnel, M. [L] était âgé de 48 ans à la date de consolidation de son état. Le médecin consultant du tribunal a indiqué qu'il était dans l'impossibilité d'exercer sa profession, même si une activité professionnelle lui était possible. C'est à juste titre que le tribunal a retenu que ces éléments caractérisaient une incidence professionnelle des séquelles de l'accident. Cependant, l'intimé ne justifie pas que le taux de 5 % retenu par le tribunal est sous-évalué.
Le jugement est également confirmé sur le taux dit professionnel.
2. Sur les frais du procès
La caisse qui perd le procès est condamnée aux dépens d'appel. Il est équitable qu'elle indemnise M. [L] d'une partie de ses frais non compris dans les dépens en lui versant une somme de 1 700 euros.
PAR CES MOTIFS :
la cour,
statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :
Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 2 mars 2023 ;
Y ajoutant :
Déboute M. [L] de sa demande de majoration du taux professionnel ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure aux dépens d'appel ;
La condamne à payer à M. [L] la somme de 1 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE