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13/06/2024 | FRANCE | N°24/00064

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 13 juin 2024, 24/00064


N° RG 24/00064 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JRNH





COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE



ARRET DU 13 JUIN 2024







DÉCISION DÉFÉRÉE :



23/01786

Jugement du tribunal judiciaire juge de l'execution de Rouen du 13 décembre 2023





APPELANTE :



S.A.R.L. LE COURRIER CAUCHOIS

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Mathieu LECLERC, avocat au barreau du HAVRE

substitué par Me Pagui KISOKA, avocat au barreau du HAVRE





INTIME :



Monsieur [M] [S]

né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 6] (76)

[Adresse 4]

[Localité 3]



représenté par Me Luc MASSON, avocat au barreau de ROUEN

assisté par Me Marie DE GRIVEL...

N° RG 24/00064 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JRNH

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 13 JUIN 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/01786

Jugement du tribunal judiciaire juge de l'execution de Rouen du 13 décembre 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. LE COURRIER CAUCHOIS

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Mathieu LECLERC, avocat au barreau du HAVRE

substitué par Me Pagui KISOKA, avocat au barreau du HAVRE

INTIME :

Monsieur [M] [S]

né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 6] (76)

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Luc MASSON, avocat au barreau de ROUEN

assisté par Me Marie DE GRIVEL, avocat au barreau de PARIS substituant Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 mai 2024 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, Présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Monsieur MELLET, Conseiller

DEBATS :

Madame DUPONT greffière

A l'audience publique du 16 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 13 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame GOUARIN, présidente et par Madame DUPONT, greffière lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

M. [M] [S] a été engagé par la Sarl Cauchoise de presse et de publicité devenue la société Le courrier Cauchois en qualité de journaliste le 10 août 1978.

Le 20 décembre 2017, la société Le courrier Cauchois a informé M. [S] de la prise de contrôle du journal par la société Manche libre et de la possibilité de se prévaloir de la clause de cession des journalistes.

Le salarié s'est prévalu de la clause de cession et son contrat de travail a pris fin le 16 février 2018.

Par décision du 17 juillet 2019, la Commission arbitrale des journalistes a condamné la société Le courrier Cauchois à verser à M. [S] la somme de 107 547 euros bruts à titre d'indemnité complémentaire de licenciement, les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 12 juin 2018 et la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte d'huissier de justice du 3 octobre 2019, M. [S] a fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente à la société Le courrier Cauchois.

Par acte d'huissier de justice du 23 octobre 2019 dénoncé le 24 octobre 2019, M. [S] a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de la société Le courrier Cauchois en recouvrement de la somme de

111 794,59 euros en principal, intérêts et frais.

Par jugement du 22 avril 2020, le juge de l'exécution, saisi par la société Le courrier Cauchois d'une contestation des mesures d'exécution forcée, a déclaré irrecevables les demandes formées par la société Le courrier Cauchois et condamné cette dernière aux dépens et à verser à M. [S] la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 18 février 2021, la cour d'appel de Rouen a confirmé le jugement et condamné la société Le courrier Cauchois à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Par arrêt du 7 juin 2023, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Le courrier Cauchois et a condamné cette dernière à payer à M. [S] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, la société Le courrier Cauchois a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen d'une contestation relative à l'application de la clause de cession des journalistes et a été déboutée de ses demandes et condamnée à verser à M. [S] la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, par jugement du 13 octobre 2020.

Par arrêt du 19 janvier 2023, la cour d'appel de Rouen a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes et condamné la Sarl Le courrier Cauchois à verser à M. [S] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Un pourvoi en cassation a été formé à l'encontre de cet arrêt.

Par acte de commissaire de justice du 9 mars 2023, M. [S] a fait délivrer à la société Le courrier Cauchois un commandement de payer aux fins de saisie-vente en recouvrement de la somme de 3 324,95 euros correspondant aux indemnités allouées au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel afférents au jugement du 13 octobre 2020 et à l'arrêt du 19 janvier 2023.

Par acte de commissaire de justice du 13 avril 2023, la Sarl Le courrier Cauchois a fait assigner M. [S] en annulation du commandement.

Par jugement contradictoire du 13 décembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Rouen a :

- rejeté l'ensemble des demandes formées par la Sarl Le courrier Cauchois;

- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. [S] ;

- condamné la Sarl Le courrier Cauchois aux dépens ;

- condamné la Sarl Le courrier Cauchois à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 4 janvier 2024, la Sarl Le courrier Cauchois a relevé appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.

Exposé des prétentions des parties

Par dernières conclusions reçues le 15 avril 2024, la Sarl Le courrier Cauchois demande à la cour de :

- réformer le jugement ;

Statuant à nouveau,

- ordonner la compensation entre la créance de M. [S] de 2 500 euros issue de l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 19 janvier 2023 et sa dette de 13 169,39 euros issue du trop perçu dû en exécution de la décision de la Commission arbitrale des journalistes du 17 juillet 2019 ;

- annuler le commandement signifié le 9 mars 2023 ainsi que les actes subséquents dont ceux de la saisie-attribution du 30 janvier 2024 ;

- débouter M. [S] des chefs de demande exposés au titre de son appel incident ;

- condamner M. [S] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par dernières conclusions reçues le 13 mai 2024, M. [S] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Le courrier cauchois et condamné cette dernière aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- subsidiairement, juger la société Le courrier Cauchois irrecevable en ses demandes, faute d'intérêt à agir ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

- condamner la Sarl Le courrier Cauchois à lui payer la somme de

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner la Sarl Le courrier Cauchois à une amende civile pour appel abusif ;

- condamner la Sarl Le courrier Cauchois à lui payer la somme de

3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;

En toute hypothèse,

- condamner la Sarl Le courrier Cauchois à lui payer la somme de

4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- condamner la Sarl Le courrier Cauchois aux dépens d'appel.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés par celles-ci.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exception de compensation

L'appelante fait grief au premier juge d'avoir rejeté l'exception de compensation au motif que la créance alléguée n'était ni certaine ni liquide ni exigible alors que M. [S] est redevable de la somme de

13 169,39 euros au titre du trop perçu afférent à l'exécution de la décision de la commission arbitrale des journalistes dès lors que le montant de l'indemnité allouée a été saisi sans qu'il soit tenu compte des cotisations sociales dues par l'intéressé, que le juge de l'exécution est compétent pour se prononcer sur l'exception de compensation et que la créance en restitution du trop perçu n'est pas éteinte.

En réplique, l'intimé fait principalement valoir que l'appelante ne démontre pas que la créance dont elle se prévaut est certaine, fongible, liquide et exigible, que les pièces produites sont insuffisantes à démontrer que la société Le courrier Cauchois a versé des cotisations et contributions sociales

pour son compte, que cette contestation n'a pas été élevée lors des précédentes instances alors que le bulletin de salaire mentionnant ces règlements aurait été établi au mois de décembre 2020 sans lui être adressé, que l'appelante est irrecevable à exercer une action en répétition des sommes versées le 24 octobre 2019 en application de la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail et que la demande de compensation ne peut contourner les effets de la prescription. Il soutient en outre que la demande est injustifiée en ce que la société Le courrier Cauchois reste lui devoir une somme totale de 121 317,18 euros qu'elle ne démontre pas avoir réglée.

La compétence du juge de l'exécution pour statuer sur l'exception de compensation invoquée par l'appelante n'est en l'espèce pas contestée.

Selon l'article 1347-1 du code civil, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

En l'espèce, les pièces versées aux débats établissent que la Commission arbitrale des journalistes a accordé à M. [S] un complément d'indemnité de rupture de son contrat de travail d'un montant de 107 547 euros et qu'une saisie-attribution a été pratiquée le 23 octobre 2019 pour le montant de l'indemnité ainsi allouée.

L'appelante justifie, par la production de l'attestation de l'expert-comptable Kpmg établie le 24 janvier 2024 qu'elle a acquitté pour le compte de M. [S], au titre de l'indemnité complémentaire de licenciement, des cotisations sociales d'un montant de 13 169,39 euros ce, conformément aux mentions du bulletin de salaire émis au mois de décembre 2020.

Il appartient à la société Le courrier Cauchois, qui se prévaut de la compensation entre l'indemnité due au titre de la décision de la Commission arbitrale des journalistes et les cotisations sociales versées pour le compte de M. [S], de démontrer que la créance invoquée au titre du trop perçu de cotisations sociales est exigible. En effet, aucune compensation ne peut valablement être invoquée avec une créance éteinte par la prescription.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription triennale instaurée par ces dispositions s'applique à l'action en répétition des cotisations sociales indûment perçues à l'occasion de la saisie-attribution pratiquée le 23 octobre 2019 et dénoncée le 24 octobre 2019.

Le point de départ du délai pour agir de l'employeur se situe à la date à laquelle celui-ci a connu les faits sur lesquels repose son action, soit en l'espèce à la date de la saisie-attribution pratiquée pour le montant brut de la condamnation prononcée par la Commission arbitrale des journalistes.

Il s'ensuit que l'action en répétition exercée par voie d'assignation le 13 avril 2023, soit plus de trois ans après la dénonciation de la saisie-attribution, est prescrite et que l'appelante ne peut plus invoquer l'exception de compensation dès lors que la créance dont elle se prévaut n'est pas exigible.

Il en résulte que c'est à juste titre que le premier juge a écarté l'exception de compensation et débouté en conséquence la société Le courrier Cauchois

de sa demande d'annulation du commandement de payer.

Le jugement déféré doit dès lors être confirmé sur ce point sans qu'il y ait lieu d'examiner la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Le courrier Cauchois invoquée à titre subsidiaire.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a débouté M. [S] de sa demande formée en application des dispositions de l'article L. 121-3 du code des procédures civiles d'exécution dès lors qu'il n'est justifié d'aucun le préjudice résultant du défaut de paiement de la somme allouée au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel afférents à l'instance prud'homale.

Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif

Le droit d'exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de ses droits.

Tel n'apparaît pas le cas en l'espèce, un abus du droit d'exercer une voie de recours de l'appelante ne pouvant se déduire du seul échec de son action.

En outre, M. [S] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant de l'obligation de défendre à la procédure.

Il convient en conséquence de le débouter de sa demande de dommages et intérêts formée au titre de l'appel abusif.

Sur la demande d'amende civile

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas le prononcé d'une amende civile que l'intimé n'a au demeurant pas qualité à réclamer.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.

L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à M. [S] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [M] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile ;

Condamne la Sarl Le courrier Cauchois aux dépens d'appel ;

Condamne la Sarl Le courrier Cauchois à verser à M. [M] [S] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la Sarl Le courrier Cauchois de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre de la proximité
Numéro d'arrêt : 24/00064
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;24.00064 ?
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