N° RG 22/03930 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JHPX
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 29 MAI 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2018F00172
Tribunal de commerce d'Evreux du 21 juillet 2022
APPELANTES :
S.A.R.L. DOMAINE EQUESTRE DE LA BONDE
venant aux droits de la société VIKENTO CONSTRUCTION
RCS d'Evreux 388 871 956
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée et assistée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de l'Eure, substitué par Me Simon BADREAU, avocat au barreau de l'Eure,
S.C.E.A. DU CENTRE EQUESTRE DE LA BONDE
RCS d'Evreux 519 190 789
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée et assistée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de l'Eure, substitué par Me Simon BADREAU, avocat au barreau de l'Eure,
INTIMEE :
S.A.R.L. [L] [V] ET SES FILS
RCS de Paris 304 178 924
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-GREGOIRE LECLERC, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me VIBERT Amélie de la Scp BRODU-CICUREL-MARIE-MEYNARD-GAUTHIER, avocat au barreau de Paris,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 27 mars 2024 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 27 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 mai 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 mai 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Dans le but de développer leur activité de centre équestre, la Sarl Vikento Construction et la Sarl Centre équestre de la Bonde ont souhaité en 2018 disposer d'une nouvelle carrière. Les travaux ont été confiés à la Sarl [L] [V] et ses fils.
Cette dernière a adressé deux factures respectivement de 16 440 euros et de
7 500 euros. La Sarl Vikento ne les a pas payées.
Par acte d'huissier du 18 septembre 2018, la Sarl [L] [V] et ses Fils a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Évreux, la Sarl Vikento Construction, aux fins de la voir condamnée à lui verser la somme de 23 940 euros, en principal, des pénalités de retard calculés au taux de 12,5 % par an sur le montant de chaque facture à compter de sa date d'exigibilité et jusqu'au complet paiement, une pénalité de recouvrement de 80 euros et 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 21 juillet 2022, le tribunal de commerce d'Evreux a :
- condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction à régler à la société [L] [V] et ses Fils la somme de 16 440 euros à titre de la facture du 9 juin 2018,
- condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction à régler à la société [L] [V] et ses Fils des pénalités de retard calculées au taux de 10 % par an sur le montant de la facture et à compter de la date d'exigibilité de la facture jusqu'à son complet paiement,
- condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction à régler à la société [L] [V] et ses Fils la somme de 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
- condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction à régler à la société [L] [V] et ses Fils la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société [L] [V] et ses Fils de ses autres demandes,
- débouté la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction de ses autres demandes,
- condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la sociétéVikento Construction aux dépens, dont frais de greffe de la présente décision liquidés à la somme de 115,46 euros.
Par déclaration reçue au greffe le 7 décembre 2022, les sociétés Domaine équestre de la Bonde, et Centre équestre de la Bonde ont formé appel du jugement.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 15 mars 2024, la Sarl Domaine équestre de la Bonde et la Scea Centre équestre de la Bonde demandent à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, 1101 et suivants, 1219, 1792 et 1231-1 du code civil, de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction à régler à la société [L] [V] et ses Fils la somme de 16 440 euros au titre de la facture du 9 juin 2018,
. condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction à régler à la société [L] [V] et ses Fils des pénalités de retard calculées au taux de 10 % par an sur le montant de la facture et à compter de la date d'exigibilité de la facture jusqu'à son complet paiement,
. condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction à régler à la société [L] [V] et ses Fils la somme de 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
. condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction à régler à la société [L] [V] et ses Fils la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. débouté la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de Vikento Construction de ses autres demandes,
. condamné la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de Vikento Construction aux dépens, dont frais de greffe de la décision 115,46 euros,
. débouté la société Domaine équestre de la Bonde de sa demande tendant à voir condamner la société [L] [V] et ses Fils à lui régler la somme de
120 000 euros en réparation du préjudice financier ainsi que la somme de
10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau,
- rejeter l'intégralité des demandes formulées par la société [L] [V] et ses Fils,
- condamner la société [L] [V] et ses Fils à verser à la société Domaine équestre de la Bonde venant aux droits de la société Vikento Construction la somme de 108 720,40 euros, à parfaire, au titre de son préjudice matériel,
- condamner la société [L] [V] et ses fils à verser à la Scea Centre équestre de la Bonde la somme de 40 000 euros, au titre du préjudice subi par elle,
- condamner la société [L] [V] et ses Fils à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elles soutiennent qu'en présence d'une obligation de faire mise à la charge de l'une des parties, et en dehors de toute hypothèse de vente, de mandat ou de contrat de travail, le contrat doit obligatoirement être considéré comme un contrat d'entreprise qui met donc à la charge de l'entrepreneur une obligation de résultat, celle de fournir la prestation conformément aux prescriptions du client. Ainsi, en cas de manquement, la simple inadéquation du résultat à ce qui était initialement prévu suffit à engager automatiquement la responsabilité de l'entrepreneur.
Contrairement à ce que relève la Sarl [L] [V] et ses Fils, elles font valoir que tant le devis du 9 juin 2018, signé par les parties, que les prestations réalisées, notamment de terrassement démontrent que son intervention et dès lors sa responsabilité couvrait un service dépassant la seule location de matériel.
Rappelant les termes de ce devis et ceux d'un courrier du 13 février 2018, intervenu entre les sociétés Vikento Construction et [L] [V] et ses Fils, elles allèguent que si la description de la prestation litigieuse semble désigner la première comme celle qui serait intervenue sur le terrain ou celle qui aurait créé le fond de forme de la carrière, c'est en réalité la seconde qui a réalisé les travaux.
Se fondant sur un constat d'huissier versé aux débats, elles relèvent que les dimensions de la carrière ne correspondent pas aux dimensions transmises dans le devis contractuellement signé, dans la mesure où il est établi que la carrière est de 110 mètres sur 60 mètres, au lieu de 120 mètres sur 60 mètres + 5 mètres, tel que prévu dans le devis du 9 juin 2018. Elles ajoutent que la nouvelle commande de matériaux auprès de la société Carrières et Ballastières de Normandie était excessive.
Suivant constat d'huissier du 2 août 2018 également produit, elles soutiennent que la société [L] [V] et ses Fils, après avoir étalé une trop importante quantité de sable, a raclé le surplus pour niveler et araser la plate-forme ouvragée en sable sur des fondations en graves de trois calibres différents et sur un film géotextile. En procédant à un raclement non effectué dans les règles de l'art, le sable de [Localité 5] déposé a été pollué dans la mesure où il aurait perdu immédiatement non seulement sa haute qualité et performance, mais également son caractère utilisable et conforme à sa destination de carrière.
Elles précisent avoir constaté, lors de chaque arrosage du sable, nécessaire pour qu'il conserve sa haute performance, qu'en de nombreux endroits de la carrière apparaissaient des remontées de cailloux nécessitant d'être enlevés et stockés, avant d'être ramassés, alors que cette remontée de cailloux est particulièrement dangereuse pour la pratique équestre, tant pour les équidés, que pour les cavaliers.
Contrairement à ce qu'à pu retenir le tribunal, elles prétendent que la pollution du sable résulte de la mauvaise exécution de la mission de la société [L] [V] et ses Fils.
En réponse à l'argumentaire développé par celle-ci, elles considèrent que les allégations de cette dernière à propos des quantités commandées qui expliqueraient que la hauteur constatée par l'huissier soit plus élevée que la hauteur exigée par la société Vikento Construction, sont fausses dès lors que les quantités de ces matériaux définies dans le devis résultent de l'estimation donnée initialement par la société [L] [V] et ses Fils.
En conséquence, l'inexécution dans les règles de l'art des travaux par la société [L] [V] et ses fils est à l'origine de l'exception d'inexécution soulevée légitimement dès le 1er août 2018 par la société Vikento Construction, ces inexécutions étant suffisamment graves au sens de l'article 1219 du code civil.
Si par extraordinaire la cour devait accueillir les prétentions de l'intimée, et les débouter de leur demande en exception d'inexécution, elles sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a d'une part, retenu que le taux d'intérêt des pénalités de retard serait de 10 % du montant des factures, et d'autre part, limité le montant des condamnations au paiement de la facture de 16 440 euros TTC correspondant au devis accepté.
À titre principal, rappelant les dispositions de l'article 1792 du code civil, elles recherchent la responsabilité contractuelle de la société [L] [V] et ses Fils sur le fondement de la garantie constructeur, en faisant valoir que dès lors qu'il incombait à cette société, en qualité de professionnelle, de réaliser les travaux conformément aux prescriptions particulières applicables aux carrières équestres, cette dernière a manqué à son obligation de résultat en rendant la carrière totalement inutilisable par les usagers du centre.
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne retenait pas l'application de l'article 1792 du code civil, elles sollicitent que soit engagée la responsabilité contractuelle de la société [L] [V] et ses fils aux termes des articles 1231-1 et suivants du code civil.
Elles évaluent le préjudice subi par la société Vikento comme suit :
- le coût estimé pour la reprise des malfaçons qui nécessite de bâtir un nouvel ouvrage après démolition de l'existant, selon devis du 6 février 2023, établi par la société Huygues Renov à la somme de 89 030,40 euros TTC,
- le surcoût des matériaux supplémentaires commandés à l'initiative de la société [L] [V] et ses Fils pour une somme de 19 690 euros.
S'agissant de la Scea Centre équestre de la Bonde, elles évaluent son préjudice à la somme de 40 000 euros. Consécutivement aux manquements contractuels imputables à la société [L] [V] et ses Fils, l'utilisation de la carrière a été rendue impossible car ne respectant pas les normes encadrant la discipline sportive de sorte qu'elle a dû faire face à une surcharge d'utilisation de ses autres installations, entraînant une désorganisation dont elle n'était nullement à l'origine. Elle fait face à une véritable déconvenue quant à sa réputation.
Par dernières conclusions notifiées le 20 mars 2024, la Sarl [L] [V] et ses fils demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce, 202 et 700 du code de procédure civile, de :
- débouter la société Domaine équestre de la Bonde, venant aux droits de la société Vikento Construction, et la société Scea Centre équestre de la Bonde de l'ensemble de leurs demandes,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :
. débouté la société [L] [V] et ses Fils de sa demande de voir condamnée la société Domaine équestre de la Bonde, venant aux droits de la société Vikento Construction, à lui payer la somme de 7 500 euros TTC au titre de sa facture du
17 août 2018,
. condamné la société Domaine équestre de la Bonde à des pénalités de retard calculées au taux de 10 % par an au lieu de 12,5 % par an,
. condamné la société Domaine équestre de la Bonde à lui régler la seule somme de 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
en conséquence et statuant à nouveau sur ces seuls points,
- déclarer recevable et bien fondée la société [L] [V] et ses Fils en son appel incident,
y faisant droit,
- réformer le jugement entrepris,
- condamner la société Domaine équestre de la Bonde, venant aux droits de la société Vikento Construction, à payer à la société [L] [V] et ses Fils :
. la somme de 23 940 euros en principal,
. des pénalités de retard calculées au taux de 12,5 % par an sur le montant de chaque facture et à compter de la date d'exigibilité de chaque facture jusqu'à son complet paiement,
. la somme de 80 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- condamner in solidum la société Domaine équestre de la Bonde, venant aux droits de la société Vikento Construction, et la société Scea du Centre équestre de la Bonde à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société Domaine équestre de la Bonde, venant aux droits de la société Vikento Construction, et la société Scea du Centre équestre de la Bonde aux entiers dépens d'appel conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
Elle soutient que le devis émis en mars 2018 mentionnait que le terrain devait être préparé par la société Vikento Construction ; que la forme des pentes devait être créée par cette dernière ; qu'elle avait également à sa charge la mise en 'uvre d'une couche de sable de 12 centimètres. Ce devis qui n'a pas été accepté par la société Vikento Construction a été remplacé par celui du 9 juin 2018 qui prévoyait la suppression de la phase 2, pour un montant de 9 000 euros, la mise à disposition de machines avec opérateur pour mettre en 'uvre 700 tonnes de 40/100 sur 5 centimètres, 1 000 tonnes de 0/31,5 sur environ 8 centimètres et 700 tonnes de 0/6 sur environ 5 centimètres.
Elle affirme que la mise en 'uvre des 700 tonnes de 40/100 n'apparaît pas dans le premier devis qui visait la pose de sable de 12 centimètres et son compactage devant être réalisés par la société Vikento Construction de sorte que ces deux prestations ayant été ajoutées, le prix proposé ne pouvait qu'en être modifié à la hausse.
Contrairement aux allégations de la société Vikento Construction, elle explique que la pose du géotextile a été retirée des prestations fournies, ce qui explique le maintien de l'enveloppe, et lui permet d'affirmer que c'est en toute connaissance de cause et avec le recul nécessaire que cette dernière a signé le devis.
Elle fait valoir que le devis précise que sa mission se limitait à la mise à disposition de machines pour travaux de réglage d'une plate-forme, ce qui implique que les travaux étaient effectués sous la direction exclusive de la société Vikento Construction, laquelle est à l'origine de l'implantation de la plate-forme comme le précise le premier devis. Elle ajoute que les travaux à réaliser soient, uniquement pour les travaux supplémentaires décrits, n'impliquent en rien qu'ils aient été faits sous sa responsabilité puisqu'il s'agissait uniquement de définir les prestations que le conducteur aurait à faire pour en déterminer l'ampleur et la durée, données nécessaires à l'établissement du prix. Elle indique également qu'en tout état de cause, le schéma à usage futur de carrière intégré au devis était indicatif et dans tous les cas, est incomplet et inexploitable car n'étant pas intégré à un environnement.
Elle estime que la description du travail réalisé n'est qu'une justification du bon respect par son opérateur des instructions de la société Vikento Construction dont elle évoque également illégitimement le manque de sérieux dans le suivi du chantier et sa préparation. Il est abusif d'y lire sa reconnaissance d'avoir eu en charge la réalisation dans les règles de l'art, de l'aménagement d'une plate-forme à usage futur de carrière en sable blanc de [Localité 5], aux dimensions requises par la réglementation internationale pour l'organisation des championnats. Son obligation au titre du contrat conclu entre les parties était la mise à disposition de machines pour travaux de réglage d'une plate-forme, ce qui implique que les travaux étaient effectués sous la direction exclusive de la société Vikento. La qualification de louage d'ouvrage ne peut être retenue en l'espèce, puisque quand une partie s'oblige seulement à procurer à l'autre un matériel que cette dernière ne possède pas, afin de lui permettre d'exécuter ses obligations, il s'agit d'un bail.
Rappelant que le devis accepté est la seule pièce contractuelle engageant les parties, elle allègue que la société Vikento Construction ne saurait contester et dénaturer les mentions parfaitement claires qui y sont mentionnées et qui délimitent les prestations à fournir, à savoir aucunement la réalisation de fond de forme, comme l'affirme les sociétés appelantes, pour le prix donné.
Elle ajoute que M. [U] n'est jamais intervenu sur le chantier lorsqu'il était salarié de la société Tlb puisque le chef de chantier était alors M. [Y], employé de la société Vikento, lequel atteste avoir, à cette occasion, donné des instructions au chauffeur du bull de la société Tlb à savoir M. [J], celui-ci intervenant dans le cadre d'une « location en régie avec bull », c'est-à-dire sans aucune maîtrise sur la conception, contrairement aux mentions portées sur le devis.
Elle soutient que ses obligations consistant en une seule mise à disposition de moyens, les griefs évoqués par les appelantes ne peuvent constituer des fautes contractuelles, notamment, sur le fondement de l'article 1792, puisqu'il n'est aucunement question de réalisation de carrière dans le présent litige, mais de mise à disposition de machines avec opérateur pour travaux de réglage d'une plate-forme.
Faisant sienne la motivation retenue par les premiers juges, elle considère que l'existence de tas de cailloux ne démontrent pas en tant que tel une faute fondant sa responsabilité.
Sur les dimensions de la carrière, elle fait valoir que non seulement elle a travaillé sous les directives et instructions de la société Vikento Construction : cette dernière était responsable du fond de forme et a préparé le terrain où devaient être étalés les matériaux de sorte qu'elle n'a pas changé les dimensions du terrain, comme elle s'en explique dans son courrier du 27 août 2018, photographies à l'appui.
S'agissant des quantités de matériaux commandés, elle indique qu'il ne peut lui être reproché un calcul erroné et ainsi voir engager sa responsabilité puisque le devis accepté du 9 juin 2018, comporte la mention explicite « matériaux fournis par le client », le calcul des quantités nécessaires n'y étant pas mentionné comme étant à sa charge.
Sur les demandes reconventionnelles de la société Vikento Construction, elle fait valoir que les appelantes ne peuvent être que déboutées de leurs demandes dès lors qu'aucune faute n'est démontrée ni a fortiori, aucun préjudice en lien avec ces prétendues fautes, ce d'autant plus que les demandes ne sont pas justifiées par des pièces.
Elle est donc recevable et bien fondée à solliciter la condamnation de la société Vikento Construction à lui payer la somme principale de 23 940 euros correspondant au montant total de deux factures. Elle conteste la décision prise par le tribunal d'écarté sa facture n°45334 d'un montant de 7 500 euros alors que celle-ci correspond à l'augmentation de la durée initialement prévue de la mise à disposition fixée à 4 jours, durant 2 jours supplémentaires. En l'absence de disposition contraire, le taux des pénalités de retard doit être égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de
10 % alors qu'il est expressément prévu au titre de ses factures émises que le taux des pénalités de retard est de 12,5 % l'an. Elle demande la condamnation de la société Domaine équestre de la Bonde à lui verser la somme de 80 euros (2 factures ×
40 euros) à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 mars 2024.
MOTIFS
L'article 1101 du code civil dispose que le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.
L'article 1708 du code civil pose le principe selon lequel il existe deux sortes de contrats de louage : celui des choses et celui d'ouvrage.
L'article 1709 suivant définit le louage des choses comme étant le un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.
L'article 1710 du même précise que le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.
En l'espèce, les parties s'opposent quant à la définition du contrat passé entre elles afin d'en tirer des conséquences différentes.
Sur la créance de la Sarl [L] [V] et ses fils
Sur production du devis du 9 juin 2018 signé par la Sarl Vitenko Construction et de la facture du 21 juin 2018, pièces parfaitement concordantes quant à la définition des obligations de la Sarl [L] [V] et ses fils et du prix, il ressort que la commande portait sur la « Mise à disposition de machines pour travaux de réglage d'une plate-forme de 7 200 M2 » pour un montant de 16 440 euros TTC.
De façon détaillée, ces pièces visent précisément dans un paragraphe les « Matériaux fournis par le client », tonnages compris par nature de produit. Dans le second, définis comme des « travaux supplémentaires », sont prévus le rechargement du sablon en stockage sur le site avec camions en pelleteuse et mise en place sur la plate-forme sur 12 cm.
La mise à disposition et le travail ont été effectués de sorte que le montant facturé de 16 440 euros est dû. Le jugement sera confirmé sur ce point.
S'agissant de la somme supplémentaire réclamée à hauteur de 7 500 euros TTC, elle n'est évoquée que postérieurement à l'exécution du contrat, et pour la première fois dans la correspondance de la Sarl [L] [V] et ses fils du 3 août 2018 au titre d'une location supplémentaire en ces termes : location d'un Bull durant deux jours et location d'un compacteur durant 4 jours. Le devis ne sera édité que le 17 août 2018 sans avoir été accepté par la cliente. C'est à juste titre que les premiers juges ont écarté la demande de ce chef.
S'agissant des pénalités de retard, les premiers juges se sont référés à l'article L. 441-10 du code de commerce tandis que la demanderesse se fondait sur l'article L. 441-6 du code de commerce. L'article L. 441-10 susvisé dans sa version applicable soit avant la réforme née de l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 ne concerne pas les pénalités de retard.
L'article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable au contrat dont il s'agit, précise que tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée.
Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret.
En conséquence, les pénalités de retard pour non-paiement des factures sont dues de plein droit sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats. A défaut de dispositions contractuelles autres, les premiers juges ont retenu de façon justifiée le taux de 10 %.
Si les appelantes contestent la dette en invoquant l'exception d'inexécution, elles ne remettent pas en cause subsidiairement le principe et l'analyse posés par les premiers juges.
L'indemnité de recouvrement de 40 euros n'est pas autrement discutée. Une seule sera accordée puisque le devis non accepté par la cliente de 7 500 euros n'a pas été retenu pour fonder une créance.
Les dispositions du jugement sur la créance de la Sarl [L] [V] et ses fils, en principal, pénalités et indemnité de recouvrement seront donc confirmées.
Sur l'indemnisation de la Sarl Domaine équestre de la Bonde et de la Scea Centre équestre de la Bonde
Pour s'opposer au paiement des sommes dues et soutenir ses demandes indemnitaires, les appelantes invoquent l'exception d'inexécution et les obligations de la cocontractante sur le fondement de la responsabilité décennale à titre principal, de la responsabilité contractuelle à titre subsidiaire.
La Sarl Vikento Construction, à associé unique, M. [T] [D] était en 2018 une entreprise générale de bâtiment et donc une professionnelle des chantiers.
Lors de la commande effectuée par le dirigeant, elle n'a sollicité aucune intervention élaborée de la Sarl [L] [V] et ses fils, n'a produit aucune consigne, aucune instruction plaçant sa cocontractante face à des obligations exigeantes. Elle n'a fourni aucun plan, aucun descriptif à l'exception d'un schéma sommaire porté à la main sur le devis.
Conformément au devis du 9 juin 2018, le courriel tronqué adressé à M. [D] par la Sas Carrières et Ballastières de Normandie le 7 mai 2018 confirme que le dirigeant a géré la fourniture des matériaux, sans d'ailleurs expliquer la pertinence de ses choix sur le plan technique.
Alors que les appelantes allèguent des commandes faites à l'initiative de la Sarl [L] [V] et ses fils, elle s'abstient de produire ses propres commandes et factures concordantes pour démontrer la moindre initiative qui aurait été prise par celle-ci. Seules de telles pièces seraient de nature à vérifier la nature des matériaux commandés ainsi que les quantitatifs.
Il convient de souligner que les éléments versés à ce titre (facture incomplète du
30 juin 2018, grand livre général à la page du fournisseur et correspondance du fournisseur) sont libellés au nom de la Sci du château de [Adresse 6], autre société du groupe selon l'extrait K Bis du 3 septembre 2023 produit.
Elle communique en effet la lettre de la Sas Carrières et Ballastières de Normandie du 27 août 2018 concernant les impayés : elle comporte en annexe un devis non signé du 29 avril 2018 au nom du Domaine équestre de la Bonde. Elle confirme des livraisons sur site du 12 au 18 juin 2018, l'ordre des livraisons et le contact chantier donné, celui du « conducteur du Bull ». Ce seul contact ne peut emporter transfert de responsabilité sur ce salarié et dénaturation des termes du contrat signé avec son employeur portant sur la mise à disposition du matériel. Il convient de souligner que bien qu'étant l'auteur de la commande, le dirigeant de la Sarl Vikento Construction n'a pas assuré le contrôle des livraisons, la qualité et la quantité des produits.
Ce n'est que le 20 juin 2018 que M. [D] s'est préoccupé de l'état des approvisionnements de matériaux alors transmis par la Sas Carrières et Ballastières de Normandie le 21 juin. Celle-ci réclame paiement, non d'une partie de sa créance qui serait fondée sur des contestations sur l'auteur de la commande, mais de la totalité des commandes soit 67 210,45 euros TTC, et ne manque pas de rappeler qu'elle n'est pas à l'origine de l'estimation des besoins pour la carrière.
La Sarl [L] [V] et ses fils pas davantage.
Sans produire plus amplement les échanges afin d'en vérifier les contenus, le courriel que M. [D] a envoyé le 13 février 2018 à la Sarl [L] [V] et ses fils précise uniquement et de façon sommaire : « terrain sur lequel vous êtes intervenu (120*60m), mise en 'uvre d'une couche de grave calcaire (0/31.5) de 10 cm, géotextile 600g/m² et finition en calcaire (0/6) en reprenant la forme créée par vos soins (4 pentes) et compactage. Puis, mise en 'uvre d'une couche de 12 cm de sable et compactage. »
Contrairement à l'argumentation développée par les appelantes et au visa ci-dessus, la Sarl [L] [V] et ses fils n'était pas déjà intervenue sur site et particulièrement pour élaborer par terrassement et autres activités la carrière litigieuse. Si les sociétés ont bénéficié du recrutement d'un salarié commun,
M. [U], la facture versée par les appelantes de la Sarl TLB du 20 novembre 2016 permet de vérifier qu'il s'agissait alors d'une autre entité sociale mais surtout dans les mêmes conditions qu'en 2018 pour la Sarl [L] [V] et ses fils : en effet, la société cocontractante n'avait été sollicitée que pour une mise à disposition de matériel et des travaux divers.
En définitive, la convention souscrite est un contrat de mise à disposition et donc de location de matériel avec conducteur d'engin qui sous le contrôle de la Sarl Vikento Construction de principe à procéder au chargement et déchargement des matériaux sur la carrière et en l'espèce, selon les consignes très limitées, de cette dernière.
En conséquence, la Sarl Vikento Construction ne peut invoquer l'exception d'inexécution s'agissant d'un contrat de location respecté et exécuté conformément au devis signé. En l'absence d'ouvrage au sens des articles 1792 et suivant du code civil, elle ne peut se prévaloir de la garantie décennale qu'emporteraient des travaux.
Quant à la responsabilité contractuelle prévue à l'article 1231-1 du code civil, ce texte précise que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Les pièces ci-dessus évoquées démontrent que la mise à disposition du matériel avec conducteur d'engin est intervenue. La Sarl Vitenko Constructeur soutient en réalité que le travail n'a pas été correctement exécuté : comme indiqué, il lui revenait de prendre en charge l'utilisation des engins, aucune faute n'étant imputable à la Sarl [L] [V] et ses fils.
Il convient de souligner que les appelantes ne versent aux débats pour soutenir leurs demandes indemnitaires aucune pièce susceptible de démontrer l'existence d'un préjudice et de l'évaluer.
Le procès-verbal dressé par l'huissier de justice le 2 août 2018 est non contradictoire, sommaire pour ne pas avoir été établi par un technicien et repose sur les déclarations de M. [D] qui évoque des opérations de grattage pour désépaissir la quantité de sable en dehors de toute prestation qui aurait été effectuée par l'intimée. Quelques attestations de cavaliers ne sont pas davantage probantes. Les réclamations à hauteur de 108 720,40 euros pour la Sarl Domaine équestre de la Bonde et de 40 000 euros pour la Scea Centre équestre de la Bonde sont dépourvues de fondement.
Le jugement entrepris sera confirmé.
Sur les frais de procédure
Les appelantes succombent à l'instance et en supporteront in solidum les dépens.
Elles seront condamnées in solidum à payer à la Sarl [L] [V] et ses fils la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la Sarl Domaine équestre de la Bonde et la Scea Centre équestre de la Bonde à payer à la Sarl [L] [V] et ses fils la somme de
6 000 euros en application de l'article 700 du code d eprocédure civile,
Condamne in solidum la Sarl Domaine équestre de la Bonde et la Scea Centre équestre de la Bonde aux dépens.
Le greffier, La présidente de chambre,