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12/06/2024 | FRANCE | N°24/00020

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 12 juin 2024, 24/00020


N° RG 24/00020 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JTI2



COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 12 JUIN 2024









DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le tribunal de commerce du Havre en date du 9 février 2024



DEMANDERESSE :



Société de droit anglais USMI LIMITED

[Adresse 1]

[Localité 6] - E13 0PT (Royaume Uni)



représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE

BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen, plaidant par Me Simon DARRICAU, avocat au barreau des Hauts-de-Seine





DÉFENDERESSE :



S.A HAVRE ATHLETIC CLUB FOOTBALL ASSOCIATION

[Adresse 3]

...

N° RG 24/00020 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JTI2

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 12 JUIN 2024

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal de commerce du Havre en date du 9 février 2024

DEMANDERESSE :

Société de droit anglais USMI LIMITED

[Adresse 1]

[Localité 6] - E13 0PT (Royaume Uni)

représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen, plaidant par Me Simon DARRICAU, avocat au barreau des Hauts-de-Seine

DÉFENDERESSE :

S.A HAVRE ATHLETIC CLUB FOOTBALL ASSOCIATION

[Adresse 3]

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me PICARD, de la Scp Pechenard & Associés, avocat au barreau de Paris

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 15 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2024, devant Mme WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme DUPONT, greffière

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 12 juin 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société de droit anglais Usmi Limited a pour objet l'activité d'agent sportif de joueurs de football. La Sa Havre athletic club football association (Hac) gère les activités de l'équipe de football professionnelle du Havre.

M. [F] [K], joueur du [4] de 2011 à 2014 a été, sur accord du 8 janvier 2014, transféré au club anglais de [5] puis par accord du 10 juillet 2018 au club de [7].

La société Usmi limited a mis en demeure le Hac de payer différentes prestations en vain et a dès lors fait assigner le club en paiement le 24 juin 2022.

Par jugement avant dire droit du 9 février 2024, le tribunal de commerce du Havre :

- ' DEBOUTE la société USMI LIMITED de ses demandes',

- sursoit à statuer dans l'attente qu'il soit prononcé définitivement sur l'action publique qui a été mise en mouvement suite à la plainte avec constitution de partie civile du Hac,

- liquidé les dépens à la somme de 69,59 euros.

Le tribunal a tiré les conséquences de la plainte contre X pour faux et usage de faux, tentative d'escroquerie avec constitution de partie civile déposée par le Hac le

16 mars 2023 suivi du paiement effectif de la consignation exigée le 13 juin 2023.

Par assignation en référé délivrée le 8 mars 2024 puis par dernières conclusions délivrées le 7 mai 2024, la société Usmi limited demande à la juridiction, au visa de l'article 380 du code de procédure civile, de :

- la recevoir en l'ensemble de ses demandes,

- juger qu'elle justifie d'un motif grave et légitime à interjeter appel du jugement susvisé,

- l'autoriser à interjeter appel du sursis ordonné,

- fixer la date et l'heure à laquelle sera plaidée l'affaire devant la cour,

- condamner le Hac aux dépens.

Pour obtenir ce droit de former appel, elle rappelle la relation d'affaires entretenues par les parties dans le cadre des négociations des transferts de joueurs et l'économie du contrat signé dans le cadre du transfert : la convention prévoyant pour le Hac une indemnité de transfert complémentaire égale à 15 % du montant du futur transfert de M. [K] conclu entre Leicester city Fc et un autre club, le transfert du joueur au profit de [7] en 2018 ouvrait droit également à une commission pour elle. Le litige initié devant le tribunal de commerce porte sur le défaut de paiement de cette commission, correspondant à une facture émise le 22 août 2018 pour un montant de 900 000 £ après des tentatives de négociation, de demandes de pièces.

Elle ajoute que la plainte pénale déposée par le Hac est postérieure à l'acte introductif d'instance concernant la demande en paiement ; qu'elle a d'abord été classée sans suite ; qu'elle n'effecte pas en réalité la validité du contrat signée le 8 janvier 2014.

Elle soutient que :

- la plainte pénale a été déposée dans le seul but de retarder la procédure au fond et la condamnation au paiement du Hac, ce qui conduira inexorablement à une longueur excessive de la procédure malgré des enjeux financiers majeurs pour elle ;

- l'octroi du sursis a été fait en méconnaissance des dispositions légales relatives à cet incident de procédure en particulier en présence d'une plainte contre X, au visa notamment de l'article 4 du code de procédure pénale ;

- contrairement à ce qu'affirme le tribunal de commerce, il n'existe aucun doute sérieux quant à l'existence et l'authencité du contrat et donc de sa créance ;

- les éléments mis en évidence quant à la situation financière du Hac sont de nature à inquiéter quant au recouvrement de la créance si la procédure au fond venait à être davantage repoussée.

Par conclusions notifiées le 8 avril puis le 14 mai 2024, soutenues à l'audience, la Sa Havre athletic club football association demande à la juridiction, au visa de l'article 380 du code de procédure civile, de :

- rejeter la demande de la société Usmi limited visant à être autorisée à interjeter appel du jugement,

- condamner la société Usmi limited à lui payer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Usmi limited aux dépens que la Selarl Gray Scolan sera autorisée à recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'intervention portant sur le transfert du joueur a été confiée, en qualité d'agent sportif, à M. [E] [R] qui a rempli sa mission en 2014 ; qu'en 2018, M. [Z] [D] représentant la société Usmi limited a présenté une créance en se prévalant d'une convention signée par le président du Hac,

M. [Y] [U], un accord daté du 3 janvier 2014 ; que cette convention n'a pas été transmise aux autorités sportives compétentes ; qu'elle viole l'article 18 ter alinéa 1 du Règlement de la Fifa sur le statut et le transfert des joueurs entré en vigueur le 1er mai 2015.

Elle suspecte de faux ce document signé alors qu'aucune trace de discussionn'a pu être mise en évidence avec la société Usmi limited. Elle produit l'attestation d'un collaborateur ne se souvenant pas de cet acte et décrivant le mode opératoire habituel. Sa plainte avec constitution civile a permis la désignation d'un juge d'instruction, la procédure engagée justifiant pleinement le sursis à statuer ordonné par la juridiction de première instance.

Elle considère que la juridiction saisie n'ayant pas à se prononcer sur le bien-fondé de l'action au fond, la société Usmi limited ne rapporte pas la preuve de conséquences préjudiciables : cette dernière ne démontre pas en quoi le retard dans l'examen de son action aggraverait ou compromettrait sa situation, mettrait gravement en péril ses intérêts, ce alors qu'elle a attendu quatre ans pour agir. Elle affirme que sa situation est saine, ses comptes étant validé par la Direction nationale du contrôle de gestion ; que le Hac est le doyen des clubs français créé en 1872 ; que sa situation en Ligue 1 est assurée alors qu'elle bénéficie d'un actionnaire stable et solide.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 15 mai 2024.

MOTIFS

Sur la demande d'autorisation à interjeter appel du sursis à statuer

L'article 378 du code de procédure civile pose le principe selon lequel la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

L'article 380 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime. S'il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l'affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l'article 948, selon le cas.

L'article 4 du code de procédure pénale précise que l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique. La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

La société Usmi verse aux débats :

- l'accord, rédigé en anglais, du 3 janvier 2014 prévoyant une rétribution de 'GT' soit M. [Z] [D], signataire en qualité de directeur de la société Usmi limited, à hauteur de 10 % dans l'hypothèse d'un transfert de M. [K] au profit d'un autre club par le Leicester city Fc,

- les correspondances de M. [G], signataire de cet accord en qualité de président du Hac, et portant des signatures proches voire identiques, des 20 juillet et 31 octobre 2018 confirmant que l'intéressé est intervenu en 2014 pour réussir à obtenir un accord de transfert.

M. [G] précise : ' C'est pourquoi, je vous ai accordé 10 % sur le bonus d'un futur éventuel transfert puisque vous aviez réussi à optimiser l'indemnité ainsi que l'ensemble des bonus et obtenu l'intéressement de 15 % sur une revente éventuelle du joueur.'.

Par sommation interpellative du 16 mai 2019, M. [G] a confirmé avoir été en relation d'affaires avec la société Usmi et être le signataire de l'accord du 3 janvier 2014.

Le Hac a déposé une plainte avec constitution de partie civile le 16 mars 2023 pour escroquerie, faux et usage de faux contre X concernant l'accord du 3 janvier 2014 ayant abouti à l'ouverture d'une information.

Il résulte de ces éléments que le Hac a pris l'initiative d'une plainte pénale sur ce point alors qu'à trois reprises, l'auteur de l'accord du 3 janvier 2014, son président et représentant légal, en a confirmé à la fois l'authenticité et le contenu. De telles contradictions relatives à la matérialité des faits discutés sont susceptibles de constituer un motif grave et légitime justifiant un examen par la cour de la pertinence du sursis.

L'attestation d'un cadre et donc d'un salarié du Hac disant ne pas se souvenir de cet accord, qui n'a pas été porté dans le dossier du joueur, n'est pas de nature, à elle-seule, à anéantir la portée des écrits et déclarations réitérés de M. [G].

Les éléments comptables du Hac, communiqués par la société Usmi limited, permettent de vérifier l'existence de capitaux propres de l'ordre de 714 219 euros au 30 juin 2023 sur un nominal initial de 10 612 893 euros alors qu'ils étaient encore de 2 014 293 euros, ce après imputation des pertes majorées en 2023.

L'expert-comptable précise que la créance contestée de la société Usmi limited de 900 000 £ , sur une facture reçue au cours de l'exercice clos le 30 juin 2019 n'a pas été enregistrée et donc provisionnée.

Il vise deux abandons de créance importants pour l'équilibre financier de la société :

- un abandon de créance de 2 340 836 euros au profit de l'association du Hac,

- des abandons de créances au profit de sa filiale la société Océane stadium pour un montant de 9 241 757 euros entre 2011 et 2020, avec une seule clause de retour à meilleure fortune à hauteur de 710 000 euros, sans encaissement de remboursement par la filiale.

Ces données suffisent à démontrer la volatilité des fonds gérés par le Hac, l'importance des aléas créés volontairement sur des créances non recouvrées, l'absence de fonds mobilisés pour garantir le paiement éventuel de la créance litigieuse.

En conséquence, tant les éléments factuels de l'espèce qui peuvent faire l'objet de mesures d'instruction civiles que les données financières soumises aux débats démontrant des risques pour le recouvrement éventuel de la créance, établissent l'existence de motifs graves et légitimes d'autoriser la société Usmi limited à former appel de la décision du tribunal de commerce.

Sur les frais de procédure

La décision est rendue dans l'intérêt exclusif de la société Usmi limited avant tout débat au fond sur le bien-fondé de ses prétentions : elle gardera à sa charge les dépens du référé.

L'article 699 du code de procédure civile n'étant applicable qu'aux procédures avec représentation par avocat obligatoire, il convient de rejeter la demande fondée sur ce texte.

L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article

700 du code de procédure civile au profit d'une partie.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Autorise la société de droit anglais Usmi limited à former appel du jugement du tribunal de commerce du 9 février 2024 (réf 2022J00090) ;

En conséquence,

Fixe l'audience de plaidoiries qui se tiendra devant la deuxième chambre de notre cour, la chambre civile et commerciale, au jeudi 5 septembre 2024 à 14h00 ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et sur l'article 699 du même code ;

Condamne la société de droit anglais Usmi limited aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 24/00020
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;24.00020 ?
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