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29/05/2024 | FRANCE | N°23/03079

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 29 mai 2024, 23/03079


N° RG 23/03079 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JOT7







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 29 MAI 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



23/00275

Tribunal judiciaire de [Localité 11] du 12 juillet 2023





APPELANT :



Monsieur [M] [E]

né le 6 juin 1970 à [Localité 7]

[Adresse 13]

[Adresse 13] (Israël)



représenté et assisté par Me Jean-Baptiste LELANDAIS de la SELARL JBL AVOCAT, avocat au barreau de Ro

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INTIMES :



Monsieur [J] [G]

né le 26 août 1955 à [Localité 15]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



comparant en personne, représenté et assisté de Me Pascale RONDEL de la SAS FORTIUM CONSEIL, avocat au barreau ...

N° RG 23/03079 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JOT7

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 29 MAI 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/00275

Tribunal judiciaire de [Localité 11] du 12 juillet 2023

APPELANT :

Monsieur [M] [E]

né le 6 juin 1970 à [Localité 7]

[Adresse 13]

[Adresse 13] (Israël)

représenté et assisté par Me Jean-Baptiste LELANDAIS de la SELARL JBL AVOCAT, avocat au barreau de Rouen

INTIMES :

Monsieur [J] [G]

né le 26 août 1955 à [Localité 15]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, représenté et assisté de Me Pascale RONDEL de la SAS FORTIUM CONSEIL, avocat au barreau de [Localité 11]

Madame [F] [X] épouse [G]

née le 15 avril 1960 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne, représentée et assistée de Me Pascale RONDEL de la SAS FORTIUM CONSEIL, avocat au barreau de [Localité 11]

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 mars 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

Mme Anne ROGER-MINNE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 13 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 29 mai 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 mai 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme DEGUETTE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte notarié du 31 août 2000, l'association Familles au plein air a vendu à M. [J] [G] et à M. [M] [E] chacun pour moitié indivise un ensemble immobilier, constitué d'un terrain, de constructions à usage de logement et de loisir, et d'équipements notamment religieux, pour y créer un centre de vacances pour la communauté juive, et situé [Adresse 14] et [Adresse 2], au prix de 152 445,02 euros.

Cette acquisition a été financée par un prêt contracté pour le même montant auprès de la Sa Fortis Banque France et remboursable en quinze ans.

Aux termes d'une sentence arbitrale en yiddish du 7 janvier 2010 que les parties ont fait traduire, le tribunal rabbinique de France pour les contentieux financiers a ordonné, après que MM. [E] et [G] se soient engagés à suivre cette sentence que :

'A- Le tribunal Rabbinique décide que monsieur [T] [O] et monsieur [N] [E] sont associés à parts égales dans le bien du village vacances situé dans la ville de [Localité 9] , dont ils ont fait l'acquisition conjointement avec l'aide d'un prêt bancaire, et aucune des parties n'a plus de droits que l'autre. (note du traducteur : aucun ne peut prétendre avoir plus de droit sur le bien que l'autre).

B- Tout ce qui a été dit concerne uniquement le terrain et les bâtiments, mais concernant l'activité commerciale proprement dite, c'est monsieur [T] [O] qui en a la propriété exclusive.

C- Si les parties veulent se séparer immédiatement, ils effectueront cela en conformité avec le tribunal Rabbinique selon la procédure de 'God et Igoud' (Note du traducteur : 'God et Igoud' est une loi Rabbinique qui dispose que nul n'est tenu de rester dans l'indivision lorsque le bien est indivisible et donc un des associés peu contraindre l'autre associé soit à racheter ses parts soit à vendre les siennes).

D- S'ils maintiennent leur association, auquel cas monsieur [T] [O] est le gérant exclusif du lieu, et de ce fait monsieur [T] [O] est le seul à payer les impôts et les échéances du prêt bancaire, il sera alors dispensé de payer un loyer correspondant à la part appartenant à monsieur [N] [E], mais s'il venait à ne pas payer tous les impôts et les échéances du prêt bancaire, il devra alors payer à monsieur [N] [E] un loyer pour sa part, dont le montant sera fixé par le tribunal Rabbinique.'.

Après avoir réclamé en vain à M. [G] le règlement des loyers échus depuis la fin du remboursement du prêt immobilier le 30 août 2015 et le remboursement des taxes foncières qu'il avait acquittées, M. [E] a saisi la Chambre arbitrale rabbinique au cours du premier semestre 2020.

Le 25 juin 2020, son avocat a informé le rabbin de la chambre arbitrale rabbinique que son client ne souhaitait plus recourir à l'arbitrage.

Le 28 octobre 2020, M. [W] [C], expert désigné amiablement par MM. [G] et [E], a décrit l'ensemble immobilier comme vétuste (une partie des logements n'étant plus exploitée) et ne correspondant plus aux normes actuelles (des investissements entre 1 et 1,6 million d'euros devant être réalisés) et en a fixé la valeur vénale à 350 000 euros.

Le 31 décembre 2020, l'association Les Galets Normands, présidée par Mme [F] [X] épouse [G] et qui exploitait le centre de vacances depuis 2017, a cessé son activité en raison de la vétusté des installations et des travaux nécessaires à la mise aux normes.

Par deux offres des 16 mars et 23 juin 2021, M. [L] [Y] a proposé d'acquérir l'ensemble immobilier au prix de 360 000 euros.

Il n'y a pas été donné suite.

Par courrier du 7 avril 2021, M. [E] a proposé à M. et Mme [G] d'acheter leur quote-part dans l'ensemble immobilier pour la somme de 180 000 euros, de laquelle seraient déduits les loyers et les taxes foncières restés impayés d'un montant total de 110 835,94 euros.

Suivant courriel du 25 mai 2021, M. [G] a informé le maire de [Localité 10] de la fermeture du centre de vacances pour cessation d'activité en raison de la Covid 19 et de la vétusté de la structure.

Par arrêté du 31 mai 2021, le maire a décidé de la fermeture au public de l'établissement Village Vacances.

Par acte d'huissier de justice du 3 septembre 2021, M. [E] a fait assigner M. [G] devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement notamment du solde des taxes foncières qu'il a acquitté de 18 229,50 euros et des loyers échus de l'ensemble immobilier de 104 162,40 euros depuis la fin du remboursement le 30 août 2015 du prêt conclu avec la Sa Fortis Banque France.

Cette instance est toujours en cours.

Suivant acte de commissaire de justice du 23 février 2023, M. et Mme [G] ont fait assigner à jour fixe M. [E] devant le tribunal judiciaire de [Localité 11] afin notamment d'être autorisés à vendre seuls l'ensemble immobilier indivis en application de l'article 815-5 du code civil et, subsidiairement, d'ordonner la licitation-partage de celui-ci et l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision.

Par jugement du 12 juillet 2023, le tribunal judiciaire de [Localité 11] a :

- rejeté la demande de sursis à statuer émanant de M. [M] [E],

- ordonné la vente sur licitation à la barre du tribunal judiciaire de [Localité 11] de l'ensemble immobilier sis au [Adresse 2] comprenant :

. un terrain de 12 000 m²,

. des constructions sur une emprise de 1 275 m²,

. trois studios de 29 m² comprenant chacun : un séjour avec coin cuisine, une chambre, un cabinet de toilette avec évier, douche et Wc,

. vingt-trois pavillons de 39 m² comprenant chacun : un séjour, deux chambres, un cabinet de toilette avec évier, douche, Wc,

. six pavillons de 45 m² comprenant chacun : un séjour, trois chambres, un cabinet de toilette avec évier, douche,

. une salle culturelle de 56 m²,

. une salle polyvalente de 62 m²,

. un local bibliothèque,

. un atelier réserve de 28 m²,

. jeux extérieurs,

. un bureau d'accueil,

ainsi que les équipements pour faire fonctionner le centre de vacances listés à l'acte de vente, le tout figurant au cadastre de ladite commune section [Cadastre 6] numéros :

[Cadastre 3] '[Adresse 14]' pour une contenance de 08a 35ca, [Cadastre 4] '[Adresse 14]' pour une contenance de 04a 09ca, et [Cadastre 5] '[Adresse 2]' pour une contenance de 01ha 07a 15ca, soit une contenance totale de 01ha 19a 59ca, prix à 350 000 euros avec faculté de baisse d'un quart, d'un tiers puis de moitié en cas de carence d'enchères,

- dit que le cahier des conditions de vente sera dressé par Me Pascale Rondel, membre de la Sas Fortium Conseil, dans les termes et conditions prévus par la loi,

- dit que, s'agissant pour les co-indivisaires d'opérations de compte liquidation partage, il pourra être inséré dans le cahier des conditions de vente des clauses d'attribution prioritaire à l'indivisaire qui serait intéressé à l'acquisition du bien notamment,

- fixé les conditions essentielles de la vente et déterminé les modalités de la publicité à faire conformément à la loi,

- ordonné l'aménagement de la publicité en complétant les mesures de publicité prévues par l'article R.322-32 du code des procédures civiles d'exécution dans les journaux par une publicité supplémentaire dans un journal régional ou national compte tenu de la nature, de la valeur, de la situation de l'immeuble ou toute autre circonstance particulière, en l'occurrence :

. L'Informateur de Eu,

. Les Informations dieppoises,

. Le Réveil de Neufchâtel,

. sur le site de la maison de l'avocat de [Localité 11] www.avocats-[Localité 11].fr,

. les agences immobilières et les notaires du secteur,

. un site ou journal d'annonces immobilières judaïque,

- dit que l'immeuble sera visité par les éventuels amateurs dans les conditions déterminées en accord avec le débiteur saisi et à défaut d'accord, désigner la Scp Aubert-Lefebvre-Grenet-Hauzay, commissaires de justice associés à Neufchâtel-en-Bray, avec faculté de substitution ou de délégation laquelle pourra pénétrer dans ledit bien avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier en présence du maire de la commune, d'un conseiller municipal ou un fonctionnaire municipal délégué à cette fin par le maire ou à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont ni au service du créancier, ni de l'huissier de justice chargé de l'exécution,

- dit que lorsque le bien sera vendu :

- ordonne l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision,

- désigne Me [R] [K] notaire à [Localité 12] avec mission dès la vente du bien intervenue : préparer le projet de partage en tenant compte des droits des parties, des comptes d'administration des charges et du jugement à intervenir,

- débouté M. et Mme [G] de leur demande de dommages et intérêts,

- débouté M. [M] [E] de sa demande reconventionnelle,

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

- condamné M. [M] [E] à payer à M. et Mme [G], unis d'intérêts, la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à la charge de M. [M] [E], les entiers dépens de la présente instance.

Par déclaration du 11 septembre 2023, M. [E] a formé un appel contre le jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 26 janvier 2024, M. [E] demande, en vertu des articles 100, 125, 1355, et 1476 du code de procédure civile, de :

- voir infirmer le jugement du 12 juillet 2023 rendu par le tribunal judiciaire de [Localité 11],

statuant à nouveau :

- se voir donner acte de sa proposition d'achat des parts de M. et de Mme [G] au prix de 180 000 euros, soit directement, soit indirectement, par l'intermédiaire de la Sci Beaumont et Rosen,

- voir juger parfaite, depuis le 7 avril 2021, date de son offre, la vente à son profit de l'ensemble immobilier moyennant le prix de 180 000 euros,

- voir juger que cette somme sera séquestrée entre les mains du notaire jusqu'à l'extinction de toute voie de recours et que la décision à intervenir vaudra acte authentique de vente,

- voir ordonner la publication de la décision à intervenir à la conservation des hypothèques de [Localité 11],

- voir juger n'y avoir lieu à l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision pour cause de litispendance,

- voir condamner M. et Mme [G] au paiement des sommes de 3 000 euros pour procédure abusive et de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il fait valoir que l'avis de la chambre arbitrale rabbinique du 30 juin 2020 sur lequel s'est fondé le tribunal est en réalité un courriel adressé par le [Z] [I], membre de cette chambre arbitrale, à M. et Mme [G] qui n'a aucun caractère obligatoire, qu'il n'est pas davantage une décision.

Il ajoute que la sentence arbitrale du 7 janvier 2010 a autorité de la chose jugée sur le présent litige en application de l'article 1476 du code de procédure civile, car il implique les mêmes parties et a le même objet notamment le devenir de l'ensemble immobilier indivis, que le tribunal ne pouvait donc pas statuer à nouveau sur la question des droits des associés dans l'indivision et aurait dû soulever d'office cette fin de non-recevoir.

Il précise encore que le tribunal s'est trompé en assimilant le paragraphe C de la sentence arbitrale, lequel fait référence à la règle hébraïque 'God et Igoud', à l'article 815 du code civil régissant l'indivision en droit français ; que cette règle donne un droit de priorité à l'associé qui propose de racheter les parts de son co-associé dans le bien indivis, lequel ne peut pas en solliciter la vente notamment judiciaire ; que cette règle se distingue aussi de l'article 815-14 du même code relatif à la cession de sa part par un coïndivisaire à un tiers ; que cette règle signifie que l'indivisaire se prive de la possibilité de céder à un tiers et qu'il appartient aux associés de négocier et de s'entendre sur un prix.

Il estime qu'en application de cette règle, M. et Mme [G] ne pouvaient pas refuser son offre qui correspond à l'estimation qu'ils font eux-mêmes du montant de leur part égale à 180 000 euros et qui a un caractère satisfactoire ; qu'en outre, le prêt conclu avec la Sa Fortis Banque France ayant été totalement remboursé en août 2015, M. [G] lui est redevable d'un loyer entre le 1er septembre 2015 et septembre 2023 pour un total de 140 329,90 euros et d'un solde de taxes foncières qu'il a été contraint de régler de 18 229,50 euros ; que la question de ces remboursements fait déjà l'objet d'une procédure devant le tribunal judiciaire de Paris ; que le tribunal judiciaire de [Localité 11] ne pouvait donc pas renvoyer la question des droits des parties dans l'indivision au notaire désigné sans en tenir compte.

Par dernières conclusions notifiées le 26 décembre 2023, M. [G] et Mme [X] épouse [G] sollicitent, sur la base des articles 751, 752, 755, 840, 56 du code de proédure civile, 815, 815-5, 1240, 1360 du code civil, de :

- voir confirmer la décision rendue le 12 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de [Localité 11],

- se voir autoriser à vendre seuls et hors le concours de M. [E] les biens et droits immobiliers ci-après décrits : l'ensemble immobilier sis au [Adresse 2] comprenant :

. un terrain de 12 000 m²,

. des constructions sur une emprise de 1 275 m²,

. trois studios de 29 m² comprenant chacun : un séjour avec coin cuisine, une chambre, un cabinet de toilette avec évier, douche et Wc,

. vingt-trois pavillons de 39 m² comprenant chacun : un séjour, deux chambres, un cabinet de toilette avec évier, douche, Wc,

. six pavillons de 45 m² comprenant chacun : un séjour, trois chambres, un cabinet de toilette avec évier, douche,

. une salle culturelle de 56 m²,

. une salle polyvalente de 62 m²,

. un local bibliothèque,

. un atelier réserve de 28 m²,

. jeux extérieurs,

. un bureau d'accueil,

. ainsi que les équipements pour faire fonctionner le centre de vacances listés à l'acte de vente, le tout figurant au cadastre de ladite commune section [Cadastre 6] numéros :

[Cadastre 3] '[Adresse 14]' pour une contenance de 08a 35ca, [Cadastre 4] '[Adresse 14]' pour une contenance de 04a 09ca, et [Cadastre 5] '[Adresse 2]' pour une contenance de 01ha 07a 15ca, soit une contenance totale de 01ha 19a 59ca, à l'amiable au prix de 360 000 euros,

à défaut, à titre subsidiaire, vu les désaccords persistants,

- voir ordonner la vente sur licitation à la barre du tribunal judiciaire de [Localité 11],

- voir fixer la mise à prix à 300 000 euros avec faculté de baisse d'un quart, d'un tiers puis de moitié en cas de carence d'enchères,

- voir dire que le cahier des conditions de vente sera dressé par Me Pascale Rondel, membre de la Sas Fortium Conseil, dans les termes et conditions prévus par la loi,

- voir dire que, s'agissant pour les co-indivisaires d'opérations de compte liquidation partage, il pourra être inséré dans le cahier des conditions de vente des clauses d'attribution prioritaire à l'indivisaire qui serait intéressé à l'acquisition du bien notamment,

- voir fixer les conditions essentielles de la vente et déterminer les modalités de la publicité à faire conformément à la loi,

- voir ordonner l'aménagement de la publicité en complétant les mesures de publicité prévues par l'article R.322-32 du code des procédures civiles d'exécution dans les journaux par une publicité supplémentaire dans un journal régional ou national compte tenu de la nature, de la valeur, de la situation de l'immeuble ou toute autre circonstance particulière, en l'occurrence :

. L'Informateur de Eu,

. Les Informations dieppoises,

. Le Réveil de Neufchâtel,

. sur le site de la maison de l'avocat de [Localité 11] www.avocats-[Localité 11].fr,

. les agences immobilières et les notaires du secteur,

. un site ou journal d'annonces immobilières judaïque,

- voir dire que l'immeuble sera visité par les éventuels amateurs dans les conditions déterminées en accord avec le débiteur saisi et à défaut d'accord, désigner la Scp Aubert-Lefebvre-Grenet-Hauzay, commissaires de justice associés à Neufchâtel-en-Bray, avec faculté de substitution ou de délégation laquelle pourra pénétrer dans ledit bien avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier en présence du maire de la commune, d'un conseiller municipal ou un fonctionnaire municipal délégué à cette fin par le maire ou à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont ni au service du créancier, ni de l'huissier de justice chargé de l'exécution ;

dès lors que le bien sera vendu,

- se voir donner acte de leur proposition de partage,

- voir ordonner les opérations de compte liquidation partage de l'indivision,

- voir désigner tel notaire qu'il plaira au tribunal de nommer avec mission dès la vente du bien intervenue : préparer le projet de partage en tenant compte des droits des parties, des comptes d'administration des charges et du jugement à intervenir,

- voir débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes ;

en tout état de cause, si la cour d'appel s'estimait insuffisamment informée,

- en vertu des articles 184 et suivants et/ou 199 et suivants du code de procédure civile, voir ordonner l'audition par la cour d'appel des membres de la chambre d'arbitrage rabbinique et/ou des arbitres ayant décidé de répondre aux sollicitations des conseils des parties, dont [Z] [I] ;

y ajoutant, constatant que l'appel est dilatoire et totalement abusif,

- voir condamner M. [E] à leur régler les sommes de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- voir dire et juger que les dépens seront soit réglés par l'adjudicataire si le bien est vendu sur licitation, soit pris en charge dans le cadre des opérations de compte liquidation partage dans le cas contraire.

Ils font valoir que l'urgence commande de vendre l'ensemble immobilier, les nombreuses démarches amiable tentées en ce sens, y compris devant un tribunal arbitral, étant restées vaines; que le refus de M. [E] de sortir de l'indivision a mis en péril l'exploitation du centre de vacances qui n'est plus entretenu, ne dégage plus aucune recette, et dévalue l'immeuble sans compter les récents vols d'équipements et risques de nouveaux actes de vandalisme et la nécessité de payer les charges, taxes, et impôts ; que M. [E] s'est rétracté de l'arbitrage alors que la sentence arbitrale du 7 janvier 2010 avait clarifié les droits respectifs de chacun et fixé un cadre de négociation ; qu'il a également refusé l'offre d'un tiers au prix de 360 000 euros laquelle est devenue caduque ; que les conditions de l'article 815-5 du code civil tendant à être autorisés à passer seuls l'acte de vente de l'ensemble immobilier au prix minimum de 360 000 euros sont réunies.

Ils précisent qu'ils sont créanciers de M. [E] à hauteur de la somme de

128 373 euros, à laquelle s'ajoutera le montant de leur part à l'issue de la vente immobilière.

Ils répondent à M. [E] que celui-ci a une interprétation personnelle de la sentence arbitrale du 7 janvier 2010 et de la règle 'God et Igoud' dont il ne peut plus demander aujourd'hui l'application car il s'est rétracté de la procédure d'arbitrage ; que la sentence arbitrale rabbinique du 30 juin 2020 a conclu que, de ce fait et ayant refusé de signer le compromis arbitral, celui-ci avait le statut de 'sarban' qui les autorisait à poursuivre leur démarche devant les tribunaux civils compétents ; que M. [E], en saisissant le tribunal judiciaire de Paris, et non pas la chambre rabbinique, sur la question des loyers, s'est appliqué ce statut de 'sarban' ; qu'il a refusé de régler M. [C] alors qu'il l'avait désigné.

Ils ajoutent que l'explication unilatérale de la règle 'God et Igoud', donnée par un des arbitres de la chambre arbitrale rabbinique et que M. [E] a sollicitée après le jugement, ne signifie pas que les associés doivent rester dans l'indivision ou proposer des parts au plus offrant, mais permet l'ouverture des opérations de compte liquidation partage puisqu'ils sont avec M. [E] tenus par une indivision ; que, le

7 janvier 2010, la chambre d'arbitrage n'était saisie que de la question de savoir si l'un ou l'autre des associés pouvait acheter les parts de l'autre, et pas de la question du droit de vendre les parts de l'autre associé à un tiers ou de vendre sur licitation ; que M. [E] n'a pas de droit absolu de racheter seul leur part au prix qu'il aura convenu car cela est contraire à la sentence arbitrale du 7 janvier 2010 si elle s'applique, et dans tous les cas, aux articles 815 et suivants du code civil.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 13 mars 2024.

MOTIFS

Sur la vente du bien indivis

L'article 1484 alinéa 1er du code de procédure civile précise que la sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche.

En l'espèce, aux termes du paragraphe C précité de la sentence arbitrale du 7 janvier 2010, le tribunal rabbinique a prévu l'application de la procédure de 'God et Igoud' dans l'hypothèse d'une séparation des associés, sans donner plus de détails, leur laissant implicitement le soin de le saisir de nouveau.

C'est ce qu'a fait M. [E] au cours du premier semestre 2020.

Dans son projet de compromis d'arbitrage adressé aux parties par courriel du 18 juin 2020, le [Z] [I], un des arbitres de la Chambre arbitrale rabbinique, y a précisé à la page 2 que l'un des objets du litige à nouveau soumis à l'arbitrage portait sur les conditions de la vente de l'immeuble indivis et sur la détermination des droits de chaque associé.

M. [E] a refusé ce compromis le même jour et, le 25 juin 2020, par le biais de son avocat, a mis fin à l'arbitrage.

L'interruption de cette procédure de règlement des litiges n'enlève pas à la sentence arbitrale du 7 janvier 2010 son autorité quant à l'application entre les parties de la règle rabbinique du 'God et Igoud' pour résoudre leur différend.

Le seul avis du [Z] [I], contenu dans un courriel qu'il a uniquement adressé à M. et Mme [G] le 30 juin 2020, selon lequel M. [E], s'étant rétracté de l'arbitrage et ayant refusé de signer le compromis d'arbitrage, avait un statut de 'sarban' qui les autorisait à poursuivre leur démarche devant les tribunaux civils compétents, n'a qu'une valeur informative. Il ne remet pas en cause l'autorité de la chose jugée attachée à la sentence arbitrale du 7 janvier 2010.

Dans un courriel adressé aux parties en janvier 2016, A. [H], au nom des dayanim (juges) de la Chambre arbitrale rabbinique, contacté tant par Mme [G] en novembre 2015 que par M. [E] le 8 janvier 2016, expliquait que : 'Dans le cas d'une association l'offre et la demande s'exprime par ce que la Halacha a déjà prévue par Goud o igoud, soit une proposition réciproque d'achat ou vente. Cette attitude correspond à une évaluation qui est soumise au risque que l'autre associé accepte d'acheter. L'offre ciblée et singulière y est forcément soumise à la demande.

Si un des associés propose un prix bas il devra supporter que son associé lui achète à ce prix car les deux associés ont un droit réciproque de préemption.'. La Halacha ou Alakha est définie dans le dictionniare Larousse comme la réglementation religieuse, juridique, et morale qui définit une observance correcte du judaïsme.

Cette conception de la règle du 'God et Igoud', qui donne priorité à l'associé en cas de vente des parts de son co-associé, est corroborée par les indications du [Z] [I] données à l'avocat de M. [E] dans un courrier du 27 septembre 2023. Il y précise que le paragraphe C ou alinéa 3 'rappelle, selon le règlement appliqué par notre Chambre Arbitrale Rabbinique, les principes de séparation entre deux associés . Le principe énoncé, cité en Hébreu dans le sentence en français, rappelle que l'évaluation de la part de chacun des associés sera possible du fait du droit réciproque de chacun de racheter les parts de l'autre.

Ce principe installe que lorsqu'un des deux associés manifeste vouloir mettre un terme à leur collaboration, si le bien en question ne supporte pas de partage, que les droits de chacun de racheter les parts de l'autre sont au plus offrants.

Ce principe permet une évaluation de fait de l'offre et la demande propres aux deux associés.

Dans le litige dont vous m'informez après plus de dix ans après cette sentence, vous m'annoncez qu'une vente peut etre prononcée alors que M. [E], associé, ne veut pas se démettre de ses parts.

Nous n'avons statué que du droit de chacun des associés d'acheter les parts de l'autre, nous n'avons jamais statué d'un droit de vendre les parts de l'autre associé.'.

Le sens ainsi donné à la règle du 'God et Igoud' n'est pas contredit par l'indication insérée par le traducteur de la sentence arbitrale pour l'expliquer. En effet, celui-ci n'évoque pas l'hypothèse de la vente des parts du bien indivisible d'un associé à un tiers, mais uniquement la vente entre les associés pour sortir de l'indivision.

Il n'est pas davantage remis en cause par le [Z] [I] dans un courriel du

20 décembre 2023 qu'il a adressé à l'avocate de M. et de Mme [G] pour répondre à ses interrogations sur l'objet du compromis arbitral de juin 2020. En effet, ses explications, selon lesquelles les arbitres n'ont pas émis l'éventualité d'un partage de l'indivision, ne reviennent pas sur la définition de la règle du 'God et Igoud' qu'il a donnée le 27 septembre 2023 et qui confirmait celle déjà apportée le 8 janvier 2016.

La saisine par M. [E] du tribunal judiciaire de Paris pour obtenir le paiement du solde des taxes foncières qu'il a acquitté et des loyers échus de l'ensemble immobilier depuis la fin du remboursement du prêt immobilier le 30 août 2015 ne vise pas à remettre en cause la sentence arbitrale du 7 janvier 2010, en son paragraphe C, sur l'application de la règle du 'God et Igoud'. Contrairement à ce qu'indiquent les intimés, elle ne constitue pas un renoncement de M. [E] au bénéfice de cette sentence sur ce point.

Dès lors, l'application de cette règle qui a été acceptée par les parties en exécution de la sentence arbitrale du 7 janvier 2010 exclut celle des articles 815 et suivants du code civil, qui régissent l'indivision, pour régler les conditions de la fin de leur association portant sur l'immeuble acquis indivisément et de la vente de celui-ci.

M. et Mme [G] seront déboutés de leurs réclamations aux fins de vente de l'immeuble indivis. Le jugement du tribunal ayant rejeté leur demande tendant à être autorisés à vendre seuls cet immeuble et fondée sur l'article 815-5 du code civil sera confirmé. En revanche, il sera infirmé en ce qu'il a ordonné sa vente sur licitation et prévu les modalités de celle-ci.

La proposition de M. [E] d'acheter la quote-part de son associé dans l'ensemble immobilier au prix de 180 000 euros qu'il a formulée dans son courrier du 7 avril 2021 est conforme à la règle du 'God et Igoud'. En effet, M. et Mme [G] réclament un prix total d'achat de 360 000 euros en cas de vente amiable, soit une quote-part leur revenant de 180 000 euros, l'autre moitié étant déjà la propriété exclusive de M. [E]. La règle du plus offrant entre les seuls associés est respectée.

Il sera donc fait droit à la demande de M. [E] tendant à voir juger parfaite cette vente intervenue à son profit à ladite date au prix de 180 000 euros. Par contre, à défaut de précision sur le nom du séquestre à qui cette somme sera remise, sera nommé à cet effet Me [V] [A], notaire à [Localité 12], jusqu'à l'extinction de toute voie de recours.

Sur l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision

Selon l'article 100 du code de procédure civile, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office.

Dans le cas présent, l'action engagée par M. [E] devant le tribunal judiciaire de Paris vise à obtenir le remboursement du solde de taxes foncières qu'il a réglé et le paiement de loyers échus en exécution de la sentence arbitrale du 7 janvier 2010. Elle se distingue de l'action engagée par M. et Mme [G] aux fins d'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision portant sur l'ensemble immobilier acquis le 31 août 2000.

Il n'y a donc pas de litispendance entre ces deux instances.

En revanche, pour les motifs spécifiés dans les développements ci-dessus, les règles de l'indivision ne sont pas applicables.

Dès lors, M. et Mme [G] seront déboutés de toutes leurs demandes afférentes. La décision contraire du tribunal sera infirmée.

Sur la demande d'audition

Les pièces versées aux débats par les parties, notamment le courriel du 8 janvier 2016 de A. [H] au nom des dayanim et les courriers et courriels du [Z] [I] précités, sont suffisantes pour trancher le litige et ne nécessitent pas l'audition complémentaire notamment de leurs auteurs.

Cette demande sera rejetée.

Sur les demandes indemnitaires

L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

1) Sur la demande de M. et de Mme [G] pour appel dilatoire et abusif

Ces derniers ne démontrent pas que l'appel interjeté par M. [E], lequel a été accueilli pour une grande partie, a été abusif. De plus, ils ne caractérisent aucun dommage.

Leur réclamation sera rejetée.

2) Sur la demande de M. [E] pour procédure abusive

Celui-ci ne développe aucun moyen au titre de cette prétention dans le corps de ses écritures. Elle sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais de procédure.

Parties perdantes, M. et Mme [G] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de les condamner également à payer à M. [E] la somme de

6 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe :

Dans les limites de l'appel formé,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. et de Mme [G] fondée sur l'article 815-5 du code civil,

Confirme le jugement de ce chef,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [J] [G] et Mme [F] [X] épouse [G] de toutes leurs demandes,

Dit que la vente intervenue le 7 avril 2021 de la quote-part de son associé M. [J] [G] et de son épouse Mme [F] [X] dans l'ensemble immobilier, situé [Adresse 14] et [Adresse 2], et cadastré section [Cadastre 6] numéros : [Cadastre 3] '[Adresse 14]' pour une contenance de 08a 35ca,

[Cadastre 4] '[Adresse 14]' pour une contenance de 04a 09ca, et [Cadastre 5] '[Adresse 2]' pour une contenance de 01ha 07a 15ca, soit une contenance totale de 01ha 19a 59ca, au profit de M. [M] [E] pour le prix de 180 000 euros est parfaite,

Dit que cette décision vaut vente et sera publiée au service chargé de la publicité foncière de [Localité 11],

Dit que la somme de 180 000 euros sera séquestrée entre les mains de Me [V] [A], notaire à [Localité 12], jusqu'à l'extinction de toute voie de recours,

Condamne M. [J] [G] et Mme [F] [X] épouse [G] à payer à M. [M] [E] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne M. [J] [G] et Mme [F] [X] épouse [G] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, La conseillère faisant fonction de présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 23/03079
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;23.03079 ?
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