N° RG 22/04063 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JHYF
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 21 JUIN 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00198
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 01 Décembre 2022
APPELANTE :
CPAM DE L'EURE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.S. [5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Roselyne ADAM-DENIS, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 14 Mai 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 14 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 juin 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 21 Juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
* * *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [G], salarié de la société [5] (la société) en qualité d'opérateur conditionnement, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail survenu le 8 septembre 2021.
Le 9 septembre 2021, la société a établi une déclaration d'accident du travail, accompagnée d'un certificat médical initial du 8 septembre 2021 constatant une « entorse du genou droit ».
Des arrêts de prolongations d'arrêts de travail ont été délivrés à M. [G] jusqu'à ce que son état de santé soit considéré comme guéri à la date du 4 novembre 2021.
Par décision du 6 décembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure (la caisse) a pris en charge le fait accidentel au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par courrier du 4 février 2022, la société a saisi la commission de recours amiable en contestation de cette décision de prise en charge.
Le 10 mai 2022, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Evreux d'un recours contre la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable.
En sa séance du 28 juillet 2022, la commission de recours amiable a confirmé la reconnaissance de l'accident du travail et a rejeté la demande de la société.
Par jugement du 1er décembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire d'Evreux a :
- déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge du 6 décembre 2021 de l'accident de M. [G] survenu le 8 septembre 2021 au titre de la législation sur les risques professionnels,
- condamné la caisse aux entiers dépens.
La décision a été notifiée à la caisse le 6 décembre 2022, elle en a relevé appel le 15 décembre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions remises le 6 mai 2024, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et fondé,
- infirmer le jugement entrepris,
- confirmer sa décision en date du 6 décembre 2021 valant prise en charge de l'accident de M. [G] survenu le 8 septembre 2021 déclaré par la société le 9 septembre 2021, ainsi que la décision de la commission de recours amiable en date du 28 juillet 2022,
- en conséquence, dire la société mal fondée en son recours et la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
- condamner la société aux entiers dépens nés depuis le 1er janvier 2019,
- condamner la société à lui payer la somme de 2 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse expose avoir respecté le principe du contradictoire considérant que les certificats médicaux de prolongation ne constituant pas des pièces sur lesquelles elle fonde sa décision, il ne lui appartenait pas de les transmettre à la société.
Par conclusions remises le 10 mai 2024, soutenues oralement, la société demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- condamner la caisse à lui verser la somme de 2 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.
La société soutient qu'il appartient à la caisse, en application de l'article R 441-8 du code de la sécurité sociale, de mettre à sa disposition l'intégralité des documents visés à l'article R 441-14 du même code ; qu'en l'espèce les divers certificats médicaux de prolongation établis ne figuraient pas au dossier mis à sa disposition ; qu'en conséquence, la caisse a méconnu ses obligations.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge
L'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que le dossier mentionné aux articles R. 441-8 et R. 461-9 constitué par la caisse primaire comprend :
1°) la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l'employeur ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.
Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur.
Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire.
Sur ce fondement, la société soutient que le dossier qu'elle a pu consulter ne comprenait pas tous les éléments listés puisqu'elle n'a pas eu connaissance des divers certificats médicaux de prolongation établis et adressés à la caisse avant la clôture de l'instruction.
Toutefois la caisse fait valoir à juste titre qu'elle est tenue de communiquer à l'employeur les seuls éléments sur la base desquels elle se prononce pour la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident. Tel n'est pas le cas des certificats médicaux de prolongation délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l'affection, ou la lésion, et l'activité professionnelle.
Il en résulte que les éléments susceptibles de faire grief à l'employeur ont bien été portés à sa connaissance avant la décision rendue par la caisse, de sorte qu'aucune inopposabilité ne saurait être retenue de ce chef.
La décision déférée est infirmée sur ce chef et la société est déboutée de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge par la caisse de l'accident survenu à M. [E] [G] le 8 septembre 2021 au titre de la législation sur les risques professionnels.
2/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la caisse la somme de 2 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Evreux du 1er décembre 2022 ;
Statuant à nouveau :
Déboute la société [5] de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge par la caisse du 6 décembre 2021 de l'accident survenu à M. [E] [G] le 8 septembre 2021 au titre de la législation sur les risques professionnels ;
Condamne la société [5] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure la somme de 2 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société [5] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE