La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°23/03892

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 04 juillet 2024, 23/03892


N° RG 23/03892 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JQLT







COUR D'APPEL DE ROUEN



CH. CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 04 JUILLET 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



23/288

President du tribunal judiciaire du Havre du 24 octobre 2023





APPELANTS :



Monsieur [T] [E]

né le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 14]

[Adresse 4]

[Localité 12]



représenté et assisté par Me Christele DUBOC-THOMAS de la SELARL PARTHEMIS ENTREPRISE

, avocat au barreau du HAVRE





Monsieur [O] [K]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 15]

[Adresse 3]

[Localité 13]



représenté et assisté par Me Christele DUBOC-THOMAS de la SELARL PARTHEMIS ENTREPRISE, ...

N° RG 23/03892 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JQLT

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 04 JUILLET 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/288

President du tribunal judiciaire du Havre du 24 octobre 2023

APPELANTS :

Monsieur [T] [E]

né le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 14]

[Adresse 4]

[Localité 12]

représenté et assisté par Me Christele DUBOC-THOMAS de la SELARL PARTHEMIS ENTREPRISE, avocat au barreau du HAVRE

Monsieur [O] [K]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 15]

[Adresse 3]

[Localité 13]

représenté et assisté par Me Christele DUBOC-THOMAS de la SELARL PARTHEMIS ENTREPRISE, avocat au barreau du HAVRE

Association LES FILMS SEINE OCEAN

[Adresse 9]

[Localité 13]

représenté et assisté par Me Christele DUBOC-THOMAS de la SELARL PARTHEMIS ENTREPRISE, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEES :

Madame [J] [I]

née le [Date naissance 8] 1950 à [Localité 13]

[Adresse 10]

[Localité 13]

représentée et assistée par Me Bastien SUZZI de la SCP BEN BOUALI PAUL SUZZI, avocat au barreau du HAVRE

Madame [V] [P]

née le [Date naissance 2] 1949 à

[Adresse 11]

[Localité 13]

représentée et assistée par Me Bastien SUZZI de la SCP BEN BOUALI PAUL SUZZI, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 avril 2024 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 10 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024 puis prorogé ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 4 juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

L'association Les Films Seine Océan a été créée en mars 1987 par M. [D] [I], avec l'objet social suivant : « regrouper des individus professionnellement impliqués dans la création d''uvre cinématographiques ou audio-visuelles, ayant des attaches en Normandie et souhaitant y exercer leur activité ». Elle a aujourd'hui pour principale activité de gérer le cinéma Le Studio, cinéma d'art et d'essai, situé [Adresse 9] [Localité 13] qui emploie cinq salariés.

En 1998, M. [E] a été élu président de l'association.

M. [K], membre fondateur, a démissionné de l'association en début de l'année 2000.

Des statuts ont été établis en 1998 puis d'autres ont été signés le 18 novembre 2010 et enregistrés en sous-Préfecture le 19 mai 2011.

Le 20 mars 2023, M. [T] [E] a annoncé sa démission à intervenir au 15 avril 2023.

Le 28 mars 2023, il a convoqué une assemblée générale de l'association pour le 11 avril suivant, avec l'ordre du jour suivant :

Bilan financier au 31 mars 2023

Budget prévisionnel 2023

Bilan de l'activité du Studio au 31 mars 2023

Information sur la situation des salariés

Election des membres du bureau

Adhésion de nouveaux membres

Questions diverses

Lors de l'assemblée, se sont présentés :

aux fonctions de président, M. [E], revenant sur sa démission annoncée le 20 mars 2023,

aux fonctions de trésorier, M. [K] en remplacement de M. [G], démissionnaire.

Soumises à l'assemblée, ces candidatures ont été retenues à l'unanimité et le renouvellement du bureau a été publié par M. [K] le 28 avril 2023.

Suivant document établi le 16 avril 2023 à l'en-tête de l'association intitulé « Nomination du nouveau bureau provisoire », Mmes [I] et [P], jusqu'à cette date, trésorière de l'association et trésorière adjointe, se sont déclarées respectivement présidente et trésorière de l'association. Elles ont déposé le 20 avril 2023 ce document à la sous-préfecture [Localité 13] dont elles ont reçu le récépissé de dépôt. Par ailleurs, elles ont avisé la société Crédit Mutuel, qui tient le compte de l'association, pour indiquer qu'elles intervenaient désormais en lieu et place de M. [E], démissionnaire.

A la demande de membres de l'association : Mmes [X] [I], [J] [I], [V] [P], [B] [M] et de MM. [F] [I] et [Y] [R], Mmes [I] et [P] ont convoqué une nouvelle assemblée appelée à se tenir le 23 mai 2023 avec pour ordre du jour : l'élection du nouveau bureau de l'association « Les Films Seine Océan », adhésion de nouveaux membres, proposition de radiation de M. [E], prononcée par le C.A, assemblée Générale, nomination d'un expert-comptable, questions diverses.

Le 23 mai 2023, l'assemblée générale de l'association s'est réunie et a pris les décisions suivantes :

Radiation de M. [T] [E],

Mme [J] [I] a été élue présidente,

Mme [V] [P] a été élue trésorière,

Mme [B] [M] a été élue secrétaire,

La candidature de 4 nouveaux membres de l'association a été agréée,

Un cabinet d'expertise-comptable a été nommé.

Ces modifications ont été enregistrées en sous-préfecture le 25 mai 2023.

Par acte de commissaire de justice du 7 juin 2023, l'association Les Films Seine Océan représentée par son président monsieur [T] [E], M. [T] [E] et M. [O] [K] ont fait assigner Mme [J] [I] et Mme [V] [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire du Havre aux fins de nomination d'un administrateur provisoire de l'association.

Par ordonnance de référé du 24 octobre 2023, le président du tribunal judiciaire du Havre a :

- déclaré nulle la citation délivrée par l'association Les Films Seine Océan à Mesdames [J] [I] et [V] [P] pour défaut de pouvoir à la représenter,

- déclaré irrecevables les demandes présentées par Messieurs [T] [E] et [O] [K],

- condamné in solidum Messieurs [T] [E] et [O] [K] aux dépens,

- condamné in solidum Messieurs [T] [E] et [O] [K] à payer à Mesdames [J] [I] et [V] [P] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] [E], M. [O] [K] et l'association Les Films Seine Océan ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 24 novembre 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2024.

Lors de l'audience, il a été demandé aux parties d'émettre toutes observations utiles sur la situation de blocage du fonctionnement de l'association si, comme il l'a été indiqué à la cour, il n'existait aucune liste des membres de l'association, de sorte que la réunion d'une assemblée générale apparaîtrait impossible.

Par note du 24 avril 2024, le conseil des intimées a indiqué que les statuts de 2010 prévoyaient que l'assemblée générale, qui se confond avec le conseil d'administration, se réunit sur convocation du président ou à la demande du quart de ses membres et qu'il s'agit du quart des membres de l'assemblée générale et non de l'association, quorum qui était réuni le 23 mai 2023. Il a communiqué avec sa note la liste d'émargement annexée au compte rendu de l'assemblée générale du 23 mai 2023.

Par note du 29 avril 2024, le conseil des appelants a indiqué qu'il n'existait aucune liste des membres de l'association, en se référant à cette qualité définie par les statuts de 2010 et que la liste communiquée par les intimées n'est pas conforme aux définitions statutaires.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 26 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de M. [T] [E], M. [O] [K] et l'association Les Films Seine Océan qui demandent à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 24 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire du Havre,

Statuant à nouveau,

- déclarer recevables les demandes de Messieurs [E] et [K] ainsi que celles de l'association Les Films Seine Océane,

- suspendre les effets de la délibération du 23 mai 2023, prise en violation évidente des statuts, jusqu'à la tenue d'une nouvelle assemblée générale convoquée par l'administrateur provisoire,

- désigner tel administrateur provisoire de l'Association Les Films Seine Océane qu'il plaira à la cour de nommer avec la mission suivante :

*réunir sous deux (2) mois maximum, une assemblée générale des membres en vue de toute décision regardant la désignation et l'admission des membres de l'association à l'aune des dispositions statutaires applicables à définir, et la désignation du Président et de Trésorier et le cas échéant d'un Secrétaire,

*en attendant la réunion de cette assemblée et le rétablissement de la gouvernance, se faire remettre par tous détenteurs (banque, représentants de l'association, comptable, salariés,') les documents associatifs et l'accès aux fonds de l'association afin de permettre la continuité de l'activité, de la gestion et le travail des salariés,

- juger que la mission de l'administrateur pourra être prorogée sur requête ou en référé et cessera de plein droit à compter de la désignation d'un nouveau bureau et d'un nouveau Président,

- ordonner le séquestre entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre du Barreau du Havre, des fonds de l'Association (Recettes d'exploitation) déjà remis en CARPA, autoriser, en cas de besoin, le Bâtonnier à procéder aux règlements relevant de l'activité courante de l'association aux fins de régler les salaires, les factures fournisseurs et toutes dépenses engagées dans le cadre de 24 l'activité du studio et sinon au reversement des sommes déposées sur tel compte bancaire que l'administrateur lui désignera,

- ordonner que les frais de l'administrateur provisoire seront assumés par l'association Les Films Seine Océane à titre provisoire,

- débouter les intimées de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

- les condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure,

- les condamner aux dépens.

Vu les conclusions du 26 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Mme [J] [I] et Mme [V] [P] qui demandent à la cour de :

- déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande tendant à « suspendre les effets de la délibération du 23 mai 2023, prise en violation évidente des statuts, jusqu'à la tenue d'une nouvelle assemblée générale convoquée par l'administrateur provisoire »,

- confirmer l'ordonnance rendue le 24 octobre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire du Havre en toutes ses dispositions,

Subsidiairement,

- débouter l'association Les Films Seine Océane, M. [T] [E] et M. [O] [K] de l'intégralité de leurs demandes,

Y ajoutant,

- condamner solidairement M. [T] [E] et M. [O] [K] à payer à Mme [J] [I] et Mme [V] [P] chacune la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner solidairement M. [T] [E] et M. [O] [K] aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la demande initiale :

M. [E], M. [K] et l'association Les Films Seine Océan soutiennent que :

- les statuts prétendument modifiés en 2010 ne sont pas datés et les dates de transmission de ces statuts à la sous-préfecture sont contradictoires ;

- ces statuts de 2010 n'ont jamais été publiés, aucune délibération d'une assemblée générale n'est produite ayant modifié les statuts initiaux de 1998 et seuls ces derniers sont applicables ;

- l'assemblée générale du 11 avril 2023 est régulière dès lors que M. [K] pouvait redevenir membre actif de l'association Les Films Seine Océan en application de l'article 5 e) des statuts et que ces derniers ne sanctionnent pas à peine de nullité le fait que le vote ait eu lieu sans bulletins secrets ; par ailleurs, le vote a été unanime ;

- à supposer que les statuts de 2010 soient applicables, seul le retour de M. [K] comme membre actif serait irrégulier mais pas l'ensemble de l'assemblée générale et au surplus, les statuts de 2010 ne conditionnent pas la désignation du trésorier au fait qu'il soit membre de l'association ;

- la désignation de M. [E] en qualité de président, seul habilité à représenter l'association, lors de l'assemblée générale du 11 avril 2023 est indiscutable et est conforme aux statuts quels que soient leur version et il importe peu que M. [K] ait participé au vote ;

- s'il devait être fait application des statuts de 2010, les personnes ayant signé la lettre de convocation à la prétendue assemblée générale du 23 mai 2023 n'avaient pas la qualité de membre de droit ni de membre fondateur et le quorum n'a pas été atteint ; aucune annexe listant les membres de l'association n'a été produite ;

- une plainte a été déposée pour faux et usage de faux ;

- la nomination d'un administrateur provisoire n'est pas une action attitrée et il suffit d'un intérêt légitime pour agir en justice sur ce point, intérêt pouvant être caractérisé autrement que par la qualité de membre alors que tant M. [E] que M. [K] sont liés l'association Les Films Seine Océan depuis des décennies.

Mmes [I] et [P] soutiennent que :

- l'association n'est pas valablement représentée par M. [E] dès lors qu'il a démissionné, que l'assemblée générale qui l'a désigné est manifestement nulle et qu'il a été radié de l'association le 23 mars 2023 ; l'assignation délivrée au nom de l'association est nulle ;

- M. [E] ne justifie d'aucune qualité à agir à titre personnel ;

- il en est de même de l'action engagée par M. [K] qui n'est plus membre de l'association depuis 2000 et que l'assemblée générale qui l'a nommé en qualité de trésorier est nulle ;

- le 18 novembre 2010, le conseil d'administration de l'association s'est doté de nouveaux statuts signés par M. [E] lui-même, enregistrés en sous-préfecture le 9 décembre 2010 et complétés le 19 mai 2011 ;

- pourtant démissionnaire depuis le 20 mars 2023, M. [E] a convoqué une assemblée générale pour le 11 avril 2023 qui a été présidée par M. [K], non-membre depuis 2020, lequel s'est prévalu sciemment des statuts initiaux de 1998 et non de ceux de 2010 pour frauduleusement obtenir la décision souhaitée après vote irrégulier à main levée ;

- Mme [I] était candidate à la présidence et n'a pas voté pour M. [E] ; une plainte a été déposée.

Réponse de la cour :

Il résulte des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice.

L'article 122 du même code dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La validité de l'assemblée générale qui s'est tenue le 11 avril 2023 à la suite de laquelle MM. [E] et [K] ont été respectivement élus président de l'association et trésorier comme de celle de l'assemblée générale qui s'est tenue le 23 mai 2023 à la suite de laquelle Mmes [I] et [P] ont été élues aux mêmes fonctions est une question de fond qui échappe à la compétence du juge des référés. Par ailleurs, aucune de ces assemblées générales n'ayant été, pour l'instant, contestée en justice et aucune décision n'ayant statué sur leur validité au regard des statuts de 1998 ou de 2010 ou de l'une par rapport à l'autre, le juge des référés ne peut que constater qu'elles sont réputées exister l'une et l'autre et qu'elles doivent recevoir effet.

Lors de la délivrance de l'assignation initiale du 7 juin 2023, MM. [E] et [K] ont justifié de leur désignation aux fonctions de président et de trésorier de l'association Les Films Seine Océan selon assemblée générale du 11 avril 2023 non annulée et dont la délibération a fait l'objet d'une déclaration auprès de la sous-préfecture du Havre le 28 avril 2023 de sorte qu'ils ont justifié de leur qualité à agir au nom de cette association.

Etant impliqués dans la vie associative soit en tant que membre fondateur pour M. [K] soit en tant que président pendant de nombreuses années pour M. [E], ceux-ci démontrent l'existence d'un intérêt moral leur permettant d'agir en justice à titre personnel afin que soit désigné un administrateur provisoire de l'association, cette action n'étant pas attitrée, peu important que leur qualité de membre actuel de l'association soit contestée par les intimées dès lors que l'appréciation de leur intérêt à agir ne se confond pas avec cette qualité.

L'ordonnance entreprise qui a déclaré nulle la citation délivrée par l'association Les Films Seine Océan à Mesdames [J] [I] et [V] [P] pour défaut de pouvoir à la représenter et déclaré irrecevables les demandes présentées par Messieurs [T] [E] et [O] [K] sera infirmée, l'exception de nullité soulevée par Mmes [I] et [P] sera rejetée et l'action diligentée par l'association et par MM. [E] et [K] sera déclarée recevable.

Sur la suspension de la délibération du 23 mai 2023 :

M. [E], M. [K] et l'association Les Films Seine Océan soutiennent que :

- sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut suspendre la délibération prise le 23 mai 2023 dans des conditions aussi irrégulières tant au regard des statuts de 1998 que de ceux de 2010 alors qu'aucune disposition n'a prévu la désignation du prétendu bureau survenue le 16 avril 2023 ;

- M. [E] a été désigné président le 11 avril 2023 alors que Mme [I] était présente et qu'elle ne s'y est pas opposée ;

- les salariés de l'association Les Films Seine Océan s'opposent à Mme [I] et la salle de cinéma ne peut plus être exploitée ; l'avenir de l'association est en péril.

Mmes [I] et [P] soutiennent que cette demande est nouvelle comme n'ayant pas été soumise au premier juge.

Réponse de la cour :

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes de l'article 565 du même code : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent »

Les appelants n'ont émis aucune observation pour contester la pertinence du moyen soulevé par les intimées selon lequel la demande de suspension de la délibération du 23 mai 2023 serait nouvelle.

Cette demande n'a pas été présentée devant les premiers juges, elle ne tend pas aux mêmes fins que celle visant à voir désigner un administrateur provisoire de l'association et ne répond à aucune des conditions de recevabilité énoncées à l'article 564 précité. Elle sera en conséquence déclarée irrecevable.

Sur la désignation d'un administrateur provisoire :

M. [E], M. [K] et l'association Les Films Seine Océan soutiennent que :

- les parties ne peuvent ni établir ni justifier d'une liste d'adhérents et de membres pour légitimer les décisions de l'association quelles que soient les assemblées générales au cours desquelles elles ont été prises ;

- plusieurs échéances impératives engageant l'association pendant des années se profilent ;

- la banque a initialement bloqué les comptes puis les a débloqués pour les confier à la nouvelle présidence mais M. [E] a été contraint de déposer les recettes de l'association sur un compte CARPA séquestre conservatoire du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau du Havre ;

- les salariés de l'association dénoncent le harcèlement moral de Mme [I] ;

- des évènements prévus depuis des mois ont été annulés et déprogrammés de sorte que des partenaires habituels de l'association qui la financent s'en sont détournés ; la fréquentation de la salle est en baisse de 80% :

Mmes [I] et [P] soutiennent que :

- un bureau provisoire a été désigné le 16 avril 2023 afin de contrecarrer les irrégularités commises par M. [E] et M. [K] et permettre la poursuite de l'activité ;

- l'assemblée générale du 23 mai 2023 a été convoquée conformément aux statuts de 2010 par un quart des membres adhérents de l'association étant précisé que Mme [P] est membre de l'association depuis 1998 et que le compte rendu de l'assemblée générale ayant prétendument constaté sa démission n'est pas signé ;

- depuis lors, M. [E] et M. [K] entravent le fonctionnement de l'association ;

- depuis que l'ordonnance a été rendue, la banque de l'association a reconnu le nouveau bureau comme légitime ;

- un administrateur n'aura ni la compétence ni le temps de représenter l'association auprès des tiers et de signer les contrats vitaux pour sa survie ;

Réponse de la cour :

Il résulte des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

La désignation judiciaire d'un administrateur provisoire d'une personne morale est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.

L'article 5 des statuts du 26 septembre 1998 dispose que les membres de l'association sont : les membres fondateurs, les membres de droit (personnes morales contribuant matériellement ou financièrement au fonctionnement de l'association), les membres actifs (exerçant une activité de création cinématographique et qui ont été agrées), les membres adhérents (identiques aux membres actifs avec un agrément) et les membres honoraires (anciens membres fondateurs ou actifs).

L'article 6 de ces mêmes statuts dispose que toute personne souhaitant être membre adhérent doit être agréée par les 2/3 des membres fondateurs et des membres actifs.

L'article 7 dispose enfin que tous les membres, sauf les membres de droit, sont tenus de payer une cotisation.

Les statuts du 18 novembre 2010 ont modifié l'article 5 des statuts initiaux en :

- précisant que les membres de droit sont des collectivités territoriales contribuant matériellement ou financièrement au fonctionnement de l'association,

- créant la catégorie des membres associés (représentants des personnels de l'association et d'associations tierces) ;

- supprimant les catégories des membres actifs et des membres honoraires.

Les articles 6 et 7 n'ont pas été modifiés pour l'essentiel.

L'article 9 des statuts de 1998 et des statuts de 2010 stipule que :

- le conseil d'administration de l'association se confond avec l'assemblée générale ;

- l'association est administrée par un conseil d'administration composé de membres de droit, de membres fondateurs et de membres actifs (quoique ces derniers n'existent plus selon les statuts de 2010) ;

- le conseil se réunit notamment « sur la demande du quart de ses membres. Il ne peut délibérer valablement que si la moitié de ses membres sont présents ou représentés ».

Il résulte de ce dernier texte que le conseil d'administration qui se confond avec l'assemblée générale est exclusivement composé de membres de l'association.

Bien qu'en page 13 de leurs écritures, l'association Les Films Seine Océan, MM. [E] et [K] indiquent que « dans le cadre de l'assemblée générale du 11 avril 2023, la liste des membres de l'association avait été rappelée à savoir MM. [E], [K], [C], [U], [A], [N] et [H] et Mmes [J] et [X] [I], soit 9 membres. », ils affirment en page 20 que « ni les appelants, ni les intimées ne sont en mesure d'établir et de justifier d'une liste d'adhérents et de membres pour légitimer les décisions qu'ils entendent voir appliquer que ce soit pour la première assemblée du 11 avril 2023 ou pour celle du 23 mai 2023 ».

Il ressort de la note qu'ils ont transmise à la demande de la cour que les appelants ne persistent plus dans leur affirmation initiale selon laquelle l'assemblée générale du 11 avril 2023 a été tenue à la suite d'un rappel de la liste des membres de l'association.

Alors que le moyen a été expressément soulevé par les appelants dans leurs dernières écritures, il n'est produit aux débats aucune liste des membres de l'association Les Films Seine Océan de sorte qu'il est impossible de déterminer si les assemblées générales des 11 avril et 23 mai 2023 ont été tenues en présence de membres de cette association et si les délibérations ont été votées par des personnes ayant cette qualité.

L'existence de cette situation caractérise une impossibilité de fonctionnement de l'association qui n'est plus en mesure de prendre une quelconque délibération faute d'identification de ses membres.

Au surplus, la désignation des deux présidents et des deux trésoriers de l'association procédant d'assemblées générales tenues dans ces circonstances confirme l'existence d'une difficulté grave de nature à paralyser le fonctionnement de l'association notamment à l'égard des tiers étant observé que la société Crédit Mutuel, banque de l'association, a initialement exigé l'accord « des deux parties » pour procéder à des paiements pour finalement estimer que l'ordonnance de référé entreprise étant assortie de l'exécution provisoire, Mme [I] avait tout pouvoir pour accéder aux comptes de l'association dans l'attente de l'arrêt d'appel.

Enfin, les appelants produisent diverses pièces dont il ressort que la situation actuelle créée à la suite de la désignation de Mme [I] et de Mme [P] a entraîné un rejet massif par les quatre salariés de l'association dont deux se déclarent désormais atteints d'un syndrome anxio-depresssif et d'épisodes d'anxiété. L'association exerçant une activité de gestion d'une salle de cinéma, le rejet de la dernière direction par les salariés est de nature à créer un risque de blocage total de cette activité caractérisant un péril imminent d'autant plus manifeste que la banque de l'association est dans l'expectative et qu'une partie des recettes de l'association a été séquestrée sur un compte CARPA dans l'attente de la résolution du litige.

Les conditions exceptionnelles de la désignation d'un administrateur provisoire étant réunies, le jugement entrepris sera infirmé pour le surplus de ses dispositions et il sera fait droit à cette demande dans les conditions précisées au dispositif et la mission de l'administrateur comprendra le recouvrement des sommes séquestrées au nom de l'association.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Déclare irrecevable comme étant nouvelle la demande formée par M. [E], M. [K] et l'association Les Films Seine Océan tendant à obtenir la suspension de la délibération prise le 23 mai 2023 ;

Infirme l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire du Havre du 24 octobre 2023 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Rejette l'exception de nullité de l'assignation du 7 juin 2023 soulevée par Mme [I] et [P] ;

Déclare recevable l'action diligentée par M. [E], M. [K] et l'association Les Films Seine Océan ;

Désigne la SELARL FHBX, [Adresse 6], [Localité 7], prise en la personne de Me [W] [L] en qualité d'administrateur provisoire de l'association Les Films Seine Océan et ce pour une durée d'un an à compter de l'acceptation de sa mission ;

Dit que Me [L] aura pour mission de :

- établir la liste des membres de l'association Les Films Seine Océan ;

- réunir dans les deux mois de l'établissement de cette liste l'assemblée générale des membres afin de procéder à la désignation du président et du trésorier de l'association ;

Dans l'attente de la désignation du président et du trésorier, dit qu'elle assurera l'administration de l'association avec tous les pouvoirs du dirigeant, et dit qu'elle pourra obtenir communication de tous les documents relatifs à l'association Les Films Seine Océan y compris auprès de tous les établissements bancaires où cette association a un compte et qu'elle pourra éventuellement charger tel prestataire de son choix, notamment expert-comptable, pour l'assister dans l'exécution de sa mission le tout aux frais de l'association Les Films Seine Océan ;

Dit qu'elle pourra recouvrer toutes les sommes séquestrées au nom de l'association Les Films Seine Océan auprès du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau du Havre ;

Fixe la provision devant être réglée par l'association Les Films Seine Océan à valoir sur la rémunération de Me [L] à la somme de 1500 euros ;

Y ajoutant :

Condamne Mmes [I] et [P] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 23/03892
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.03892 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award