N° RG 23/00734 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJVP
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 27 JUIN 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LOUVIERS du 26 Janvier 2023
APPELANTE :
S.A. SANOFI [4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIME :
Monsieur [C] [F]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Mehdi LOCATELLI de la SELARL CABINET LOCATELLI, avocat au barreau de l'EURE substitué par Me Sophie DUVAL-DUSSAUX, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 Mai 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 15 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 juin 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 27 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.
***
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La SA Sanofi [4] ( la société ou l'employeur) est un laboratoire pharmaceutique qui emploie plus de onze salariés.
M. [F] ( le salarié) a été embauché par la société en qualité d'opérateur 2 formulation/répartition liquide aux termes d'un contrat à durée déterminée du 20 mars au 24 septembre 2017 puis a été mis à la disposition de la société selon plusieurs contrats de mission conclus entre le 11 décembre 2017 et le 23 novembre 2018 pour les mêmes fonctions.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.
Par requête du 20 septembre 2019 M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Louviers en requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée et demande d'indemnité.
Par jugement du 26 janvier 2023, le conseil de prud'hommes de Louviers a :
- déclaré recevable l'action de M. [F], cette dernière n'étant pas prescrite,
- prononcé la requalification contractuelle entre la SA Sanofi [4] et M. [F] en un contrat à durée indéterminée à compter du 20 mars 2017,
- condamné la SA Sanofi [4] à payer à M. [F] les sommes suivantes :
- 2 809,80 euros à titre d'indemnité de requalification,
- 3 927, 02 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la privation de la prime de participation 2018,
- 408, 25 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la privation de la prime d'intéressement 2018,
- 3 200 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la privation de l'abondement PERCO,
- 2 809,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 280,98 euros au titre des congés payés afférents,
- 1 504,84 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 5 619, 60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 500 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts aux taux légal à compter du dépôt de la requête et du jour de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,
- ordonné à la SA Sanofi [4] de remettre à M. [F] un bulletin de salaire conforme à la présente décision,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit en application des articles D 1251-3 et L1251-41 du code du travail,
- débouté la SA Sanofi [4] de ses demandes reconventionnelles
- condamné la SA Sanofi [4] aux entiers dépens.
Le 24 février 2023, la SA Sanofi [4] a interjeté appel de ce jugement.
Le salarié a constitué avocat par voie électronique le 31 mars 2023.
La société a constitué nouvel avocat le 10 octobre 2023.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 17 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la SA Sanofi [4], appelante, demande à la cour de :
- la déclarer bien fondée en son appel,
- déclarer l'appel incident de M. [F] mal fondé,
- infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- déclarer l'action de requalification en CDI du premier CDD de M. [F] exécuté du 20 mars au 24 septembre 2017, irrecevable car prescrite,
- déclare, en tout état de cause, les chefs de demande de M. [F] mal fondés
- débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner M. [F] à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 24 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, M. [F], intimé, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris sur le quantum des sommes versées au titre de l'indemnité de requalification, de l'indemnité compensatrice de préavis et congés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement ainsi qu'au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau,
- condamner la SA Sanofi [4] à payer à M. [F] les sommes suivantes :
- 3 297, 60 euros à titre d'indemnité de requalification,
- 3 297, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 329,76 euros au titre des congés payés y afférents,
- 1 731, 24 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 6 595, 20 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
- condamner la SA Sanofi [4] à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
- ordonner à la SA Sanofi [4] de lui remettre un bulletin de paie conforme à la décision à intervenir,
- dire que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du dépôt de la requête et du jour de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire
- condamner la société aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture en date du 7 mai 2024 a été révoquée et une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024 avant l'ouverture des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la prescription de l'action en requalification
La société Sanofi [4] soutient que l'action du salarié est prescrite dès lors qu'il résulte des conclusions de première instance que ce dernier a argué d'un prétendu 'aveu' de la société lors d'une réunion avec les représentants du personnel d'un prétendu non-respect du délai de carence ainsi que des prétendus taux de précarité, de sorte que le délai de prescription devait s'apprécier à la conclusion du premier contrat conclu le 20 mars 2017.
Aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours énoncé au contrat a pour point de départ, en cas de succession de contrats précaires, le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée , peu important que ces contrats aient été interrompus entre eux, sauf à ce que la prescription alors applicable ait été acquise durant l'une de ces interruptions.
En l'espèce, le salarié fonde exclusivement son action en requalification des contrats successifs sur le fait qu'il a occupé un emploi lié à l'activité normale et habituelle de l'entreprise.
Dès lors, le contrat de mission de M. [F] ayant pris fin le 23 novembre 2018 et le salarié ayant introduit son action le 20 septembre 2019, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu qu'aucune prescription n'était encourue et que son action en requalification des contrats précaires en contrat à durée indéterminée était entièrement recevable.
2/ Sur la demande en requalification
La société soutient que l'accroissement temporaire d'activité ayant motivé le contrat conclu du 20 mars au 24 septembre 2017 était fondé par une augmentation de la capacité laverie. Elle verse aux débats un graphique recensant le nombre de lots fabriqués au sein du bâtiment B44(formulation) de 2016 à 2018, démontrant un accroissement de l'activité en 2017 ainsi qu'une attestation établie par M. [L], cadre en industrie pharmaceutique, qui atteste que ces données sont exactes et sont issues du plan de production.
Elle soutient en outre avoir été contrainte de recourir au salarié pour pallier l'absence de certains de ses collaborateurs précisant que l'ensemble des contrats produits mentionne expressément le nom du salarié remplacé ainsi que le motif des absences.
Elle conteste les allégations du salarié selon lesquelles la société abuserait des recours aux contrats de missions, observant que le procès verbal versé aux débats concerne la société Sanofi Winthrop Industrie et non la société Sanofi [4], rappelant le principe de l'effet relatif des décisions rendues dans de précédentes instances, soutenant que les effectifs permanents du site de [Localité 5] ont suffisamment augmenté ces dernières années pour faire face aux besoins de main d'oeuvre, que le taux de précarité est inférieur à 10%, affirmant en outre, d'une part que la présente cour a relevé que la société ne fait pas appel systématiquement à des CDD ou des intérimaires et, d'autre part, qu'elle a rappelé que la simple répétition de contrats précaires ne suffit pas à caractériser la nature permanente de l'emploi.
Le salarié soutient que le poste occupé correspond en réalité à l'activité normale et permanente de la société Sanofi [4], qu'elle ne démontre pas que la qualification et le démarrage de la LS3 impactant la capacité laverie a engendré un surcroît temporaire d'activité, faisant observer qu'il ressort du graphique versé aux débats qu'il n'existe pas de pic d'activité mais une évolution constante des volumes de production.
En outre, il relève que le recours au travail temporaire est un moyen pour la société Sanofi [4] de pourvoir à des besoins structurels liés à un accroissement constant et stable de son activité, observant qu'il a remplacé en continu pendant quasiment un an des salariés absents.
Sur ce ;
Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
Selon l'article L. 1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée 'mission' et seulement dans des cas limitativement énumérés, dont l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ou le remplacement d'un salarié absent.
Il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve du motif invoqué, celui-ci s'appréciant au jour de la conclusion du contrat de mission.
En l'espèce, il est constant et établi par les contrats produits aux débats que M. [F] a été embauché par la société dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée pour la période comprise entre le 20 mars et le 24 septembre 2017 en qualité d'opérateur formulation répartition liquide en vue de faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise lié à l'augmentation de la capacité laverie du B44.
Il a ensuite été mis à disposition de la société Sanofi [4] en qualité d'agent de production formulation répartition liquide en exécution de quinze contrats de missions de travail temporaire ayant tous pour objet le remplacement d'un salarié absent.
Le dernier contrat de mission a été conclu pour la période comprise entre le 19 et le 23 novembre 2018.
Aux fins de justifier de la réalité de l'accroissement temporaire d'activité invoqué en 2017, la société Sanofi [4] se contente de produire des extraits de presse ou des extraits internet relatifs au processus de fabrication des vaccins, ce qui ne saurait permettre d'établir l'existence de l'accroissement temporaire d'activité visé au CDD, pas plus que ne peut le faire le graphique établi par la société Sanofi [4] en novembre 2022 relatif aux volumes de production B44, sans précision mensuelle sur l'année et plus spécifiquement sur la période comprise entre mars et septembre 2017, le graphique établissant une augmentation régulière entre 2016 et 2018 du volume de production.
Il convient en conséquence, sans qu'il soit nécessaire de répondre à l'ensemble des moyens développés tant il n'est pas justifié la réalité de l'accroissement temporaire d'activité invoqués, de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la requalification
3/ Sur l'indemnité de requalification
Conformément à l'article L. 1245-2 du code du travail, il convient d'allouer au salarié une indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire.
Le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de requalification est le dernier salaire mensuel perçu.
Si pour calculer le salaire, il doit être pris en compte tous les éléments de rémunération fixes et variables ayant le caractère de salaire , il ne doit pas être tenu compte de l'indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité ni de l'indemnité compensatrice de congés payés.
C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont condamné la société à verser au salarié la somme de 2 809,80 euros au titre de l'indemnité de requalification.
Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
4/ Sur la demande de dommages et intérêts pour privation de la prime d'intéressement et de participation
La société soutient que le conseil a, à tort, fait droit à l'intégralité des demandes formées par le salarié indiquant d'une part qu'il ne justifie pas de l'étendue de son préjudice ; d'autre part que les montants sont exagérés et qu'en tout état de cause, il ne pourrait prétendre qu'au versement d'une somme inférieure, ses droits étant nécessairement moindres au regard de l'enveloppe globale destinée à ces primes qui aurait été affectée par l'ajout de salariés supplémentaires du fait de la requalification.
Le salarié conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il affirme que la société a versé au titre de la prime de participation 2018 la somme de 4 712,42 euros et au titre de l'intéressement la somme de 489,90 euros.
En proratisant le montant de ces primes en fonction des 10 mois de travail effectués en 2018, il considère qu'il aurait dû prétendre au versement de la somme de 3 927,02 euros au titre de la prime de participation et 408,25 euros au titre de la prime d'intéressement.
Sur ce ;
Le salarié dont le contrat est requalifié en contrat à durée indéterminée est réputé avoir été lié à l'employeur par un contrat à durée indéterminée dès le premier contrat irrégulier et, peut prétendre de manière certaine, et non pas selon une probabilité raisonnable, aux primes de participation et d'intéressement au même titre que les autres salariés engagés en contrat à durée indéterminée.
Étant réputé lié à la société Sanofi [4] par un contrat à durée indéterminée dès le 20 mars 2017, et ayant donc acquis plus de trois mois d'ancienneté comme imposé par les accords versés aux débats, le salarié aurait dû bénéficier, et ce, de manière certaine, de primes d'intéressement et de participation pour l'année 2018.
Aussi, à défaut pour la société Sanofi [4] de transmettre les éléments de calculs permettant d'apprécier le montant dû au salarié, dont elle est seule à disposer, il convient d'allouer à ce dernier les sommes de 3 927,02 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la privation de la prime de participation 2018 et celle de 408,25 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la privation de la prime d'intéressement 2018.
Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.
5/ Sur la demande de dommages et intérêts résultant de la privation du droit à l'abondement PERCO
La société soutient que le salarié ne démontre pas la commission d'une faute par l'employeur, l'existence d'un préjudice ainsi que le lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi.
Elle considère d'une part le préjudice du salarié hypothétique et d'autre part la somme sollicitée injustifiée soutenant que la réparation de la perte de chance ne peut en aucun cas être égale à l'avantage qu'il aurait procuré et qu'il convient d'appliquer une décote de 70% ou, à minima de 62,55%, de sorte que pour l'exercice 2018, la somme accordée ne saurait être supérieure à 2 428,20 euros.
Le salarié conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il explique qu'il existait une possibilité d' abondement Perco au sein de la société Sanofi [4] de 267 % à compter de juin 2019, et ce, dans la limite d'un plafond de 6 483,84 euros pour 2019. Aussi, évaluant sa perte de chance à 50 %, il réclame une année de perte, soit 3 200 euros.
Sur ce ;
La perte de chance implique seulement la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain. La réparation de la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut jamais être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée.
Au regard de l'âge de M. [F], à savoir 37 ans en 2019, de son salaire et de l'épargne très conséquente que représente en conséquence le placement d'une somme de 6 483,84 euros, il convient de retenir que si il a perdu une chance de bénéficier de l' abondement Perco auquel il aurait très certainement souscrit compte tenu de son caractère très avantageux, il convient néanmoins de dire que cette perte de chance peut être évaluée à 37,45 % soit 2 428,20 euros.
Il convient en conséquence de condamner la société Sanofi [4] à payer au salarié la somme de 2 428,20 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la perte de chance de bénéficier de l' abondement Perco.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
6/ Sur la rupture du contrat de travail
Compte tenu de la requalification intervenue et à défaut de tout motif valable de rupture, celle-ci s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors, il convient de faire droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis et à la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement présentées par M. [F].
La société conteste le montant du salaire retenu et l'ancienneté dont se prévaut le salarié indiquant que l'article 23 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique entend par une ancienneté dans l'entreprise le temps de présence depuis la date d'entrée dans cette entreprise.
La relation de travail est requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée du 20 mars 2017 au 23 novembre 2018.
Le salaire qui aurait été perçu par le salarié étant de 2 809,80 euros, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé le montant de l'indemnité compensatrice à la somme de 2 809,80 euros augmentée des congés payés afférents.
Par ailleurs, il résulte de l'article 33 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique que la base de calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération effective totale mensuelle gagnée par le salarié licencié, pendant le mois précédant le préavis de licenciement, cette rémunération ne pouvant être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le préavis de licenciement.
Il est également précisé que le montant de l'indemnité de licenciement est à partir d'un an d'ancienneté, de 9/30 de mois par année à compter de la date d'entrée dans l'entreprise jusqu'à 5 ans.
Aussi, et alors que M. [F] avait une ancienneté 1 an et 9 mois, préavis compris, sans qu'il y ait lieu de soustraire les périodes d'interruption entre les contrats compte tenu de la requalification intervenue dès son entrée dans l'entreprise, il convient de condamner la société Sanofi [4] à lui payer la somme de 1 475,14 euros sur la base d'un salaire de 2 809,80 euros. Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
Conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail qui prévoit une indemnisation comprise entre 1 et 2 mois de salaire pour une année d'ancienneté complète, et alors que M. [F] justifie avoir perçu l'allocation Pôle Emploi pendant plusieurs mois et avoir signé un contrat de travail indéterminée le 1er septembre 2019, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a condamné la société Sanofi [4] à lui verser la somme de 5 619,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
7/ Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Sanofi [4] aux entiers dépens, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [F] la somme de 1 000 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Louviers du 26 janvier 2023 sauf en ses dispositions relatives aux montants des sommes allouées à titre de dommages et intérêts résultant de la privation du droit à l'abondement PERCO et de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Condamne la société Sanofi [4] à verser à M. [C] [F] les sommes suivantes :
- 2 428,20 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la perte de chance de bénéficier de l' abondement Perco,
- 1 475,14 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Condamne la société Sanofi [4] à verser à M. [C] [F] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Sanofi [4] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE