N° RG 22/04116 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JH36
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 12 JUIN 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/02811
Tribunal judiciaire de Rouen du 28 octobre 2022
APPELANTE :
Sarl ATELIER DU BOURG
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Olivier BODINEAU de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me ABDOU
INTIMEE :
Madame [V] [S]
née le 6 juillet 1969 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et assistée par Me Astrid LEFEZ, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 3 avril 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 3 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 juin 2024 puis prorogée au 12 juin 2024.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 5 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat du 28 novembre 2015, la Sarl Atelier du Bourg a confié à Mme [V] [S] la maîtrise d'oeuvre de l'étude et de la réalisation du réaménagement de trois appartements situés [Adresse 2]).
Les travaux ont été réceptionnés sans réserve par procès-verbal du 29 août 2017.
Suivant acte d'huissier de justice du 3 juillet 2018, la Sarl Atelier du Bourg, reprochant à Mme [V] [S] d'avoir manqué à son obligation contractuelle de conseil, l'a faite assigner devant le tribunal de grande instance de Rouen en réparation de son préjudice financier.
Par jugement du 28 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- condamné Mme [V] [S] à payer à la Sarl Atelier du Bourg les sommes suivantes :
. 1 500 euros en indemnisation de ses inexécutions contractuelles,
. 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sarl Atelier du Bourg à payer à Mme [V] [S] la somme de 705,60 euros en exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre du 28 novembre 2015,
- rejeté les autres demandes de la Sarl Atelier du Bourg,
- rejeté les demandes plus amples et contraires,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit par provision,
- condamné Mme [V] [S] aux entiers dépens.
Par déclaration du 21 décembre 2022, la Sarl Atelier du Bourg a formé un appel contre ce jugement.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 11 mars 2024, la Sarl Atelier du Bourg demande de voir en application des articles 12, 33, et 36 du code national des devoirs professionnels de l'architecte, 1103, 1196, 1104 et 1231-1 du code civil :
- réformer le jugement rendu le 28 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Rouen en ce qu'il a :
. condamné Mme [V] [S] à payer à la Sarl Atelier du Bourg la somme de
1 500 euros en indemnisation de ses inexécutions contractuelles,
. condamné la Sarl Atelier du Bourg à payer à Mme [V] [S] la somme de 705,60 euros en exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre du 28 novembre 2015,
. rejeté les autres demandes de la Sarl Atelier du Bourg,
. rejeté les demandes plus amples et contraires,
- confirmer le jugement uniquement en ce qu'il a condamné Mme [V] [S] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
statuant à nouveau,
- condamner Mme [V] [S] au paiement des sommes suivantes :
. 56 330,82 euros à titre de dommages et intérêts,
. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du retard dans l'établissement du procès-verbal de réception,
- condamner Mme [V] [S], sous astreinte provisoire de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir, à établir un procès-verbal de réception au contradictoire de la Sarl Atelier du Bourg concernant les sociétés Armabat, Eric Rocher, La Menuiserie du Taillis et la Sarl Bruno Catel,
- débouter Mme [V] [S] de sa demande visant à obtenir la condamnation de la Sarl Atelier du Bourg à lui verser la somme de 705,60 euros en exécution du contrat du 28 novembre 2015,
- débouter Mme [V] [S] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Mme [V] [S] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que Mme [S] avait la qualité d'architecte, et non pas de simple maître d'oeuvre, et s'est présentée comme tel auprès de ses clients tout au long de la relation contractuelle, de sorte que celle-ci est soumise aux obligations édictées par le code de la déontologie des architectes ; que le code NAF 7111 Z relatif à l'architecture apparaît sur le contrat du 28 novembre 2015 alors que le code NAF d'un maître d'oeuvre est le 7490 A ; que Mme [S], qui s'abstient de produire sa police d'assurance, est assurée auprès de la Mutuelle des architectes français ; que la qualité d'architecte de celle-ci résulte également de ses factures et de son numéro Siret.
Elle reproche à Mme [S] d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil dans l'exécution de sa mission. Elle indique que, dès la conclusion du contrat le 28 novembre 2015, celle-ci ne lui a pas transmis d'information ; qu'aucun délai n'a été respecté malgré les différentes situations qui lui ont été facturées, ce qui a retardé les opérations de réception et qui est à l'origine d'un surcoût qu'elle a dû supporter ; que cette gestion anarchique du suivi de chantier, sans jamais lui en rendre compte, est à l'origine du dérapage financier qui doit être réparé.
Elle précise d'abord que Mme [S] a été défaillante dans le suivi du chantier et n'a pas respecté le planning contractuel pour la signature des marchés et le début de leur réalisation ; que celle-ci n'a pas signé les ordres de service des travaux pour la cuisine, le carrelage, la peinture, et le revêtement de sol ; que Mme [S] a abandonné le chantier le 21 février 2017 alors qu'il accusait déjà 10 mois de retard ; que son préjudice est constitué par une perte de loyers à l'issue de la réalisation des travaux de 14 mois soit 21 000 euros.
Elle fait ensuite valoir que Mme [S], qui a une obligation de conseil à l'égard de son client, n'a jamais maîtrisé le coût de l'opération prévu de 72 000 euros TTC, qu'au final c'est la somme de 128 330,82 euros TTC qui a été réglée ; qu'elle n'a jamais accepté de travaux supplémentaires ; que Mme [S] ne l'a jamais alertée de ce dépassement injustifié de 56 330,82 euros ; que celle-ci ne s'est pas assurée que les factures de travaux correspondaient aux devis établis dans le cadre du contrat et ne l'a pas conseillée sur le risque de dépassement prévisionnel ; que cette dernière aurait dû présenter une estimation initiale plus proche du coût final des travaux ; que les estimatifs de travaux des 29 octobre et 12 novembre 2015 ne sont pas des pièces contractuelles et sont antérieurs à la conclusion du contrat de maîtrise d'oeuvre qui ne prévoit aucune décomposition des lots, ce qui lui a interdit de maîtriser le coût final de l'opération ; que Mme [S] n'a pas établi le décompte général définitif en fin de chantier.
Elle ajoute que le tribunal n'a retenu qu'un surcoût de 11 844,47 euros TTC, alors que toutes les factures des lots menuiserie-plaquisterie et faïence ont été visées par le maître d'oeuvre ; que trois cuisines ont été posées et non pas une seule et qu'elle a été contrainte de terminer le lot peinture et sols à la suite de l'abandon du chantier par Mme [S] ; que les factures Castorama, Couleur, St Maclou, Brico Cash, et Atout Dom, qui concernent le lot peinture et sols, ont été écartés à tort par le tribunal alors qu'elles sont bien en rapport avec l'ensemble immobilier en cause et sont contemporaines de l'exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre.
Elle souligne par ailleurs la défaillance de Mme [S] dans le cadre de l'assistance du maître de l'ouvrage lors des opérations de réception ; qu'après une assignation en référé du 22 mai 2017 pour que celle-ci procède sous astreinte à l'établissement du procès-verbal de réception, un accord amiable a été trouvé et celui-ci a été établi le 29 août 2017 uniquement en présence de la société Ag Energies, titulaire du lot électricité, et pas des autres entrepreneurs . que Mme [S] a ultérieurement fait signer ces dernières mais en l'absence du maître de l'ouvrage, ce qui lui fait nécessairement grief dans l'hypothèse de désordres pour ces lots.
Elle s'oppose au règlement des deux dernières factures de Mme [S] car celle-ci n'a pas accompli correctement ses prestations contractuelles.
Par conclusions notifiées le 5 mars 2024, Mme [V] [S] sollicite de voir en vertu des articles 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au jour de la conclusion du contrat et 1353 du même code dans sa rédaction applicable au jour de la rédaction des présentes, 9 du code de procédure civile :
- débouter la Sarl Atelier du Bourg de toutes demandes,
- confirmer le jugement du 28 octobre 2022 en ce qu'il a :
. condamné la Sarl Atelier du Bourg à payer à Mme [V] [S] la somme de 705,60 euros en exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre du 28 novembre 2015,
. rejeté les autres demandes de la Sarl Atelier du Bourg,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
. condamné Mme [V] [S] à payer à la Sarl Atelier du Bourg les sommes suivantes :
¿ 1 500 euros en indemnisation de ses inexécutions contractuelles,
¿ 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. rejeté les demandes plus amples et contraires,
. condamné Mme [V] [S] aux entiers dépens,
statuant à nouveau,
- débouter la Sarl Atelier du Bourg de toutes demandes,
- condamner la Sarl Atelier du Bourg à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et celle de 3 000 euros pour la procédure devant la cour d'appel, en plus des entiers dépens de première instance et devant la cour d'appel sur le fondement de l'article 699 du code précité.
Elle expose qu'elle est maître d'oeuvre et non pas architecte comme justifié dans le contrat de maîtrise d'oeuvre et dans un courriel que lui avait adressé M. [E], gérant de la Sarl Atelier du Bourg, le 3 mars 2017 ; qu'aucune pièce versée aux débats ne porte la mention de la qualité d'architecte . que le code APE attribué par l'Insee n'a pas de valeur juridique ; qu'elle était assurée auprès de la Maf en 2015 et 2023 pour l'activité de maîtrise d'oeuvre générale ; que sa responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement des articles 12, 33, et 36 du code national des devoirs professionnels de l'architecte.
Elle avance qu'elle n'a pas été défaillante dans l'exécution du contrat ; qu'en tout état de cause l'appelante ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque et de son lien de causalité, de sorte que sa responsabilité n'est pas engagée.
Elle précise qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information et de conseil dans le cadre de la direction et de la surpervision du chantier ; qu'elle a établi trois estimatifs dans le cadre de l'avant-projet, un descriptif précis des travaux à chiffrer logement par logement et lot par lot qui a été validé par le gérant de l'appelante, lequel a sollicité de nouveaux devis avec d'autres postes ; qu'un retard dans le planning des travaux ne peut donc pas lui être reproché ; qu'elle a établi les bons à payer indispensables au règlement des entreprises et a organisé tous les mardis matins les rendez-vous de chantier ; qu'elle n'avait pas à suivre des travaux non prévus initialement ; que la Sarl Atelier du Bourg n'a jamais sollicité l'allocation de dommages et intérêts au titre d'une perte de loyers qu'elle ne justifie pas.
Elle fait valoir que le grief de l'appelante d'un dépassement du budget a été tardif, ce qui révèle la mauvaise foi de celle-ci ; que sa faute n'est pas prouvée ; qu'il n'est pas justifié que les factures énumérées par l'expert-comptable de l'appelante concernent le chantier litigieux ; que le gérant de la Sarl Atelier du Bourg s'est occupé personnellement du lot cuisine ; que le montant total du projet, qui s'est élevé à
60 589,17 euros HT, est conforme au montant estimé de 60 000 euros HT dans le contrat de maîtrise d'oeuvre ; que les estimatifs produits, qui ne sont pas signés, sont les 'estimations provisoires' de la phase avant-projet, alors que l'ordre de service, qui est le document des travaux à réaliser, est signé pour chaque lot.
Elle ajoute que des factures et des tickets de caisse contenus dans la pièce 5 de la Sarl Atelier du Bourg ne mentionnent pas l'affectation du chantier sur lequel les marchandises ont été utilisées, que d'autres ne sont pas datés ou concernent des travaux non prévus dans le contrat de maîtrise d'oeuvre.
Elle indique par ailleurs que, s'agissant de la réception des travaux, un rendez-vous avait été fixé dès le 28 février 2017 pour y procéder, de sorte qu'un retard ne lui est pas imputable ; que la Sarl Atelier du Bourg a donné quitus pour les lots des sociétés Armabat, Recher, Menuiserie du Taillis, et Bruno Catel dans le procès-verbal de réception par l'apposition de la mention 'RAS' le 29 août 2017 et qu'il a été décidé que Mme [S] ferait signer chaque entrepreneur non présent concerné avant de le retourner notamment au conseil du maître de l'ouvrage ; que les travaux ont bien été réceptionnés comme le confirme l'avocat de l'appelante dans un courrier officiel du 17 octobre 2017.
Elle sollicite enfin le règlement de ses situations n°6 et 7 facturées les 19 janvier et 10 mars 2017 à la somme totale de 705,60 euros TTC dont le bien-fondé est justifié au vu de l'attestation de l'expert-comptable de l'appelante qui n'en conteste pas le montant ; que l'exception d'inexécution invoquée par celle-ci n'est pas fondée.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 13 mars 2024.
MOTIFS
Sur la qualité professionnelle de Mme [S]
Selon l'ancien article 1315 du code civil applicable en l'espèce, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
En l'espèce, la Sarl Atelier du Bourg avance que la qualité d'architecte de Mme [S] se déduit des éléments suivants :
- le code APE 7111 Z figurant sur le cachet de Mme [S] apposé sur sa signature à la fin du contrat de maîtrise d'oeuvre du 28 novembre 2015,
- la souscription par Mme [S] d'une assurance professionnelle auprès de la Mutuelle des architectes français (Maf),
- les factures établies par cette dernière et son numéro Siret.
Toutefois, le code APE 7111 Z, s'il concerne les activités d'architecture, ne confère pas d'office la qualité d'architecte à son titulaire. D'une part, ce code qui est essentiellement utilisé pour les statistiques de l'Insee n'a pas de valeur juridique. D'autre part, comme avancé justement par Mme [S], il recouvre notamment les activités de conseil en matière d'architecture desquelles relèvent nécessairement la maîtrise d'oeuvre.
Ensuite, Mme [S] a effectivement souscrit une assurance de responsabilité professionnelle auprès de la Maf pour l'année 2015, mais uniquement pour l'activité de maîtrise d'oeuvre générale totale ou partielle (études générales et/ou direction des travaux de bâtiment) selon son attestation d'assurance 2015.
Enfin, les factures émises par Mme [S] ne mentionnent pas la qualité d'architecte, ni aucun code APE. Elles visent les différents éléments de mission de la 'MAITRISE D'OEUVRE'. Son numéro Siret n'a pas davantage de valeur juridique.
N'est donc pas rapportée la preuve de la qualité d'architecte de Mme [S] au jour de la conclusion du contrat, ce qui est corroboré par M. [E], gérant de la Sarl Atelier du Bourg, dans un courriel qu'il lui a adressé le 3 mars 2017 en ces termes : 'Pour cette rénovation, je t'ai choisi pour deux raisons, nous étions voisins, et j'ai voulu faire plaisir à windy, sur mes autres programmes de rénovation j'ai toujours fait appel à des architectes, jamais à des maitres d'oeuvres, pourtant les honoraires sont identiques, mais à mon avis les compétences sont très très loin d'être identiques.'.
Comme l'a jugé le tribunal, les dispositions du code de déontologie des architectes ne sont donc pas applicables à Mme [S] dans le cadre de l'exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre en cause.
Sur la mise en cause de la responsabilité de Mme [S]
L'ancien article 1147 du code civil applicable à la cause prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En l'espèce, la Sarl Atelier du Bourg reproche à Mme [S] d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil dans le cadre des missions suivantes :
1) dans la mission de supervision du chantier
L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile énonce que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Dans le cas présent, la Sarl Atelier du Bourg dénonce plusieurs manquements contractuels et une perte consécutive de loyers, mais sans formaliser de demande indemnitaire subséquente. Aux termes du dispositif de ses écritures, elle réclame seulement :
- l'allocation d'une somme de 56 330,82 euros correspondant selon elle au dépassement du budget initial total des travaux par Mme [S], prétention qui sera examinée ci-dessous dans le paragraphe 2),
- l'attribution d'une somme de 5 000 euros pour le retard dans l'établissement du procès-verbal de réception du 29 août 2017 et la condamnation sous astreinte de Mme [S] à établir un procès-verbal de réception à l'égard de plusieurs entreprises, réclamations qui seront vues ci-dessous dans le paragraphe 3).
Les autres demandes tendent au rejet des demandes de Mme [S], dont sa demande reconventionnelle, à la condamnation de celle-ci au titre des frais de procédure et des dépens. Elles feront également l'objet des développements ci-après.
En définitive, la cour d'appel n'a donc pas à statuer sur les manquements dénoncés contre Mme [S] dans le cadre de l'exécution de sa mission de supervision du chantier.
2) dans la maîtrise du budget des travaux
Le contrat de maîtrise d'oeuvre stipule que :
- 'Le Maître d'Ouvrage a un budget, dont le montant est défini à l'article 9, destiné à la réalisation de ce projet. Il est demandé au Maître d'oeuvre de respecter cette enveloppe et si les résultats de l'appel d'offre dépassaient le montant de ce budget, le Maître d'Oeuvre s'engage à reprendre les études jusqu'à ce que le montant des travaux corresponde au budget initial.',
- 'ARTICLE 2 - MISSIONS
[...] b. Phase d'avant-projet
b1. Avant-Projet Sommaire (APS)
L'avant-projet sommaire permet :
[...] '' d'établir une estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux. Une marge d'erreur de 10 % peut être tolérée.
[...] b2. Avant-Projet Définitif (APD)
L'avant-projet définitif permet :
[...] '' d'établir l'estimation définitive des travaux décomposée en lots séparés (s'il y a lieu).
[...] c. Phase de projet
c1. Etudes de projet
Les études de projet permettent de préciser par des plans, coupes et élévations :
[...] d'établir un coût prévisionnel des travaux décomposé par corps d'état, sur la base d'un avant métré,
[...] e. Contrôle de chantier
e1. Direction de l'exécution des contrats de travaux
[...] Le maître d'oeuvre rédige et signe les ordres de service pour l'exécution des travaux des différents corps d'état. Il organise et dirige les réunions de chantier et en rédige les comptes rendus, qu'il diffuse à tous les intéressés, vérifie l'avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché, vérifie les situations de l'entrepreneur dans un délai de 10 jours à compter de leur réception et établit les propositions de paiement, vérifie les mémoires établis par les entreprises dans un délai de 20 jours à compter de leur réception, établit le décompte définitif en fin de chantier et propose le règlement pour solde.
Le maître d'ouvrage formule, sous huitaine, ses observations sur les comptes rendus de chantier, s'oblige à régler l'entrepreneur dans les respect des conditions du marché, et à informer le maître d'oeuvre de tout versement qu'il effectue.'.
Le montant prévisionnel des travaux (compris les honoraires de maîtrise d'oeuvre de 9 800 euros HT, soit 11 760 euros TTC) a été fixé à 60 000 euros HT, soit
72 000 euros TTC.
Il recouvre neufs lots détaillés dans l'estimatif établi par Mme [S] le
12 novembre 2015, qui ne comprend pas les compteurs Edf, eau, et gaz.
La Sarl Atelier du Bourg estime que cette pièce, de même que l'estimatif du
29 octobre 2015, n'ont pas été soumis à son accord.
Cependant, à aucun moment lors de l'exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre et même préalablement, elle n'a remis en cause ces documents, dont le chiffrage est celui repris dans le contrat. Ces documents correspondent aux estimations contenues respectivement dans les avant-projets sommaire et définitif, partie intégrante de la phase d'avant-projet de sa mission que Mme [S] a établis préalablement à la conclusion du contrat. Ils n'avaient pas à être signés par le maître de l'ouvrage qui ne nie pas en avoir eu connaissance.
La Sarl Atelier du Bourg spécifie d'ailleurs dans ses écritures à la page 7 : 'Avant de signer le contrat de maitrise d'oeuvre du 28 novembre 2015 et de s'engager sur la rénovation de son immeuble, [elle] a missionné Madame [S] sur une approche sommaire afin de définir le budget prévisionnel des travaux et ainsi connaître le retour sur investissement à court terme.'. En outre, le contrat de maîtrise d'oeuvre vise à la page 3 le 'Montant prévisionnel du projet compris honoraires :
60 000,00 euros HT suivant estimatif.'.
Mme [S] produit les ordres de service qu'elle a établis pour chaque lot et qui ont été signés par la Sarl Atelier du Bourg.
C'est donc sur la base de ces documents que sera appréciée l'existence ou non d'un dépassement et, le cas échéant, son montant.
La société Bhn, expert-comptable de la Sarl Atelier du Bourg, indique, dans un courrier du 4 juin 2018 qu'elle a complété postérieurement, avoir procédé à la vérification des factures de matériaux et de travaux payés par sa cliente qu'elle a listés pour les trois appartements situés [Adresse 2], à hauteur de la somme totale de 128 330,82 euros TTC.
Mme [S] ne conteste pas la réalité du paiement de cette somme par l'appelante, mais le lien de causalité avec l'exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre du
28 novembre 2015.
a) les cinq factures [S] du lot maîtrise d'oeuvre réglées à hauteur de
11 054,40 euros TTC
Elle ne dépassent pas l'estimatif prévu pour ce lot à 11 760 euros TTC.
b) les quatre factures Recher du lot gros oeuvre réglées à hauteur de la somme totale de 19 695,60 euros TTC
L'ordre de service du 22 janvier 2016 vise un devis n°542 du 18 novembre 2015 d'un montant total de 17 061,60 euros TTC.
Seules les trois factures suivantes sont versées aux débats : celle du 25 janvier 2016 de 1 380 euros TTC, celle du 2 mars 2016 de 12 081,60 euros TTC, et celle du
11 avril 2016 de 3 120 euros TTC, soit un montant total de 16 581,60 euros TTC.
L'absence de production de la facture de 3 114 euros réglée le 12 mai 2016 ne permet pas de vérifier l'existence du dépassement allégué. Le coût définitif de ce lot est donc égal à 17 061,60 euros TTC.
c) les six factures Menuiserie du Taillis du lot menuiserie-plaquisterie réglées à hauteur de la somme totale de 20 469,64 euros TTC
L'ordre de service du 29 mars 2016 vise un devis n°DE698 du 14 mars 2016 d'un montant total de 7 564,36 euros TTC.
Comme l'a exactement relevé le tribunal, ne relèvent pas du lot menuiserie-plaquisterie décrit dans l'estimatif du 12 novembre 2015 :
- les travaux supplémentaires comptabilisés dans la facture du 3 mai 2016 d'un montant total de 3 396,65 euros TTC,
- les travaux de pose de volets roulants facturés à 1 654,62 euros TTC et réglés le
24 novembre 2016,
- les travaux, objets de la facture du 27 octobre 2016, de 2 484,53 euros TTC,
soit un total de 7 535,80 euros TTC.
Le coût définitif de ce lot s'élève à 12 933,84 euros TTC (20 469,64 euros
'7 535,80 euros).
d) les cinq factures Ag Energies du lot électricité réglées à hauteur de la somme totale de 13 803,73 euros TTC
L'ordre de service du 5 avril 2016 vise un devis n°D1600463 du 15 mars 2016 d'un montant total de 10 046,86 euros TTC.
Les postes facturés correspondent aux postes listés dans l'estimatif du 12 novembre 2015.
Le coût définitif de ce lot est donc égal à 13 803,73 euros TTC.
e) les cinq factures Catel des lots plomberie-chauffage réglées à hauteur de la somme totale de 15 279,24 euros TTC
L'ordre de service du 11 mars 2016 vise un devis n°25901115 d'un montant total de 16 321,20 euros TTC.
Il n'y a pas de dépassement. Le coût définitif de ce lot est égal à 16 321,20 euros TTC.
f) les trois factures Armabat du lot carrelage/faïence réglées à hauteur de la somme totale de 12 016,95 euros TTC et non pas de 12 016,98 euros TTC
L'ordre de service du 11 mai 2016 vise un devis n°D2016-18 du 3 mai 2016 d'un montant total de 2 713,20 euros TTC.
Les travaux facturés le 7 mars 2017 à 2 695 euros TTC ne relèvent pas de ce lot tel que décrit dans l'estimatif du 12 novembre 2015.
Les travaux facturés à 5 657,85 euros TTC apparaissent dans un bon à payer du
10 mars 2017 visant un devis D2016-18-1 du 30 septembre 2016, distinct du devis n°D2016-18 du 3 mai 2016. De plus, la date et les postes de travaux prévus dans cette facture ne sont pas lisibles. Ils seront écartés.
Le coût définitif de ce lot s'élève à 3 664,10 euros TTC (12 016,95 euros
' 8 352,85 euros).
g) les trois factures Ecocuisine d'un montant total de 8 384,01 euros TTC et le ticket But de 3 100 euros TTC pour la pose d'une cuisine dans le lot n°3
L'estimatif des travaux du 12 novembre 2015 prévoyait la fourniture et la pose d'une cuisine dans les logements 1 et 2, mais pas dans le logement 3.
Ne peuvent donc être retenues que les factures Ecocuisine. Aucun ordre de service n'a été établi. Le prévisionnel prévoyait la somme de 5 400 euros TTC, auquel s'ajoute la somme de 2 984,01 euros TTC, soit un coût définitif de ce lot égal à
8 384,01 euros TTC.
h) les dix tickets Brico Cash totalisés à la somme de 2 102,39 euros et les cinq factures Castorama, présentées sous forme de tickets d'un montant total de
1 570,48 euros, correspondent à des achats de matériaux, d'outillage, et de bricolage
Aucun élément probant ne peut être déduit de leurs dates. Ils ne peuvent donc pas être rattachés aux travaux dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée à Mme [S].
i) N'entrent pas dans les lots spécifiés dans le contrat de maîtrise d'oeuvre et dans le prévisionnel : les cinq factures Atout Dom d'un montant total de 9 286,80 euros TTC recouvrant des travaux de bricolage et de peinture, la facture La Couleur de
5 558,30 euros TTC relative à des travaux de peinture extérieure, les trois factures St Maclou d'achat de matériaux pour sols d'un montant total de 4 513,88 euros TTC, la facture Cana Service de 864 euros TTC pour la modification et l'ajout d'un branchement de gaz neuf, et la facture Grd de 631,80 euros TTC ayant trait à des travaux et modifications de l'ouvrage liés au gaz. Ces prestations ne relevant pas des missions de Mme [S], leur coût reste à la charge exclusive de la Sarl Atelier du Bourg.
* * *
Maître d'oeuvre professionnel, Mme [S] n'a pas veillé à la tenue des coûts qu'elle avait elle-même arrêtés et que le maître de l'ouvrage avait acceptés en signant les ordres de service afférents. Elle ne lui a pas conseillé au fur et à mesure de réexaminer l'adéquation entre l'enveloppe budgétaire de 72 000 euros TTC et les travaux envisagés. Enfin, elle ne justifie pas avoir dressé le décompte définitif en fin de chantier comme prévu au contrat.
Ces manquements fautifs ont contraint la Sarl Atelier du Bourg à prendre à sa charge un dépassement de 16 128,48 euros TTC malgré la mission confiée à Mme [S] (total du coût définitif des lots précités de 83 928,48 euros TTC + coût estimatif du lot cour intérieure de 4 200 euros TTC ' montant prévisionnel des travaux de
72 000 euros TTC). La responsabilité contractuelle de celle-ci est engagée. Elle sera condamnée à lui payer cette somme. Le montant arrêté par le tribunal à 1 500 euros sera infirmé.
3) dans la réception des travaux
La Sarl Atelier du Bourg soutient que la réception des travaux est intervenue tardivement le 29 août 2017 à l'issue d'une procédure de référé et d'un accord amiable et uniquement à l'égard de la société Ag Energies.
S'agissant de la date de la réception, il est établi que, le 13 février 2017, Mme [S] a convoqué le maître de l'ouvrage et la société Ag Energies à la réception des travaux pour le 28 février 2017, mais pas les autres entrepreneurs, et qu'aucun procès-verbal de réception n'a été dressé.
A cette date, la Sarl Atelier du Bourg justifie que persistait un litige sur la fin de la mission de Mme [S], sur les travaux et la facturation de la société Ag Energies, et sur la facturation de la société Catel.
Aucune autre date de réception n'a été ensuite fixée par Mme [S]. Un accord a été amiablement trouvé entre les conseils des parties pour que celle-ci ait lieu le
29 août 2017.
A cette date, les travaux ont été réceptionnés sans réserve en présence du maître de l'ouvrage, de Mme [S], et de la société Ag Energies. Le nom des autres entreprises : Armabat, Recher Eric, La Menuiserie du Taillis, et Bruno Catel, a été barré.
La Sarl Atelier du Bourg ne nie pas qu'elle a apposé la mention 'RAS' dans l'encadré consacré aux réserves pour chaque entrepreneur absent. Le procès-verbal, dûment signé par M. [E] représentant la Sarl Atelier du Bourg, précise d'ailleurs à la première page que la réception est acceptée sans réserve 'après avoir procédé à l'examen complet des travaux exécutés par les entreprises désignées dans l'annexe du présent procès-verbal.'.
La Sarl Atelier du Bourg ne réfute pas davantage le fait que Mme [S] s'est ensuite chargée de recueillir la signature de chaque absent. Son avocat a adressé une copie de ce procès-verbal complété au conseil de la Sarl Atelier du Bourg par courrier officiel daté du 27 octobre 2017.
Cette absence de contestation de la réception des travaux de trois entrepreneurs absents est corroborée par un courriel de M. [E] du 14 mars 2017 aux termes duquel il a indiqué qu'il considérait 'terminé les travaux des entreprises recher, armabat, menuiserie de taillis'.
La réception prononcée le 29 août 2017 et confirmée ultérieurement par les entrepreneurs absents est valable. C'est d'ailleurs ainsi que l'a entendu le conseil de la Sarl Atelier du Bourg dans son courrier officiel adressé le 17 octobre 2017 à l'avocat de Mme [S] en indiquant : 'Autre point, la SARL ATELIER DU BOURG souhaiterait également, à partir du moment où les travaux ont été réceptionnés, disposer des plans d'exécution mis à jour.'.
Certes, Mme [S] n'a pas veillé à organiser une réception des travaux en la présence commune du maître de l'ouvrage et de toutes les entreprises, titulaires des marchés de travaux prévus au contrat de maîtrise d'oeuvre, le 28 février 2017 et ultérieurement.
Toutefois, la Sarl Atelier du Bourg ne démontre pas que ce manquement et le retard qui en a découlé lui ont causé un préjudice. Elle a eu la faculté de formuler des réserves sur les travaux des cinq entreprises concernées, dont elle n'a pas usé à l'égard des entreprises absentes. Elle ne peut donc pas invoquer le risque de perte d'une telle faculté.
Dès lors, sa demande indemnitaire sera rejetée. Sa prétention tendant à obtenir sous astreinte l'établissement par Mme [S] d'un procès-verbal au contradictoire des entreprises Armabat, Recher Eric, La Menuiserie du Taillis, et Bruno Catel, le sera également étant dépourvue d'objet.
La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.
Sur la demande en paiement de Mme [S]
La Sarl Atelier du Bourg ne conteste pas le défaut de règlement des factures de Mme [S] des 19 janvier (situation n°6) et 10 mars 2017 (situation n°7) d'un montant total de 705,60 euros. Elle le justifie par l'exception d'inexécution tirée des défaillances de celle-ci dans l'exécution de ses prestations contractuelles.
Cependant, si Mme [S] a pour partie mal exécuté une de ses obligations contractuelles, elle ne l'a pas inexécutée.
Le contrat synallagmatique conclu entre les parties le 28 novembre 2015 a force obligatoire. La Sarl Atelier du Bourg sera donc condamnée à payer à Mme [S] la somme de 705,60 euros correspondant au solde de sa rémunération. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.
Eu égard au sens de cette décision, il sera fait masse des dépens d'appel avec condamnation in solidum des parties et répartition à hauteur de 50 % dans leur rapport entre elles.
Il est équitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné Mme [V] [S] à payer à la Sarl Atelier du Bourg la somme de 1 500 euros en indemnisation de ses inexécutions contractuelles,
Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant,
Condamne Mme [V] [S] à payer à la Sarl Atelier du Bourg la somme de
16 128,48 euros TTC en réparation de son préjudice financier,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Fait masse des dépens et condamne in solidum la Sarl Atelier du Bourg et Mme [V] [S] aux dépens d'appel et dit que, dans leur rapport entre elles, elles sont condamnées chacune à en supporter la moitié.
Le greffier, La présidente de chambre,