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29/05/2024 | FRANCE | N°24/00028

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 29 mai 2024, 24/00028


N° RG 24/00028 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JUI5





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 29 MAI 2024







DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le tribunal judiciaire, juge des contentieux de la protection de Dieppe en date du 19 février 2024





DEMANDERESSE :



Compagnie d'assurance AREAS DOMMAGES

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Simon Mosquet-Leveneur de la Selar

l Lexavoue Normandie, avocat au barreau de Rouen, assistée par Me Stéphane Karageorgiou, avocat au barreau de Paris





DÉFENDEURS :



Maître [P] [T] ès qualités de liquidateur de la société FOUROVER

[...

N° RG 24/00028 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JUI5

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 29 MAI 2024

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal judiciaire, juge des contentieux de la protection de Dieppe en date du 19 février 2024

DEMANDERESSE :

Compagnie d'assurance AREAS DOMMAGES

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Simon Mosquet-Leveneur de la Selarl Lexavoue Normandie, avocat au barreau de Rouen, assistée par Me Stéphane Karageorgiou, avocat au barreau de Paris

DÉFENDEURS :

Maître [P] [T] ès qualités de liquidateur de la société FOUROVER

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Jérôme Vermont de la Selarl Vermont Trestard & Associés, avocat au barreau de Rouen, substitué par Me Josselin Peschiutta, avocat au barreau de Rouen

S.E.L.A.R.L. AJA ASSOCIES ès qualités d'administrateur judiciaire de la société FOUROVER

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Jérôme Vermont de la Selarl Vermont Trestard & Associés, avocat au barreau de Rouen, substitué par Me Josselin Peschiutta, avocat au barreau de Rouen

S.A.S. FOUROVER

[Adresse 7]

[Localité 6]

représentée par Me Jérôme Vermont de la Selarl Vermont Trestard & Associés, avocat au barreau de Rouen, substitué par Me Josselin Peschiutta, avocat au barreau de Rouen

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 15 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 mai 2024, devant Mme WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme DUPONT, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 29 mai 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent à cette audience.

*****

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 20 octobre 2017, un incendie a ravagé les bâtiments abritant les ateliers de la Sas Fourover. A la suite du dépôt du rapport de l'expert judiciaire mandaté par son assureur, la société Areas dommages, une limitation de garantie a été opposée à la Sas Fourover à l'origine d'un débat sur le montant de l'indemnisation due.

Par acte du 27 décembre 2021, la Sas Fourover a donc assigné la société d'assurance sur le fondement de la responsabilité contractuelle et donc pour faute notamment en provoquant la mise en oeuvre d'une expertise à l'origine d'un retard dans le versement de l'indemnisation et de la perte de certaines garanties.

Par jugement du 19 février 2024, le tribunal judiciaire de Dieppe, a :

- condamné la société Areas dommages, prise en sa qualité d'assureur pertes d'exploitations de la Sas Fourover à payer à la Sas Fourover, représentée par Me [P] [T] et la Selarl AJ Associés en la personne de Me [M] [K], ès qualités de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire, la somme de

1 403 948 euros, à parfaire, au titre de ses pertes d'exploitation après incendie ;

- condamné la société Areas dommages, prise en sa qualité d'assureur dommages de la Sas Fourover à payer à la Sas Fourover, représentée par Me [P] [T] et la Selarl AJ Associés en la personne de Me [M] [K], ès qualités de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire la somme de 438 503,42 euros au titre de la vétusté indûment déduite ;

- rejeté toutes autres demandes ;

- condamné la société Areas dommages à payer à la Sas Fourover, représentée par Me [P] [T] et la Selarl AJ Associés en la personne de Me [M] [K], ès qualités de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire, la somme de

2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamnée la société Areas dommages aux entiers dépens de la présente instance ;

- constaté que le présent jugement et assorti de droit de l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 4 avril 2024, la société Areas dommages a formé appel de la décision.

Par assignations en référé délivrées le 9 avril 2024 à la Sas Fourover, Me [P] [T], ès qualités de liquidateur de la Sas Fourover et à la Selarl AJ Associés en la personne de Me [M] [K], ès qualités d'administrateur judiciaire, la société Areas dommages demande à la juridiction, au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile, de :

à titre principal,

- déclarer recevable et bien fondée sa demande principale tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 19 février 2024 par le tribunal judiciaire de Dieppe ;

- ordonner en conséquence, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement ;

subsidiairement, au visa de l'article 521 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevable et bien fondée sa demande subsidiaire tendant à la consignation de la somme de 1 844 451,42 euros (1 403 948 + 438 503,42 + 2 000) due à la Sas Fourover représentée par Me [P] [T] et la Selarl Aj Associés en la personne de Me [M] [K] en vertu du jugement rendu le 19 février 2024 par le tribunal judiciaire de Dieppe ;

- ordonner en conséquence, l'aménagement de l'exécution provisoire en l'autorisant à consigner la somme de 1 844 451,42 euros entre les mains de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats près la cour d'appel de Rouen ou de la Caisse des dépôts et consignations ;

- dire que les entiers dépens de l'instance seront à la charge de Me [P] [T] et de la Selarl Aj Associés en la personne de Me [M] [K], ès qualités.

Elle fait valoir que le prononcé de la liquidation judiciaire à une date très proche du délibéré du tribunal ne lui permettait pas de mesurer en première instance le risque d'insolvabilité de la Sas Fourover alors que le montant des condamnations représente une somme de 1 844 451,42 euros ; qu'il existe un risque de conséquences manifestement excessives postérieures au jugement.

S'agissant des moyens sérieux de réformation de la décision, elle soutient qu'elle était bien fondée à opposer les limites de sa garantie ; qu'en estimant que l'assureur avait manqué à son devoir de conseil et d'information en cours d'exécution du contrat, le tribunal est allé au-delà des propres prétentions de la Sas Fourover ce qui constitue un moyen sérieux de réformation. La mesure d'expertise judiciaire a été sollicitée dans le cadre de l'action subrogatoire visée à l'article L. 121-12 du code des assurances sans qu'il ne soit possible de lui en faire le reproche ; l'assuré avait un intérêt à la mesure et en a accepté le principe en participant aux opérations. L'expertise judiciaire a été sans effet sur les travaux de remise en état des lieux puisque l'autorisation de démolir les locaux sinistrés a été obtenue en mai 2020 et qu'indépendamment de toute expertise judiciaire, l'assurée n'était plus couverte pour ses pertes d'exploitation depuis le 21 octobre 2018. L'appréciation infondée du tribunal justifie la réformation du jugement. En tout état de cause, il n'existe aucun lien entre la condamnation au titre de la vétusté et l'expertise judiciaire.

A titre subsidiaire, la liquidation judiciaire induit une situation d'insolvabilité de l'assuré justifiant que soit ordonnée la consignation des fonds. La somme visée dans l'assignation est portée à celle de 1 863 754,28 euros. Elle précise que par assignation du 3 mai 2024, elle a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en mainlevée de la saisie-attribution qui lui a été dénoncée le 5 avril 2024.

Par conclusions notifiées le 14 mai 2024 soutenues à l'audience, la Sas Fourover, Me [T] et la Selarl Aj Associés, ès qualités, demandent à la juridiction de débouter la société Areas dommages de ses demandes,

- condamner la société Areas dommages à leur payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Areas dommages aux dépens.

Ils font valoir que la société Areas dommages n'ayant pas formulé d'observations devant le premier juge, elle doit justifier de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement au jugement ; la conversion de la procédure en redressement judiciaire en liquidation judiciaire a été prononcée le 2 février 2024 et publiée au Bodacc le 14 février 2024, le jugement étant postérieur puisqu'en date du 19 février 2024. En outre, la conversion ne modifie pas in concreto la situation puisque le risque d'absence de recouvrement de la créance existait lors de la procédure de redressement. Enfin, aucune conséquence manifestement excessive ne peut être crainte puisque lors de la mise en oeuvre de la saisie-attribution les comptes de la société Areas dommages révélaient un solde créditeur de 7 484 273,28 euros. La première condition d'obtention d'arrêt de l'exécution provisoire fait défaut.

S'agissant des moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement, Ils relèvent que la Sas Areas dommages se borne à la remise en cause de l'appréciation souveraine du tribunal judiciaire de Dieppe. La Sas Fourover, Me [T] et la Selarl Aj Associés, ès qualités ; que les condamnations ont été prononcées non en application du droit des assurances mais sur le fondement de la responsabilité de droit commun pour faute. Reprenant la motivation du jugement, ils soulignent que l'assureur avait pris la direction du procès et devait initier toutes les mesures utiles pour éviter l'aggravation du sinistre. L'assuré a dû attendre deux ans pour percevoir l'indemnisation et a perdu une chance de limiter ses pertes. La vétusté a été indûment déduite. La société Areas dommages ne justifie pas d'un moyen sérieux de réformation.

Ils s'opposent à tout aménagement de l'exécution de la condamnation en la forme d'une consignation.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 15 mai 2024.

MOTIFS

Sur l'arrêt de l'exécution provisoire

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Les conditions posées par l'article 514-3 du code de procédure civile sont cumulatives.

En l'espèce, la lecture du jugement entrepris permet de vérifier que la société Areas dommages n'a formé aucune observation sur l'exécution provisoire en première instance et doit donc justifier de l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives postérieurement au jugement.

La société Ares dommages verse l'extrait du registre national des entreprises du 1er avril 2024 portant la mention du jugement de liquidation judiciaire prononcée le 2 février 2024 désignant Me [T] en qualité de liquidateur judiciaire et maintenant la Selarl Aj Associés en la personne de Me [K] administrateur judiciaire jusqu'au 2 mai 2024.

Le jugement critiqué en cause d'appel du 19 février 2024 a donc été prononcé peu de temps après la publication au Bodacc sans que la société Areas dommages puisse en prendre connaissance efficacement afin d'en tirer judiciairement les conséquences.

Toutefois, comme le soulignent la Sas Fourover et les organes de la procédure collective, la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ne modifie pas, dans le cas présent, de façon significative les données du litige puisque l'existence du redressement judiciaire permettait déjà avant plaidoiries devant le tribunal de craindre un péril dans le recouvrement de la créance dans l'hypothèse d'une réformation de la condamnation prononcée contre l'assureur. Ainsi, la société Areas Dommages ne rapporte pas la preuve de la révélation de conséquences manifestement excessives postérieurement au jugement puisque le recouvrement de la créance était menacé en raison de la procédure collective engagée.

En conséquence, la demande de la société Areas dommages est dès lors irrecevable.

Sur la demande de consignation du montant des condamnations

Selon l'article 521 alinéa 1er du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

La décision de consignation des condamnations relève du pouvoir discrétionnaire du premier président.

La Sas Fourover étant placée en liquidation judiciaire, la société Areas dommages a la quasi certitude de ne recouvrer aucune somme à l'encontre de l'assurée. Compte tenu de l'importance de la condamnation, même si l'assureur bénéficie d'une assiette financière importante, le défaut de recouvrement d'une somme de 2 millions d'euros serait significatif.

La société Areas dommages justifie d'un motif légitime justifiant l'autorisation de consigner le montant des condamnations à hauteur de 1 863 754,28 euros.

Sur les frais de procédure

La décision est prononcée dans l'intérêt exclusif de la débitrice avant décision au fond de la cour d'appel. La société Areas dommages supportera les dépens.

Elle sera condamnée en équité à payer à la Sas Fourover représentée par son liquidateur judiciaire, Me [T] et à la Selarl Aj Associés, ès qualités d'administrateur judiciaire, mais néanmoins créancièrs en l'état, la somme de

2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Dieppe le 19 février 2024,

Ordonne la consignation de la somme de 1 863 754,28 euros dans les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Rouen avant le 30 juin 2024 par la société d'assurance mutuelle Areas dommages,

Condamne la société d'assurance mutuelle Areas dommages à payer à la Sas Fourover représentée par son liquidateur judiciaire, Me [T] et à la Selarl Aj Associés, ès qualités d'administrateur judiciaire, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société d'assurance mutuelle Areas dommages aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 24/00028
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;24.00028 ?
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