La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2024 | FRANCE | N°22/03691

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 29 mai 2024, 22/03691


N° RG 22/03691 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JG6H







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 29 MAI 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



21/01881

Tribunal judiciaire d'Evreux du 20 septembre 2022





APPELANTE :



SASU IN VESTISS FRANCE

RCS de Beauvais 495 194 953

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée et assistée par Me Gaëlle MELO de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l'Eure substituée pa

r Me Laurent SPAGNOL







INTIMEE :



Madame [O] [F] épouse [X] [J]

née le 27 septembre 1927 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée et assistée par Me Emmanuelle MENOU de la SCP RSD AVOCATS, av...

N° RG 22/03691 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JG6H

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 29 MAI 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/01881

Tribunal judiciaire d'Evreux du 20 septembre 2022

APPELANTE :

SASU IN VESTISS FRANCE

RCS de Beauvais 495 194 953

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Gaëlle MELO de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l'Eure substituée par Me Laurent SPAGNOL

INTIMEE :

Madame [O] [F] épouse [X] [J]

née le 27 septembre 1927 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Emmanuelle MENOU de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau de l'Eure

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 18 mars 2024 sans opposition des avocats devant Mme BERGERE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [D] [Z]

DEBATS :

A l'audience publique du 18 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 mai 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 mai 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant acte authentique reçu le 11 avril 2019, Mme [O] [F] épouse [X] [J] a consenti à la Sasu In Vestiss France une promesse de vente d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 2]) au prix de 200 000 euros.

La promesse a été établie sous la condition suspensive de l'obtention par le bénéficiaire d'une part, d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel et d'autre part, d'un certificat de non-opposition à la déclaration préalable portant sur la division du terrain en trois lots, un bâti et deux à bâtir.

Par courrier du 19 décembre 2019, la société In Vestiss France a informé Mme [X] [J] de son souhait de ne plus acquérir le bien au prix initial et a sollicité une réduction du prix à 160 000 euros, en raison des poursuites administratives annoncées par les voisins de l'immeuble en cas de mise à exécution de la division envisagée.

Après avoir refusé cette proposition, Mme [X] [J] a mis vainement en demeure la société In Vestiss France, par courrier en date du 2 janvier 2020, de régler l'indemnité d'immobilisation contractuelle d'un montant de 20 000 euros.

Par exploit d'huissier en date du 24 juin 2021, Mme [X] [J] a fait assigner la société In Vestiss France devant le tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de condamnation en paiement de l'indemnité d'immobilisation et de dommages et intérêts.

Suivant jugement du 20 septembre 2022, le tribunal judiciaire d'Evreux a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- condamné la société In Vestiss France à payer à Mme [X] [J] la somme de 20 000 euros,

- débouté Mme [X] [J] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné la société In Vestiss France à payer à Mme [X] [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société In Vestiss France aux dépens de l'instance, avec distraction au profit de la Scp Spagnol-Deslandes-Melo,

- rejeté toutes demandes autres ou plus amples formées par les parties.

Par déclaration reçue au greffe le 15 novembre 2022, la société In Vestiss France a interjeté appel de cette décision.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 15 février 2023, la Sasu In Vestiss France demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1124 du code civil, de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [X] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

statuant à nouveau,

- débouter Mme [X] [J] de toutes ses demandes,

- condamner Mme [X] [J] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la Scp Spagnol-Deslandes-Melo.

Pour s'opposer au paiement de l'indemnité d'immobilisation, l'appelante critique le jugement entrepris en ce qu'il a soulevé d'office un moyen non soutenu par la demanderesse en première instance, à savoir le fait qu'elle ne justifiait pas du dépôt de sa déclaration préalable dans le mois de la signature de l'acte, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de la non-réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un certificat de non-opposition à la déclaration préalable purgée de tout recours à la date du 11 octobre 2019.

En outre et en tout état de cause, elle fait valoir qu'à cette date, la condition suspensive n'était pas réalisée, puisque le délai de recours n'était pas expiré et que les voisins, M. et Mme [T], pouvaient parfaitement engager une action, ainsi qu'ils l'avaient indiqué dans leur courrier du 30 septembre 2019.

Par ailleurs, elle soutient que l'argument relatif à la caducité décennale des règles d'urbanisme prévue par les dispositions de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme ne peut être sérieusement invoqué, ce texte supposant l'existence d'une carte communale, d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme, documents qui n'existent pas sur la commune de [Localité 6].

Elle estime donc que la promesse est devenue caduque et que son refus de lever l'option n'est pas discrétionnaire ou de pure convenance, mais qu'il résulte seulement de la non-réalisation d'une des conditions suspensives.

Sur la demande de dommages et intérêts, elle fait observer que Mme [X] [J] avait tout loisir d'accepter sa contre-proposition et qu'en tout état de cause, elle n'a subi aucun préjudice, puisqu'elle a finalement vendu son bien le 22 avril 2020 au prix de 192 000 euros net vendeur, soit 2 000 euros de plus que le prix fixé dans la promesse litigieuse à 200 000 euros dont 10 000 euros d'honoraires de transaction.

Par dernières conclusions notifiées le 2 mai 2023, Mme [X] [J] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;

y ajoutant,

- condamner la société In Vestiss France à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

L'intimée affirme que la motivation du premier juge ne peut être critiquée en ce que la société In Vestiss France n'ayant pas formé une demande de déclaration préalable dans le mois suivant la régularisation de la promesse, elle a, par son seul comportement, empêché la réalisation de la condition suspensive, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de cette situation.

En outre, elle soutient que l'argument fondé sur la crainte d'un recours exercé par les voisins est fallacieux, puisqu'en tant que professionnel de l'immobilier, elle ne pouvait ignorer que les critiques de M. et Mme [T] étaient infondées, de sorte qu'il n'existait aucun risque de recours efficace contre le projet.

Elle s'estime bien fondée en sa demande de dommages et intérêts, arguant de ce que s'agissant d'un professionnel de l'immobilier, sa tentative d'obtenir une réduction du prix de vente en arguant d'arguments fallacieux est fautive et abusive. Maintenant cette position en cause d'appel, elle estime que la société In Vestiss France doit être condamnée pour résistance abusive.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2024.

MOTIFS

Sur le paiement de l'indemnité d'immobilisation

Aux termes de l'article 1124 du code civil, la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.

Selon les articles 1103 et 1104 du même code, les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, suivant acte authentique du 11 avril 2019, Mme [X] [J] a consenti à la Sasu In Vestiss France une promesse de vente d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 2]) au prix de

200 000 euros. Le délai d'option expirait le 11 octobre 2019 à 16 heures. Ce contrat contient une clause prévoyant le paiement d'une indemnité d'immobilisation rédigée comme suit :

'Les PARTIES conviennent de fixer le montant de l'indemnité d'immobilisation à la somme forfaitaire de VINGT MILLE EUROS (20 000,00 EUR).

De convention expresse entre elles, le BÉNÉFICIAIRE est dispensé du versement immédiat de cette somme.

Toutefois, dans le cas où toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, et faute par le BÉNÉFICIAIRE ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais et conditions ci-dessus, ce dernier s'oblige irrévocablement au versement de celle-ci, à première demande du PROMETTANT et à titre d'indemnité forfaitaire pour l'immobilisation entre ses mains du BIEN pendant la durée des présentes.'

Outre les conditions suspensives de droit commun pour lesquelles il est constant qu'elles ont été réalisées, la promesse de vente a été conclue sous deux conditions suspensives particulières, l'obtention d'un certificat d'urbanisme préopérationnel et l'obtention d'un certificat de non-opposition à la déclaration préalable.

La société In Vestiss France ne conteste pas la réalisation de la première de ces conditions suspensives relative à l'obtention d'un certificat d'urbanisme préopérationnel.

Seule l'application de la seconde condition suspensive est discutée.

Cette clause contractuelle est rédigée comme suit :

'Compte tenu de la destination du BIEN envisagée par le BÉNÉFICIAIRE, un certificat de non opposition à une déclaration préalable portant sur la division du BIEN en trois lots dont un lot bâti et deux lots à usage de terrains à bâtir devra être obtenu par lui de l'autorité compétente. Ce certificat ne devra avoir donné lieu à aucun recours contentieux émanant de tiers ou à une décision de retrait de la part de l'administration.

Les parties sont dûment informées que seuls les lotissements sans travaux d'équipements communs sont soumis à déclaration préalable sauf s'ils sont mis à la charge d'une autre personne que lotisseur (une commune, un établissement public commercial et industriel, etc...).

En conséquence, le PROMETTANT habilite le BÉNÉFICIAIRE à effectuer une telle demande, et l'autorise dès ce jour à déposer à ses frais la déclaration préalable conformément aux dispositions d'urbanisme applicables;

L'obtention de ce certificat devra avoir lieu au plus tard le 1er août 2019.

Le délai de recours contentieux à la décision de non-opposition à la déclaration préalable court, à l'égard des tiers, à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage de la décision sur le terrain.

Pour se prévaloir de la présente condition suspensive, le BÉNÉFICIAIRE devra justifier auprès du PROMETTANT du dépôt de la déclaration préalable, et ce dans le délai de un mois à compter de ce jour, au moyen d'un récépissé délivré par l'autorité compétente.

En toutes hypothèses, le BÉNÉFICIAIRE pourra renoncer à se prévaloir de cette condition suspensive.

À défaut d'une telle renonciation ou en l'absence de l'octroi de ce certificat de non opposition, les présentes seront caduques.'

À la lecture de cette disposition contractuelle, c'est à juste titre et sans relever un moyen d'office, que le premier juge a considéré qu'à défaut de pouvoir justifier du dépôt de la déclaration préalable dans le délai d'un mois à compter de la signature de la promesse, la société In Vestiss France était mal fondée à se prévaloir de l'absence de réalisation de la condition suspensive stipulée en sa faveur, puisqu'il s'agit uniquement d'appliquer la force obligatoire du contrat dans les termes convenus entre les parties.

Or, la société In Vestiss France ne conteste pas ne pas avoir respecté ce délai. Au demeurant, cela ressort expressément du certificat d'autorisation tacite d'une déclaration préalable établi le 12 septembre 2019, puisque ce document mentionne que le dépôt de la requête a été fait le 21 juin 2019, soit plus de deux mois après la signature de la promesse.

En tout état de cause, il y a lieu de relever qu'en déposant tardivement sa demande d'autorisation préalable, de surcroît, juste avant la période estivale, qu'en affichant seulement le 21 octobre 2019 l'autorisation tacite, soit plus d'un mois après son obtention et postérieurement au terme de l'option alors que le délai de recours ne court qu'à compter du premier jour de cette formalité, la société In Vestiss France, par son comportement, a empêché la réalisation de cette condition suspensive.

Dans ces conditions, et conformément à l'application de l'article 1304-3 du code civil, par ailleurs expressément rappelé en introduction des dispositions contractuelles relatives aux conditions suspensives (page 8 de l'acte), il y a lieu de considérer qu'elle doit être considérée comme étant réalisée.

Toutes les conditions suspensives étant réalisées et la société In Vestiss France n'ayant pas levé l'option dans le délai, c'est à juste titre que Mme [X] [J] a sollicité et obtenu du premier juge le paiement de l'indemnité d'immobilisation contractuelle, et ce, peu important l'absence de préjudice, cette somme étant allouée à titre forfaitaire et la société In Vestiss France n'en sollicitant pas la réduction.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une indemnisation que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol.

En l'espèce, Mme [X] [J] ne rapporte nullement la preuve de la mauvaise foi ou d'un fait constitutif de malice ou de dol émanant de la société In Vestiss France. Il en est de même de l'existence d'un préjudice distinct des frais indemnisés au titre des frais irrépétibles.

En conséquence, il convient de la débouter de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions de première instance relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

La société In Vestiss France succombant, elle sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

L'équité et la nature du litige commandent qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [X] [J] à concurrence de la somme de 3 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme [O] [F] épouse [X] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Condamne la Sasu In Vestiss France à payer à Mme [O] [F] épouse [X] [J] la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sasu In Vestiss France aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 22/03691
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;22.03691 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award