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26/06/2024 | FRANCE | N°23/00667

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 26 juin 2024, 23/00667


N° RG 23/00667 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJRC







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 26 JUIN 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



20/01242

Tribunal judiciaire de Rouen du 12 janvier 2023





APPELANTS :



Monsieur [Z] [K]

né le 2 août 1973 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté et assisté par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du Havre





Madam

e [U] [D]

née le 29 juillet 1986 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée et assistée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du [Localité 6]







INTIMEE :



SCI LAETY ET JM

RCS du Havre 517 799...

N° RG 23/00667 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJRC

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 26 JUIN 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/01242

Tribunal judiciaire de Rouen du 12 janvier 2023

APPELANTS :

Monsieur [Z] [K]

né le 2 août 1973 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté et assisté par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du Havre

Madame [U] [D]

née le 29 juillet 1986 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du [Localité 6]

INTIMEE :

SCI LAETY ET JM

RCS du Havre 517 799 516

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Anais LEBLOND, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 avril 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 10 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 juin 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Aux termes d'une promesse unilatérale dressée le 15 juillet 2019 par Me [N] [A], notaire au [Localité 6], la Sci Laety et Jm s'est engagée à vendre à

M. [Z] [K] et à Mme [U] [D] un appartement dans un ensemble immobilier situé [Adresse 1], pour le prix de

280 000 euros. Cette promesse a été consentie pour une durée expirant le 30 avril 2020 à 16 heures.

Les parties ont également convenu qu'en contrepartie de la jouissance du bien ayant débuté le 1er juillet 2019, non constitutive d'un bail, les bénéficiaires verseront, jusqu'à la signature de l'acte authentique de vente, une indemnité mensuelle de

1 200 euros, et que, pour le cas où ils ne lèveraient pas l'option, ils s'engageaient à libérer les lieux le 30 avril 2020 à 16 heures au plus tard.

Cette promesse a aussi été assortie de la condition suspensive d'obtention d'un prêt au plus tard le 28 février 2020.

Suivant courriel adressé le 27 janvier 2020, M. [K] et Mme [D] ont adressé à Me [A] plusieurs refus de prêts et l'ont informée de leur intention de ne plus poursuivre l'acquisition.

Le 11 février 2020, ils ont restitué les clés de l'appartement.

Un procès-verbal de constat d'état des lieux de sortie a été dressé le 24 février 2020 par Me [O] [Y], huissier de justice, en présence de M. [T] [J], gérant de la Sci Laety et Jm, et de M. [K].

Suivant acte d'huissier de justice du 5 août 2020, la Sci Laety et Jm a fait assigner

M. [K] et Mme [D] devant le tribunal judiciaire du Havre en paiement de l'indemnité d'immobilisation, de loyers, et de frais de réparations de l'appartement.

Par jugement du 12 janvier 2023, le tribunal a :

- condamné M. [Z] [K] et Mme [G] [erreur matérielle du tribunal sur le prénom] [D] épouse [K] à verser à la Sci Laety et Jm les sommes de :

. 28 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation,

. 2 700 euros au titre des indemnités d'occupation échues impayées, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 juin 2020,

. 6 784 euros HT au titre des travaux de remise en état du logement,

- condamné la Sci Laety et Jm à verser à M. [Z] [K] et Mme [G] [D] épouse [K] la somme de 2 000 euros en réparation de leur préjudice lié à l'humidité du logement,

- condamné M. [Z] [K] et Mme [G] [D] épouse [K] aux entiers dépens de la présente procédure, dont distraction au profit de Me Anaïs Leblond, avocate au barreau du Havre,

- condamné M. [Z] [K] et Mme [G] [D] épouse [K] à verser à la Sci Laety et Jm une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- écarté l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 21 février 2023, M. [K] et Mme [D] ont formé appel contre ce jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2023, M. [K] et Mme [D] demandent de voir en application des articles 1103, 1104, 1304-3, 1719, et 1720 du code civil

- infirmer le jugement du 12 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire du Havre en ce qu'il :

. les condamne à verser à la Sci Laety et Jm les sommes de :

28 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation,

2 700 euros au titre des indemnités d'occupation échues impayées, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 juin 2020,

6 784 euros HT au titre des travaux de remise en état du logement,

. condamne la Sci Laety et Jm à leur verser la somme de 2 000 euros en réparation de leur préjudice lié à l'humidité du logement,

. les condamne aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Anaïs Leblond, avocate au barreau du Havre,

. les condamne à verser à la Sci Laety et Jm une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. déboute les parties de leurs autres demandes,

statuant de nouveau,

- débouter la Sci Laety et Jm de l'ensemble de ses demandes,

- condamner celle-ci à titre reconventionnel à leur verser la somme de 7 600 euros en réparation de leur préjudice et celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Ils font valoir qu'ils ont sollicité deux offres de prêts absolument conformes aux caractéristiques stipulées dans la promesse de vente contrairement à ce qu'a jugé le tribunal et ont informé le notaire des refus de celles-ci ; que la sollicitation d'un prêt à un taux de 1,25 % inférieur à celui maximum de 1,80 %, qui n'était pas interdite par les stipulations contractuelles, n'est pas de nature à démontrer qu'ils ont empêché la réalisation de la condition suspensive laquelle n'est pas accomplie ; que l'accusation de l'intimée selon laquelle ils auraient transmis de faux éléments aux établissements financiers lors de leurs demandes de prêts est mensongère et diffamante.

Ils précisent qu'ils n'ont formulé ces demandes qu'en janvier 2020 en raison de la situation professionnelle de M. [K] qui était en période d'essai jusqu'en décembre 2019 ; que la signature d'un compromis pour l'achat d'un autre immeuble le 23 janvier 2020 ne traduit pas la volonté de ne pas acquérir l'appartement de la Sci Laety et Jm.

Ils exposent à titre subsidiaire, s'il était jugé que les demandes de prêts n'étaient pas conformes aux stipulations contractuelles, que la condition suspensive n'a pas été accomplie dès lors qu'une seconde demande de prêt à un taux de 1,80 % aurait en tout état de cause été refusée ; que l'absence de réalisation de la condition ne leur est pas imputable ; qu'ils se sont ainsi vu refuser à deux reprises en février et mars 2020 l'octroi d'un prêt de 253 006 euros pour l'achat de l'autre immeuble alors que cette somme était inférieure à celle sollicitée pour l'acquisition du bien de la Sci Laety et Jm ; qu'en janvier 2020, les établissements bancaires français avaient drastiquement réduit l'accès au crédit, ce qui démontre qu'ils ne pouvaient en aucune façon prétendre à un crédit suivant les critères de financement stipulés dans la promesse de vente.

Ils avancent, s'agissant des indemnités d'occupation qui leur sont réclamées à hauteur de 2 700 euros, qu'ils ont trouvé un accord avec la Sci Laety et Jm pour un montant mensuel de 900 euros au lieu de celui de 1 200 euros prévu dans la promesse en raison d'un versement en espèces ; qu'ils demeurent débiteurs de deux loyers soit

1 800 euros, ayant réglé le dernier en espèces à M. [J] ; que ce dernier est l'interlocuteur de M. [K] dans le cadre des échanges de messages Sms qu'ils versent aux débats ; qu'il leur a réclamé à plusieurs reprises la somme de 1 800 euros, et non pas de 2 700 euros.

Ils estiment par ailleurs, concernant l'indemnisation des frais de remise en état qui leur est demandée, que les désordres relevés par Me [Y] ne leur sont pas imputables. Ils considèrent qu'ils n'ont pas à prendre en charge la facture de reprise du parquet du séjour où se trouvait la cheminée car l'origine de l'humidité l'affectant n'est pas établie ; que le sol et les murs de l'appartement étaient atteints d'une humidité prégnante et d'infiltrations ; que la cheminée a été retirée en accord avec le propriétaire des lieux, professionnel de l'immobilier, qui était présent ce jour-là et y a participé de sorte que toutes les diligences nécessaires pour que ce retrait soit réalisé selon les règles de l'art n'ont pas été accomplies ; qu'il est injustifié que le coût de la remise en état des murs soit mis à leur charge car ils étaient affectés de moisissures provenant d'une forte humidité dont l'origine n'a pas été identifiée et dont ils avaient alerté M. [J] à de nombreuses reprises ; que l'intimée ne démontre pas que le bien était en parfait état le 1er juillet 2019.

Ils indiquent que, dès novembre 2019, ils ont informé M. [J] de l'existence de moisissures sur les murs de nombreuses pièces de l'habitation, et pas seulement dans le salon, qui a persisté en dépit de l'intervention de tierces personnes sollicitées par ce dernier pour les éradiquer ; que M. [J] a lui-même indiqué que ces désordres étaient corrélés à une problématique de ventilation et d'isolation ; qu'ils ont ainsi vécu avec leurs enfants dans ce logement pendant plus de six mois ; que l'intimée a donc manqué à son obligation de délivrance d'un logement décent ; qu'ils réclament en réparation l'allocation de la somme de 7 600 euros correspondant aux loyers du 1er juillet 2019 au 11 février 2020.

Ils concluent à la confirmation du rejet de la demande indemnitaire de l'intimée pour un préjudice moral qui est inexistant.

Par dernières conclusions notifiées le 19 mars 2024, la Sci Laety et Jm sollicite de voir sur la base des articles 1103, 1104, et 1304-4 du code civil :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire du Havre du 12 janvier 2023 en ce qu'il a condamné M. [K] et Mme [D] à lui payer les sommes suivantes :

. 28 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation,

. 2 700 euros au titre des indemnités d'occupation échues impayées, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 juin 2020,

. 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. les dépens de première instance,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

. condamné M. [K] et Mme [D] à payer la somme de 6 784 euros HT au titre des travaux de remise en état du logement,

. condamné la Sci Laety et Jm à verser à M. [Z] [K] et Mme [G] [D] épouse [K] la somme de 2 000 euros en réparation de leur préjudice lié à l'humidité du logement,

. débouté la Sci Laety et Jm de ses autres demandes,

statuant à nouveau sur ces points,

- condamner M. [K] et Mme [D] à lui verser la somme de

10 141,10 euros au titre des travaux de remise en état du logement,

- débouter M. [K] et Mme [D] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner M. [K] et Mme [D] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Leblond Anaïs sur son affirmation légale d'en avoir fait l'avance.

Elle expose que les demandes de prêts formulées par les appelants ne respectent pas les caractéristiques stipulées dans la promesse de vente ou à tout le moins ne permettent pas de s'en assurer à défaut de production par ces derniers des déclarations notamment de revenus et d'éléments patrimoniaux qu'ils ont faites aux établissements bancaires ; que ces derniers sont de mauvaise foi.

Elle souligne que l'ensemble des refus de prêts date des 18, 24, et 25 janvier 2020, ce qui démontre que M. [K] et Mme [D] ont failli à leur obligation de déposer leurs demandes afférentes dans les meilleurs délais et ont manifestement attendu le dernier moment pour le faire dans le seul but de se procurer des refus car ils avaient signé un compromis pour acquérir un autre bien le 23 janvier 2020 ; que la raison avancée pour justifier cette tardiveté tenant à la situation professionnelle de M. [K] en période d'essai en décembre 2019 n'est pas justifiée ; que les appelants ont pu contracter un emprunt sur 25 ans pour acquérir leur nouvelle résidence principale pour un montant non négligeable de 249 000 euros ; qu'ils ont empêché l'accomplissement de la condition suspensive dans le but de se désengager de la promesse sans verser la moindre indemnité et sont donc redevables de l'indemnité d'immobilisation.

Elle indique par ailleurs que M. [K] et Mme [D] n'ont pas régularisé les loyers de juillet, août, et septembre 2019, que les échanges de Sms qu'ils produisent, dont l'identité de leur correspondant et la date sont ignorées, ne prouvent pas le paiement en espèces d'un loyer de 900 euros qu'ils auraient effectué, qu'ils sont de mauvaise foi.

Elle fait valoir que M. [K] et Mme [D] ont pris le logement dans un état totalement neuf en juillet 2019 de sorte qu'ils sont redevables des désordres qui y ont été constatés le 24 février 2020 par Me [Y] et dont ils sont seuls à l'origine ; que ces derniers n'ont jamais mentionné un seul désordre aux termes de la promesse de vente, que les photos qu'ils produisent sur les désordres allégués sont d'une qualité médioce et ne sont pas datées, que les attestations versées aux débats ne sont que de pure opportunité.

Elle précise encore que, même si un de ses gérants était présent lors du démontage de la cheminée du séjour, M. [K] et Mme [D] ne contestent pas y avoir procédé de leur propre initiative avec l'aide prétendue d'un ami et ne sont pas exonérés de leur obligation de rendre les lieux en bon état, que ce démontage, qui n'a pas été fait dans les règles de l'art, a entraîné de l'humidité et une entrée d'eau, puis des moisissures ; que l'ensemble des Sms produits qui font état de ces désordres sont postérieurs à ce démontage daté selon les appelants au 2 octobre 2019 ; que ces derniers sont de mauvaise foi lorsqu'ils affirment que le bien était totalement impropre à l'habitation.

Elle réfute le préjudice invoqué par M. [K] et Mme [D] pour réclamer une indemnisation du fait du caractère insalubre de l'habitation et la faute qui lui est reprochée. Elle ajoute qu'elle n'a été destinataire d'aucune correspondance de leur part dénonçant une situation intenable ou sollicitant la réalisation de travaux, que les appelants sont de mauvaise foi.

Elle avance enfin qu'elle a subi un préjudice moral du fait des manquements de

M. [K] et de Mme [D] en lien avec le prêt immobilier, les désordres, ou les impayés relatifs au logement et du fait de leur refus d'assumer leurs responsabilités.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 20 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'indemnité d'immobilisation

L'article 1304-3 alinéa 1er du code civil énonce que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Il incombe au bénéficiaire, obligé sous la condition suspensive de solliciter un financement conforme aux prévisions contractuelles, de justifier l'exécution de cette obligation.

Il appartient ensuite au promettant de rapporter la preuve que le bénéficiaire qui a rempli son obligation a empêché l'accomplissement de la condition suspensive.

En l'espèce, la condition suspensive d'obtention de prêt spécifiée dans la promesse de vente prévoit les caractéristiques suivantes des offres de prêt à solliciter par

M. [K] et Mme [D] avant le 28 février 2020 :

'Etablissement(s) financier (s) sollicité(s) : Tout organisme bancaire ou financier

Montant maximum du prêt : [...] 303.300,00 € [...]

Taux d'intérêt maximum : 1,80 % hors assurances

Durée maximale du prêt : 30 ans'.

Il est ensuite précisé que le bénéficiaire 's'oblige à déposer ses demandes de prêt dans les meilleurs délais et à en justifier aussitôt au Notaire désigné pour la rédaction de l'acte en lui en adressant le double.

[...] pour pouvoir se prévaloir du défaut de réalisation de la présente condition suspensive, l'acquéreur s'engage à solliciter un autre établissement bancaire ou financier, en cas de refus d'octroi de prêt par celui auquel il se sera adressé en premier lieu, afin de pouvoir fournir au notaire chargé de la régularisation de l'acte de vente, dans le délai visé ci-dessus, deux attestations bancaires de refus de prêt.'.

Le bénéficiaire 'déclare être spécialement informé qu'en application des dispositions de l'article 1304-3 alinéa 1 du Code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition suspensive sera réputée réalisée si le défaut d'obtention du ou des prêts lui était imputable, et notamment s'il a négligé d'en faire la demande ou de donner les justifications utiles.'.

M. [K] et Mme [D] produisent les refus d'offres de prêt suivants :

- un courrier de la société Axa Banque Crédit Immobilier du 24 janvier 2020 adressé à M. [K] relatif à une demande de prêt résidence principale [Adresse 1], d'un montant de 301 300 euros, d'une durée de 360 mois, et au taux nominal de simulation de 1,88 %.

Cette demande a été formalisée par M. [K] seul et non pas par le couple pour un taux dépassant le taux maximal de 1,80 % hors assurances. Elle ne respecte pas les stipulations contractuelles.

- un courriel du 24 janvier 2020 reçu du site creditfoncier.fr et adressé à

M. [K] et à Mme [D], référence J4247549, ayant trait à une demande de prêt d'un montant de 302 400 euros et d'une durée de 360 mois.

Ne sont pas mentionnés l'adresse de l'immeuble, objet du financement, ni le taux d'intérêt. Il ne peut donc être déduit que cette demande répond aux prévisions contractuelles.

- un courrier du Crédit Mutuel [Localité 7] du 25 janvier 2020 adressé à

M. [K] et à Mme [D], faisant suite à une demande d'octroi d'un crédit immobilier datée du même jour de 303 200 euros destinée à financer l'acquisition d'un bien situé [Adresse 1], au taux d'intérêt fixe de 1,25 % et sur une durée de 360 mois.

Cette demande de prêt est conforme aux caractéristiques prévues dans la promesse, mais n'a pas été complétée par une seconde attestation de refus d'une demande de prêt valablement formulée auprès d'un autre organisme bancaire.

Pour s'exonérer de leur faute et échapper à l'application de l'article 1304-3 alinéa 1er, M. [K] et Mme [D] versent aux débats le refus d'une demande de prêt qu'ils ont présentée au Crédit du Nord le 24 février 2020 de 253 006 euros et d'une durée de 300 mois, pour financer l'achat d'une maison située [Adresse 3]. Ils produisent également le refus du Lcl du 5 mars 2020.

Il ressort du relevé des formalités publiées au service de la publicité foncière du [Localité 6] qu'ils ont réalisé l'acquisition de cette maison le 11 juin 2020 au prix de

220 000 euros financé par un prêt octroyé par la Bnp Paribas d'un montant de

264 000 euros, remboursable au taux de 1,25 %, et d'une durée de 22 ans.

Le montant ainsi emprunté est inférieur de 39 300 euros à celui prévu pour l'achat de l'immeuble de la Sci Laety et Jm, laissant penser que les capacités financières des appelants ne leur permettaient pas cette acquisition.

Cependant, ils ne donnent aucune explication utile sur la précipitation avec laquelle ils ont formalisé leurs demandes de prêts précitées, condition suspensive de la promesse du 15 juillet 2019, le lendemain et le surlendemain de la signature le

23 janvier 2020 du compromis conclu pour l'achat de l'immeuble situé [Adresse 3].

Or, d'une part, la promesse conclue avec la Sci Laety Jm obligeait le bénéficiaire à déposer ses demandes de prêt dans les meilleurs délais, ce que M. [K] et Mme [D] n'ont fait que six mois après et à la hâte les 24 et 25 janvier 2020, prévenant immédiatement après le notaire le 27 janvier de leur intention de ne plus poursuivre cette acquisition.

D'autre part, aux termes d'un message Sms produit par les appelants, adressé le

20 janvier 2020 à M. [T] [J], gérant de la Sci Laety et Jm, soit trois jours avant la signature du compromis pour leur achat de l'immeuble qui deviendra ultérieurement leur maison, M. [K] lui a fait part de ses doutes quant à la réalisation de la vente avec la Sci en ces termes : '[T], ma démarche de la semaine dernière était de t'alerter sur les moisissures qui ne sont plus seulement sous les fenêtres depuis 3 mois et demi mais sur tous les murs extérieurs de la maison et qui nous font peur pour un engagement de 25/30 ans.'.

Le moyen des appelants tiré de la situation professionnelle de M. [K] est inopérant. S'il justifie qu'il a effectué une période d'essai de trois mois à compter de son intégration du groupe Psa le 1er juillet 2019, il ne démontre pas que celle-ci a été poursuivie au-delà du 30 septembre 2019 et, en tout état de cause, en janvier 2020.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la condition suspensive d'obtention d'un prêt, qui a défailli par la faute de M. [K] et de Mme [D], est réputée accomplie et les a condamnés, en exécution de la promesse de vente, à verser au promettant l'indemnité d'immobilisation de 28 000 euros. Cette disposition du jugement sera confirmée.

Sur les indemnités d'occupation impayées

L'article 1103 du code civil précise que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l'article 1104 du même code, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

L'article 1353 alinéa 2 du même code énonce que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, la Sci Laety et Jm ne conteste pas avoir accepté la diminution de l'indemnité d'occupation mensuelle de 1 200 euros, telle que prévue dans la promesse de vente, à 900 euros.

M. [K] et Mme [D] se reconnaissent débiteurs de deux loyers.

Il ressort de deux messages Sms échangés entre M. [K] et M. [J], que

M. [K] [B] et nomme par son prénom '[T]' ou par les termes 'mon ami', que celui-ci lui a réclamé le paiement de 1 800 euros et non pas de 2 700 euros (Sms non daté : 'Un loyers a 900 € pendant 3 mois au lieux de 1500€ Dont 1800 € toujours pas payé depuis le mois de septembre Ensuite 1200€ au lieu de1500 €', Sms du 20 janvier 2020 : 'Pour.les loyers de retard Les 1800 € tu pourras me.les payeurs quand').

Dès lors, M. [K] et Mme [D] seront condamnés à payer à la Sci Laety et Jm la somme de 1 800 euros. Le montant de 2 700 euros retenu par le tribunal sera infirmé.

Sur les frais de remise en état de l'appartement

L'article 1731 du code civil prévoit que, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

L'article 1732 du même code précise qu'il répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

En l'espèce, aucun état des lieux d'entrée n'a été établi entre les parties.

La Sci Laety et Jm justifie que, lorsqu'elle a mandaté deux agences immobilières pour la vente de l'appartement les 2 et 12 avril 2019, celui-ci avait été rénové à neuf.

Lors de leur entrée dans les lieux à partir du 1er juillet 2019 et le jour de la conclusion de la promesse de vente le 15 juillet 2019, M. [K] et Mme [D] n'ont pas évoqué l'existence de désordres, ni d'aucun autre élément sur l'état de l'immeuble.

Ils sont donc présumés l'avoir reçu dans un état neuf.

Aux termes de son constat dressé contradictoirement le 24 février 2020, soit 13 jours après la remise des clés, Me [Y] a constaté :

- dans le hall d'entrée, la présence d'une quinzaine de trous de chevilles rebouchés sur le mur lambrissé,

- quelques éclats de peinture et de traces de meubles sur la main courante de l'escalier d'accès à l'appartement et la montée lambrissée,

- quelques salissures légères sur la face interne de la porte d'entrée,

- dans la première chambre à gauche, de nombreuses traces d'humidité et de moisissure sur les murs côté sud, une fissure à proximité, un éclat sur le mur de droite, et deux trous de chevilles rebouchés en entrant à gauche,

- dans la salle de bains, trois trous de chevilles rebouchés,

- dans la cuisine, cinq trous de chevilles rebouchés à gauche en entrant, quatre petits éclats de peinture au droit de l'emplacement du réfrigérateur, et des traces d'humidité sur la façade sud,

- dans la deuxième chambre à gauche, trois trous de pointe, six trous de chevilles rebouchés, et des traces d'humidité sur le mur en façade sud,

- dans le couloir, un trou de cheville rebouché, quatre trous de pointe, des traces de frottement au-dessus du radiateur ; sous l'escalier, la présence importante de moisissure avec apparition de champignons ; à gauche, deux trous de chevilles rebouchés en-dehors des règles de l'art,

- dans les wc, quatre trous de chevilles rebouchés à gauche, cinq trous de chevilles rebouchés à droite, quelques traces diffuses sur les murs, et des traces d'humidité sur la façade sud,

- dans le séjour, un tuilage du parquet au pied de l'entrée, dans le fond la présence de traces d'humidité notamment à l'angle des murs ouest et nord, pour se prolonger jusqu'au droit de la première fenêtre. Le faux plafond, récemment repris, était gorgé d'eau. Au sol, une surface rectangulaire avait été recouverte d'un revêtement de type lames pvc collées, qui se décollaient. En-dessous des lames, le sol était très humide. M. [J] et M. [K] ont déclaré qu'à cet emplacement se trouvait une cheminée qui avait été retirée par M. [K],

- dans l'escalier, un éclat de peinture sur la cinquième marche, plusieurs éclats sur la main courante, et quelques traces sur le mur de la montée d'escalier,

- au niveau du palier de l'étage, de légères traces éparses,

- dans la chambre n°3, quelques salissures éparses,

- dans la chambre n°4, deux trous de chevilles rebouchés, un éclat de peinture, et quelques salissures éparses,

- au niveau des combles, plusieurs fissurations et réparations sur le conduit de cheminée sur lequel suintait de l'eau. Le panneau isolant au pied de ce conduit était gorgé d'eau. Au droit, existait un jour au niveau des tuiles de couverture et, dans le fond des combles, deux jours au niveau de la jonction toiture façade nord.

Ces seules constatations ne permettent pas d'établir un lien entre le démontage de la cheminée du séjour et l'humidité et les moisissures affectant de nombreuses pièces de l'appartement. D'une part, ces désordres sont situés en façade sud, alors que la cheminée existait à l'angle des murs ouest et nord. D'autre part, si des désordres ont été relevés sur le conduit de la cheminée dans les combles, il n'est pas prouvé que ceux-ci sont la cause de la présence d'eau, dès lors que des désordres existent également au niveau de la toiture. Le seul démontage de la cheminée quelques semaines avant l'apparition des moisissures ne permet pas d'établir une causalité directe et certaine entre ces deux événements. Aucun avis d'un professionnel sur la provenance d'eau et/ou d'humidité n'est versé aux débats.

Dans un message Sms de M. [J], celui-ci indiquait d'ailleurs : 'Etat des lieux etc car la maison était en parfait état Hors mis effectivement les problèmes de moisissure qui seront réglées des que les travaux seront possible'.

En conséquence, la preuve de l'absence d'imputabilité des traces d'humidité et de moisissures à l'occupation des lieux par M. [K] et Mme [D] et notamment à l'enlèvement de la cheminée dans le séjour est apportée. Ceux-ci ne sont pas redevables des frais de remise en état des murs couverts de traces de moisissures et d'humidité telles que relevées par Me [Y], notamment dans le séjour.

En revanche, ils ne démontrent pas que les autres traces et dégradations des peintures ont eu lieu sans leur faute dans l'entrée et l'escalier du rez-de-chaussée, sur deux murs dans chaque chambre, dans la salle de bains, le couloir, les wc, l'escalier d'accès au deuxième étage, et dans la cuisine, pendant leur occupation des lieux. Au vu de la facture du 17 juin 2020 de l'Eurl Pbs, ils sont débiteurs du coût de la remise en état des peintures de 5 275,90 euros HT.

S'agissant enfin de l'enlèvement de la cheminée dans le séjour, M. [K] et Mme [D] produisent une attestation d'un collègue et ami M. [M]. Celui-ci explique qu'il les a aidés le 2 octobre 2019 à effectuer cette tâche en présence de

M. [J] qui se trouvait au rez-de-chaussée dans son garage, qui n'a manifesté aucune réticence à ce sujet, et qui a même proposé son aide pour sécuriser le toit du garage par lequel ils passaient pour extraire la brique et les gravats.

Cette seule attestation est insuffisante à prouver l'accord même implicite de la Sci Laety et Jm à la réalisation de ces travaux. Celui-ci ne ressort pas des messages Sms échangés entre les parties.

A défaut de preuve contraire, M. [K] et Mme [D] sont donc tenus de répondre des réparations locatives nécessitées par ce démontage décidé unilatéralement pendant leur occupation des lieux. La facture de dépose d'une souche de cheminée du 26 avril 2020 de M. [V] [F] de 1 200 euros HT et le devis du 18 février 2020 de remise en état du parquet du séjour de l'Eurl Pbs de

1 660 euros HT, lequel était tuilé et recouvert d'un revêtement décollé, seront mis à leur charge.

En définitive, M. [K] et Mme [D] seront condamnés à payer à la Sci Laety et Jm la somme totale de 8 135,90 euros HT. Le montant arrêté par le tribunal sera infirmé.

Sur les dommages et intérêts demandés par M. [K] et Mme [D] pour manquement à l'obligation de délivrance d'un logement décent

Selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant,

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée,

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

L'obligation pour le bailleur de délivrer un logement décent est d'ordre public.

En l'espèce, la présence d'humidité dans plusieurs pièces d'habitation et de moisissures et/ou de champignons dans la première chambre et le couloir est avérée à la lecture du procès-verbal de constat du 24 février 2020, ainsi que par deux attestations de proches produites par M. [K] et Mme [D].

Ces derniers justifient également qu'ils en ont informé M. [J] dès novembre 2019 par des messages Sms, que celui-ci en était conscient, et qu'il a tenté d'y remédier, mais en vain.

Pour les motifs spécifiés ci-dessus, ces désordres ne sont pas imputables à l'enlèvement de la cheminée dans le séjour par les appelants.

La Sci Laety et Jm ne démontre pas une circonstance lui permettant de s'affranchir de son obligation de délivrance d'un logement décent.

Elle sera donc condamnée à indemniser le préjudice de jouissance afférent subi par M. [K] et Mme [D] entre novembre 2019 et le 11 février 2020 à hauteur de la somme de 2 000 euros retenue par le premier juge qui en fait une exacte appréciation. Sa décision sera confirmée.

Sur les dommages et intérêts demandés par la Sci Laety et Jm pour préjudice moral

L'exercice par M. [K] et Mme [D] de leur droit de se défendre et d'opposer un refus aux demandes de paiement de la Sci Laety et Jm n'a pas été abusif.

Leur faute n'étant pas démontrée, la réclamation indemnitaire de la Sci Laety et Jm sera rejetée. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.

Parties perdantes, M. [K] et Mme [D] seront condamnés aux dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de l'avocate de l'intimée.

Il est équitable de les condamner également à payer à la Sci Laety et Jm la somme de 3 000 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- condamné M. [Z] [K] et Mme [G] [D] épouse [K] à verser à la Sci Laety et Jm les sommes de :

. 2 700 euros au titre des indemnités d'occupation échues impayées, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 juin 2020,

. 6 784 euros HT au titre des travaux de remise en état du logement,

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne M. [Z] [K] et Mme [U] [D] à verser à la Sci Laety et Jm les sommes suivantes :

- 1 800 euros au titre des indemnités d'occupation échues impayées, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 juin 2020,

- 8 135,90 euros HT au titre des frais de remise en état du logement,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne M. [Z] [K] et Mme [U] [D] aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de Me Anaïs Leblond, avocate, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 23/00667
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;23.00667 ?
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