La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2024 | FRANCE | N°22/04060

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 05 juin 2024, 22/04060


N° RG 22/04060 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JHYA

+ 23/00066





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 5 JUIN 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



21/02606

Tribunal judiciaire d'Evreux du 15 novembre 2022





APPELANTS ET INTIMES :



Madame [P] [R]

née le 1er février 1965 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 5]



représentée et assistée par Me Quentin ANDRE de la Scp BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau

de l'Eure





Monsieur [V] [A]

né le 21 août 1969 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté et assisté par Me Virginie DONNET, avocat au barreau de l'Eure







INTIMES :



Monsieur [G] [E]

né le 2...

N° RG 22/04060 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JHYA

+ 23/00066

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 5 JUIN 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/02606

Tribunal judiciaire d'Evreux du 15 novembre 2022

APPELANTS ET INTIMES :

Madame [P] [R]

née le 1er février 1965 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Quentin ANDRE de la Scp BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure

Monsieur [V] [A]

né le 21 août 1969 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté et assisté par Me Virginie DONNET, avocat au barreau de l'Eure

INTIMES :

Monsieur [G] [E]

né le 29 avril 1986 à [Localité 10]

[Adresse 8]

[Localité 6]

représenté et assisté par Me Armelle LAFONT de la SCP BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau de l'Eure

Madame [K] [N] épouse [E]

née le 23 avril 1992 à [Localité 9]

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée et assistée par Me Armelle LAFONT de la SCP BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau de l'Eure

SARL FC IMMOBILIER

RCS d'Evreux 750 656 860

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Jean-Yves PONCET de la Scp PONCET DEBOEUF BEIGNET, avocat au barreau de l'Eure substitué par Me BEIGNET

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 20 mars 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [B] [Z]

DEBATS :

A l'audience publique du 20 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 mai 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 5 juin 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 5 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 10 août 2007, M. [V] [A] a vendu à Mme [P] [R] dans le cadre de leur divorce une maison d'habitation, située [Adresse 8], au prix forfaitaire et transactionnel de 110 000 euros.

Suivant compromis sous signature privée établi par la Sarl Fc Immobilier et conclu le 11 juillet 2018, Mme [R] a vendu cette maison à M. [G] [E] et à Mme [K] [N], son épouse, au prix de 125 000 euros. Cette vente a été réitérée par acte authentique du 15 septembre 2018.

Par ordonnance du 25 septembre 2019 rectifiée le 20 novembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux a fait droit à la demande d'expertise présentée au contradictoire de Mme [R] par les acquéreurs se plaignant de plusieurs désordres affectant leur maison. Il a désigné à cet effet M. [Y] [H]. Les opérations d'expertise ont été étendues à M. [A] le 5 février 2020.

L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 28 avril 2021.

Suivant actes d'huissier de justice des 30 août et 17 septembre 2021, M. et Mme [E] ont fait assigner leur venderesse, la Sarl Fc Immobilier, et M. [A] devant le tribunal judiciaire d'Evreux en réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 15 novembre 2022, le tribunal a :

- condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 287 390 euros TTC à titre de dommages et intérêts pour la démolition/reconstruction de leur maison située [Adresse 8],

- débouté M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], de leur demande d'indexation de cette somme sur l'indice Bt 01 du bâtiment à compter du jugement à intervenir,

- condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 100 euros à titre de dommages et intérêts pour l'achat d'un mobil-home,

- condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 600 euros au titre de leur préjudice de jouissance subi jusqu'au 10 décembre 2020,

- condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 14 883,52 euros au titre de leur préjudice financier à compter du 10 décembre 2020 et jusqu'à la fin des travaux de reprise,

- condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 040 euros à titre de dommages et intérêts pour le coût de la pension de leurs chevaux,

- débouté M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], de leurs demandes au titre de leur préjudice de jouissance à compter du 10 décembre 2020 et jusqu'à la fin des travaux de reprise,

- débouté M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], de leurs demandes d'indemnisation au titre du coût du constat d'huissier de Me [I] en date du

18 décembre 2018,

- débouté M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], de leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de reprise du dispositif d'assainissement individuel de leur maison située [Adresse 8] formées à l'encontre de Mme [P] [R] et de la Sarl Fc Immobilier,

- débouté Mme [P] [R] de son appel en garantie dirigé à l'encontre de

M. [V] [A],

- condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] aux entiers dépens, étant précisé que les frais de l'expertise judiciaire et des instances en référés sont compris dans les dépens,

- condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], à verser à la Sarl Fc Immobilier la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [P] [R] et M. [V] [A] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- rappelé que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 16 décembre 2022, Mme [R] a formé un appel contre le jugement à l'encontre de toutes les parties à l'exception de la Sarl Fc Immobilier.

Par déclaration du 6 janvier 2023, M. [A] a formé un appel contre le jugement à l'encontre de toutes les parties.

Ces instances ont été jointes le 30 août 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 21 février 2024, Mme [P] [R] sollicite de voir en application des articles 1641 et suivants, 1792, et 1231 et suivants du code civil :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux en ce qu'il a :

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 287 390 euros TTC à titre de dommages et intérêts pour la démolition/reconstruction de leur maison située [Adresse 8],

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 600 euros au titre de leur préjudice de jouissance subi jusqu'au 10 décembre 2020,

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 14 883,52 euros au titre de leur préjudice financier à compter du 10 décembre 2020 et jusqu'à la fin des travaux de reprise,

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 040 euros à titre de dommages et intérêts pour le coût de la pension de leurs chevaux,

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] aux entiers dépens, étant précisé que les frais de l'expertise judiciaire et des instances en référés sont compris dans les dépens,

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. débouté Mme [P] [R] et M. [V] [A] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

statuant à nouveau, sur les demandes de dommages et intérêts sollicités au titre de la démolition/reconstruction de la maison et des préjudices immatériels :

à titre principal,

- juger que sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés ne peut être engagée,

- débouter M. et Mme [E] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre,

- condamner ces derniers à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article

700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire,

à titre subsidiaire,

- condamner M. [A] à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

- condamner M. [A] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article

700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire,

Elle fait valoir que le tribunal a commis une erreur de droit et une contradiction de motifs en retenant sa garantie au titre des vices cachés affectant la charpente et le plancher de l'étage ; qu'elle n'a pas participé à l'enlèvement de la pièce métallique en forme de X de la charpente ; que M. [A] l'a retirée ; qu'elle n'a pas davantage mis en oeuvre la structure porteuse du plancher ; qu'elle n'a réalisé aucun des travaux à l'origine directe du risque d'effondrement et ne s'est pas comportée en maître d'oeuvre, qu'à l'époque en 2003 elle était enceinte ; que, dès lors, le tribunal devait retenir sa bonne foi et exclure sa qualité de vendeur-constructeur ; qu'il ne pouvait pas prendre en compte le fait que les travaux lui avaient profité ou qu'elle était présente lors de leur réalisation ; qu'enfin, elle n'était pas propriétaire de l'immeuble lors de ces travaux.

Elle ajoute qu'elle ignorait le jour de la vente le 15 septembre 2018 l'existence et l'origine des désordres et du risque d'effondrement du toit induit par l'enlèvement du X de la charpente, lequel s'est révélé à l'occasion des opérations d'expertise ; que, dans le cas contraire, elle n'aurait pas acheté cette maison et n'y aurait pas vécu pendant 11 ans ; que la clause contractuelle d'exclusion de garantie doit lui bénéficier.

Subsidiairement, elle recherche la garantie de M. [A] aux motifs qu'ayant réalisé lui-même les travaux à l'origine du risque d'effondrement de la maison, il est réputé avoir connaissance du vice ; que la circonstance qu'il soit enseignant et pas professionnel du bâtiment est sans incidence sur sa qualité de vendeur constructeur ; qu'elle s'est bornée à porter des plaques de placoplâtre ; que les affirmations contraires sont erronées ; qu'elle n'a pas retiré la pièce métallique en X et n'a pas conçu le plancher bois sous-dimensionné ; que la connaissance de ces travaux n'implique pas la connaissance des vices en résultant ; que M. [A] ne peut pas lui opposer la clause contractuelle d'exclusion de garantie des vices cachés car elle ignorait tout des malfaçons affectant la maison le 10 août 2007.

Elle ne développe aucun moyen à l'encontre de la mise en cause de sa responsabilité au titre de la filière d'assainissement.

Elle précise que M. et Mme [E] ont mis en vente le 22 octobre 2020 sur Facebook le mobil-home dont l'achat avait été nécessité par le caractère inhabitable de leur maison ; qu'il leur appartient de justifier qu'ils l'ont conservé ou qu'ils l'ont vendu à un prix inférieur à celui de son acquisition ; qu'à défaut, leur préjudice est inexistant et justifie le rejet de leur demande indemnitaire à ce titre.

Elle considère que le préjudice constitué par les frais de pension des deux chevaux de M. et Mme [E] sur un autre terrain pendant les huit mois nécessaires à la réalisation des travaux de reprise est inexistant ou à tout le moins illégitime, dès lors que la surface de leur terrain limitée à 2 490 m² ne leur permettait pas de les accueillir dans des conditions convenables ; que, subsidiairement, le lien de causalité entre la nécessité pour M. et Mme [E] d'être relogés le temps des travaux et le placement en pension des chevaux n'est pas établi.

Par dernières conclusions notifiées le 20 février 2024, M. [V] [A] demande de voir :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evreux le 15 novembre 2022 en ce qu'il a :

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 287 390 euros TTC à titre de dommages et intérêts pour la démolition/reconstruction de leur maison située [Adresse 8],

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 100 euros à titre de dommages et intérêts pour l'achat d'un mobil-home,

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 600 euros au titre de leur préjudice de jouissance subi jusqu'au 10 décembre 2020,

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 14 883,52 euros au titre de leur préjudice financier à compter du 10 décembre 2020 et jusqu'à la fin des travaux de reprise,

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 040 euros à titre de dommages et intérêts pour le coût de la pension de leurs chevaux,

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] aux entiers dépens, étant précisé que les frais de l'expertise judiciaire et des instances en référés sont compris dans les dépens,

. condamné, in solidum, Mme [P] [R] et M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. débouté M. [V] [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

statuant à nouveau,

à titre principal :

- débouter M. et Mme [E] de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,

- débouter la Sarl Fc Immobilier de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;

à titre subsidiaire :

- ordonner, s'agissant du coût de la démolition/reconstruction de la maison, objet du litige, que sa responsabilité est limitée à la somme de 213 750 euros TTC, qu'il devra régler in solidum avec Mme [R], et que celle-ci devra assumer seule le paiement de la somme de 73 640 euros TTC,

- débouter M. et Mme [E] de leurs demandes financières au titre de l'achat d'un mobil-home et des frais de pension de deux chevaux,

- enjoindre à ces derniers de justifier de l'absence de prise en charge de leurs différents préjudices de jouissance, dont le règlement de leur loyer, par leur assureur habitation ou protection juridique,

- condamner Mme [R] à le garantir de toutes les condamnations financières qui pourraient être mises à sa charge ;

en tout état de cause,

- condamner in solidum M. et Mme [E] et Mme [R] à lui régler une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, ainsi que les dépens de première instance, outre une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 précité pour la procédure d'appel, ainsi que les dépens de la procédure d'appel.

Il fait valoir que sa garantie au titre des vices cachés affectant la maison vendue par son ex-épouse à M. et Mme [E] n'est pas engagée car il bénéficie de la clause d'exonération de garantie contenue dans l'acte de vente du 10 août 2007 eu égard à sa bonne foi et à la qualité d'acheteur professionnel de Mme [R] ; que, vendeur intermédiaire, il peut opposer au sous-acquéreur tous les moyens de défense qu'il peut opposer à son propre cocontractant, notamment une clause limitative de responsabilité ; qu'ainsi, si Mme [R] ne peut pas agir contre lui, M. et Mme [E], qui tirent leurs droits de celle-ci, ne le peuvent pas davantage.

Il précise qu'en vue de disposer de deux chambres supplémentaires et d'une salle de bains dans les combles, lui-même et Mme [R] ont modifié la charpente métallique de la toiture en enlevant un X en métal et ont créé un plancher à l'étage en 2003-2004 ; qu'il n'a jamais constaté le moindre désordre, notamment le jour de la vente le 10 août 2007 ; qu'étant enseignant, il ne possédait pas les connaissances techniques pour anticiper les éventuelles conséquences de ces travaux sur la structure de la maison ; qu'il n'a pas la qualité de vendeur professionnel ; qu'il n'est pas responsable des agissements de Mme [R] et n'a menti à personne.

Subsidiairement, il avance que le chiffrage du coût de la démolition/reconstruction par l'expert judiciaire à 287 390 euros est totalement exorbitant au regard des prix de la maison en 2007 et 2018 ; que ce montant inclut des prestations concernant la véranda de 73 640 euros TTC qu'il n'a pas à supporter car la véranda a été construite par Mme [R] après son acquisition en 2007 ; que la demande de réévaluation du coût de la démolition/reconstruction doit être rejetée comme l'a décidé le tribunal qui a estimé qu'il s'agissait d'une demande de dommages et intérêts.

Il formule les mêmes moyens que ceux développés par Mme [R] pour justifier le rejet des réclamations présentées par M. et Mme [E] au titre de l'achat d'un mobil-home et des frais de pension de leurs deux chevaux. Il soutient que ces derniers doivent justifier que le loyer de l'appartement qu'ils ont loué à partir de décembre 2020 n'a pas été en tout ou partie pris en charge par leur assureur habitation ou protection juridique.

Subsidiairement, il recherche la garantie de Mme [R] aux motifs qu'elle avait connaissance des travaux litigieux qu'elle a réalisés avec lui et n'en a pas informé

M. et Mme [E] de manière volontaire, qu'il n'a pas agi avec mauvaise foi.

Par dernières conclusions notifiées le 22 février 2024, M. [G] [E] et Mme [K] [N], son épouse, demandent de voir en vertu des articles 1792 et subsidiairement 1641 et suivants ou encore plus subsidiairement 1137 du code civil concernant Mme [R] pour les désordres liés à l'assainissement et les dommages annexes, 1641 et suivants et subsidiairement 1137 du même code concernant Mme [R] pour les désordres liés à la charpente et les dommages annexes, et les articles 1641 et suivants du même code concernant M. [A] :

- débouter Mme [R] et M. [A] de leur appel,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evreux le 15 novembre 2022, sauf en ce qui concerne les désordres liés à l'assainissement, l'indexation des préjudices matériels sur l'indice Bt 01, et le préjudice de jouissance subi postérieurement au 10 décembre 2020,

- infirmer le jugement sur ces points et statuant à nouveau :

- dire et juger que leur immeuble est atteint de désordres et vices graves et cachés concernant l'assainissement et affectant sa solidité et le rendant impropre à sa destination,

- dire et juger Mme [R] entièrement responsable des conséquences dommageable de ces désordres et vices,

- dire et juger non écrite la clause d'exonération figurant dans l'acte de vente concernant l'assainissement,

- condamner Mme [R] à leur payer la somme de 12 602 euros au titre de la reprise de l'assainissement avec indexation sur l'indice Bt 01 connu au jour de l'arrêt à intervenir,

- condamner in solidum Mme [R] et M. [A] à leur payer la somme de 300 euros par mois à compter du 10 décembre 2020 jusqu'à la date à laquelle ils pourront réemménager dans la maison au titre du préjudice de jouissance depuis le

10 décembre 2020 jusqu'à la fin des travaux, en plus du loyer,

- dire et juger que la somme de 287 390 euros allouée en réparation du préjudice matériel sera indexée sur l'indice Bt 01 connu au jour de l'arrêt à intervenir et condamner in solidum Mme [R] et M. [A] au paiement de cette somme,

- condamner in solidum Mme [R] et M. [A] à leur payer la somme de

10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Brulard Lafont Desrolles conformément à l'article 699 du code précité.

Ils exposent que la garantie de Mme [R] pour les vices cachés affectant la charpente est engagée ; que le fait qu'elle a vécu dans la maison pendant des années est inopérant ; qu'étant considérée comme un professionnel de la construction assimilé à un vendeur professionnel censé connaître les vices, elle ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité par les clauses contractuelles; que la circonstance qu'à l'époque des travaux de création d'un nouvel étage et d'une modification de la charpente elle n'était pas propriétaire de l'immeuble est sans incidence ; qu'elle leur a dissimulé cette très importante opération touchant à la structure et à la solidité de la maison dont elle a eu connaissance lors de son acquisition en 2007 et de sa revente en 2018.

Ils font valoir que Mme [R] a reconnu avoir réalisé la filière d'assainissement en 2013, date de sa réception ; qu'elle en a dissimulé les désordres préexistants à la vente en coupant l'eau durant les visites, celle-ci ne vivant plus dans la maison lors de sa mise en vente ; qu'elle s'est comportée en professionnelle de la construction ; que les désordres, apparus dans le délai décennal, rendent l'ouvrage impropre à sa destination.

Ils estiment que Mme [R] ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité décennale car la clause d'exonération de la venderesse au titre des désordres affectant la filière d'assainissement contenue dans le compromis et l'acte authentique de vente est réputée non écrite en application de l'article 1792-5 du code civil ; que le tribunal, qui a retenu le caractère apparent du vice, a écarté à tort ce texte ; que cette clause leur est donc inopposable ; que, subsidiairement, ils n'ont pas eu connaissance du vice dans toutes ses conséquences et son étendue ; que le compromis et l'acte de vente ne mentionnent pas une installation hors d'état de fonctionner ; que le diagnostic du Spanc ne leur pas été remis avec la promesse de vente, ni avant la vente ; que l'immeuble est atteint d'un vice caché et non d'une simple non-conformité.

Ils considèrent très subsidiairement qu'ils ont été trompés car l'acte de vente mentionnait une décote de 2 000 euros sur le prix total, passant de 127 000 à

125 000 euros, pour tenir compte de la non-conformité liée à un risque de pollution extérieure, alors qu'existait une impropriété totale du système d'assainissement à son usage qu'ils ont découverte une semaine après leur emménagement quand ils ont rétabli l'eau ; que Mme [R] qui le savait a menti sur ce point en indiquant dans l'acte de vente n'avoir effectué aucun travaux nécessitant un permis de construire ou une déclaration préalable dans les dix dernières années ; qu'elle a adopté une attitude suspecte en voulant leur faire signer une décharge de responsabilité, ce sur quoi elle a refusé de s'expliquer lorsqu'elle a été interrogée lors d'une réunion d'expertise.

Ils mettent également en cause la garantie de M. [A] pour les vices cachés affectant la charpente et le plancher de l'étage. Ils exposent que celui-ci a reconnu avoir lui-même réalisé les travaux de modification de la charpente et de création du plancher avec l'aide de Mme [R] entre 2003 et 2004, qu'il est réputé professionnel du bâtiment et de la construction et que sa mauvaise foi est présumée, qu'il ne peut donc pas se prévaloir de la clause d'exonération de garantie figurant dans l'acte de vente conclu avec Mme [R] qui leur est inopposable ; qu'une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés est opposable à un acheteur professionnel de même spécialité que le vendeur sauf si l'acheteur a une connaissance effective du vice relevant de la mauvaise foi ; que M. [A] et Mme [R] n'ignoraient pas l'importance des travaux réalisés sur la charpente et les risques susceptibles d'en découler.

Ils avancent que le coût des travaux de démolition/reconstruction de la maison doit être réévalué sur le fondement de l'indice Bt01 du bâtiment pour tenir compte du temps passé et de l'inflation sous peine de leur causer un nouveau préjudice ; qu'il ne s'agit pas d'une demande de dommages et intérêts comme l'a jugé le tribunal ; que M. [A], qui n'a produit aucun dire et n'a émis aucune critique lors des opérations d'expertise, est mal fondé à critiquer les conclusions de l'expert judiciaire sur les travaux de reprise des désordres.

Ils soutiennent que les contestations de Mme [R] et de M. [A] sur le remboursement des frais de pension de leurs chevaux n'ont pas été émises au cours de l'expertise judiciaire lors de laquelle les parties ont pu constater que les chevaux vivaient sur leur propriété, que leur préjudice est constitué ; qu'ils n'ont pas été indemnisés du coût de leur relogement par leur assureur ; que leur préjudice de jouissance doit être indemnisé à hauteur de 300 euros par mois depuis leur emménagement dans un appartement de 80 m² le 10 décembre 2020 jusqu'à leur réemménagement.

Par dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2023, la Sarl Fc Immobilier demande de voir :

- dire que l'appel principal de M. [A] est dépourvu d'effet dévolutif de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie de prétentions pouvant être formulées contre elle,

- dire que l'absence d'appel incident et de prétentions de M. et Mme [E] à son encontre permet de considérer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du

15 novembre 2022 comme définitif,

- dire que ce jugement produira à son bénéfice son plein effet,

- condamner M. [A] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens pour l'intervention en appel.

Elle fait valoir que M. [A] n'a pas formé appel contre la disposition du jugement ayant débouté M. et Mme [E] de leur demande d'indemnisation au titre des travaux de reprise du dispositif d'assainissement individuel formée contre elle, de sorte que l'effet dévolutif ne joue pas à son égard ; que, ni M. et Mme [E], ni aucune autre partie, ne formulent de demande contre elle ; que la disposition précitée du jugement, ainsi que celle relative aux frais de procédure que doivent lui verser

M. et Mme [E] à hauteur de 1 500 euros, doivent être considérées comme définitives.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 28 février 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité de Mme [R] et de M. [A] au titre de la charpente et du plancher de l'étage

L'article 1641 du code civil prévoit que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères.

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté que la charpente de toit et le plancher de l'étage de la maison présentaient un risque d'effondrement sur le rez-de-chaussée.

Il a expliqué que cette maison, modèle Maison Phénix, avait été construite depuis plus de 10 ans en structure porteuse métallique avec un rez-de-chaussée habitable et un comble non aménageable, mais que des travaux d'aménagement de deux chambres à l'étage, un sas, et une salle de bain avaient été effectués dans celui-ci sur sa partie ouest. Il a précisé que ces travaux avaient généré une modification de la charpente métallique de la toiture qui avaient entraîné la destruction d'un X en métal qui participait à la poutre au vent assurant la solidité de l'ouvrage. La toiture s'en trouvait déstabilisée et en situation de péril en cas d'importante contrainte météorologique (tempête).

Il a informé les parties, aux termes de sa note du 10 décembre 2019, de l'urgence pour les habitants de la maison de ne plus l'occuper sur-le-champ, sa stabilité étant compromise. M. et Mme [E] se sont installés dans un mobil-home sur leur terrain.

L'expert judiciaire a aussi indiqué qu'au cours de ces travaux, avait été créé un plancher à l'étage dont la structure porteuse en sapin de 140 mm sur une portée de 4 m/l n'était pas conforme aux dimensions requises dans un tel cas estimées autour de 220 mm. L'ouvrage était instable et ne pouvait pas reprendre la surcharge d'usage de 150 kg/m².

Au cours de la réunion d'expertise du 3 juin 2020, M. [A], marié avec Mme [R] de 2003 à 2008, a indiqué avoir lui-même réalisé les travaux avec l'aide de celle-ci, laquelle a, de son côté, nuancé cette participation en la limitant à la manutention des matériaux.

L'expert judiciaire a imputé ces désordres à M. [A], aidé de Mme [R], qui n'avait pas respecté les règles de l'art. Aucune étude de conception n'avait été diligentée et les travaux avaient été réalisés de manière empirique sans tenir compte des efforts aux vents transversaux et des surcharges minimums de plancher nécessaires aux habitations.

Ces désordres, qui existaient au jour de la vente conclue le 11 juillet 2018, étaient cachés. Ils portent gravement atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à son usage d'habitabilité.

La matérialité du vice caché n'est pas discutée par Mme [R] et M. [A] qui revendiquent uniquement l'application à leur profit de la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés insérée dans leur acte de vente respectif.

Selon l'article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Pour l'application de ce texte, le vendeur professionnel, auquel est assimilé le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l'origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d'une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés.

Est réputé vendeur professionnel celui qui, sans être professionnel, a effectué lui-même, en tout ou en partie, les travaux en cause dans le bien vendu.

M. [A] explique qu'il a réalisé les travaux litigieux en 2003-2004 avec Mme [R], qui y a participé activement et qui en était informée. Celle-ci a reconnu avoir effectué la manutention des matériaux.

Cette aide de Mme [R] même limitée a contribué à la réalisation effective des travaux d'aménagement d'une partie du comble à l'étage entrepris par le couple.

Mme [R] ne dit pas qu'elle ignorait leur nature et leur objet. Au contraire, il est établi que ce chantier visait à agrandir la surface habitable du couple en prévision ou à la suite de l'arrivée de leur premier enfant. Mme [R] précise qu'elle était enceinte à l'époque de ces travaux en 2003 et justifie de la naissance de leur fils le 7 juin 2003.

Il s'agissait de réaliser un projet d'aménagement commun global d'ampleur ayant une incidence sur la structure de l'immeuble, auquel Mme [R] a participé en effectuant une tâche indispensable à son avancement, et sans recourir à des professionnels, notamment à un maître d'oeuvre, ni s'assurer de leurs conseils.

L'absence de qualité de propriétaire de l'immeuble de Mme [R] au moment de la réalisation de ces travaux n'a aucune incidence sur l'appréciation de sa qualité de vendeur constructeur au jour de la vente avec M. et Mme [E].

Mme [R] étant assimilée à un vendeur professionnel réputé connaître les vices affectant l'immeuble, présomption irréfragable qu'elle ne combat pas utilement, la clause d'exonération de garantie des vices cachés ne lui est pas applicable. Elle sera condamnée à indemniser M. et Mme [E] dans les proportions chiffrées ci-dessous.

Dans le cadre d'une chaîne de contrats de vente, le vendeur intermédiaire est en droit d'opposer au sous-acquéreur tous les moyens de défense qu'il peut opposer à son propre cocontractant et notamment une clause de non-garantie des vices cachés.

Le contrat de vente du 10 août 2007 prévoit à la page 6 que le vendeur ne garantit pas l'état des constructions et de leurs vices même cachés.

Cette clause est opposable aux sous-acquéreurs que sont M. et Mme [E]. Elle s'apprécie au regard de la qualité du contractant direct de M. [A], c'est-à-dire celle de Mme [R], et non pas de celle des demandeurs victimes M. et Mme [E].

M. [A], ayant réalisé les travaux litigieux, avait la qualité de vendeur constructeur assimilé à un vendeur professionnel. Mme [R], y ayant également participé, était un acheteur professionnel de même spécialité.

Ni M. et Mme [E], ni Mme [R], ne rapportent la preuve que M. [A] avait connaissance, au jour de la vente le 10 août 2007, d'un risque d'effondrement sur le rez-de-chaussée de la charpente modifiée et du plancher créé.

Dès lors, la clause de non-garantie des vices cachés précitée doit recevoir application au profit de M. [A]. Les demandes formées contre lui par M. et Mme [E], ainsi que par Mme [R], seront rejetées. Le jugement contraire du tribunal sera infirmé.

Sur la responsabilité de Mme [R] au titre de la filière d'assainissement

L'article 1792 du code civil énonce que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Selon l'article 1792-1 du même code, est réputé constructeur de l'ouvrage, 2° toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

La circonstance que les désordres existaient et étaient apparents lors de la vente est inopérante dès lors que l'action des acquéreurs contre leur vendeur est fondée sur l'article 1792-1, 2° du code civil.

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté que l'installation d'évacuation des eaux usées de la maison était en grande partie constamment bouchée avec des rejets dans la maison et qu'elle nécessitait des interventions de débouchage plus ou moins régulières par les utilisateurs.

Il a également relevé que le milieu naturel était pollué, le terrain d'assise étant baigné de grandes flaques d'eaux usées.

Il a conclu à l'insalubrité, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, de la maison.

Il a attribué la cause de ces désordres à la défaillance de la filière d'assainissement, qui n'avait fait l'objet d'aucune conception et dont les organes extérieurs (fosse, rejet, et canalisations rattachées) ne respectaient pas la mise en oeuvre conforme aux règles de l'art, car ils avaient été installés sans l'étude pédologique obligatoire et nécessaire d'un point de vue règlementaire et technique. Il a précisé en outre que ces derniers subissaient tous sans exception des tassements différentiels qui avaient annihilé le principe gravitaire nécessaire au bon fonctionnement de l'ensemble de la filière. L'installation s'était enfoncée dans le sol sous l'effet de son propre poids, comme en attestaient les contrepentes dans les réseaux.

Selon le fils de Mme [R] qui la représentait lors de la première réunion d'expertise le 6 décembre 2019, cet ouvrage datait de 2013 et n'avait fait l'objet d'aucune conception.

Mme [R] a reconnu à la réunion suivante avoir réalisé cette filière d'assainissement, sans pouvoir expliquer, ni fournir, d'éléments tangibles sur sa construction, ni sur sa date exacte d'exécution.

Les conditions des articles 1792 et 1792-1, 2° sont réunies. Mme [R] a vendu à

M. et Mme [E] son immeuble équipé d'une filière d'assainissement, ouvrage qu'elle a réalisé et qui rend impropre l'usage salubre de la maison d'habitation dans le délai décennal. Elle engage sa responsabilité décennale sans qu'il soit utile d'apprécier si les désordres étaient apparents lors de la vente.

La clause d'exclusion de garantie relative à l'assainissement et aux eaux usées, insérée aux pages 12 et 13 de l'acte de vente du 15 septembre 2018, ne spécifie pas que la responsabilité du vendeur constructeur prévue aux articles 1792, 1792-1, et 1792-2 du code civil est exclue ou limitée. Elle n'est donc pas réputée non écrite, mais ne s'applique pas en l'espèce, l'apparence des vices pour le maître de l'ouvrage étant indifférente en l'espèce.

Mme [R] sera donc condamnée à indemniser M. et Mme [E] dans les proportions chiffrées ci-dessous. La décision du tribunal ayant débouté M. et Mme [E] de leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de reprise du dispositif d'assainissement sera infirmée.

Sur le montant des réparations

1) le coût des travaux de reprise

En application du principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, le juge procède à l'actualisation de l'indemnité allouée en réparation des préjudices au jour de sa décision en fonction de la dépréciation monétaire.

En l'espèce, Mme [R] ne discute pas des montants et de la nature des travaux de reprise arrêtés par l'expert judiciaire :

- 12 602 euros TTC pour la création d'une nouvelle filière d'assainissement,

- 287 390 euros pour la démolition/reconstruction de la maison et de la véranda.

Elle sera condamnée à les verser à M. et Mme [E], avec indexation sur l'indice Bt 01 du coût de la construction à compter de la date du rapport d'expertise judiciaire jusqu'au présent arrêt. La décision du premier juge ayant refusé cette demande d'actualisation sera infirmée.

2) le coût d'un mobil-home

La nécessité pour M. et Mme [E] d'acquérir un mobil-home pour y habiter provisoirement à la suite de leur départ en urgence de leur maison en décembre 2019 du fait du risque de son effondrement n'est pas discutée. Celui-ci avait été acheté au prix de 3 100 euros TTC retenu par le tribunal.

Mme [R] produit une annonce publiée le 22 octobre 2020 sur le compte Facebook de M. [E] aux termes de laquelle il mettait en vente un mobil-home habitable sans mention de prix.

M. et Mme [E] ne répliquent pas.

Cependant, la force probante de ces seuls éléments est insuffisante à remettre en cause la décision du tribunal ayant fixé l'indemnisation de ce préjudice au prix d'achat de ce mobil-home. Celle-ci sera confirmée.

3) les frais de pension des deux chevaux de M. et Mme [E]

L'expert judiciaire a constaté que ces chevaux étaient hébergés sur leur terrain. Il a indiqué qu'ils ne pourraient pas l'être pendant les travaux de reprise dont il a évalué la durée à huit mois.

La preuve d'une non-occupation effective de ces chevaux sur le terrain de M. et Mme [E] est seule de nature à remettre en cause ce constat effectué contradictoirement par l'expert judiciaire. Celle-ci n'est pas apportée.

De plus, la réalisation de travaux de reprise est la conséquence directe des vices et désordres imputés à Mme [R].

En conséquence, le jugement du tribunal ayant arrêté l'indemnisation de ce dommage à 3 040 euros sera confirmé.

4) le loyer

M. et Mme [E] justifient qu'ils ont loué un appartement de 80 m² à [Localité 13] à compter du 10 décembre 2020 pour un loyer total de 465,11 euros par mois.

Ils produisent également un appel de loyers pour janvier 2024. Il en ressort que le montant total de la réduction de loyer de solidarité (Rls) et de l'allocation personnalisée au logement (Apl) de 370,74 euros recouvre totalement le loyer nu de 341,88 euros. Les charges locatives, les pénalités de remboursement, et le remboursement d'un retard de règlement ne sont pas indemnisables.

La preuve d'un préjudice actuel en lien avec le réglement d'un loyer n'est pas apportée. La réclamation présentée à ce titre par M. et Mme [E] sera rejetée. En revanche, le courriel du 13 juin 2023 du chargé de clientèle de leur assureur Cic, aux termes duquel ces derniers n'ont jamais eu de prise en charge de loyer à la suite de leur sinistre n'est pas combattu par la preuve contraire. La décision du tribunal ayant alloué à M. et Mme [E] la somme de 14 883,52 euros sera donc confirmée.

5) le préjudice de jouissance

Comme l'a exactement retenu le tribunal, M. et Mme [E] ne produisent pas de pièce, telle que des attestations de proches, pour caractériser le préjudice de jouissance né de l'occupation d'un appartement de 80 m² au lieu de celle de leur maison de 107 m². Ils ne justifient pas davantage du montant de 300 euros par mois sollicité.

Leur prétention sera rejetée. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

* * *

Les dispositions du jugement relatives aux autres postes de préjudice ne sont pas contestées utilement. Elles seront confirmées.

Sur l'appel à l'encontre de la Sarl Fc Immobilier

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration de l'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimée.

Selon les articles 548 et 550 du code précité, l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé tant contre l'appelant que contre les autres intimés et ce en tout état de cause.

En l'espèce, aux termes de sa déclaration d'appel, M. [A] n'a pas visé la disposition du jugement par laquelle le tribunal a débouté M. et Mme [E] de leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de reprise du dispositif d'assainissement individuel de leur maison située [Adresse 8], formées à l'encontre de Mme [R] et de la Sarl Fc Immobilier. Il n'a pas davantage repris la disposition par laquelle le tribunal a condamné M. et Mme [E] à verser à la Sarl Fc Immobilier la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

De leur côté, M. et Mme [E] n'ont pas formé appel incident de cette première disposition à l'encontre de la Sarl Fc Immobilier, mais uniquement à l'encontre de Mme [R], ni de la seconde disposition.

En conséquence, en l'absence d'effet dévolutif de l'appel principal de M. [A] et de l'appel incident de M. et Mme [E] sur les chefs précités du dispositif du jugement à l'égard de la Sarl Fc Immobilier, la cour d'appel n'en est pas saisie.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais de procédure.

Partie perdante, Mme [R] sera condamnée aux dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de l'avocat de M. et Mme [E].

Il est équitable de la condamner aussi au paiement à ces derniers, unis d'intérêts, de la somme de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés pour cette procédure d'appel.

Ayant inutilement interjeté appel contre la Sarl Fc Immobilier, M. [A] sera condamné à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de ses frais de procédure d'appel.

Les autres réclamations fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel formé,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- condamné M. [V] [A] à verser à M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], les sommes suivantes :

. 287 390 euros TTC à titre de dommages et intérêts pour la démolition/reconstruction de leur maison située [Adresse 8],

. 3 100 euros à titre de dommages et intérêts pour l'achat d'un mobil-home,

. 3 600 euros au titre de leur préjudice de jouissance subi jusqu'au 10 décembre 2020,

. 14 883,52 euros au titre de leur préjudice financier à compter du 10 décembre 2020 et jusqu'à la fin des travaux de reprise,

. 3 040 euros à titre de dommages et intérêts pour le coût de la pension de leurs chevaux,

. 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], de leur demande d'indexation de la somme de 287 390 euros TTC sur l'indice Bt 01 du bâtiment à compter du jugement à intervenir,

- débouté M. [G] [E] et Mme [K] [N], épouse [E], de leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de reprise du dispositif d'assainissement individuel de leur maison située [Adresse 8] formées à l'encontre de Mme [P] [R],

- condamné M. [V] [A] aux entiers dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [G] [E], Mme [K] [N] épouse [E], et Mme [P] [R] de toutes leurs demandes présentées contre M. [V] [A],

Dit que la somme de 287 390 euros TTC sera indexée sur l'indice Bt 01 du coût de la construction à compter de la date du rapport d'expertise judiciaire jusqu'au présent arrêt,

Condamne Mme [P] [R] à payer à M. [G] [E] et à Mme [K] [N] épouse [E] la somme de 12 602 euros TTC en réparation des travaux de reprise de la filière d'assainissement, avec indexation sur l'indice Bt 01 du coût de la construction à compter de la date du rapport d'expertise judiciaire jusqu'au présent arrêt,

Constate l'absence d'effet dévolutif de l'appel principal de M. [V] [A] et de l'appel incident de M. [G] [E] et de Mme [K] [N] épouse [E] sur les chefs du dispositif du jugement aux termes desquels, d'une part, M. [G] [E] et Mme [K] [N] épouse [E] ont été déboutés de leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de reprise du dispositif d'assainissement individuel de leur maison située [Adresse 8] formées à l'encontre de la Sarl Fc Immobilier, et, d'autre part, M. [G] [E] et Mme [K] [N] épouse [E] ont été condamnés à verser à la Sarl Fc Immobilier la somme de

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [P] [R] à payer à M. [G] [E] et à Mme [K] [N] épouse [E], unis d'intérêts la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Condamne M. [V] [A] à payer à la Sarl Fc Immobilier la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne Mme [P] [R] aux dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de la Scp Brulard Lafont Desrolles, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 22/04060
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;22.04060 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award