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26/06/2024 | FRANCE | N°23/01674

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 26 juin 2024, 23/01674


N° RG 23/01674 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLUN







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 26 JUIN 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



20/03283

Tribunal judiciaire d'Evreux du 4 avril 2023





APPELANTS :



Madame [A] [D] veuve [C] [K]

née le 24 octobre 1936 à [Localité 16]

[Adresse 1]

[Localité 11]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de

Me Claire JOLIBOIS, avocat au barreau de Paris





Madame [G] [C] [K]

née le 10 octobre 1963 à [Localité 13]

[Adresse 2]

[Localité 12]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au ba...

N° RG 23/01674 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLUN

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 26 JUIN 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/03283

Tribunal judiciaire d'Evreux du 4 avril 2023

APPELANTS :

Madame [A] [D] veuve [C] [K]

née le 24 octobre 1936 à [Localité 16]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Claire JOLIBOIS, avocat au barreau de Paris

Madame [G] [C] [K]

née le 10 octobre 1963 à [Localité 13]

[Adresse 2]

[Localité 12]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Claire JOLIBOIS, avocat au barreau de Paris

Monsieur [F] [C] [K]

né le 13 août 1961 à [Localité 16]

[Adresse 7]

[Localité 9]

représenté par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Claire JOLIBOIS, avocat au barreau de Paris

Madame [L] [C] [K] épouse [S]

née le 14 mars 1960 à [Localité 16]

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Claire JOLIBOIS, avocat au barreau de Paris

Madame [P] [C] [K] veuve [M]

née le 12 octobre 1958 à [Localité 15] (Madagascar)

[Adresse 6]

[Localité 10]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Claire JOLIBOIS, avocat au barreau de Paris

INTIMEE :

SAS POMPES FUNEBRES ET MARBRERIE [H]

RCS d'Evreux 309 124 477 154

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-GREGOIRE LECLERC, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Christophe SCOTTI, avocat au barreau de Versailles

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 avril 2024 sans opposition des avocats devant Mme BERGERE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 15 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 juin 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

À la suite d'une demande du 3 juin 1989, Mme [A] [D] épouse de

M. [T] [C] [K] a obtenu une concession perpétuelle dans le cimetière de la commune de [Localité 14] à l'emplacement n°128.

Le 1er juin 1992, M. [T] [C] [K] a conclu avec la Sas Pompes Funèbres et Marbrerie [H] un contrat de construction d'un caveau au prix de

22 619,52 francs.

M. [T] [C] [K] est décédé le 20 avril 2019 en laissant pour lui succéder son épouse et ses quatre enfants Mme [P] [C] [K] veuve [M], Mme [L] [C] [K] épouse [S], M. [F] [C] [K], Mme [G] [C] [K].

Le défunt a été provisoirement inhumé dans un autre caveau du cimetière de [Localité 14], appartenant à la famille de son épouse, aucun caveau n'ayant été construit sur la concession n°360-361 indiquée par la mairie comme étant l'ancien emplacement n°128 obtenu en 1989 par Mme [D] veuve [C] [K].

Par exploit d'huissier du 3 novembre 2020, Mme [D] veuve [C] [K] et ses quatre enfants ont fait assigner la société [H] devant le tribunal judiciaire d'Evreux afin d'obtenir sa condamnation à réaliser le caveau non exécuté, outre le paiement de dommages et intérêts.

Suivant ordonnance du 18 octobre 2021, le juge de la mise en état a :

- rejeté l'exception d'incompétence matérielle au profit du tribunal administratif soulevée par la société [H],

- rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir et de la prescription,

- déclaré l'action en responsabilité civile des tiers au contrat recevable,

- rejeté la demande d'indemnité pour procédure abusive et dilatoire,

- rejeté la demande d'amende civile,

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond.

Par arrêté du 26 octobre 2021, la commune de [Localité 14] a pris les décisions suivantes :

- Mme [D] [C] [K] est destituée de sa propriété d'origine, à savoir la concession 360-361 au profit de la concession 366,

- la concession n°360-361 est remise à la vente,

- le titre de propriété de la concession n°366 est établi au nom de Mme [D] [C] [K], aucun paiement ne lui sera réclamé et la concession garde son caractère de 'durée perpétuelle'.

Les consorts [C] [K] ayant engagé un référé-suspension contre cette décision, la commune a pris, le 24 janvier 2022, une décision de retrait de l'arrêté du 26 octobre 2021 qui portait modification de la concession funéraire perpétuelle accordée à Mme [C] [K].

Par jugement du 4 avril 2023, le tribunal judiciaire d'Evreux a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- rejeté les demandes indemnitaires à hauteur de 27 000 euros et 4 525 euros formées par les consorts [C] [K],

- rejeté la demande de condamnation sous astreinte de la société [H] à construire un caveau sur la concession 360-361 du cimetière de [Localité 14] ou de payer aux consorts [C] [K] la somme de 6 486 euros ou de

4 730 euros,

- rejeté la demande indemnitaire à hauteur de 5 000 euros formée par les consorts [C] [K],

- condamné in solidum les consorts [C] [K] aux entiers dépens,

- condamné in solidum les consorts [C] [K] à payer à la société [H] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les consorts [C] [K] de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration reçue au greffe le 13 mai 2023, les consorts [C] [K] ont interjeté appel de cette décision.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 18 mars 2024, Mme [D] veuve [C] [K], Mme [P] [C] [K] veuve [M], Mme [L] [C] [K] épouse [S], M. [F] [C] [K] et Mme [G] [C] [K] demandent à la cour, au visa des articles 1240, 1241, 1103, 1104, 1231-1 du code civil, de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- juger que la société [H] a commis une faute qui engage sa pleine et entière responsabilité, puisqu'aucun caveau n'a été retrouvé sur l'emplacement 128 re-numéroté 360-361, propriété de Mme [D] depuis le 7 juillet 1989, en exécution du contrat signé le 1er juin 1992 par M. [C] [K],

- juger que les consorts [C] [K] subissent de graves dommages du fait de ce manquement,

- condamner, en conséquence, la société [H] à leur payer les sommes suivantes :

. 27 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral, à répartir à hauteur de 7 000 euros pour Mme [D] et 5 000 euros pour chacun des enfants,

. 4 525 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier, du fait des frais qu'ils ont dus régler à hauteur de 1 710 euros pour l'enterrement du défunt, outre les frais à engager à hauteur de 2 815 euros pour l'exhumation et l'inhumation du corps dans sa sépulture définitive, numérotée 360-361,

. 6 486 euros correspondant au montant du devis de la société Aaa Heurtevent pour effectuer les travaux de création d'un caveau sur l'emplacement 360-361 du cimetière de [Localité 14] de 6 places ou d'une somme de 4 730 euros pour la création d'un caveau de 4 places,

subsidiairement,

- condamner la société [H] à réaliser à sa charge intégrale des travaux de construction d'un caveau de six places (selon contrat) ou de quatre places (ce qui pourrait agréer aux concluants) puis à le poser sur la concession 360-361 du cimetière de [Localité 14], propriété des consorts [C] [K], dans un délai maximal d'un mois, à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- juger que ce caveau sera effectué selon la technique cuve préfabriquée en béton, avec assise en béton brut coulée autour du caveau, afin, selon la volonté des concluants et autorisation de la mairie en date du 28 janvier 2020, de pouvoir accueillir une semelle puis un monument sur cet emplacement 360-361,

- condamner la société [H] à signer conjointement avec un ou deux des héritiers représentant l'indivision [C] [K] un procès-verbal de réception des travaux, après avoir convenu communément d'une date de réception,

- condamner la société [H] à effectuer ce caveau, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à venir,

- juger que la société [H] sera redevable de l'astreinte jusqu'à la signature du procès-verbal de réception des travaux,

- condamner la société [H] à leur verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, et subsidiairement à titre d'amende civile, les agissements de la société étant abusifs,

- condamner la société [H] à leur verser la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [C] [K] exposent qu'un tiers au contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès que ce manquement lui a causé un dommage. Ils reprochent aux premiers juges de ne pas avoir retenu l'existence d'une faute contractuelle au motif que la société [H] a exécuté le contrat et que M. [C] [K], avant de payer, a réceptionné les travaux, que l'absence de caveau reproché par les appelants résulte d'une erreur d'attribution des nouveaux numéros de concession par les services municipaux, qui ont transformé la concession 128 en 360-361 alors qu'il s'agirait de l'emplacement 366 et que la volonté de M. [C] [K] était d'être enterré à l'ouest de l'allée, à l'est de la famille [X] et non à l'est de l'allée à côté des familles [J] et [Z] de sorte que la société [H] n'a commis aucune faute.

Les appelants soutiennent que s'agissant d'une inexécution contractuelle, c'est à la société [H], sur qui pèse une obligation de résultat, de rapporter la preuve de la bonne exécution du contrat, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce, ni à l'emplacement 360-361, ni à l'emplacement 366. Mme [D] [C] [K] affirme que son mari ne s'est pas déplacé à l'époque et qu'il n'a eu qu'un rendez-vous téléphonique avec la société de pompes funèbres, ainsi qu'en atteste au demeurant, la carte reçue l'informant de l'exécution des travaux.

Sur l'erreur de numérotation retenue par les premiers juges, les appelants font observer qu'il n'est pas établi que la pièce n°35 qui sous-tend le raisonnement soit un plan antérieur à l'acte de concession de Mme [D] veuve [C] [K]. En outre, ce plan dit de 1985 comporte de nombreuses inexactitudes, ce qui a notamment justifié l'intervention du géomètre expert en 2000. Au contraire, ils font valoir que toutes les pièces du dossier corroborent le fait que la concession

128 correspond bien à l'emplacement 360-361. Notamment, ils estiment que le plan établi en 2000, qui a force probante, leur attribue, de manière incontestable, cet emplacement. Cette analyse est confirmée par les échanges intervenus avec la mairie de [Localité 14].

Enfin, sur la volonté du défunt, les consorts [C] [K] contestent l'analyse du tribunal et affirment que le défunt a toujours voulu être enterré à l'emplacement qu'il avait choisi, soit celui re-numéroté 360-361, près de la famille [J] et [Z], les cousins germains de son épouse dont il était très proche et non près des famille [X] et [R], qui lui sont inconnues.

Par dernières conclusions notifiées le 11 mars 2024, la Sas Pompes Funèbres et Marbrerie [H] demande à la cour, au visa des articles L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales, 1240, 1103, 1104, 1217, 1193, 1194 du code civil et 9 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter les consorts [C] [K] de toutes leurs demandes,

- condamner solidairement et conjointement les consorts [C] [K] au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'intimée fait valoir que les critiques émises par les consorts [C] [K] contre la motivation des premiers juges sont totalement injustifiées, qu'il est établi qu'elle a exécuté le contrat en construisant un caveau six places à l'emplacement numéroté aujourd'hui 366. Elle fait observer qu'il résulte de l'attestation de Mme [D] veuve [C] [K] elle-même que son mari se rendait régulièrement au cimetière, de sorte que contrairement à ce qui est soutenu, il s'est assuré personnellement que le contrat avait bien été exécuté. Elle insiste sur le fait qu'un caveau, même s'il s'agit d'une construction souterraine, est nécessairement visible à la surface, par la dalle béton qui le recouvre. Il ne peut donc être soutenu que M. [C] [K] n'avait pas pu se rendre compte de l'absence de réalisation du caveau.

De surcroît, elle fait observer que contrairement à ce que soutiennent les appelants, c'est à eux de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité, ce qu'ils n'établissent nullement.

En tout état de cause, elle fait valoir que s'il existe une erreur, elle est commune à la mairie et aux consorts [C] [K] qui, pendant près de trente ans, se sont totalement désintéressés du fait de s'assurer que le caveau avait bien été construit sur le bon emplacement. Elle précise qu'il n'existe aucune collusion avec la mairie et au contraire, rappelle qu'une membre de la famille a très longtemps été adjointe au maire. En outre, elle estime qu'il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité délictuelle de la société [H]

L'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Conformément au droit commun de la preuve de l'article 1353 du code civil, il revient au demandeur à l'action en responsabilité délictuelle de rapporter la preuve de la faute, manquement aux obligations contractuelles, du préjudice et du lien de causalité.

En l'espèce, suivant devis du 1er juin 1992, M. [T] [C] [K] a contracté avec la société [H] un contrat de construction d'un caveau six places au cimetière de [Localité 14] pour la 'sépulture et situation [T] [C]'. Le devis versé aux débats ne contient aucune précision quant à l'emplacement de la concession de la famille [C] [K] dans le cimetière de [Localité 14] concerné par cette commande.

À titre liminaire, il convient de relever qu'il est établi que le 18 août 1992, au moyen d'un chèque, M. [C] [K] a payé la prestation, considérant alors qu'elle avait été parfaitement exécutée et que ni lui ni ses proches, alors que Mme [D] veuve [C] [K] atteste qu'ils se rendaient régulièrement au cimetière de [Localité 14], n'ont émis, pendant près de 30 ans, la moindre contestation sur l'effectivité de la prestation.

Les consorts [C] [K] affirment néanmoins qu'aucun procès-verbal de réception n'ayant été signé, ce n'est qu'en 2019, à l'occasion du décès de M. [C] [K], qu'ils se sont aperçus qu'à l'emplacement de la concession pour laquelle le caveau litigieux avait été commandé, à savoir l'emplacement anciennement numéroté 128 attribué perpétuellement à son épouse, il n'existait aucun caveau. Ils estiment que cette situation de défaut d'exécution contractuelle, qui caractérise la faute délictuelle qui sous-tend leur action, est incontestable, la société [H] ne rapportant la preuve de l'exécution du contrat.

Ce raisonnement ne peut pas être suivi, puisque non seulement il opère un renversement de la charge de la preuve et mais, surtout, il y a lieu de constater que les appelants sont défaillants à rapporter la preuve de cette allégation.

En effet, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le contrat litigieux, dont le contenu a été rappelé ci-dessus, ne permet pas intrinsèquement d'affirmer que la volonté exprimée de M. [C] [K] était que le caveau commandé soit construit à l'emplacement 128 de la concession perpétuelle obtenue par son épouse le 3 juin 1989. Or, en l'absence d'autres éléments objectifs probants venant établir cette situation, l'attestation de sa veuve n'ayant aucune valeur probante, et ce d'autant qu'elle est très peu circonstanciée, le contrat ne peut être interprété de manière certaine en ce sens.

D'autre part, même à considérer que la commande du caveau litigieux devait être exécutée sur cet emplacement 128, les consorts [C] [K] ne produisent aucun élément probant permettant de localiser précisément et certainement ledit emplacement.

Aucun des plans du cimetière de la commune de [Localité 14], qu'ils soient anciens ou plus actuels, ne porte l'indication d'un emplacement n°128.

Le plan de juillet 1947 ne porte pas ce chiffre et aucune mention d'une concession au nom de la famille '[C]'.

Le plan dit 'de1985' ne porte pas non plus ce numéro 128. Il contient, en revanche, une indication selon laquelle les emplacements n°234 et n°235 seraient attribués à la famille '[C]'.

Il exact que ce plan n'est pas daté, de sorte qu'il n'est pas certain qu'il ait été dressé en 1985. Pour autant, il ne peut en être déduit, ainsi que le soutiennent les appelants, qu'il matérialise de manière certaine une erreur d'emplacement de la concession perpétuelle n°128 concédée à Mme [D] en 1989 en plaçant ces n°234 et 235 du côté opposé de l'emplacement revendiqué par les consorts [C] [K], au niveau de l'actuel concession n°366 sur laquelle se trouve un caveau six places vide. Ce document n'a aucune valeur probante et ne peut être retenu pour fonder une interprétation corroborant ou infirmant la démonstration soutenue par les appelants.

Quant au plan établi en mars 2000 par un géomètre, après que le conseil municipal ait décidé de la réorganisation du cimetière, il convient de relever que ses indications sont elles aussi incompatibles avec le titre de concession perpétuelle à l'emplacement 128 de Mme [D]. Sur ce document, les emplacements 360 et 361 sont attribués à la famille '[C]'. Toutefois, la légende de ce document qualifie ces deux emplacements de 'concession cinquantenaire réservée'. Ils ne sont pas matérialisés en noir, comme les autres concessions perpétuelles.

En outre, il convient de relever que ce dernier plan, le plus récent, est manifestement erroné. En effet, alors que les parties s'accordent sur le fait que l'emplacement n°366, sur lequel est édifié un caveau six places, n'est attribué à aucune famille, et qu'il se situe entre le caveau de la famille [R] (365) et celui de la famille [X] (367), ce plan attribue l'emplacement n°366 à la famille [R].

Par ailleurs, certes, la mairie de [Localité 14], confrontée à cette difficulté de localisation de l'emplacement n°128, a, dans un premier temps et jusqu'au 26 octobre 2021, indiqué aux consorts [C] [K] que l'emplacement n°128 correspondait désormais à l'emplacement 360-361 issu du plan de mars 2000. Toutefois, elle s'est ensuite rétractée en affirmant que le plan de son géomètre contenait une erreur et que l'emplacement n°128 se situait à l'emplacement désormais numéroté 366.

Il y a lieu de considérer que ces affirmations n'ont aucune valeur probante, puisqu'elles sont fondées, d'une part, sur l'analyse des plans sus-visés pour lesquels il a été démontré l'absence de caractère probant et d'autre part, au vu des mails adressés par la secrétaire de mairie, sur un principe de bon sens et de prise en compte de la réalité, qui a été de constater qu'un caveau six places vide conforme à la commande litigieuse était présent sur l'emplacement 366 qui n'était par ailleurs attribué à personne, de sorte que la mairie a considéré que c'est cette place qui devait correspondre à la concession n°128 attribuée à Mme [C] [K]. Ce raisonnement ne peut permettre d'établir la situation de l'emplacement 128 telle que choisie en leur temps par les époux [C] [K].

Enfin, l'unique attestation de M. [W] [C], neveu du défunt, indiquant que son oncle et son épouse voulaient être inhumés dans une concession proche des cousins germains de son épouse les [J] (famille qui dispose de la concession n°362), n'est pas un élément probant suffisant pour établir la situation de l'emplacement n°128 litigieux et ce d'autant qu'il convient de rappeler qu'aux termes de l'attestation de la veuve de M. [C] [K], le couple se rendait très régulièrement au cimetière, de sorte que si l'emplacement du caveau commandé ne s'était pas trouvé à l'endroit désiré, alors qu'il était nécessairement visible de par la dalle de béton recouvrant le caveau, les époux [C] [K] l'auraient signalé.

Faute pour les consorts [C] [K] de rapporter la preuve de la situation exacte et précise de l'emplacement n°128, ils sont également défaillants à établir que la société [H] n'a pas exécuté son contrat, étant rappelé qu'un caveau six places parfaitement conforme à la commande litigieuse et dont l'état est compatible avec l'année de son édification, se trouve sur l'emplacement 366.

En conséquence, en l'absence de l'établissement d'une faute commise par la société [H], il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [C] [K] de l'intégralité de leurs demandes.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions de première instance relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

Les consorts [C] [K] succombant, ils seront condamnés in solidum aux entiers dépens de la présente instance d'appel.

L'équité et la nature du litige commandent qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société [H] à concurrence de la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [A] [D] veuve [C] [K], Mme [P] [C] [K] veuve [M], Mme [L] [C] [K] épouse [S], M. [F] [C] [K] et Mme [G] [C] [K] à payer à la Sas pompes Funèbres et Marbrerie [H] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

Condamne in solidum Mme [A] [D] veuve [C] [K], Mme [P] [C] [K] veuve [M], Mme [L] [C] [K] épouse [S], M. [F] [C] [K] et Mme [G] [C] [K] aux entiers dépens de la présente instance d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 23/01674
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;23.01674 ?
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