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03/07/2024 | FRANCE | N°23/01164

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 03 juillet 2024, 23/01164


N° RG 23/01164 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JKRD



COUR D'APPEL DE ROUEN



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 3 JUILLET 2024



EXPROPRIATION













DÉCISION DÉFÉRÉE :



19/00022

juge de l'expropriation de Rouen du 17 mars 2020





APPELANTS - PARTIE EXPROPRIÉE :



Monsieur [J] [S] ès qualités d'héritier de [J] [S]

né le 7 avril 1983 à [Localité 21]

[Adresse 15]

[Localité 21]



représenté par Me Sophie

ARDOUREL de la SELARL ARDOUREL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen et assisté Me France CHARBONNEL de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de Paris





Madame [Y] [G] veuve [S]

née le 13 juin 1957 en Algérie

[Adresse 15]
...

N° RG 23/01164 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JKRD

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 3 JUILLET 2024

EXPROPRIATION

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/00022

juge de l'expropriation de Rouen du 17 mars 2020

APPELANTS - PARTIE EXPROPRIÉE :

Monsieur [J] [S] ès qualités d'héritier de [J] [S]

né le 7 avril 1983 à [Localité 21]

[Adresse 15]

[Localité 21]

représenté par Me Sophie ARDOUREL de la SELARL ARDOUREL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen et assisté Me France CHARBONNEL de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de Paris

Madame [Y] [G] veuve [S]

née le 13 juin 1957 en Algérie

[Adresse 15]

[Localité 21]

représentée par Me Sophie ARDOUREL de la SELARL ARDOUREL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me France CHARBONNEL de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de Paris

Madame [F] [S] ès qualités d'héritière de [J] [S]

née le 27 octobre 1984 à [Localité 21]

[Adresse 15]

[Localité 21]

représentée par Me Sophie ARDOUREL de la SELARL ARDOUREL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me France CHARBONNEL de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de Paris

Monsieur [M] [S] ès qualités d'héritier de [J] [S]

né le 2 octobre 1985 à [Localité 21]

[Adresse 15]

[Localité 21]

représenté par Me Sophie ARDOUREL de la SELARL ARDOUREL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me France CHARBONNEL de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de Paris

Monsieur [I] [S] ès qualités d'héritier de [J] [S]

né le 18 février 1987 à [Localité 21]

[Adresse 15]

[Localité 21]

représenté par Me Sophie ARDOUREL de la SELARL ARDOUREL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me France CHARBONNEL de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de Paris

Madame [B] [S] ès qualités d'héritière de [J] [S]

née le 12 octobre 1995 à [Localité 21]

[Adresse 15]

[Localité 21]

représentée par Me Sophie ARDOUREL de la SELARL ARDOUREL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me France CHARBONNEL de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de Paris

INTIMEE - PARTIE EXPROPRIANTE :

Commune [Localité 19]

[Adresse 18]

[Localité 19]

représentée et assistée par Me Sandrine DARTIX-DOUILLET de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

EN PRESENCE DE :

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

direction régionales des finances publiques

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 14]

représentée par M. [O] [T], inspecteur des finances publiques

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 17 avril 2024 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 17 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 3 juillet 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 3 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

* * *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant acte notarié du 22 juin 1995, reçu par Me [X], notaire, M. [J] [S] et Mme [Y] [S] étaient propriétaire d'une parcelle cadastrée AP [Cadastre 8] située [Adresse 1] sur la commune de [Localité 19] d'une superficie de

309 m² et composé d'un immeuble de 214 m².

Par arrêté préfectoral du 3 mai 2017, l'ouverture conjointe de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique et de l'enquête parcellaire a été prononcée.

Par arrêté du 6 février 2019, la préfète de la Seine-Maritime a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement de l'entrée de ville de la commune de [Localité 19] entre le n°[Adresse 2], rendant cessible la parcelle de

M. et Mme [S].

L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 25 juin 2019.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 septembre 2019, la commune de [Localité 19] a notifié aux époux [S] une offre indemnitaire à hauteur de 170 488 euros, laquelle est demeurée sans réponse.

Les négociations amiables n'ayant pu aboutir, la commune de [Localité 19] a sollicité, en application de l'article R. 311-9 du code de l'expropriation, la fixation judiciaire des indemnités concernant la propriété des époux [S].

La commune de [Localité 19] a maintenu son offre à hauteur de 170 488 euros. Les époux [S] ont sollicité une somme totale de 760'720 euros.

Après transport sur les lieux, par jugement contradictoire du 17 mars 2020, le juge de l'expropriation de Seine-Maritime a :

- débouté les époux [S] de leur demande d'indemnisation de la perte de leur fonds de commerce,

- fixé à la somme de 198 736 euros l'indemnité totale de dépossession due par la commune de [Localité 19] à M. et Mme [S], au titre de l'expropriation de la parcelle cadastrée AP [Cadastre 8] située au n°[Adresse 1],

- laissé les dépens de première instance à la charge de la commune de [Localité 19].

Par déclaration au greffe le 3 juin 2020, M. [J] [S] et Mme [Y] [S] ont formé appel du jugement.

Par ordonnance du 31 mars 2021, la radiation de l'affaire a été ordonnée d'office.

Par conclusions aux fins de communication et de reprise de l'instance notifiées le

24 mars 2023, Mme [Y] [S] et Mme [F] [S], M. [M] [S],

M. [I] [S] et Mme [B] [S], ès qualités d'héritiers de M. [J] [S] ont à nouveau sollicité l'enrôlement de l'affaire.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions du 8 avril 2024, notifiées par courrier électronique par le greffe le même jour au commissaire du Gouvernement et à la commune de [Localité 19], Mme [Y] [S] et Mme [F] [S], M. [M] [S],

M. [I] [S] et Mme [B] [S], ès qualités d'héritiers de

M. [J] [S], au visa des articles R. 213-11 du code de l'urbanisme, L. 321-1 et suivants et R. 311-9 et suivants du code l'expropriation, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement sur tous les points non contestés dans le présent mémoire,

- infirmer le jugement pour le surplus,

en conséquence,

- fixer l'indemnité revenant à l'indivision [S] pour le bien situé [Adresse 1] à [Localité 19], édifié sur la parcelle cafastrée section AP n°[Cadastre 8] d'une superficie de 309 m², propriété de l'indivision [S], comme suit :

. indemnité principale : 269 640 euros,

. indemnité de remploi : 27 604 euros,

. indemnité d'éviction : 54 290 euros;

. indemnité de remploi : 4 279 euros,

. perte de loyers : 15 000 euros,

. frais de démolition et de mise en sécurité : 8 160 euros,

. remboursement de la valeur de biens : 45 450 euros,

. soit une indemnité totale de : 424 783 euros,

- rejeter les prétentions de la commune de [Localité 19],

- condamner la commune de [Localité 19] à verser à l'indivision [S] une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la commune de [Localité 19] aux entiers dépens d'appels.

Ils soutiennent que les références de l'autorité expropriante ne sont pas recevables tant par leur ancienneté que par leur absence de communication des actes ou de leurs références, de sorte que dans ces conditions la demande de la commune de [Localité 19] est infondée et injustifiée.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ils considèrent que le terme de comparaison du 9 août 2011 d'un montant de 933 euros/m² ne peut être retenu en raison de son ancienneté de près de 5 ans. Ils indiquent alors que la moyenne des références dont se prévalent la commune et le commissaire du Gouvernement s'élève à 1 090 euros/m² et non 1 059 euros/m².

Ils ajoutent que les quatre références ne portent pas sur des biens similaires dans la mesure où ils portent sur des biens aux surfaces utiles totales bien inférieures à celle du bien exproprié. Ils font valoir que le seul bien ayant une surface utile comparable à celle du bien exproprié porte sur un bien à usage exclusif d'habitation, ce qui n'est pas le cas du bien à évaluer. Ils critiquent le fait que les termes de comparaison portent sur des biens mixtes à usage de commerce et d'habitation et non sur un immeuble à usage exclusif de commerce bar-restaurant et hôtellerie.

Ils précisent que les références de publication et les actes ne sont pas communiqués pour les ventes des 9 août 2011 et 28 juillet 2017, et relèvent que les ventes des

19 octobre 2017, 22 novembre et 7 décembre 2017, réalisées par la commune sont fondées sur des avis de valeur se basant sur des ventes de 2009 à 2012 pour déterminer les valeurs de ces biens, de sorte que la cour devrait infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la valeur à 1 000 euros/m².

Ils allèguent que si la cour retient les trois termes de comparaison du commissaire du Gouvernement portant sur des biens comparables et recevables eu égard à leur ancienneté et les termes de comparaison des expropriés, non contesté par l'autorité expropriante, la moyenne de ceux-ci devrait s'élever à 1 475,70 euros/m².

Contrairement à ce que prétendent la commune et le commissaire du Gouvernement, s'agissant des termes de comparaison produit par les appelants, ces dernières exposent que l'ensemble des informations des ventes issues du site DVF sont tirées du seul site public mis à la disposition des expropriés pour se procurer des termes de comparaison, que ces ventes portent sur des biens comparables de part leurs caractéristiques, que les références cadastrales, l'adresse et la superficie de ces biens sont déclarées et permettent une comparaison utile avec le bien litigieux.

Afin de prendre en compte l'état de vétusté du bien, sa bonne localisation en angle de rue et sa surface permettant d'exploiter trois commerces distincts, ils considèrent que devrait être retenue une valeur unitaire de 1 200 euros/m², ce qui reviendrait à pratiquer un abattement de 20 % sur la moyenne de 1 475,70 euros/m², soit une indemnité principale de 256 000 euros (1 200 euros × 214 m²).

Ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a ajouté une plus-value égale à 5 % de l'indemnité principale afin de prendre en compte la superficie du terrain non bâti, soit une somme de 12 840, laquelle serait justifiée par la vente et l'évaluation distincte d'un terrain de 119 m², réévaluant l'indemnité principale à 269 640 euros.

Ils demandent à ce que l'indemnité de remploi soit fixée à la somme de 27 964 euros, suivant la méthode de calcul applicable classiquement en la matière.

S'agissant de l'indemnisation pour les pertes de fonds de commerce, rejeté par le tribunal, ils soutiennent d'une part, que les consorts [S] ont effectué des travaux et ont essayé de régulariser la situation de leur immeuble et ce malgré la procédure d'expropriation annoncée en octobre 2018, et d'autre part, que les expropriés ne sollicitent pas une indemnisation pour la perte de revenus causée par les fermetures administratives temporaires de leurs fonds de commerce en mai et août 2018, mais une indemnisation pour la perte desdits fonds de commerce.

Ils indiquent que les arrêtés des 15 mars et 23 août 2018 constituent des fermetures temporaires des locaux commerciaux jusqu'à la levée de l'avis défavorable de la commission de sécurité de sorte que les fonds de commerce demeuraient actifs et lesdits arrêtés ne les ont pas éteints.

Ils affirment que l'expropriation a pour effet direct de mettre fin auxdits fonds de commerce, pour lesquels leur activité des trois années précédant l'ordonnance d'expropriation justifie une indemnité pour la perte des fonds de commerce conformément à l'article L. 321-1 du code de l'expropriation. Ils expliquent qu'il devra être retenu un pourcentage de 121 %, tel que proposé par le commissaire du Gouvernement en première instance sur l'ensemble du fonds, à savoir 54 290 euros. Ils indiquent qu'il est généralement retenu une indemnité de remploi qui s'élèverait à 4 279 euros, soit une indemnité d'éviction totale de 58 569 euros.

S'agissant du fonds de commerce de restauration fast-food exploité par la société New Best Food, ils précisent que la circonstance qu'une société serait mise en liquidation judiciaire ne signifie pas sa cessation d'activité, que son activité a cessé au jour de la clôture de la liquidation le 25 février 2020, justifiant sa radiation le 26 février 2020, soit postérieurement à l'ordonnance d'expropriation, et que des quittances de loyers confirment l'activité du fonds de commerce et justifient la demande indemnitaire.

Ils contestent des avis de sommes à payer des 15 février et 3 juin 2019 pour

8 160 euros émis à l'encontre des époux [S] correspondant à des frais de 'mise en sécurité' et de 'travaux d'office', alors que le transfert de propriété était déjà réalisé, de sorte qu'il revenait à la commune de sécuriser l'immeuble à ses frais et sous sa responsabilité.

Ils demandent à ce que la commune de [Localité 19], qui a pris possession de l'ensemble du bien, lequel contenait des matériaux commandés réglés et livrés avant l'ordonnance d'expropriation, d'une valeur totale de 45 450 euros, soit condamnée à leur payer cette somme dans la mesure où elle ne les a pas restitués.

Enfin, ils demandent à bénéficier d'une indemnité de procédure de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 28 mars 2024, notifiées par le greffe le 29 mars 2024 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, reçue le 4 avril 2024, par le commissaire du Gouvernement, et par lettre simple à Me Ardourel, conseil de l'indivision [S], la commune de [Localité 19], au visa des articles L. 322-1 et suivants du code de l'expropriation, demande à la cour de :

- confirmer la décision rendue le 17 mars 2020 en ce qu'elle a fixé à la somme de

198 736 euros l'indemnité totale de dépossession due par la commune de [Localité 19] aux consorts [S] au titre de l'expropriation de la parcelle cadastrée AP [Cadastre 8] située au n°[Adresse 1],

en conséquence,

- condamner les consorts [S] au règlement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la consistance du bien exproprié, qu'il s'agisse de sa situation locative et de l'occupation du bien exproprié, ou au regard de sa situation administrative, doit être appréciée à la date de l'ordonnance d'expropriation, de sorte que dans ces conditions, les modifications, matérielles ou juridiques, postérieures à cette date de nature à affecter la consistance du bien, ne sont par conséquent pas à prendre en considération pour la détermination du montant de l'indemnité. Elle indique qu'il n'y a donc pas lieu à prendre en considération les dégradations intervenues postérieurement à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

Elle prétend que le droit à indemnité prend naissance au moment du transfert de propriété, permettant d'obtenir un dédommagement calculé en fonction de la valeur du bien au jour du jugement, compte-tenu de sa consistance à la date de l'ordonnance et de son usage effectif à la date de référence.

Elle précise que suite à un effondrement partiel de l'immeuble, celui-ci a été détruit suite à un arrêté de péril du 24 août 2018, mais que néanmoins, elle se fonde sur l'évaluation qui avait été faite du bien par la Direction générale des finances publiques le 9 février 2018, s'agissant d'une parcelle sur laquelle était édifié un immeuble mixte.

Elle allègue toutefois que si l'ensemble immobilier à la date de référence n'avait pas encore fait l'objet d'un effondrement partiel, ni d'une déconstruction, celui-ci présentait un caractère d'insalubrité et d'insécurité dans la mesure où des désordres structurels importants avaient fragilisé l'immeuble de longue date, se caractérisant par de nombreuses fissures structurelles sur les façades et par un gonflement du mur pignon côté rue.

Contrairement à ce que considèrent les consorts [S] s'agissant de la somme de 8 160 euros que la commune leur réclame, cette dernière affirme que cette somme ne correspond aucunement à la sécurisation de l'immeuble suite à l'effondrement survenu le 2 juillet 2019, mais correspond en revanche à des travaux qui ont été rendus nécessaires en 2018 et 2019 suite à l'arrêté de péril imminent de 2018 ayant nécessité des travaux qui incombaient aux propriétaires de l'immeuble de l'époque à savoir les époux [S].

Elle fait valoir qu'à la date de référence du 11 octobre 2017, si l'immeuble litigieux était bien un immeuble mixte s'agissant d'un rez-de-chaussée, d'un bar et d'un commerce de restauration rapide et au 1er et 2ème étage d'un hôtel, l'historique du bien permet de constater qu'il a été procédé à la fermeture au public du [17] et de la partie hôtel, compte-tenu de son état de délabrement avancé. De ce fait, elle considère que c'est à bon droit que le premier juge a estimé qu'il ne pouvait être tenu compte d'une perte de revenus générée par les activités commerciales exercées au sein de l'immeuble, puisque cette perte n'est pas directement imputable au transfert de propriété ordonné.

À titre subsidiaire, elle relève que s'agissant du quantum de l'indemnité pour la prétendue pertes de fonds de commerce, la lecture des documents comptables produits révèle qu'ils ne concernent pas l'activité d'hôtellerie mais uniquement l'activité de bar, confirmant dès lors qu'aucune activité n'était plus exercée au titre d'un fonds de commerce d'hôtellerie.

S'agissant de l'indemnité relative au bâti et au non bâti, elle estime que les termes de comparaison utilisés par le premier juge n'étaient pas trop anciens, car toutes les mutations remontaient à 2017, pour une ordonnance d'expropriation du 25 juin 2019, à l'exception de celles dont le prix au mètre carré était de 933 euros. Elle expose que les valeurs de comparaison produites par les appelants, en l'absence de précision sur ces ventes, ne permettent pas d'obtenir les précisions utiles permettant d'apprécier ces éléments de comparaison.

En conséquence, elle se considère comme bien fondé à solliciter la confirmation de la décision rendue par le juge de l'expropriation.

Enfin, elle demande à bénéficier d'une indemnité de procédure de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 11 avril 2024, notifiées par le greffe le même jour par lettres recommandées avec demande d'avis de réception aux parties et par lettre simple à leurs conseils, le commissaire du Gouvernement propose de fixer :

- l'indemnité principale à 196 880 euros,

- l'indemnité de remploi à 20 688 euros,

- l'indemnité d'éviction à 13 518 euros,

soit une proposition d'indemnisation globale de 231 762 euros.

Il rappelle qu'à la date de référence du 11 octobre 2017, le bien exproprié est un immeuble à usage mixte de commerce et de logements, qu'une activité commerciale y était exercée par les époux [S], à savoir au rez-de-chaussée, une activité de bar et de débit de boissons, et aux premier et deuxième étages, une activité d'hôtellerie.

Il relève qu'à la date de l'ordonnance d'expropriation du 25 juin 2019, l'immeuble était sous le coup d'un arrêté de fermeture en date du 15 mars 2018, que l'immeuble présentait déjà un état de fragilité évident, de sorte qu'il y a lieu de tenir compte de cette fragilité pour la détermination de l'indemnité d'expropriation.

Conformément à l'étude de marché citée en première instance, il fait valoir que les prix de bien en relatif bon état et situés à proximité immédiate varient de 93 euros à 1 262 euros/m², la moyenne s'établissant à 1 059 euros/m².

S'agissant des termes de comparaison de 2019, cités par les expropriés, il indique pour la première que ces locaux relèvent d'un état d'entretien très correct et que l'état de délabrement avancé du bien litigieux, à la date de l'ordonnance d'expropriation, ne permet pas de retenir la valeur de 2 069 euros/m². Pour la seconde, il fait valoir que le bien cité correspond à un logement de type T2 avec garage au rez-de-chaussée et à une place de parking extérieure, le tout pour une superficie certifiée de

101,22 m², soit une valeur de 1 590,59 euros/m², et précise de nouveau que l'état de délabrement avancé du bien exproprié, à la date de l'ordonnance d'expropriation, ne permet de retenir la valeur de 1 590 euros/m² résultant de cette mutation.

Il propose en conséquence de retenir une valeur de 1 100 euros/m² pour le calcul de l'indemnité principale au titre de la dépossession de l'immeuble exproprié, et qu'un abattement de 20 % pour vétusté, partagé dans son principe avec les expropriés doit être appliqué, soit : 214 m² × 1 100 × 80 % = 188 320 euros.

Il fait observer que le premier juge a valorisé à part le terrain nu pour 8 560 euros. Or, il considère que la cour arrière de l'immeuble [S] ne saurait être isolée du bâti, sa valeur ne pouvant être regardée que comme accessoire à la valeur globale de 188 320 euros, car les valeurs sont toujours arrêtées en mode 'terrain intégré'. Il estime tout de même que cette plus-value de 8 560 euros peut être tolérée à titre de marge d'appréciation, réévaluant l'indemnité principale à 196 880 euros.

Concernant l'indemnisation de la perte du fonds de commerce, il soutient que c'est bien la fragilité du bâtiment et le risque encouru par les locataires qui ont conduit la commune à prendre deux arrêtés de fermeture au public. Ainsi, compte tenu de la fermeture du bar imposée par la mairie en 2018 et de la baisse du chiffre d'affaires qui s'en est suivie, il propose de neutraliser l'année 2018 et de ne retenir que la moyenne des années 2016 et 2017, à savoir 11 174 euros. Concernant le pourcentage à appliquer au chiffre d'affaires moyen établit, il affirme qu'il est possible de retenir le pourcentage associé à la mutation survenue à [Localité 19], [Adresse 20], le 3 novembre 2017, d'un bar dont le chiffre d'affaires moyen des trois années précédent la mutation (15 280 euros) est relativement comparable au chiffre d'affaires moyen du fonds de commerce litigieux, de sorte qu'il s'élèverait à 121 %, ce qui valoriserait le fonds de commerce des époux [S] à hauteur de

13 518 euros.

Il rejette toute indemnisation de la perte de revenus commerciaux au titre de l'activité d'hôtellerie, celle-ci n'étant pas imputable au transfert de propriété ordonné et n'a donc pas lieu à être indemnisée au titre de l'expropriation du fonds de commerce, en l'absence de préjudice direct entre les deux événements.

Concernant l'indemnisation de la perte de loyer liée au fast food 'Iskender Kebap', là encore il affirme qu'aucun préjudice direct ne saurait être établi entre l'expropriation et la perte de loyer, dans la mesure où l'activité de restauration rapide avait été définitivement arrêtée suite à la mise en liquidation judiciaire de l'entreprise exploitante le 27 mars 2019, soit à une date antérieure au prononcé de l'ordonnance d'expropriation, d'autant plus que la liquidation judiciaire en question n'a pas autorisé l'entreprise visée à poursuivre son activité au-delà du 27 mars 2019.

S'agissant du remboursement des frais de mise en sécurité mis à la charge des expropriés, il fait valoir que quand bien même les travaux auraient été entrepris postérieurement à l'ordonnance d'expropriation, ces travaux se rattachent à une délibération municipale préalable des 15 février et 3 juin 2019, de sorte que ces sommes s'avèrent exigibles des expropriés, sauf à en contester la validité devant les juridictions administratives.

Il propose de fixer à 20 688 euros, l'indemnité de remploi suivant la méthode de calcul habituel de l'article L. 322-5 du code de l'expropriation. S'agissant du fonds de commerce l'indemnité de remploi s'élèverait à 676 euros.

Mme [Y] [S] et les héritiers de M. [J] [S] ont été convoqués par lettre simple du 29 mars 2023, le commissaire du Gouvernement et la commune de [Localité 19] par lettres recommandées avec demande d'avis de réception le même jour, et l'affaire a été plaidée à l'audience du 17 avril 2024, après avoir été renvoyée le 8 novembre 2023.

Les parties ont été convoquées par lettres simples le 29 mars 2023, et l'affaire a été plaidée à l'audience du 17 avril 2024, suite à une demande de report des avocats.

MOTIFS

Sur l'indemnité principale de dépossession et l'indemnité de remploi

En application de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Selon l'article L. 321-3 du même code : le jugement distingue, notamment, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

L'article L. 322-1 du même code indique que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété, mais l'article L.322-2 précise que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, et que, sous réserve de l'application des dispositions des articles L. 322-3 à L. 322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique.

Enfin, selon l'article L. 322-8 du code de l'expropriation : sous réserve de l'article

L. 322-9, le juge tient compte, des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique et les prend pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.

Les parties ne contestent pas la date de référence, fixée au 11 octobre 2017, soit un an avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique, conformément aux dispositions de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation précitées.

Après avoir retenu qu'il n'y avait pas lieu d'indemniser la perte du fonds de commerce, mais seulement la perte du bien immobilier, et indiqué que le bâti devait être évalué compte tenu de la surface utile, terrain intégré, avec application d'une plus-value compte tenu de l'existence du terrain non bâti, le premier juge a décrit la méthode analytique qu'il convenait d'appliquer.

Ainsi, précisant que le bien est situé en zone UC du Plu correspondant à un secteur à vocation résidentielle principalement de petits collectifs et d'habitat individuel dense, implantés en ordre continu ou discontinu, et évoquant l'étude de marché réalisée par le commissaire du Gouvernement, il a retenu une valeur moyenne de

1 000 euros/m², soit la somme de 171 200 euros (214 m² × 1 000 euros × 80 %), sous déduction d'un abattement de 20 % en raison de la vétusté de l'immeuble et à laquelle il a ajouté une plus-value de 8 560 euros égale à 5 % de la somme susmentionnée, pour tenir compte de la superficie du terrain non bâti, soit 95 m²

(309 m² ' 214 m²).

Au titre de l'indemnité de dépossession, les critiques formées par les consorts [S], appelants, portent essentiellement sur la minoration des valeurs de références.

Les consorts [S] sollicitent le rejet des termes de comparaison mobilisé par l'autorité expropriante et le commissaire du Gouvernement en soutenant que les avis de valeur produits devraient être rejetés à double titre, tant par l'ancienneté des mutations qu'ils comprenaient que par l'absence de communication des actes ou de leurs références.

De ces termes de comparaison, celui en date de 2011, faisant mention d'un prix au mètre carré de 933 euros, doit être remis en cause selon le commissaire du Gouvernement et la commune de [Localité 19] en raison de son ancienneté au regard de la procédure, ce qui ferait ressortir une somme de 1 090 euros/m².

L'ensemble des parties étant d'accord pour considérer le terme de comparaison de 2011 comme trop ancien, eu égard à la présente procédure, celui-ci sera exclut de l'évaluation de l'indemnité de dépossession.

Les consorts [S] persistent à critiquer les quatre autres références invoqués par la commune et le commissaire du Gouvernement en considérant qu'ils ne portent pas sur des biens similaires, qu'ils portent sur des biens aux surfaces utiles inférieures à celles du bien exproprié, que le seul bien ayant une surface utile comparable porte sur un bien à usage exclusif d'habitation, ce qui n'est pas le cas du bien à évaluer, et qu'ils portent sur des biens mixtes à usage de commerce et d'habitation et non sur un immeuble à usage exclusif de commerce bar-restaurant et hôtellerie.

Les références en questions correspondent à l'étude de marché établie et présentée par le commissaire du Gouvernement devant le premier juge, laquelle est étayée par la production par la commune de [Localité 19], des actes authentiques de ventes adéquats, il s'agit dès lors :

- de la mutation du 22 novembre 2017, d'un immeuble mixte à usage de commerce et d'habitation, cadastré AP [Cadastre 7], d'une surface utile estimée à 61 m², pour un prix de 77 000 euros, soit 1 262 euros/m²,

- de la mutation du 19 octobre 2017, d'un immeuble mixte à usage de commerce et d'habitation, castré AP [Cadastre 4] et [Cadastre 6], d'une surface utile estimée à 175 m², pour un prix de 175 000 euros, soit 1 000 euros/m²,

- de la mutation du 7 décembre 2017, d'un immeuble à usage exclusif d'habitation, cadastré AP [Cadastre 5] et [Cadastre 9], d'une surface utile estimée à 240 m², pour un prix de

264 000 euros, soit 1 100 euros/m²,

- et de la mutation du 28 juillet 2017, d'un immeuble mixte à usage de commerce et d'habitation, cadastré AO [Cadastre 10], d'une surface utile estimée à 125 m², pour un prix de 125 000 euros, soit 1 000 euros/m².

Certes les mutations alléguées remontent toutes à 2017, mais l'ordonnance d'expropriation a été prononcée en 2019, les mutations de 2017 ne peuvent donc aucunement s'analyser comme trop ancienne.

Pour autant, dès lors que le bien litigieux était notamment constitué d'un ensemble immobilier à usage mixte de commerce et d'habitation, et d'une surface utile de

214 m², surface en conséquence bien supérieure à celle de la première référence présentée par l'autorité expropriante et le commissaire du Gouvernement, celle-ci ne peut par conséquent être utilement regardée comme un terme de comparaison parfaitement mobilisable.

Ainsi, la moyenne arithmétique des références précitées et invoquées par l'autorité expropriante et le commissaire du Gouvernement est de 1 033 euros/m².

En outre, les consorts [S] entendent intégrer en tant que termes de comparaison :

- la mutation intervenue le 14 mars 2019, pour les parcelles AK [Cadastre 12] et [Cadastre 13], d'une surface globale de 188 m², pour un prix de 389 000 euros, soit 2 069 euros/m²,

- et la mutation intervenue le 13 novembre 2019, pour la parcelle AM [Cadastre 11], d'une surface totale de 142 m², pour un prix de 281 000 euros, soit 1 979 euros/m².

- pour une moyenne arithmétique de 2 024 euros/m².

Toutefois, les appelants ne fournissent aucune pièce permettant à la juridiction d'apprécier la consistance, l'état des biens utilisés comme termes de comparaison ou encore l'existence d'annexes au-delà d'énonciations sommaires, de sorte que les demandes de valeurs foncières ne peuvent être regardées comme des termes de comparaison utiles.

En définitive, le juge de l'expropriation s'est, de façon pertinente, référé aux termes de comparaison produits par le commissaire du Gouvernement aux termes de son étude de marché, afin de retenir que l'indemnité principale de dépossession revenant aux consorts [S] devait être évaluée sur une base de 1 000 euros/m².

Les parties ne contestant pas que l'état de vétusté de l'immeuble litigieux à la date de référence, non contestée, justifie un abattement de 20 %, mais aussi que la superficie non bâti du bien et sa position, justifient une plus-value de 5 %, l'abattement et la plus-value retenus par le premier juge seront également appliqués à hauteur d'appel.

Dès lors, le premier juge, en fixant l'indemnité principale de dépossession à

179 760 euros, abattement pour vétusté déduit et plus-value appliquée, a fait une juste appréciation de l'état du marché dans la commune, de la consistance du bien litigieux et de sa situation avantageuse.

Le jugement entrepris sera confirmé.

L'indemnité de remploi a été calculée selon le barème dégressif prévu par les textes en la matière et sera également confirmée pour un montant de 18 976 euros.

Sur les indemnités accessoires

L'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que l'indemnité allouée à un propriétaire exproprié doit couvrir l'intégralité de son préjudice direct, matériel et certain.

Sur la dépossession des fonds de commerce

Pour solliciter une indemnité principale de 54 290 euros et une indemnité de remploi de 4 279 euros au titre de la perte des fonds de commerce en activité au sein de l'immeuble objet de l'expropriation, les consorts [S] prétendent, d'une part, avoir effectué des travaux et avoir essayé de régulariser la situation de leur immeuble et ce malgré la procédure d'expropriation annoncée en octobre 2018, et d'autre part, ils font valoir qu'ils ne sollicitent pas une indemnisation pour la perte de revenus causée par les fermetures administratives temporaires de leurs fonds de commerce intervenues en mai et août 2018, mais une indemnisation pour la perte desdits fonds en raison de la procédure d'expropriation.

La commune réplique en affirmant que la perte des fonds de commerce, et donc nécessaire des revenus qu'ils produisaient, ne peuvent pas directement être imputable à la procédure d'expropriation, notamment dans la mesure où au jour du transfert de propriété, soit au 25 juin 2019, tant la partie hôtellerie que la partie débit de boisson n'étaient plus exploitées à la suite d'une fermeture administrative.

Le premier juge a statué en ce sens.

Le commissaire du Gouvernement fait valoir qu'au jour du transfert de propriété seule l'activité de débit de boissons était encore exploitée et considère qu'elle justifie une indemnisation qu'il propose de fixer à 13 518 euros, résultat d'un pourcentage majoré du chiffre d'affaires du fonds de commerce en question.

Tel que rappelé par le premier juge, le montant des indemnités doit être fixé d'après la consistance des biens à la date du 25 juin 2019, date du transfert de propriété, au regard de leur usage effectif un an avant l'ouverture de l'enquête préalable, soit à la date du 11 octobre 2017.

En l'espèce, par arrêtés municipaux des 15 mars et 24 août 2018, la partie hôtel de l'établissement puis le [17], exploités au sein de l'immeuble litigieux, ont été fermés au public après qu'il ait été constaté que : 'le sommier situé vers l'angle entre l'[Adresse 16] et la [Adresse 22] était cassé, qu'il présentait des désordres dus à la diminution de sa résistance du fait de sa dégradation par les insectes xylophages et les champignons, qu'il n'assurait plus sa fonction de support pour les solives du plancher, que la solive ne portant plus sur le sommier, elle n'assurait plus sa fonction de support du plancher du bar et que de ce fait, le plancher haut du sous-sol était instable et risquait de s'effondrer entraînant le bar.'

La fermeture temporaire d'un fonds de commerce par arrêté municipal n'entraîne pas systématiquement disparition immédiate, et partant dépossession du fonds en question, puisqu'il s'agit de restrictions administratives à caractère temporaire pouvant être levées après avis favorable de la Commission de sécurité de la commune.

Toutefois, en l'espèce, les consorts [S] étaient avisés dès le premier trimestre 2018 de la fermerure de l'hôtel en raison des dangers que présentaient l'hôtel. Ils étaient destinataires d'une notification de la commune rappelant les incertitudes affectant la stabilité de l'immeuble et le péril encouru par les personnes en cas d'incendie : ils n'ont pas respecté la fermeture prononcée puisque la commune a attiré leur attention sur l'occupation contemporaine de lieux. L'activité illicite s'est poursuivie.

Par arrêté du 24 août 2018, la partie bar de l'immeuble a été également fermée en raison du risque d'effondrement de l'immeuble compte tenu de l'état du plancher haut du sous-sol, du risque d'effondrement du bâtiment, risque qui se réalisera en 2019.

Les consorts [S] se prévalent de travaux effectués en 2010 , la Commission de sécurité ayant donné un avis favorable. Ces travaux sont anciens et manifestement n'étaient pas de nature à assurer la pérennité de l'immeuble compte tenu des conclusions expertales émises en 2018 sur les dégradations graves l'affectant.

M. [S] a certes déposé un permis de construire le 23 août 2018 ; les consorts [S] produisent des projections des travaux envisagés (graphisme et plans) : toutefois, ils ne communiquent aucun élément sur la nature et l'envergure des travaux telle que définies par le maître d'oeuvre d'une part, et chiffrées d'autre part. Aucun plan de financement n'est présenté au soutien de la démonstration nécessaire quant à la réalité de la volonté de maintenir ce fonds.

Le dernier exercice comptable de 2017 met en évidence les résultats suivants, proches de l'année 2016 :

- des résultats de 46 332 euros pour le bar et l'hôtel,

- un résultat net comptable de 17 294 euros soit un revenu mensuel pour l'exploitant, M. [S] de 1 441 euros par mois (16 903 euros en 2016).

En conséquence, à défaut de démontrer une réelle capacité à assurer la pérennité du fonds de commerce par la réalisation des travaux à la hauteur des besoins, il convient de considérer que la perte du fonds de commerce a pour origine des désordres faisant obstacle à l'exercice de l'activité dans des conditions définitives à défaut de capacité de traitement par le propriétaire du fonds et non la procédure d'expropriation. Le jugement sera confirmé.

Sur la perte des loyers du fonds exploité par la société New Best Food

Les consorts [S] sollicitent de la cour l'indemnisation à hauteur de 15 000 euros de la perte des loyers qu'ils tiraient de l'exploitation par la société New Best Food d'un fonds leur appartenant, lequel était situé dans l'ensemble immobilier objet de la procédure d'expropriation.

Le premier juge n'a pas fait droit à cette demande.

La commune de [Localité 19] réplique en affirmant que les consorts [S] ne rapportent pas la preuve d'une quelconque exploitation du fonds en question notamment par la production d'un bail commercial. Le commissaire du Gouvernement énonce quant à lui qu'aucune indemnisation à ce titre ne peut être accordée dès lors que la société exploitante a été mise en liquidation judiciaire le 27 mars 2019, sans qu'il ne soit justifié que cette dernière ait été autorisée à poursuivre son activité au-delà de cette date.

En l'espèce, dans la mesure où les consorts [S] ne communiquent à la juridiction aucun contrat de bail commercial pour le fonds en question, mise à part huit photographies de quittances de loyer dont l'origine et la véracité tendent à leur accorder une force probante minimes, et compte tenu du placement en liquidation judiciaire de la société exploitante, laquelle en principe suppose une cessation d'activité jusqu'à la clôture de la procédure, aucune indemnité pour perte de loyers ne peut être accordée aux appelants.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais de démolition et de mise en sécurité du site

La commune de [Localité 19] s'estime bien fondée à solliciter le rejet de la demande des appelants visant à obtenir le remboursement de la somme de 8 160 euros en indiquant que ces frais correspondent à des travaux rendus nécessaires en 2018 et 2019, date à laquelle les consorts [S] étaient encore propriétaires de l'ensemble immobilier exproprié, afin de sécuriser le site.

Le commissaire du Gouvernement partage le même argumentaire que la commune tout en précisant que quand bien même les travaux auraient été entrepris postérieurement à l'ordonnance d'expropriation, ces travaux de mise en sécurité se rattachent à une délibération municipale préalable, à savoir des 15 février et 3 juin 2019.

Pour solliciter le remboursement des sommes versées, les consorts [S] soutiennent que les arrêtés intervenus au mois de juillet 2019 ont été pris et leur ont été notifiés après le transfert de propriété du mois de juin 2019, alors qu'ils n'étaient plus propriétaires.

En l'espèce, les sommes contestées sont justifiées d'avis établis par la commune de [Localité 19] rendus exécutoires par des arrêtés municipaux des 15 février et 3 juin 2019, lesquels résultent de factures d'Epc Groupe du 29 novembre 2018 et du Bureau d'Etudes Sebat du 7 mai 2019, soient des dates antérieures à l'ordonnance d'expropriation rendue le 25 juin 2019, opérant le transfert effectif de propriété.

Ainsi, les frais de mise en sécurité de l'ensemble immobilier, quand bien même les opérations se seraient déroulées après le 25 juin 2019, ont été rendus nécessaires avant cette date alors que les consorts [S] étaient encore propriétaires du site et sont par conséquent exigibles de ces derniers.

La demande de restitution des sommes versées formées par les appelants sera rejetée.

Sur la restitution de la valeur des biens non restitués

Les consorts [S] estiment que la commune de [Localité 19] a pris possession de l'ensemble immobilier sans restituer des matériaux commandés, réglés et livrés avant l'ordonnance d'expropriation et sollicitent la somme de 45 450 euros.

La commune et le commissaire du Gouvernement n'ont pas conclu sur ce point.

Pour justifier leur demande, les appelants versent aux débats :

- trois photographies des prétendus matériaux,

- une facture de la société Global Difran S.L. du 4 mars 2019 d'un montant TTC de 3 388 euros,

- une facture de la société Franco Sabiote du 15 février 2019 d'un montant TTC de 42 062,02 euros,

- une facture de la société Hierrosrojo du 18 février 2019 d'un montant TTC de

36 139,91 euros,

soit une somme totale de 81 589,93 euros.

Or, dans la mesure où le montant total des factures produites ne coïncide pas avec la somme sollicitée et que le détail des factures, établies en espagnol, ne permet pas d'identifier concrètement leur objet, il ne peut être fait droit à une telle prétention.

Les consorts [S] seront déboutés de leur demande.

Sur les frais de procédure

Les consorts [S] succombent à l'instance et en supporteront les dépens.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la commune de [Localité 19].

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Y] [S] et Mme [F] [S], M. [M] [S],

M. [I] [S] et Mme [B] [S], ès qualités d'héritiers de M. [J] [S] aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 23/01164
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;23.01164 ?
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