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03/07/2024 | FRANCE | N°23/00711

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 03 juillet 2024, 23/00711


N° RG 23/00711 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJUC





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 3 JUILLET 2024







DÉCISION DÉFÉRÉE :



18/02110

Tribunal judiciaire de Rouen du 25 janvier 2023



APPELANTE :



SCI AZUR

RCS 440 082 402

[Adresse 1]

[Localité 18]



représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Nicolas BARRABE





INTIMES :



Monsieur [R] [O]

né le 7 avril 1968 à [Localité 16] (Maroc)

[Adresse 8]

[Localité 21]



comparant, représenté et assisté par Me Xavier GARCON de la SELARL ELOGE AVOCATS, avocat au barreau de Rouen





Madame [X] [M]

née ...

N° RG 23/00711 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJUC

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 3 JUILLET 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/02110

Tribunal judiciaire de Rouen du 25 janvier 2023

APPELANTE :

SCI AZUR

RCS 440 082 402

[Adresse 1]

[Localité 18]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Nicolas BARRABE

INTIMES :

Monsieur [R] [O]

né le 7 avril 1968 à [Localité 16] (Maroc)

[Adresse 8]

[Localité 21]

comparant, représenté et assisté par Me Xavier GARCON de la SELARL ELOGE AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

Madame [X] [M]

née le 13 juin 1982 à [Localité 20]

[Adresse 11]

[Localité 15]

représentée et assistée par Me Marie-Hélène BOUILLET-GUILLAUME, avocat au barreau de Rouen

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023/008710 du 15/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 17 avril 2024 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 17 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 3 juillet 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 3 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 2 janvier 2016, M. [R] [O] et M. [Z] [N] ont signé un bail commercial, enregistré le 7 janvier 2016, portant sur un terrain situé [Adresse 5] à [Localité 18], composé de deux parcelles de terrain contiguës

n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13]. Par avenant du 18 janvier 2016, les parties ont convenu d'inclure dans le bail la parcelle [Cadastre 4].

Par acte authentique du 11 juillet 2017, reçu par Me [V] [P], notaire, M. [O] et M. [N] ont signé une promesse unilatérale de vente portant sur ce bien (parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 4]).

Par lettre recommandée avec avis de réception du 2 novembre 2017, M. [O] a levé l'option contenue dans la promesse.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 novembre 2017, Me [P] a relevé l'existence d'un pacte de préférence conventionnel régularisé le 15 novembre 2011 au bénéfice de la Sci Azur et a refusé d'instrumenter l'acte de vente.

Par acte d'huissier du 18 mai 2018, M. [O] a assigné M. [N] et la Sci Azur devant le tribunal de grande instance de Rouen aux fins de voir faire injonction à

M. [N] d'avoir à régulariser la vente.

M. [N] est décédé le 15 avril 2021. Par acte d'huissier du 6 octobre 2021,

M. [O] a assigné Mme [M], ès qualités d'ayant droit en intervention forcée.

La jonction des procédures est intervenue le 17 janvier 2022.

Par jugement réputé contradictoire du 25 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- rejeté les demandes formées par M. [N],

- débouté la Sci Azur de sa demande de caducité de la promesse de vente,

- débouté la Sci Azur de sa demande de nullité de la promesse de vente,

- débouté la Sci Azur de sa demande tendant à condamner à Mme [M] à régulariser par devant Me [P], notaire, l'acte authentique de vente au profit de la Sci Azur,

- condamné Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] à régulariser la vente portant sur le bien immobilier situé à [Localité 21] et à [Adresse 5], cadastré section AV n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13] et section ME n°[Cadastre 4], en l'étude de Me [P], notaire, dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard,

- débouté la Sci Azur de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [O],

- condamné Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] à payer à la Sci Azur la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] à payer à

M. [O] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] à payer à la Sci Azur la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Barrabé, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 23 février 2023, la Sci Azur a formé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 27 mars 2024, la Sci Azur demande à la cour, au visa des articles 1134, 1382, 1147 et 1315 du code civil, de :

- infirmer ou à tout le moins réformer le jugement rendu le 25 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Rouen en ce qu'il a :

. condamné Mme [M] ès qualités d'ayant droit de M. [N] à régulariser la vente portant sur le bien immobilier situé à [Localité 21] et [Adresse 5] cadastré section AV n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13] section ME n°[Cadastre 4] en l'étude de Me [V] [P], notaire associé [Adresse 10] à [Localité 21] dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous astreinte passé ce délai de 100 euros par jour de retard,

. en conséquence, débouté la Sci Azur de sa demande tendant à voir déclarer caduque la promesse unilatérale de vente consentie par feu M. [N] à M. [O] le

11 juillet 2017 en raison de la non-réalisation de la 'condition suspensive à laquelle aucune des parties ne peut renoncer' énoncée au paragraphe 'conditions suspensives' page 10 de l'acte,

. débouté la Sci Azur de sa demande subsidiaire tendant à voir prononce la nullité de la promesse unilatérale de vente,

. débouté la Sci Azur de sa demande tendant à voir condamner Mme [M] à régulariser par devant Me [P], notaire à [Localité 21], l'acte authentique de vente au profit de la Sci Azur portant sur les droits et biens immobiliers afférents à la parcelle cadastrée section AV n°[Cadastre 13] [Adresse 9] à [Localité 18], d'une contenance de 26 ares et 49 centiares, au prix, modalités de paiement et conditions énoncées dans la promette unilatérale de vente du 11 juillet 2017 et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard dans les deux mois du jugement,

. condamné Mme [M] ès qualités d'ayant droits de M. [N] à payer à la Sci Azur la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision, et capitalisation,

. en conséquence, débouté la Sci Azur de sa demande subsidiaire tendant à voir condamner solidairement M. [O] et Mme [M] venant aux droits de

M. [N] à payer à la Sci Azur la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2020 et capitalisation, au vu des fautes commises par M. [N] et M. [O] au préjudice de la Sci Azur,

. rejeté la demande plus subsidiaire de la Sci Azur de voir désigner un expert immobilier,

. rejeté la demande de condamnation solidaire de la société Azur à l'encontre de Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] et M. [O] au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

- déclarer caduque ou, subsidiairement, nulle, la promesse unilatérale de vente consentie par feu M. [N] à M. [O] le 11 juillet 2017,

- ordonner à tout ayant droit de M. [N] et à Mme [M] de régulariser par devant Me [P], notaire à [Localité 21], l'acte authentique de vente au profit de la Sci Azur portant sur les biens et droits immobiliers afférents à la parcelle cadastrée section AV numéro [Cadastre 13], sise [Adresse 5] à [Localité 18], d'une contenance de 26 ares et 49 centiares, au prix, modalités de paiement et conditions énoncées dans la promesse unilatérale de vente du 11 juillet 2007 entre M. [N] et M. [O], et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard dans les deux mois de l'arrêt à intervenir,

subsidiairement,

- condamner in solidum M. [O], tout ayant droit de M. [N] et Mme [M] à payer à la Sci Azur la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2020 et avec capitalisation annuelle à compter de cette date, conformément à l'article 1154 du code civil dans sa version antérieure au 10 février 2016, et ordonner que cette somme sera prélevée sur le prix de vente de la parcelle cadastrée section AV numéro [Cadastre 13],

très subsidiairement et avant dire droit sur le quantum des préjudices de la Sci Azur,

- désigner tel expert immobilier avec la mission de :

'se rendre sur les lieux [Adresse 22] à [Localité 18], en présence des parties dument convoquées en temps utile ainsi que leur conseil comme pour les réunions ultérieures de l'expert,

* prendre connaissance et se faire communiquer tout document contractuel et toute pièce et document qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission et veiller à leur examen contradictoire par les parties,

* constater et décrire les terrains dont la Sci Azur est propriétaire ainsi que les terrains contigus, dont ceux ayant appartenu à M. [N],

* fournir au juge tous éléments permettant d'apprécier la valeur de la parcelle section AV n°[Cadastre 13] sise [Adresse 5] à [Localité 18], d'une part en tant que terrain non constructible et, d'autre part, en tant que terrain constructible,

* préciser et chiffrer tous chefs de préjudices subis par la Sci Azur du fait de l'impossibilité d'acquérir la parcelle AV n°[Cadastre 13],

* donner à la juridiction compétente tous éléments de nature à l'éclairer sur les préjudices subis par la société la Sci Azur'.

- condamner in solidum M. [O], tout ayant droit de M. [N] et Mme [M] à supporter les frais d'expertise judiciaire,

- condamner in solidum M. [O], tout ayant droit de M. [N] et Mme [M] à payer à la Sci Azur la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [O], tout ayant droit de M. [N] et Mme [M] en tous les dépens de première instance et d'appel et autoriser Me Valérie Gray, membre de la Selarl Gray Scolan, avocat, à procéder à leur recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que les termes de la promesse de vente litigieuse s'imposent à

M. [O] qu'il ait connu ou non l'existence du pacte de préférence et qu'elle ait, elle-même, fait ou non connaître son intention de se prévaloir du pacte de préférence avant que M. [O] ne lève l'option.

Alors que M. [O] affirme que Me [P] a notifié une copie de l'acte litigieux à Me [T], rédacteur du pacte de préférence, le 26 octobre 2017, et que ce dernier a dû nécessairement la prévenir de l'existence de la promesse, elle affirme que Me [T] ne l'a pas prévenue ni ne lui a transmis la copie de la promesse, dont elle a découvert l'existence par l'assignation qui lui a été délivrée par M. [O] le 18 mai 2018. Quant à la vente portant sur la parcelle n°[Cadastre 6], régularisée le 16 septembre 2016, si elle a été publiée au service de la publicité foncière et que, de ce fait, elle ne pouvait être ignorée de Me [T], elle indique qu'elle n'a pas été portée à sa connaissance. Il est dès lors erroné de prétendre que l'absence de contestation de la vente de la parcelle n°[Cadastre 6] emporterait renonciation des droits qu'elle tenait du pacte de préférence du 15 novembre 2011.

Elle s'estime fondée à invoquer les dispositions de la promesse de vente du 11 juillet 2017, en application de l'article 1382 du code civil en tant que fait dommageable, dès lors que c'est en exécution de cette promesse que M. [O] prétend devenir propriétaire de la parcelle [Cadastre 13]. Or, elle considère que l'option ne pouvait être levée par M. [O] tant qu'elle n'était pas avisée de son intention d'acquérir la parcelle litigieuse et, selon la promesse de vente du 11 juillet 2017, il appartenait à

M. [O] de s'assurer qu'un tiers ne bénéficiait pas d'un droit de préférence.

Elle précise qu'en omettant de se renseigner, alors que le pacte de préférence avait été publié au service de la publicité foncière, M. [O] a commis une faute à son préjudice. Elle ajoute qu'il aurait commis une seconde faute en ne l'interrogeant pas sur son intention d'user de ce droit.

Elle affirme que M. [O] ne peut, sans se contredire, prétendre que la vente de la parcelle n°[Cadastre 6] le 16 septembre 2016 serait opposable à la Sci Azur au motif qu'elle a été publiée et soutenir que le pacte de préférence publié le 4 juin 2012 ne lui serait pas opposable. Elle considère que M. [O] avait effectivement connaissance du pacte de préférence lorsque le 2 novembre 2017, il s'est hâté de lever l'option.

Elle expose que le tribunal a inversé la charge de la preuve et indique qu'il revenait à M. [O] de rapporter la preuve qu'elle avait été en mesure d'exercer son droit de préférence. Or, faute de purge, la promesse litigieuse est caduque de sorte que l'acte de vente entre tout ayant droit de M. [N] et M. [O] ne peut être régularisé à son profit.

Alors que M. [O] tente d'écarter le droit de préférence résultant du pacte, elle rappelle que le droit de préférence du locataire commercial étant une limitation à l'exercice du droit de propriété, ses conditions d'exercice doivent être interprétées strictement. Ainsi, seul le local commercial ou artisanal sur lequel il porte peut en bénéficier et les lots, ouvrages ou locaux ayant d'autres usages ne peuvent bénéficier de ce droit de préférence.

Or, sur le fondement du bail commercial et des plans et photographies du bien litigieux, elle prétend qu'il n'existe aucune activité commerciale ou artisanale sur le terrain ni dans la maison, de sorte qu'il n'existe aucune extension légale ni, en l'espèce, conventionnelle, du droit de préemption du locataire commercial à un autre immeuble que le seul local commercial ou artisanal dans lequel M. [O] exerçait son activité.

Subsidiairement, s'il n'était pas fait droit à ses demandes, elle considère que

M. [O] et tout ayant droit de M. [N] devront être condamnés à réparer son dommage puisque que M. [N] n'a pas respecté ses obligations contractuelles à son égard et que M. [O] ne pouvait ignorer l'existence de son droit de préférence. Sur ce point, elle explique que limités à un usage de stockage, les terrains litigieux n'auraient qu'une valeur de 40 000 euros, alors que constructibles, ils pourraient être évalués à 110 000 euros, soit un préjudice de 70 000 euros, dont elle demande l'indemnisation.

Très subsidiairement, avant dire droit sur le montant du préjudice, elle demande à ce que soit ordonné une expertise judiciaire.

Par dernières conclusions notifiées le 3 avril 2024, M. [R] [O] demande à la cour, au visa des articles L. 145-46-1 du code de commerce, 1169, 1179, 1583 et 1589 du code civil, de :

- déclarer mal fondé l'appel de la Sci Azur,

- recevoir M. [O] en son appel incident et le déclarer bien fondé,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 25 janvier 2023 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné Mme [M] à régulariser la vente et débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

en conséquence,

- débouter la Sci Azur de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [M] de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

- condamner in solidum Mme [M], venant aux droits de M. [N], ou tout autre ayant droit du même, et la Sci Azur à payer à M. [O] la somme de

30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

- condamner Mme [M] venant aux droits de M. [N], ou tout autre ayant droit du même, au paiement de la somme de 9 750 euros en restitution des sommes versées au titre de la promesse de vente du 11 juillet 2017,

en tout état de cause,

- condamner Mme [M] venant aux droits de M. [N], ou tout autre ayant droit du même, au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice de jouissance,

- condamner solidairement Mme [M] venant aux droits de M. [N], et la Sci Azur au paiement de la somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner solidairement Mme [M] ès qualités d'ayant droit de M. [N] et la Sci Azur aux entiers dépens de l'instance.

Rappelant les dispositions des articles 1169 et 1179 du code civil, il expose que Mme [M], en sa qualité d'ayant droit de M. [N], ne peut se prévaloir de la nullité du bail librement consenti et dont ce dernier a fixé les termes et conditions ; qu'il est le seul, en sa qualité de débiteur, à pouvoir s'en prévaloir.

Il précise qu'il résulte des éléments versés aux débats qu'il n'a pas été informé de l'existence du pacte de préférence lors de la conclusion de l'acte de vente du 16 septembre 2016, son vendeur lui déclarant expressément qu'aucun droit n'avait été consenti à des tiers ; que la Sci Azur n'a jamais agi ni en caducité de la promesse de vente du 28 juin 2016, ni en nullité de la vente régularisée le 16 septembre 2016 et n'a pas davantage sollicité des dommages et intérêts à l'endroit de M. [N], alors même qu'elle a été parfaitement informée de cette vente. En, celle-ci communique une copie de la promesse de vente du 28 juin 2016. Il en déduit de ce fait que la Sci Azur aurait ainsi renoncé dès le 16 septembre 2016 au bénéfice du pacte de préférence de sorte qu'elle ne saurait s'en prévaloir à ce jour pour freiner la vente de la parcelle cadastrée [Cadastre 13].

Pour faire valoir qu'à la date de la promesse de vente, le 11 juillet 2017, il n'avait nullement été informé de l'existence du pacte de préférence, il affirme qu'il résulte du décompte établi par Me [P] que celui-ci n'a interrogé le service de la publicité foncière que le 28 septembre 2017, soit plus de deux mois après la signature de la promesse de vente.

Il souligne qu'en sa qualité de locataire commercial, il bénéficiait d'un droit de préemption en cas de vente par le propriétaire des lieux loués, lequel l'emporterait sur le pacte de préférence au profit de la Sci Azur et y ferait obstacle.

Pour estimer comme mal-fondée la demande de dommages et intérêts formée par la Sci Azur à son encontre, il explique que ni la loi, ni la jurisprudence ne mettent à la charge de l'acquéreur d'un bien une obligation quelconque à l'égard d'un tiers ayant contracté avec le vendeur, et que contrairement aux allégations de la Sci Azur,

M. [N] ne l'a jamais informée de l'existence d'un pacte de préférence.

La Sci Azur n'apporte pas la preuve de la connaissance qu'il en avait et de celle de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir alors qu'il s'agit de conditions cumulatives pour faire échec à l'exécution de la promesse de vente.

À titre subsidiaire, si la cour décidait d'infirmer le jugement entrepris, il s'estime bien fondé à solliciter la condamnation in solidum des ayants droit de M. [N] et de la Sci Azur à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'inexécution de la promesse de vente conclue le 11 juillet 2017. Il évalue en conséquence sa perte de chance à 30 000 euros et demande que Mme [M] soit condamnée à lui rembourser les sommes qu'il a versées au titre de l'indemnité d'immobilisation et d'apport personnel à la signature de la promesse de vente, soit la somme globale de 9 750 euros. Il s'oppose à la demande formée par la Sci Azur tendant à voir ordonner une expertise juridique pour permettre une évaluation de son préjudice.

Enfin, il considère que M. [N] en faisant obstacle à la jouissance paisible des lieux donnés à bail, où il s'est introduit pour dérober divers objets et matériels professionnels, devrait être condamné au paiement de la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Par dernières conclusions notifiées le 21 décembre 2023, Mme [X] [M] demande à la cour de :

- infirmer ou à tout le moins réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. rejeté les demandes formées par M. [Z] [N],

. condamné Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] à régulariser la vente portant sur le bien immobilier situé à [Localité 21] et à [Adresse 5], cadastré section AV n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13] et section ME n°[Cadastre 4], en l'étude de Me [P], notaire, dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard,

. débouté la Sci Azur de sa demande de caducité de la promesse de vente,

. débouté la Sci Azur de sa demande de nullité de la promesse de vente,

. condamné Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] à payer à la Sci Azur la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

. condamné Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] à payer à

M. [O] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné Mme [M] en sa qualité d'ayant droit de M. [N] à payer à la Sci Azur la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

- déclarer caduque ou, subsidiairement, nulle, la promesse unilatérale de vente consentie par feu M. [N] à M. [O] le 11 juillet 2017,

- débouter M. [O] et la Sci Azur de leurs demandes à son égard,

- statuer ce que de droit quant aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle et la dispenser de cette charge.

Elle discute en premier lieu la qualité qui lui est prêtée par M. [O] dans la mesure où si elle est légataire universelle selon testament olographe de M. [N] du 26 octobre 2017, elle n'avait pas accepté la succession à la date du prononcé du jugement et n'avait pas été sommée de prendre position de sorte que le délai de l'article 772 du code civil n'avait pas couru : le jugement sera infirmé de ce chef, la décision ne pouvant lui ordonné de régulariser une vente à défaut de qualité pour vendre.

Pour faire valoir qu'aucun droit de préemption n'a été ouvert, elle soutient que les lots, ouvrage ou locaux ayant d'autres usages que commercial ou artisanal ne peuvent concéder au locataire un droit de préférence. Or, elle affirme que le bail commercial conclu entre M. [N] et M. [O] porte sur un terrain sis à [Localité 18], composé de deux parcelles de terrain n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13] et que les plans et photographies produites par la Sci Azur montrent qu'il n'existe aucune activité commerciale ou artisanale sur le terrain ni dans la maison.

Pour estimer que les conditions de mise en oeuvre du droit de préemption ne sont pas remplies, elle ajoute que M. [N] n'a jamais notifié à M. [O] son intention de vendre le bien non plus que le prix et les conditions de vente envisagées et que c'est au contraire M. [O] qui a exigé d'acquérir les lots et demandé à

M. [N] de les lui vendre.

S'agissant des droits de la Sci Azur et de M. [O], elle se joint sur cette question aux moyens soulevés par la Sci Azur et donne adjonction à ses conclusions d'appel.

La clôture de l'instruction est intervenue le 17 avril 2024.

MOTIFS

Sur la qualité de Mme [M]

L'article 771 du code civil dispose que l'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession. A l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat.

L'article 772 du même code précise que dans les deux mois qui suivent la sommation, l'héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi. A défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple.

En l'espèce, M. [Z] [N] né le 27 novembre 1939 est décédé à [Localité 21] le

15 avril 2021, alors que la procédure de première instance était en cours.

L'acte de notoriété établi le 16 août 2021 par Me [T], notaire à [Localité 17], précise que Mme [X] [M] est légataire universelle. Par acte du 28 juin 2023, M. [O] lui a fait délivrer sommation de prendre parti sur la succession dans les deux mois de la délivrance au visa de l'article 772 susvisé.

Mme [M] est dès lors réputée avoir accepté la succession. Elle est dès lors ayant droit de M. [N].

Au jour où la cour statue, la procédure la concernant a été régularisée de sorte qu'il n'y aura pas lieu à infirmation en ce que le tribunal a statué à son encontre en retenant cette qualité.

Sur les droits de la Sci Azur

L'article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l'article 1123 du code applicable à compter du 1er octobre 2016, le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.

Si ces dispositions sont postérieures à la signature du pacte de préférence discuté du 15 novembre 2011, elles correspondent exactement au droit positif antérieur, de nature prétorienne, à la date de signature du contrat et avant-contrat liant les parties.

La connaissance du pacte de préférence et de l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir s'apprécie à la date de la promesse de vente qui vaut vente.

Ainsi, par acte notarié du 15 novembre 2011, M. [N] a vendu à la Sci Azur :

- la parcelle cadastrée AV n°[Cadastre 14] de 817 m²,

- la parcelle cadastrée ME n°[Cadastre 2] de 331 m²

situées à [Adresse 19] et [Adresse 22] à [Localité 21].

En page 4 de l'acte est ajouté expressément, au paragraphe 'PACTE DE PREFERENCE' l'octroi d'un droit en ces termes au profit de la Sci Azur :

'Pour le cas où, durant un délai de quinze ans à compter de la régularisation par acte authentique des présentes, Monsieur [N], comparant de première ârt, contractant, se déciderait à vendre l'immeuble ci-après désigné, qu'il ait ou non sollicité ou reçu ders offres de tiers, il déclare prendre envers la SCI AZUR comparante de seconde part, qui accepte, l'engagement de lui faire connaître le prix demandé ou offert, ainsi que ses modalités de paiement et toutes autres conditions auxquels il serait disposé à traiter ou qui lui aurait été proposé. A ces prix, modalités de paiement et autres conditions, M. [N] s'engage à donner la préférence sur tout autre amateur ou acquéreur qui se présenterait ou serait présenté, à la SCI AZUR qui, en conséquence, aura le droit d'exiger que l'immeuble dont il s'agit lui soit vendu pour ces mêmes prix, modalités de paiement et conditions.', sur les parcelles suivantes :

- la parcelle AV n°[Cadastre 13] de 2649 m²,

- la parcelle ME [Cadastre 6] de 1158 m²,

- la parcelle ME [Cadastre 3] de 316 m²,

situées [Adresse 22] à [Localité 18] pour les deux premières et à [Localité 21] pour la troisième.

Par acte notarié du 11 juillet 2017, M. [N] a consenti à M. [O] qui l'a acceptée, sous conditions suspensives, une promesse de vente sur une maison d'habitation implantée sur les parcelles AV n° [Cadastre 12] et AV n° [Cadastre 13] [Adresse 22] à [Localité 18], et ME [Cadastre 4] [Adresse 22] à [Localité 21].

1- Sur la caducité de la promesse de vente

La Sci Azur demande à titre principal que soit prononcée la caducité de la promesse de vente en en visant les termes : elle relève que le premier juge a retenu à tort qu'elle ne justifiait pas avoir fait part de sa volonté d'exercer son droit de préférence avant que l'option ne soit levée alors qu'elle en ignorait l'existence.

La promesse de vente signée par M. [N] et M. [O] le 11 juillet 2017 précise en page 10 de la convention, au titre des conditions suspensives que 'La promesse est consentie sous la condition qu'aucun droit de préemption ou de priorité...ne puisse être exercé sur le BIEN concerné. Dans l'hypothèse où un tel droit existerait, le PROMETTANT s'engage à procéder sans délai aux formalités nécessaires à sa purge. L'offre par le titulaire du droit de préemption ou de substitution à des prix et conditions différents de ceux notifiés entraînera la non réalisation de la condition suspensive. En cas d'exercice de l'un de ses droits, la promesse sera caduque et le PROMETTANT délié de toute obligation à l'égard du bénéficiaire.'

La promesse a été consentie pour une durée expirant le 17 novembre 2017.

Par correspondance du 2 novembre 2017, concordante avec le décompte notarié visant un encaissement des fonds le 7 novembre 2017, M. [O] a expressément levé l'option telle que 'prévue en page 4 de cet acte et portant sur l'acquisition des parcelles désignées en page 3 de cet acte'. Il a procédé au virement de la somme de 5 750 euros attendue.

Conformément aux dispositions énoncées dans l'acte, 'la levée d'option faite par tous moyens auprès du notaire rédacteur par le BENEFICIAIRE dans le même délai accompagné du vesrement par virement sur le compte du notaire chargé de recevoir l'acte authentique de vente ...' emporte 'réalisation de la promesse'.

La rencontre des volontés rend parfaite la vente de sorte que la caducité de la promese préalable n'est plus discutable y compris par le tiers bénéficiaire du pacte de préference.

2- Sur la nullité de la promesse de vente

La Sci Azur demande à titre subsidiaire que la promesse de vente soit déclarée nulle.

L'acte authentique portant pacte de préférence ayant été publié le 5 janvier 2012 à la conservation des hypothèques de [Localité 21], il est opposable aux tiers réputés en avoir connaissance. La première condition ouvrant le droit du bénéficiaire de solliciter la nullité de la promese synallagmatique de vente consentie à M. [O] est remplie à la date de signature de la convention le 11 juillet 2017.

La seconde condition porte sur la connaissance qu'avait acquise le tiers de l'intention du bénéficiaire du pacte de préférence de s'en prévaloir.

La Sci Azur reproche au premier juge d'avoir renversé la charge de la preuve mais le tribunal a exactement retenu qu'il incombait au bénéficiaire du droit de préférence de rapporter la preuve des deux conditions discutées.

M. [N] a consenti à M. [O] :

- par acte sous seing privé du 1er décembre 2015, un bail comercial portant sur les parcelles [Cadastre 3] et [Adresse 7] à [Localité 21] ;

- par acte sous seing privé du 2 janvier 2016, un bail commercial portant sur les parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 13] [Adresse 22] à [Localité 18],

- par avenant du 18 janvier 2016 la parcelle [Cadastre 4] située à [Localité 21] a été ajoutée aux biens loués par acte du 2 janvier 2016.

Ces actes ne comportent aucune référence à une vente possible des biens et dès lors au pacte de préférence accordé à la Sci Azur.

La première pièce faisant état de l'existence du pacte du préférence est la correspondance adressée à M. [N] et M. [O] le 3 novembre 2017 par Me [P], notaire instrumentaire, soit postérieurement à la levée d'option notifiée la veille par M. [O].

La Sci Azur ne produit pas d'autre pièce au soutien de cette prétention à l'exception d'une sommation de communiquer du 14 août 2023 demandant aux auteurs de la promesse de 'justifier de la date à laquelle il a été donné lecture du pacte de préférence ...' par le notaire et de communiquer l'avis d'envoi et de réception de la lettre de M. [O] du 2 novembre 2017 portant la levée d'option.

Cette sommation est sans effet probatoire puisque la révélation du pacte de préférence n'est portée que dans la correspondance du notaire du 3 novembre 2017 contemporaine de sa découverte. Quant aux preuves relatives à l'envoi et la réception de la lettre portant levée d'option, elles ne sont pas préemptoires pour fixer les droits des parties puisque la levée d'option peut selon l'acte se faire par tous 'tous moyens' et que le paiement de la somme due est confirmé par le décompte notarié. Aucun élément du dossier ne permet de suspecter une fraude aux droits de la Sci Azur et à plus forte raison de la caractériser.

Surtout, la connaissance de l'intention du bénéficiaire du pacte de préférence s'apprécie au jour de la promesse et non de la levée d'option.

En conséquence, en l'absence des conditions exigées en ce sens, la demande relative à la nullité de la promesse de vente du 11 juillet 2017 sera écartée, le jugement confirmé de ce chef.

3- Sur l'activité commerciale

La Sci Azur discute la nature et les conditions d'octroi des baux commerciaux dans le cadre du débat relatif à l'existence d'une hiérarchie entre l'exercice du droit de préférence et l'exercice du droit de préemption.

L'acte de vente est marqué par l'absence de référence au droit de préemption émanant des baux commerciaux dans la promesse de vente, de visa de biens à destination commerciale, alors qu'ils sont présentés comme libres d'occupation. Il s'agit d'une maison d'habitation avec terrain.

Un bail commercial a été consenti sur les mêmes parcelles AV n°[Cadastre 12] et

AV n°[Cadastre 13] mais il n'en reste pas moins que les parties n'ont pas tiré profit des avantages procurés au preneur dans cette hypothèse, ont pris accord sur la vente, de droit commun, des biens et leur qualification.

La vente étant parfaite dès la levée d'option notifiée par M. [O], cette question juridique est inopérante.

4- Sur les dommages et intérêts

La Sci Azur forme subsidiairement une demande de condamnation de M. [O] au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

A défaut d'autres données et pièces que celles ci-dessus évoquées, la demande ne peut prospérer en l'absence de faute et de préjudice causal démontrés à l'encontre de M. [O].

Sur les droits de Mme [M]

1- Sur la vente immobilière

Mme [M] soutient la demande de caducité et de nullité de la promesse de vente qui ne peuvent prospérer dans les mêmes conditions, ne pouvant en outre se prévaloir des conséquences ayant pour origine l'omission commise par M. [N], dont elle tient ses droits, en s'abstenant d'évoquer le pacte de préférence qui l'engageait.

C'est ainsi à tort qu'elle impute à M. [O] l'obligation d'interpeler la Sci Azur sur ses intentions alors que M. [N] était débiteur de cette obligation.

Pour contester les conséquences de la réalisation de la vente par la levée de l'option de la part de M. [O] et l'obligation qui lui est faite de régulariser l'acte authentique suséquent, elle nie tout bénéfice d'un droit de préemption de ce dernier en ce que le bail commercial ne respecterait les dispositions de l'article L. 145-1 du code de commerce et qu'aucune offre d'achat n'a été notifiée à M. [O] par

M. [N] au visa de l'article L. 145-46-1 du code de commerce.

Mme [M] venant aux droits de M. [N] ne peut remettre en cause, hors vice du consentement prouvé, l'engagement donné, par acte authentique, par son auteur, et dès lors en connaissance de cause. Il convient de souligner que M. [N] a détaché la vente immobilière des baux commerciaux consentis : l'acte ne présente aucun critère de commercialité en ce qu'il porte sur une maison à usage d'habitation et un chemin et prévoit l'octroi au vendeur, en page 6, un droit d'usage et d'habitation sur le rez-de-chaussée de la maison durant sa vie.

Les demandes de Mme [M] ne peuvent prospérer et le jugement sera confirmé en ce qu'il lui ordonne de régulariser la vente par acte authentique. L'astreinte sera modifiée au regard des débats développés devant la cour et ne commencera à courir qu'à compter du présent arrêt suivant les modalités fixées par le premier juge.

2- Sur les dommages et intérêts

La Sci Azur demande également à son encontre une condamnation au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil.

Mme [M] conteste la demande en soulignant que M. [N] était un homme âgé de 78 ans, peu avisé de ses droits.

Une faute de M. [N] peut être retenue en ce qu'il n'a pas respecté les obligations tirées du pacte de préfèrence consenti en s'abstenant de saisir la Sci Azur d'un offre d'achat.

S'agissant de son préjudice, la Sci Azur indique que les parties à l'acte du

15 novembre 2011 avaient associées la possible acquisition des parcelles litigieuses pour permettre un accès sans servitude n°[Cadastre 13] à la [Adresse 22] ; que l'impossibilité d'acquérir la parcelle rend inconstructibles les terrains situés section AV n°[Cadastre 14] et section ME n°[Cadastre 2] acquis par la Sci Azur ; que limités à usage de stockage, ces terrains n'ont qu'une valeur de 40 000 euros alors que constructibles ils seraient évalués à 110 000 euros soit un préjudice de 70 000 euros, somme réclamée à Mme [M] ès qualités.

Le premier juge a retenu une perte de chance pour indemniser de façon forfaitaire le préjudice à la somme de 18 000 euros.

Bien qu'ayant acquis sa propriété en 2011, la Sci Azur n'a marqué aucun intérêt pour les parcelles voisines jusqu'en 2018, lorsqu'elle a appris l'existence d'une vente accordée à M. [O].

Elle ne rapporte pas d'élément sur l'intention des parties lors de la signature de l'engagement de sorte que l'allégation relative à la servitude de passage n'est pas soutenue de façon objective. Elle produit des plans qui ne peuvent suffire pour établir des faits et non des hypothèses.

Elle verse, pour discuter des valeurs en cause, deux courriels du 17 mai 2019 émanant d'un clerc de l'étude de Me [T], son notaire :

- le premier à 9h46 précisant qu'il n'est pas possible de dissocier une partie constructible et non constructible pour le terrain mais qu'il faut raisonner sur une base de 110 000 euros sans qu'aucun élément ne permettent d'identifier le terrain dont il s'agit ;

- le second à 17h50 ayant le même auteur qui précise 'la valeur du terrain non constructible, pour du stockage, à hauteur de 40 000 euros.', également sans référence aux parcelles concernées.

Elle ne communique aucun élément sur les conditions d'occupation de la propriété qu'elle a acquise en 2011 pour démontrer l'intérêt d'accroître l'étendue de ce bien et les conséquences de la perte subie, aucun élément chiffré pertinent sur la valeur des parcelles litigieuses, aucune pièce relative au droit de construire pour établir un intérêt spéculatif malmené.

Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l'espèce, le dossier de la Sci Azur est insuffisament documenté.

Il est uniquement acquis qu'elle a perdu une chance d'acquérir la parcelle AV n°[Cadastre 13] de 2 649 m² visée dans le pacte de préférence lors de la vente au profit de M. [O] suivant promesse du 11 juillet 2017.

La vente est intervenue au prix de 100 000 euros en tenant compte de la maison d'habitation, la Sci Azur n'étant attachée qu'à la parcelle [Cadastre 13] décrite comme un terrain de 2 649 m² et de la réserve du droit d'habitation de M. [N]. En conséquence, à défaut d'éléments plus précis et sur la base d'une valeur du terrain de l'ordre de 15 000 euros, la perte de chance de l'acquérir sera évaluée à 25 % soit une somme de 3 750 euros.

S'agissant de l'indemnisation du préjudice, les intérêts auront pour point de départ la présente décision.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance

M. [O] invoque le trouble de jouissance créé par M. [N] alors que les lieux étaient donnés à bail et que ce dernier lui a dérobé des matériels.

Le seul élément produit au soutien de cette demande est une déclaration faite le

23 septembre 2019 par laquelle M. [O] porte plainte. Elle n'établit pas de façon objective les faits : la demande sera rejetée, le jugement confirmé.

Sur les frais de procédure

Les dispositions de première instance n'appellent pas de critiques.

La Sci Azur qui a pris l'initiative du recours succombe à l'instance y compris en ce qu'elle voit diminuées les indemnisations obtenues.

Elle supportera les dépens de l'instance qui seront recouvrés en application des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

L'équité commande la condamnation de la Sci Azur à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de faire application de ce texte au profit de Mme [M].

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Constate la qualité d'ayant droit de M. [Z] [N] de Mme [X] [M] ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- fixé l'astreinte assortissant la condamnation de Mme [X] [M] à compter de la signification du jugement ;

- condamné Mme [X] [M] à payer à la Sci Azur la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

L'infirme de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe l'astreinte assortissant la condamnation de Mme [X] [M], en sa qualité d'ayant droit de M. [Z] [N], à régulariser la vente portant sur le bien immobilier situé à [Localité 21] et à [Adresse 5], cadastré section AV n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13] et section ME n°[Cadastre 4], en l'étude de Me [P], notaire, dans le délai de deux mois, à compter du présent arrêt, sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard ;

Condamne Mme [X] [M] à payer à la Sci Azur la somme de 3 750 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la Sci Azur à payer à M. [R] [O] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties pour le surplus des demandes ;

Condamne la Sci Azur aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 23/00711
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;23.00711 ?
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