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05/06/2024 | FRANCE | N°23/00664

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 05 juin 2024, 23/00664


N° RG 23/00664 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJQ3







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 5 JUIN 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



Tribunal judiciaire d'Evreux du 24 janvier 2023





APPELANTS :



Madame [V] [X]

née le 25 octobre 1996 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]



comparante en personne, représentée de Me Stéphane PASQUIER de la SELARL PASQUIER, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Ben

jamin G. SCETBON, avocat au barreau de Paris,





Monsieur [G] [Z]

né le 15 septembre 1995 à [Localité 6] (Algérie)

[Adresse 1]

[Localité 4]



comparant en personne, représentée de Me Stéphane PASQUIER de l...

N° RG 23/00664 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJQ3

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 5 JUIN 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Tribunal judiciaire d'Evreux du 24 janvier 2023

APPELANTS :

Madame [V] [X]

née le 25 octobre 1996 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante en personne, représentée de Me Stéphane PASQUIER de la SELARL PASQUIER, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Benjamin G. SCETBON, avocat au barreau de Paris,

Monsieur [G] [Z]

né le 15 septembre 1995 à [Localité 6] (Algérie)

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, représentée de Me Stéphane PASQUIER de la SELARL PASQUIER, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Benjamin G. SCETBON, avocat au barreau de Paris,

INTIMEE :

E.U.R.L. BBN

RCS de Caen 841 200 363

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Christophe GARIDOU de la SCP MGH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de l'Eure et assistée par Me Yannick FROMENT, avocat au barreau de Caen,

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 27 mars 2024 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 27 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 mai 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 5 juin 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 5 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

 

Suivant devis établi le 7 janvier 2022, signé le 10 janvier 2022, Mme [V] [X] et M. [G] [Z] ont confié à l'Eurl Bbn des travaux de rénovation portant sur un ensemble immobilier situé à [Localité 4] ([Localité 4]) dans la perspective d'en faire une maison d'habitation et un gîte, ce pour un montant de 330 880 euros. Le 11 janvier 2022, Mme [X] et M. [Z] ont versé un acompte d'un montant de 181 984 euros à l'Eurl Bbn représentant donc 55 % du prix total.

Par courriel du 3 mai 2022, ces derniers ont formé plusieurs propositions transactionnelles. Par lettre de leur conseil du 11 mai 2022, leur conseil sollicitait l'anéantissement du contrat. Par courrier de son conseil du 24 mai 2022, l'Eurl Bbn a refusé de restituer l'acompte.

Par acte d'huissier du 26 septembre 2022, sur autorisation à assigner à jour fixe, Mme [X] et M. [Z] ont fait citer l'Eurl Bbn devant le tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de voir prononcer la nullité des devis des 10 janvier et 25 avril 2022 et ordonner la restitution de la somme de 181 984 euros.

 

Par jugement contradictoire du 24 janvier 2023, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- débouté Mme [X] et M. [Z] de leur demande en nullité des devis en date des 10 janvier et 25 avril 2022,

- débouté Mme [X] et M. [Z] de leur demande de résiliation du contrat pour défaut d'exécution aux torts de l'Eurl Bbn et de restitution de la somme de

181 984 euros, 

- débouté l'Eurl Bbn de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

- condamné in solidum Mme [X] et M. [Z] aux entiers dépens,

- condamné in solidum Mme [X] et M. [Z] à payer à l'Eurl Bbn la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- rappelé que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire.

 

Par déclaration reçue au greffe le 21 février 2023, Mme [X] et M. [Z] ont formé appel du jugement.

 

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

 

Par dernières conclusions notifiées le 6 mars 2024, Mme [X] et M. [Z] demandent à la cour, au visa des articles 1108 à 1173 du code civil, 542 et suivants du code de procédure civile, L. 111-1, L.114-1, L.121-3, L.221-9, L.221-10 et L.221-18 du code de la consommation, de :

- les recevoir en leur appel et les déclarer bien fondés,

à titre principal,

- infirmer le jugement rendu le 24 janvier 2023 en ce qu'il a :

. débouté Mme [X] et M. [Z] de leur demande en nullité des devis en date des 10 janvier et 25 avril 2022,

. débouté Mme [X] et M. [Z] de leur demande de résiliation du contrat pour défaut d'exécution aux torts de l'Eurl Bbn et de restitution de la somme de

181 984 euros,

. condamné in solidum Mme [X] et M. [Z] aux entiers dépens,

. condamné in solidum Mme [X] et M. [Z] à payer à l'Eurl Bbn la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 

. débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

. rappelé que le jugement était exécutoire à titre provisoire,

et statuant à nouveau, à titre principal,

in limine litis,

- constater que l'Eurl Bbn a violé les dispositions impératives du code de la consommation relatives à la protection des consommateurs,

- prononcer la nullité du contrat de travaux de rénovation en date du 10 janvier 2022 passé avec l'Eurl Bbn,

à titre subsidiaire,

- constater l'absence d'exécution des travaux de rénovation par l'Eurl Bbn plus d'un an après la signature du devis,

- en déduire que l'Eurl Bbn a manqué à ses obligations contractuelles en ne commençant pas le chantier, ce qui constitue une faute grave de nature à justifier la résolution du contrat, 

en conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'Eurl Bbn,

en tout état de cause,

- ordonner en conséquence la restitution en principal des 181 984 euros versés par Mme [X] et M. [Z] le 11 janvier 2022 à l'Eurl Bbn outre les intérêts légaux à compter du 3 mai 2022, et éventuels intérêts de retard au taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'au parfait paiement,

- condamner l'entreprise à verser à Mme [X] et M. [Z] la somme de 35 000 euros par an, à compter du 3 mai 2022 et jusqu'à la restitution complète de l'acompte versé, outre les intérêts légaux, en réparation du préjudice de jouissance qu'ils subissent faute de pouvoir mettre en location le bien litigieux,

- condamner l'Eurl Bbn à verser à Mme [X] et M. [Z] la somme de

15 000 euros outre les intérêts légaux à compter du 3 mai 2022, et éventuels intérêts de retard au taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'au parfait paiement pour préjudice moral,

- condamner l'Eurl Bbn à verser à Mme [X] et M. [Z] la somme de

10 000 euros outre les intérêts légaux à compter du 3 mai 2022, et éventuels intérêts de retard au taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'au parfait paiement pour résistance abusive,

- condamner l'Eurl Bbn à verser à Mme [X] et M. [Z] la somme de

10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, 

- condamner l'Eurl Bbn aux entiers dépens.

 

Se prévalant de dispositions du code de la consommation, ils soutiennent que l'indication de la date d'exécution de la prestation est une disposition impérative qui est exigée dans le code de la consommation à peine de nullité du contrat, de sorte que dans la mesure où une telle date n'apparaît ni dans le devis initial fourni à la banque, ni dans celui accepté du 7 janvier 2022, ni dans le devis modifié du 25 avril 2022, le contrat doit être annulé, ce d'autant plus qu'un an après le versement d'un acompte, les travaux n'ont pas été réalisés. En application de l'article L. 114-1 du code de la consommation, le contrat doit être considéré à tout le moins comme rompu depuis au plus tard le 11 juillet 2022, soit 60 jours après la date du courrier officiel adressé par leur conseil à Me [W].

 

Si l'annulation du contrat n'était pas prononcée, ils précisent que la résolution judiciaire du contrat devra être ordonnée dès lors que les conditions d'exécution des travaux n'étaient mentionnées dans aucun devis et qu'aucun calendrier précis n'a été porté à leur connaissance.

 

Se fondant sur l'article L. 121-3 du code de la consommation, ils soutiennent que l'absence de mention du droit de rétractation dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur constitue une violation manifeste de la loi ; que si ces informations ne sont pas fournies, le délai de rétractation est prolongé jusqu'à

12 mois après la fin du délai de rétractation initial ; qu'en l'espèce, ils avaient jusqu'au 10 janvier 2023 pour se rétracter ; qu'ainsi, en faisant valoir leur souhait officiel de se rétracter dès le 11 mai 2022, ils ont parfaitement respecté le délai imposé par les textes.

 

Ils affirment qu'en application des articles L.221-23 à L. 221-25 du code de la consommation, le contrat étant réputé ne jamais avoir existé, l'Eurl Bbn doit être condamnée à rembourser les paiements qu'elle a reçus de leur part, soit la somme de 181 984 euros versée le 11 janvier 2022.

 

Pour considérer que le devis initial a été accepté à leur domicile et se prévaloir en conséquence des dispositions du droit de la consommation, ils produisent des échanges de messages susceptibles d'établir que M. [Y] s'est rendu à leur domicile le 10 janvier 2022 pour leur faire signer le devis litigieux.

 

Ils précisent que la nullité du contrat est encourue dès lors qu'en application de l'article L. 221-10 du code de la consommation, un professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part d'un consommateur avant l'expiration d'un délai de 7 jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement.

 

Ils ajoutent que la nullité du contrat est également encourue dès lors que la non-inclusion du formulaire de rétractation dans le contrat, tel que le disposait une annexe de l'ancien article R. 221-1 du code de la consommation, applicable au litige, constitue une irrégularité qui entraîne de facto la nullité du contrat.

 

Dans l'hypothèse où le contrat serait annulé, ils réclament des dommages et intérêts, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, pour le manque à gagner que leur a engendré le fait que les travaux n'aient jamais commencé. Le bien est situé à proximité immédiate d'[Localité 5], commune touristique où les demandes de location y sont constamment élevées. Ils produisent trois scénarios basés sur des tarifs journaliers de 100, 150 et 200 euros, à raison d'une occupation estimée à 70 % sur l'année pour évaluer les revenus locatifs annuels à, respectivement, 25 550 euros,

38 325 euros et 51 100 euros. La somme de 35 000 euros sollicitée est justifiée.

 

Si la nullité du contrat n'était pas prononcée, ils sollicitent la somme forfaitaire de

35 000 euros par an depuis le 11 mai 2022 en réparation du préjudice de jouissance qu'ils subissent de manière certaine depuis cette date.

Ils forment une demande d'octroi de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral puisqu'ils risquent de devoir introduire une procédure de surendettement s'ils ne parviennent pas à faire face aux charges du crédit qu'ils ont contracté pour lancer leur projet de gîte en Normandie.

 

Depuis leur demande initiale de remboursement, ils indiquent qu'aucune somme ne leur a été restituée, de sorte que cela justifierait l'octroi de dommages et intérêts pour résistance abusive à hauteur de 10 000 euros.

 

Par conclusions notifiées le 21 août 2023, l'Eurl Bbn demande à la cour de : 

- déclarer irrecevables en tout cas mal fondées les demandes formulées par M. [Z] et Mme [X],

en conséquence,

- débouter les consorts [Z]-[X] de l'ensemble de leurs demandes tant in limine litis qu'à titre principal ou subsidiaire, 

- confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner solidairement M. [Z] et Mme [X], au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 10 000 euros outre les dépens de procédure d'appel.

 

Elle expose que la valeur juridique d'un devis est la même qu'un contrat qui engage les parties, que le montant d'un acompte n'est encadré juridiquement par aucun texte restrictif quant à son quantum de sorte que l'acompte peut être conservé dès lors que le signataire du devis n'entend plus mener à bien son projet.

 

Pour soutenir que le formalisme entourant les contrats conclus hors établissement n'est pas applicable au devis du 10 janvier 2022, elle se fonde sur les dispositions de l'article L. 221-1, 12° du code de la consommation : sont exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus à distance et hors établissement, les contrats portant sur la création, l'acquisition ou le transfert de biens immobiliers ou de droit sur des biens immobiliers, la construction d'immeubles neufs, la transformation importante d'immeubles existants ou la location d'un logement à des fins résidentielles.

 

Reprenant la motivation retenue par le tribunal, elle indique qu'aucun motif légitime ne justifie l'annulation du contrat liant les parties de telle sorte que les demandes présentées ne sont ni fondées en droit et reposant sur un raisonnement erroné.

Elle expose avoir, avant la demande des consorts [Z]-[X] en mai 2022 de mettre fin au contrat, réalisé une étude de sol, obtenu un certificat d'urbanisme, monté le dossier de permis de construire avec leur collaboration, pris attache et s'être engagée avec des sous-traitants, des fournisseurs pour la réalisation de la prestation promise en avançant la somme de 68 924,08 euros. Elle précise avoir dû refuser plusieurs chantiers compte tenu de celui des consorts [Z]-[X] programmé pendant une période de 6 mois. Elle ajoute que dès la signature du devis et dans les 8 jours suivants, des démarches pour les modalités urbanistiques ont été réalisées.

Par écrit du 7 septembre 2023, l'Eurl Bbn a expressément renoncé à sa demande de radiation de l'affaire pour défaut d'exécution du jugement entrepris formulée dans ses conclusions au fond le 21 août 2023.

 

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 mars 2024.

 

MOTIFS 

 

Sur la demande d'annulation du contrat

L'article L. 221-2 12° du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, dispose que sont exclus du champ d'application des dispositions des contrats conclus à distance et hors établissement les contrats portant sur la création, l'acquisition ou le transfert de biens immobiliers ou de droits sur des biens immobiliers, la construction d'immeubles neufs, la transformation importante d'immeubles existants ou la location d'un logement à des fins résidentielles.

En l'espèce, le devis signé le 10 janvier 2022 par les appelants porte sur la réhabilitation d'une maison et d'un gîte et constitue un contrat de travaux exclu des dispositions du code de la consommation en ses articles L. 221-3 à L. 221-29 du code de la consommation.

En conséquence, outre les débats vains sur le lieu de conclusion du contrat pour établir la notion de distance ou hors établissement, les moyens tirés d'une violation des dispositions relatives au droit de rétractation (articles L. 121-3, L. 221-17, L. 221-20 du code de la consommation), à l'impossibilité pour le professionnel d'accepter un paiement avant sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement (articles L. 221-10 du code de la consommation), l'absence de formulaire de rétractation (L. 221-5 du code de la consommation) ne peuvent qu'être écartés sans examen de leur pertinence au cas présent.

Les appelants ne soulèvent pas d'autres moyens en cause d'appel pour obtenir l'annulation de la convention. La demande sera écartée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la demande de résolution du contrat

L'article L. 114-1 du code de la consommation dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2016 dispose que les professionnels vendeurs ou prestataires de services remettent à toute personne intéressée qui en fait la demande un exemplaire des conventions qu'ils proposent habituellement.

Les appelants soutiennent que d'une part la date de livraison n'était pas prévue dans le contrat et qu'ils ont rompu le contrat par notification du 11 mai 2022 avec effet

60 jours plus tard soit le 11 juillet 2022. En se référant expressément dans la discussion portée dans leurs conclusions, au regard de ces conditions, à l'article

L. 114-1 du code de la consommation, ils tentent de faire application de l'ancienne rédaction.

L'article L. 114-1 du code de la consommation dans une version antérieure au 1er juillet 2016, inapplicable en l'espèce précisait en effet, que dans tout contrat ayant pour objet la vente d'un bien meuble ou la fourniture d'une prestation de services à un consommateur, le professionnel doit, lorsque la livraison du bien ou la fourniture de la prestation n'est pas immédiate et si le prix convenu excède des seuils fixés par voie réglementaire, indiquer la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation. Le consommateur peut dénoncer le contrat de vente d'un bien meuble ou de fourniture d'une prestation de services par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en cas de dépassement de la date de livraison du bien ou d'exécution de la prestation excédant sept jours et non dû à un cas de force majeure.

Ce contrat est, le cas échéant, considéré comme rompu à la réception, par le vendeur ou par le prestataire de services, de la lettre par laquelle le consommateur l'informe de sa décision, si la livraison n'est pas intervenue ou si la prestation n'a pas été exécutée entre l'envoi et la réception de cette lettre. Le consommateur exerce ce droit dans un délai de soixante jours ouvrés à compter de la date indiquée pour la livraison du bien ou l'exécution de la prestation. Sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées d'avance sont des arrhes, ce qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double.

Les appelants visent également l'article L. 111-1 du code de la consommation dans le dispositif de leurs conclusions dont les termes applicables à compter du 1er octobre 2021 sont : avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service.

Ce texte doit être complété par l'article L. 216-1 du même code, comme l'indique en substance le premier juge, qui ajoute que le professionnel délivre le bien ou fournit le service à la date ou dans le délai indiqué au consommateur, conformément au 3° de l'article L. 111-1, sauf si les parties en conviennent autrement. A défaut d'indication ou d'accord quant à la date de délivrance ou de fourniture, le professionnel délivre le bien ou fournit le service sans retard injustifié et au plus tard trente jours après la conclusion du contrat.

Ils citent dans les mêmes conditions les articles 1108 à 1173 du code civil sans pour autant développer une argumentation fondée sur l'un de ces textes. Ils sollicitent la résiliation du contrat pour inexécution des obligations contractuelles de la part de l'Eurl Bbn et précisément l'absence de réalisation de travaux et la restitution intégrale de l'acompte.

Selon l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En l'espèce, l'acte de vente signé par les consorts [Z]-[X] le

18 décembre 2021 permet de vérifier qu'ils ont au préalable régularisé un compromis le 25 septembre 2021, soit après obtention d'un premier devis de travaux de rénovation et d'extension de l'Eurl Bbn le 13 septembre 2021 à hauteur de

251 900 euros ; qu'ils ont régularisé l'acquisition de l'immeuble le 18 décembre 2021 au prix de 360 000 euros hors meubles au moyen d'un prêt immobilier d'un montant de 654 000 euros comprenant les travaux soit un solde de 294 000 euros ; que le devis actualisé du 7 janvier 2022 pour un total de 330 880 euros a été signé par Mme [X] et M. [Z] le 10 janvier 2022.

La facture émise le même jour porte la mention du paiement de l'acompte litigieux soit 181 984 euros. La date de « livraison » est biffée.

Toutefois, la capture des échanges par Sms entre les parties produites par les appelants pour la période du 5 janvier 2022 à fin mars 2022 démontre une véritable négociation entre les parties sur les conditions d'exécution du contrat et clairement dans un message du 9 janvier 2022, postérieur au devis et préalablement les affirmations suivantes de la part des appelants :

« Salut, Alors ce qui est sûr dans notre cas c'est que l'on peut commencer à passer commande et bloquer tes équipes pour le chantier. Maintenant au sujet des 80000 € moi je veux juste que l'on soit d'accord rapport au remboursement. Si on est bien d'accord que cette somme là nous te la restituerons à la vente et pas avant malheureusement, cela nous va, nous on le mettrai en vente juste après le chantier afin d'aller au plus vite si cela te va' ».

Le représentant de l'Eurl Bbn vise dans sa réponse un démarrage des travaux en mai : « plus on traîne votre date de début mai sera impossible de tenir pour moi je commence à avoir beaucoup de demande '  ».

La signature du devis le 10 janvier n'est suivi d'aucune difficulté puisqu'au contraire le 11 janvier 2022, les appelants ont avisé l'Eurl Bbn du virement opéré à son profit de la somme de 181 984 euros. Contrairement à ce qu'affirment les consorts [Z]-[X] dans leurs conclusions, ils n'ont pas exprimé leur volonté de se rétracter et notamment dans le respect du formalisme allégué mais ont uniquement par Sms du 15 janvier 2022 émis des interrogations sur les mérites de leur investissement qu'ils voulaient uniquement spéculatif : « je pense pas que ce soit une bonne idée de s'endetter une deuxième fois chez toi surtout avec que les agents immobiliers du secteur nous ont dit hier' si on a pas de bonne rentabilité je ne pourrai pas le vendre plus de 750000 € alors à 730 000 € t'imagines' Il faudrait voir ce que l'on peut faire pour minimiser au maximum' ».

En février, les échanges vont se poursuivre au sujet de la demande et de la réception du certificat d'urbanisme dans les meilleurs délais. En mars 2022, des plans de la construction sont échangés entre les parties et des demandes des propriétaires formulées sur la disposition des lieux notamment le18 mars 2022 : « plan avec la division et les deux maisons dessus et le spa aussi ». Les dernières communications fin mars, à une date non vérifiable, portent sur le dépôt attendu et proche du permis de construire à réception du certificat d'urbanisme.

Le certificat d'urbanisme a été signé le 20 avril 2022 par le maire de la commune. Le dossier de demande de permis de construire a été formalisé le 25 avril 2022 sans avoir été signé par les propriétaires. Ceux-ci produisent une attestation du maire de la commune indiquant « n'avoir reçu aucun permis de construire de la part » des appelants et non qu'il était inutile . C'est par une erreur manifeste que ces derniers affirment dans leurs écritures en page 7 que les travaux n'exigeaient pas de permis de construire « comme l'avait directement suggéré le Maire de la commune », alors notamment que le devis accepté prévoyait l'implantation d'une piscine de 7m/3,5m, d'un spa et de deux carport, l'un de quatre voitures et l'autre de deux voitures, dans le cadre d'une rénovation importante de la construction existante et de la réalisation d'une extension de 55 m².

Les appelants admettent, en page 3 de leur pièce 7, avoir reçu un nouveau devis de l'Eurl BBN le 25 avril 2022 (280 896 euros) ne les satisfaisant pas car étant « hors budget ». Par courriel du 3 mai 2022, ils forment trois propositions qui en substance visent l'exécution partielle des travaux pour un engagement financier moindre, l'anéantissement du contrat déduction faite des frais engagés par l'Eurl Bbn.

Les pièces produites au dossier révèlent qu'en réalité, les consorts [Z]-[X] ont effectué un achat immobilier avec la volonté de le revendre au plus vite avec plus-value et ont manifestement sous-estimé le coût des travaux dans leur plan de financement pour réaliser « deux maisons et un spa ». Pressés initialement de voir engager les travaux en mai 2022, ils se sont engagés fermement par devis accepté le 10 janvier 2022 à hauteur de 330 880 euros, sans avoir sollicité d'autres devis, et bien que recherchant une réduction des coûts, ils ont poursuivi la relation avec l'entreprise jusqu'en avril 2022 sans la moindre manifestation de leur volonté de se rétracter dans leur engagement à l'égard de l'Eurl Bbn. Le défaut de signature puis de dépôt du permis de construire par leurs soins, à défaut de dépôt assurée par l'Eurl marque leur volonté de ne pas exécuter leurs obligations alors que jusqu'à cette date, leur cocontractante n'a pas démérité dans l'instruction administrative du dossier jusqu'au 3 mai 2022, date à laquelle les consorts [Z]-[X] ont contesté les termes du devis signé pour proposer différentes solutions amiables.

Les Sms produits ne mettent en évidence aucune contrainte dans la relation entre les consorts [Z]-[X] et l'Eurl Bbn qu'il s'agisse des conditions d'élaboration du devis, du paiement de l'acompte puis de l'exécution du contrat. Aucune précision n'est révélée dans les pièces quant au niveau élevé de l'acompte, 55 %, ni quant à la dette évoquée dans un message « pour la deuxième fois ». Aucune disposition légale ou réglementaire n'est alléguée par les appelants sur les limites concernant le paiement d'un acompte dans ce type de contrat, la liberté contractuelle prévalant sur ce point. Les échanges qu'ils versent aux débats établissent surtout leurs incertitudes à la fois quant à la conduite du projet et son financement et quant à la nature même des travaux à entreprendre de façon cohérente.

En réalité, à la lecture des pièces produites, les appelants ont pris l'initiative de mettre fin au contrat sans que des griefs à l'encontre de l'Eurl Bbn ne soient caractérisés. Ils échoueront également dans leur demande de résolution judiciaire aux torts de l'intimé.

N'ayant pas gain de cause, les consorts [Z]-[X] ne peuvent prétendre à des dommages et intérêts au titre d'un préjudice de jouissance, d'un préjudice moral ou encore pour résistance abusive.

Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais de procédure

Les appelants succombent à l'instance et en supporteront les dépens in solidum.

Ils seront condamnés in solidum à payer à l'Eurl Bbn la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [V] [X] et M. [G] [Z] à payer à l'Eurl Bbn la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [V] [X] et M. [G] [Z] aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 23/00664
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;23.00664 ?
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