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29/05/2024 | FRANCE | N°21/02170

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 29 mai 2024, 21/02170


N° RG 21/02170 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IZAW







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 29 MAI 2024







DÉCISION DÉFÉRÉE :



18/04529

Tribunal judiciaire de Rouen du 12 avril 2021





APPELANTS :



Madame [J] [Y]

née le 6 juillet 1979 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 7]



représentée et assistée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL HMP AVOCATS, avocat au barreau de Rouen





Monsieur [B] [O]

né le 25 juin 1981 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 7]



représenté et assisté par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL HMP AVOCATS, avocat au barreau de Rouen







INTIMEES :



Madame [R] [Z]
...

N° RG 21/02170 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IZAW

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 29 MAI 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/04529

Tribunal judiciaire de Rouen du 12 avril 2021

APPELANTS :

Madame [J] [Y]

née le 6 juillet 1979 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée et assistée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL HMP AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

Monsieur [B] [O]

né le 25 juin 1981 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représenté et assisté par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL HMP AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

INTIMEES :

Madame [R] [Z]

née le 5 janvier 1945 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par Me Christine MATRAY de la SELARL BESTAUX BONVOISIN MATRAY, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Caroline CHEVAUCHERIE, avocat au barreau de Paris

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE

RCS de Caen n° 478 834 930

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Joël CISTERNE de la SCP CISTERNE AVOCATS, avocat au barreau de Rouen et assistée de la Scp LEBLANC de BREK FOUCAULT, avocat au barreau de Caen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 18 décembre 2023 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 18 décembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 mars 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 17 avril 2024, puis au 29 mai 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 mai 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte notarié du 28 février 2018, Mme [J] [Y] et M. [B] [O] ont acquis de Mme [R] [Z] une maison située [Adresse 1]) pour le prix de 230 000 euros. Cet achat a été financé par un prêt consenti par la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie.

Mme [Z] leur avait précisé avant la vente que la toiture avait été refaite en 2017 et que le mur de la cage d'escalier avait été également repris.

Mme [Y] et M. [O] ont indiqué avoir découvert dans les jours suivant leur emménagement le 3 mars 2018':

- l'existence de fissures cachées lors de la visite des lieux,

- l'intervention de la Sas Brochard et fils deux ans auparavant pour effectuer des travaux importants sur les fondations de l'immeuble,

- divers documents relatifs à la consolidation des infrastructures de la maison démontrant que la Sas Brochard et fils avait entrepris des travaux nécessitant la démolition de l'escalier de cave, le terrassement et la reprise intégrale en sous-'uvre des fondations de la maison ainsi que la réfaction de la cave.

Mme [Z] a refusé la demande de procéder à la résolution de la vente faite par Mme [Y] et M. [O] qui dès lors ont saisi le tribunal judiciaire de Rouen.

Ces derniers ont également fait assigner la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie.

Par jugement du 12 avril 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a':

- condamné conjointement Mme [Y] et M. [O] à payer à Mme [Z] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné conjointement Mme [Y] et M. [O] à payer à la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné Mme [Y] et M. [O] aux dépens avec droit de recouvrement direct accordé à Me [L].

Par déclaration d'appel reçue le 26 mai 2021, Mme [Y] et M. [O] ont interjeté appel de la décision de première instance.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2022, Mme [Y] et M. [O] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1112-1, 1131, 1137, 1371n 1641 à 1645 du code civil, de':

- recevoir les consorts [O]-[Y] en leur appel et les en déclarer bien fondés ;

- infirmer en toutes ses dispositions frappées d'appel le jugement entrepris et le mettant à néant, statuant à nouveau,

à titre principal,

- prononcer l'annulation du contrat de vente immobilière passée le 28 février 2018 entre les parties portant sur un ensemble immobilier situé [Adresse 1], cadastré [Cadastre 10], pour la somme de 230 000 euros, publié au service de la publicité foncière de Rouen 1 le 13 mars 2018, Volume 2018 V n°192,

en conséquence,

- prononcer l'annulation du contrat de crédit immobilier consenti par la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à M. [Y] et Mme [O] par acte du même jour,

à titre subsidiaire,

- prononcer la résolution du contrat de vente immobilière passée le 28 février 2018 entre les parties portant sur un ensemble immobilier situé [Adresse 1], cadastré [Cadastre 10], pour la somme de 230 000 euros, publié au service de la publicité foncière de Rouen 1 le 13 mars 2018, Volume 2018 V n°192,

en conséquence,

- prononcer la résolution du contrat de crédit immobilier consenti par la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à Mme [Y] et M. [O] par acte du même jour,

en toute hypothèse,

- enjoindre à la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie d'adresser à Mme [Y] et M. [O] un décompte, à la date de l'arrêt à intervenir, des sommes dues en principal exclusivement, dont à déduire le principal d'ores et déjà amorti, ainsi que la totalité des intérêts, frais de dossier, frais de constitution de garantie, primes d'assurance, et d'une manière générale toutes sommes versées à l'exception de l'amortissement du principal,

- juger que le remboursement du principal ainsi déterminé interviendra dans les huit jours de la restitution par Mme [Z] du prix de vente de la maison,

- condamner Mme [Z] au paiement des sommes suivantes :

. celle de 230 000 euros au titre du remboursement du prix de la maison,

. les frais de notaire et droits d'enregistrement perçus par le notaire pour le compte du Trésor public, taxes foncières, primes d'assurance, frais divers, et autres à hauteur de 33 144,44 euros,

. le remboursement du prorata de taxe foncière sur l'année 2018 à Mme [Z] (1 046,27 euros),

. celle de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;

. celle de 7 057 euros au titre du préjudice matériel, se décomposant ainsi : 550 euros au titre du bâchage du toit, 804 euros au titre de l'expertise menée à leur demande, 5 253 euros au titre des taxes foncières de 2019 à 2022, 90 euros au titre du diagnostic mérule, 360 euros au titre du constat d'huissier du 15 septembre 2022,

- juger que la restitution du bien immobilier interviendra dès règlement intégral des sommes dues par Mme [Z], par remise des clés par leurs soins,

- condamner Mme [Z] à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Z] en tous les dépens, comprenant les frais de publication de l'assignation et de l'arrêt à intervenir.

Ils demandent l'annulation du contrat de vente sur le fondement du dol eu égard à la dissimulation de l'envergure des travaux antérieurs à la vente. Ils invoquent non seulement la nature des travaux tenant à la reprise en sous-'uvre des fondations, la nécessité de les réaliser mais également leur montant, à savoir plus de 30 000 euros, en ce qu'ils révèlent l'existence du traitement de désordres graves.

Ils estiment que Mme [Z] a gardé le silence de façon intentionnelle dès lors que celle-ci avait déclaré dans l'acte notarié qu'elle n'avait pas connaissance de construction ou rénovation dans les dix dernières années ni qu'aucun élément constitutif d'ouvrage ou équipement indissociable de l'ouvrage n'avait été réalisé dans ce délai. Ils arguent de sa contradiction en ce que Mme [Z] affirme par ailleurs qu'elle les a informés de l'existence d'importants travaux de reprise en sous-'uvre et de fondation pour plus de 30 000 euros réalisés quatre ans avant la vente, la vétusté ayant fondé la décision de réaliser les travaux concernant les escaliers étant avancé de façon aléatoire par la venderesse.

Ils considèrent que la réfection de la cheminée du voisin, M. [K], fait également difficulté au regard des informations qui n'ont pas été délivrées par Mme [Z]. En outre, cette dernière a dissimulé les désordres intérieurs en réalisant des travaux d'embellissement et alors même que des infiltrations persistaient. Ils contestent également la force probante des attestations versées aux débats par la venderesse dès lors qu'elles proviennent de proches de cette dernière et que d'autres attestations notamment de l'agent immobilier les contredisent.

Ils visent le caractère déterminant des informations dissimulées au regard de l'importance des désordres qui ont été cachés par Mme [Z].

Ils demandent également l'annulation du contrat de vente sur le fondement du dol eu égard à la dissimulation des travaux de toiture de l'immeuble. Ils indiquent avoir signé l'acte de vente sans avoir en leur possession la facture correspondant à la réfection de l'intégralité de la toiture au moment de la vente. Ils ajoutent que cette rétention constitue une man'uvre dolosive, tout comme le fait d'avoir repeint la pièce du troisième étage pour masquer l'humidité afférente aux problèmes d'infiltration liés à la toiture. Ils font état d'un préjudice économique reposant sur l'impossibilité de vendre leur maison en l'état.

À titre subsidiaire, Mme [Y] et M. [O] demandent la résolution de la vente pour vice caché.

Ils considèrent que le vice était caché par l'essentage réalisé deux mois avant la mise en vente de l'immeuble par Mme [Z]'; qu'il porte atteinte à la stabilité de la maison et qu'il rend aujourd'hui le bien impropre à sa destination.

Ils en concluent que la nullité ou la résolution du contrat doit entraîner la restitution de la somme de 230 000 euros auxquels s'ajouteront les frais exposés par les acquéreurs, soit 33 144,44 euros'et l'anéantissement du contrat de financement auprès de la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie qui devra restituer les sommes versées ainsi que leur adresser un décompte. Ils invoquent un préjudice matériel de 1 804 euros concernant les différentes expertises menées et un préjudice moral à hauteur de 30 000 euros.

Ils demandent également le débouté des demandes indemnitaires de Mme [Z] relatif à l'indemnité d'occupation sollicitée à hauteur de 1 818 euros par mois jusqu'à la libération intégrale des lieux dans l'hypothèse de l'annulation ou de la résolution de la vente.

Par dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2022, Mme [Z] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1137, 1643, 1352-3 du code civil et de l'article 1961 du code général des impôts, de':

à titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la nullité du contrat de vente immobilière intervenu le 28 février 2018 était ordonnée,

- condamner à titre reconventionnel Mme [Y] et M. [O] à titre d'indemnité d'occupation à lui payer la somme de 1 818 euros par mois à compter de leur emménagement intervenu le 1er mars 2018 et ce, jusqu'à la libération complète et effective des lieux par ces derniers et par tout autre occupant de leur chef,

- débouter Mme [Y] et M. [O] de leur demande tendant à la voir condamner au paiement de la somme de 14 109 euros au titre des droits d'enregistrement,

- débouter Mme [Y] et M. [O] de leur demande tendant à la voir condamner au paiement de la somme de 30 000 euros en indemnisation de leur préjudice moral et la somme de 7 057 euros au titre de leur préjudice matériel,

- débouter la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie de sa demande tendant à la voir condamner au paiement de la somme de 105 395,97 euros, correspondant à l'ensemble des intérêts échus et à échoir au titre des deux prêts souscrits auprès d'elle par Mme [Y] et M. [O],

- débouter la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie de sa demande tendant à la voir condamner au paiement de la somme 5 727,12 euros au titre des primes d'assurance déjà réglées au 15 janvier 2019, outre celles qui seront réglés entre le 16 janvier 2019 et la date de l'arrêt à intervenir au titre des prêts n°10000693511 et n°10000693512';

en tout état de cause,

- condamner Mme [Y] et M. [O] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Elle demande le rejet de la demande en annulation de la vente immobilière formulée par les acquéreurs en considérant qu'il n'y a pas de réticence dolosive commise au titre des travaux réalisés en 2014 et 2016. Elle estime avoir communiqué les informations relatives aux travaux avant même la signature du compromis en date du 9 novembre 2017 et celle de l'acte définitif en date du 28 février 2018.

Les attestations qu'elle produit sont celles des personnes qui l'ont accompagnée lors des visites de sa maison. Elles font état de l'information systématique des visiteurs concernant l'ensemble des travaux réalisés en cave, sur le mur mitoyen et en toiture. Il importe peu que le compromis et l'acte définitif ne mentionnent pas la réalisation de ces travaux. Elle ajoute que M. [A], agent commercial en charge de la vente, a également été informé des travaux. En outre, elle considère que l'attestation de Mme [M] ne souffre d'aucune contradiction dès lors qu'elle mentionne l'existence d'une fissure différente de celle à laquelle les acquéreurs font référence et qui aurait été découverte après le démantèlement d'un lambris.

Elle souligne que les acquéreurs ne respectent pas dans leur exposé la chronologie et les circonstances dans lesquelles ils prétendent avoir eu connaissance des travaux et donc postérieurement à la vente. Ainsi, elle précise que la prise de contact avec la Sas Brochard et fils ayant réalisé les travaux a été possible précisément parce qu'ils avaient été informés des travaux antérieurs. Elle relève les différentes versions alléguées par les acquéreurs pour justifier de l'existence décrite des désordres postérieurement à la conclusion de la vente. Elle conteste l'argumentation tendant à désavouer le caractère probant des attestations qu'elle produit.

Elle considère comme inopérant l'argument reposant sur l'importance des travaux litigieux pour considérer que leur dissimulation a été volontaire. Les travaux réalisés chez son voisin M. [K] sont sans lien avec ceux préconisés qui ont été préconisés par la Sarl Bureau d'étude de Haute-Normandie.

Elle déduit de ces éléments que l'article 1112-1 du code civil ne peut trouver application. La nullité pour dol n'est pas caractérisée à l'égard des travaux réalisés sur la toiture puisque le compromis du 9 novembre 2017 stipule que la toiture a été refaite entièrement en février 2017, sans qu'il ne s'agisse d'une réfection totale.

Elle sollicite le rejet de la demande de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ainsi que des conséquences corrélatives au motif que le contrat de vente stipule une clause d'exclusion de cette garantie en l'absence de connaissance par le vendeur du vice litigieux. Or, elle estime que les acquéreurs n'apportent pas la preuve de cette connaissance.

Dès lors qu'aucune résolution du contrat de vente n'est encourue, les demandes de la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie ne peuvent être accueillies notamment en ce que cette dernière sollicite le paiement de la somme de 5 727,12 euros au titre des primes d'assurance déjà réglées au 15 janvier 2019 ainsi que de la somme de 105 395,97 euros correspondant à l'ensemble des intérêts échus et à échoir au titre des deux prêts souscrits par Mme [Y] et M. [O].

Elle estime également être bien fondée à solliciter la condamnation de ceux-ci sur le fondement de l'article 1352-2 du code civil à lui verser la somme de 1 818 euros par mois à compter de leur emménagement intervenu le 1er mars 2018 et ce, jusqu'à la libération complète et effective des lieux par ces derniers. Les demandes des acquéreurs tendant à la voir condamner au paiement de la somme de 14 109 euros au titre des droits d'enregistrement et de 30 000 euros au titre du préjudice moral sont infondées.

Par dernières conclusions notifiées le 22 octobre 2021, la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie demande à la cour de':

à titre principal,

- confirmer toutes les dispositions du jugement entrepris,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour viendrait à prononcer l'annulation des prêts immobiliers accordés aux acquéreurs suivant offre en date du 16 janvier 2018,

- condamner Mme [Y] et M. [O] à lui payer':

. la somme de 250 656 euros en remboursement du capital du prêt n°10000693511, assortie des intérêts calculés au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,

. la somme de 20 000 euros en remboursement du capital du prêt n°10000693512, assortie des intérêts calculés au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,

- constater qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de remise d'un décompte arrêté à la date de l'arrêt à intervenir,

- débouter Mme [Y] et M. [O] de leur demande d'autorisation de ne verser les sommes dues au titre du capital prêté que 8 jours après avoir perçu la restitution du prix de vente,

- condamner Mme [Z] à lui payer les sommes suivantes :

. 15 829,31 euros au titre des intérêts du prêt n°10000693511 échus au 18 octobre 2021, outre les intérêts du prêt n°10000693511 échus entre le 18 octobre 2021 et la date de l'arrêt à intervenir,

. 341,23 euros au titre des intérêts du prêt n°10000693512 échus au 18 octobre 2021, outre les intérêts du prêt n°10000693512 échus entre le 18 octobre 2021 et la date de l'arrêt à intervenir,

. 84 396,95 euros correspondant au montant des intérêts normaux à échoir du prêt n°10000693511, au titre de sa perte de chance,

. 4 828,48 euros correspondant au montant des intérêts normaux à échoir du prêt n°10000693512, au titre de sa perte de chance,

. 500 euros au titre des frais de dossier,

. 2 257,00 euros au titre des frais de garantie,

. 5 727,12 euros au titre des primes d'assurance déjà réglées au 15 janvier 2019 au titre des prêt n°10000693511 et n°10000693512, outre celles qui seront échues entre le 16 janvier 2019 et la date de l'arrêt intervenir,

en tout état de cause,

- condamner le ou les succombants à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel,

- condamner le ou les succombants aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Cisterne, avocat au barreau de Rouen, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sollicite, à titre principal, la confirmation des dispositions du jugement entrepris.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse de l'annulation de la vente, elle demande, à titre reconventionnel la condamnation des appelants à lui rembourser les capitaux prêtés avec les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et frais. La mention du dispositif de leurs conclusions visant à fixer l'obligation de rembourser le principal huit jours après la restitution des fonds par M. [Z] doit être écartée puisque les demandes de dire et juger ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile et que les appelants ne justifient pas de leur situation personnelle démontrant des difficultés de paiement.

Elle soutient en outre qu'en cas d'annulation du contrat de prêt accessoire au contrat de vente, la banque est bien fondée à être indemnisée au titre de la restitution des intérêts échus et à se prévaloir de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir': elle développe en conséquence ses différentes prétentions à l'encontre de Mme [Z] au titre des frais de dossier et de garantie, des intérêts contractuels échus et à échoir, des primes d'assurance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2023.

MOTIFS

Sur la nullité de la vente pour dol

L'article 1130 du code civil dispose que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L'article 1137 du code civil dispose que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

L'acte de vente régularisé par les parties le 28 février 2018 ne porte, au paragraphe relatif à l'état du bien en page 12, aucune information particulière à l'exclusion de la clause élusive de responsabilité de la venderesse pour vice caché. En page 16, sous le paragraphe «'ABSENCE D'OPERATION DE CONSTRUCTION OU DE RENOVATION DEPUIS DIX ANS'», sont énoncés les dispositions suivantes':

«'Le VENDEUR déclare qu'à sa connaissance':

. aucune construction ou rénovation n'a été effectuée dans les dix dernières années,

. aucun élément constitutif d'ouvrage ou équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil n'a été réalisé dans ce délai.

Le VENDEUR déclare que la toiture a été refaite entièrement en 2017 par l'entreprise [D]'

Une copie de la facture a été remise à l'ACQUEREUR avant les présentes ainsi qu'il le reconnaît.'».

- Sur les travaux de toiture

Ainsi que l'énonce le premier juge, au titre des travaux de toiture, Mme [Y] et M. [O] ont admis en signant l'acte authentique le 28 février 2018 avoir reçu par la production de la facture utile les informations leur permettant de connaître la nature et l'ampleur des travaux effectués. Ils ne peuvent utilement se prévaloir d'un dol en présence d'une intervention sur l'immeuble documentée à leur égard.

La même mention était comprise dans la promesse de vente signée selon acte authentique du 9 novembre 2017. Lors de la vente, il ne s'agissait en conséquence que de la réitération d'un élément du dossier laissant aux futurs acquéreurs, durant plusieurs mois, la faculté d'agir soit en demandant les factures soit en sollicitant une modification de ces précisions si elles s'avéraient erronées.

Pour contester cette analyse, ils versent':

- une attestation de l'agent immobilier, M. [A], évoquant l'absence de production de la facture concernant les travaux de toiture tant lors du compromis que lors de la signature de l'acte de vente, facture qui n'aurait été produite que postérieurement sur intervention d'un huissier.

Même si l'agent immobilier n'est pas parti à la procédure, à la date de signature de l'attestation, il avait un intérêt à l'action engagée puisqu'il a procédé à la négociation sur mandat de la venderesse et au profit des acquéreurs et peut engager sa responsabilité en cas de manquements tant à l'égard de l'un comme à l'égard des autres. Cette seule déclaration ne peut contredire les mentions de l'acte authentique.

- la correspondance du notaire des acquéreurs,'Me [F] [X] du 16 juillet 2019 précisant qu'il ne disposait lors de la signature de l'acte d'aucun document relatif aux travaux de gros 'uvre sans toutefois faire état de la question de la toiture.

La disposition portée dans l'acte authentique précise que la communication a été faite «'avant les présentes'» de sorte que ni le notaire instrumentaire, ni le notaire assistant les acquéreurs n'a été impliqué dans la détention et la remise de cette facture.

- la mise en demeure des acquéreurs du 28 mai 2018 rappelant la nécessité de produire cette facture en raison de relances infructueuses.

Toutefois, nul ne peut établir une preuve pour lui-même. Cette correspondance seule ne peut établir le fait allégué.

- le constat d'huissier du 18 octobre 2018 démontrant l'état dégradé de la toiture peu compatible avec une réfection totale de la toiture.

Les appelants versent aux débats les factures n°399 à 402 établies le 26 juillet 2017 par M. [D] couvreur qui démontrent à la fois dans le cadre tant de la description que de leur coût, l'exécution de travaux importants sur la toiture et les gouttières, le remplacement d'un Vélux et la reprise de la cheminée avec pose d'une pièce de zinc pour assurer l'étanchéité de la toiture. Les travaux se sont élevés à la somme de

9 230 euros + 5 896 euros + 1 400 euros + 4 729 euros, cette dernière facture visant la pose de nouvelles ardoises sur une partie de la toiture côté jardin.

Ces pièces ne font pas état d'une réfection totale de la toiture mais de travaux importants permettant au profane de considérer que la toiture a été reprise de façon satisfaisante. Mme [Z] impute au notaire l'erreur de vocabulaire sur les termes «'la toiture a été refaite entièrement en 2017'». En tout état de cause, les mentions de l'acte authentique suffisent à considérer que les acquéreurs disposaient de ces éléments et qu'en outre, comme l'indique Mme [Z] dans ses écritures, avaient la faculté, sur simple contrôle visuel au cours de leurs visites, bien que profanes, d'observer l'absence de remise à l'état neuf de la toiture.

La démonstration d'un vice du consentement à ce titre n'est pas faite de ce chef.

- Sur les travaux de gros 'uvre

Il est acquis aux débats que l'acte authentique régularisé par les parties n'en fait pas mention alors que l'obligation de révéler les travaux exécutés au cours des dix années précédant dans les conditions susvisées la vente, pèse sur la venderesse.

Mme [Z] ne conteste pas la réalisation de différents travaux au cours de la période décennale puisqu'au contraire, elle expose en substance dans ses conclusions, conformément aux pièces produites par les parties, que':

- elle a constaté en septembre 2012 puis en mars 2014, l'apparition de fissures sur le mur mitoyen de sa maison au niveau de l'entrée au pied de la cage d'escalier,

- elle a sollicité le bureau d'études techniques Behn qui était intervenu en 2008 à la demande de ses voisins, M. et Mme [K] qui avaient alors constaté des fissures dans leur immeuble,

- en 2008, ce professionnel avait découvert une fuite de canalisation dans la cave à l'origine des fissures,

- en 2014, elle a confié à ce bureau d'études une mission de «'rapprochement des configurations mitoyennes afin de localiser les désordres et les éventuelles concomitances'» et de réalisation de sondages et d'identification des ouvrages,

- une poche d'eau sous forme de cavité était découverte sous l'escalier de la cave et pour partie sous le mur mitoyen des numéros 106/104 et avait pour origine des infiltrations accidentelles,

- «'cette présence d'eau, préjudiciable à la stabilité du mur mitoyen au 104/106, se trouvaient à l'origine des fissures constatées »'par elle,

- le bureau d'études a préconisé une consolidation des infrastructures de la zone située sous l'escalier et au pied du mur mitoyen,

- «'L'ensemble de ces travaux a été réalisé par l'entreprise BROCHARD et FILS et valablement réceptionné sans réserve par le BET BEHN, maître d''uvre d'exécution.'», la reprise des fissures et des embellissements devait ensuite être réalisés dans le délai usuel de stabilisation compris entre 6 et 12 mois,

- la reprise est de fait intervenue selon réception des travaux le 27 septembre 2016,

- les coûts totaux des travaux se sont élevés aux sommes de 31 490,80 euros TTC pour la Sas Brochard et fils et de 8 548,72 euros TTC pour la société Behn.

Mme [Z] indique elle-même qu'une nouvelle suspicion de présence d'eau en provenance de la maison voisine est née en 2016 au regard de l'affaiblissement du mur mitoyen ayant conduit à l'apparition des fissures dans la cage d'escalier'; que des investigations supplémentaires ont permis de découvrir que l'origine de la présence d'eau était une défectuosité de la cheminée de la maison voisine à l'aplomb du mur et des toitures des numéros 104 et 106'; que dans ce contexte, elle a fait intervenir M. [D] pour les reprises en toiture et sur la cheminée selon les factures visées dans l'acte de vente.

Ainsi, Mme [Z] fait sans difficulté l'aveu de l'exécution de travaux affectant la structure du bâtiment en raison de sa fissuration et d'infiltrations et dès lors sa pérennité entre 2012, année de découverte des difficultés et 2016, année de leur traitement.

Si la reprise de la cage d'escalier a eu pour cause des infiltrations provenant de la cheminée de la maison voisine, il n'en reste pas moins que les travaux exécutés relèvent du gros 'uvre en ce qu'il se portait sur la réfection du bâti. Les photographies versées aux débats et prises par le bureau d'études Behn en 2016 sont annotées pour relever une «'Désolidarisation du mur d'échiffre côté chambre'» et attirer l'attention sur l'état des chaînages bois. M. [Z] ne peut prétendre écarter ce sujet en soutenant que ce sinistre est extérieur à l'état de la maison alors que des travaux couverts par la garantie décennale ont été exécutés sur la propriété vendue.

Se prévalant à juste titre des mentions de l'acte authentique s'agissant des travaux de toiture pour contester tout manquement de sa part à l'égard des acquéreurs, Mme [Z] ne peut s'abstenir d'appliquer la même argumentation s'agissant de ses propres obligations.

En déclarant qu'à sa connaissance, aucune rénovation, aucun élément constitutif d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'avaient été réalisés au cours des dix dernières années, Mme [Z] a sciemment omis de signaler les interventions nécessaires durant plus de quatre ans, ce moins d'un an avant la mise en vente de la maison par deux agences immobilières initialement, moins de deux ans avant le transfert de propriété au profit de Mme [Y] et M. [O].

L'importance des travaux et la récurrence des problèmes à la fois de fissuration et d'humidité, quand bien même les causes en étaient différentes, étaient de nature à inquiéter de potentiels acquéreurs sur l'état de la maison et les risques encourus quant à sa solidité et sa pérennité. L'ampleur des interventions permet de considérer que l'information qu'aurait dû délivrer la venderesse était déterminante dans le processus d'acquisition du bien.

Pour exonérer la venderesse de toute réticence dolosive de Mme [Z], le premier juge a retenu les déclarations de Mme [M], une voisine et de M. [I], beau-père de M. [D] faisant état de la connaissance qu'avait acquise les acquéreurs de l'existence de travaux réalisés dans la cage d'escalier, la cave et sur le fonds voisin.

Mme [Z] conteste toute mauvaise foi, toute déloyauté à l'égard des acquéreurs en soutenant à l'aide de différentes attestations que Mme [Y] et M. [O] avaient connaissance de l'exécution des travaux même si elle ne s'explique pas clairement sur les raisons de son abstention tant lors de la régularisation du compromis que lors de la vente emportant transfert de propriété.

S'agissant des documents que Mme [Z] aurait pu communiquer aux acquéreurs, si plusieurs témoins confirment que cette dernière avait préparé une pochette avec des documents, aucun déclarant n'est en mesure d'apporter des précisions sur la nature des pièces préparées par l'intéressée et surtout, n'affirme que les documents ont été remis aux acquéreurs. L'argumentation de ce chef n'est pas probante.

S'agissant des témoins directs et objectifs des conditions de la vente, il ressort de l'attestation de Mme [M], ancienne voisine de Mme [Z], du 29 juin 2019 qu'elle a fait la connaissance des acquéreurs de la maison après la signature du compromis': «'l'état des murs était bien visible notamment la fissure dans le coin du mur séparant la cuisine du salon. Je me souviens que Mme [Z] a évoqué les travaux réalisés dans la maison': cave, cage d'escalier. Elle a également évoqué les travaux faits par le voisin... J'étais également présente quand le futur acquéreur est revenu avec un entrepreneur pour mesurer les fenêtres dans les étages. Le plafond de la chambre du 1er étage présentait bien une réparation suite à un dégât des eaux ainsi que des fissures en étoile. Il demeurait de fines fissures dans la cage d'escalier''».

M. [I] indique, dans l'attestation du 30 juin 2019, qu'il a rencontré M. [O] le 18 janvier 2017 et affirme que les désordres visés par les acquéreurs dans leur assignation étaient apparents lors de la vente et n'ont pu se révéler subitement après leur entrée dans les lieux. Il relève les différentes fissures apparentes.

Toutefois, les pièces produites démontrent que Mme [Z] avait traité durant plusieurs années des désordres affectant la structure du bâtiment et non seulement en raison des infiltrations de 2017 provenant du domicile de son voisin.

En effet, dès le 13 décembre 2013, elle a été destinataire d'une proposition du bureau d'études, la société Behn après examen de l'immeuble comprenant une phase investigations, sondages, diagnostic et prescriptions': le devis est libellé «'AVIS STRUCTUREL'». Les annexes jointes présentent des plans des immeubles de Mme [Z] et M. [K], niveau par niveau et des plans de coupe visant l'état de consolidation des immeubles, le repérage de la cavité à l'origine d'une humidité dans la maison. La mission du Behn a imposé des sondages destructifs dans l'escalier et le sol de la cave.

Le bureau d'études a de nouveau bénéficié d'une mission en 2014 en qualité de maître d''uvre. La facture de la Sas Brochard et fils du 11 juin 2024 qui s'élève à la somme de 23 137,36 euros est clairement libellée «'TRAVAUX DE CONFORTATION DES FONDATIONS DANS CAVE''. Le détail des postes est explicite et notamment pour exemple': «'Refouillement sous mur de fondation compris plus-value pour exécution en sous-'uvre et en plusieurs phases'Coffrage bois pour fondations compris calage, étaiement et travail réalisé en plusieurs phases'Béton pour fondation dosé à 350 kg de ciment... Sous l'angle de l'escalier, refouillement dans sol sous mur d'angle' Coffrage bois pour fondation''».

Le 27 septembre 2016, le bureau d'études Behn a présenté un dossier portant sur la reprise des fissures du mur nord de la cage d'escalier après le constat, comme indiqué ci-dessus, d'une désolidarisation du mur d'échiffre côté chambre vue le 19 septembre 2016.

Mme [Z] disposait d'un dossier complet sur l'état du bâti.

Par lettre du 15 décembre 2016 adressée à son assureur, Mme [Z] reprend clairement la chronologie en rappelant qu'elle a déboursé 26 233 euros en 2014-2015 et 8 848 euros en 2016 et souligne surtout que malgré les travaux engagés «'la fuite persiste'».

A réception de la lettre du 30 avril 2018 du conseil des acquéreurs qui évoquent des fissures découvertes parce que non apparentes et celle de l'existence de travaux entrepris dès 2013, Mme [Z] répond par lettre du 3 mai 2018':

- «'En 2013 il y a bien eu des travaux, il ne s'agissait nullement de «'travaux de consolidation des fondations'» mais de travaux de correction d'un défaut d'étanchéité du mur mitoyen entre ma maison et celle du [Adresse 2].

- C'est seulement en 2017 que mon voisin a des son côté, effectué les travaux nécessaires. J'ai attendu que la situation soit totalement saine pour mettre en vente. Lors des visites je faisais constater ces travaux en visitant la cave dont l'escalier a été refait en 2013. Ces travaux de 2017 assurant l'étanchéité du mur par le revêtement ardoisé et le comblement de la cheminée défectueuse de mon voisin du 106 ont été donnés à Maître [X] lors de la signature du compromis.'».

Mme [Z] confirme par cet écrit s'être abstenue de produire tout document sur les travaux antérieurs à 2017 et nie dans cette lettre, toute intervention sur la structure du bâtiment en renvoyant les difficultés sur l'état de l'immeuble voisin, en minimisant les désordres en les présentant comme les suites d'un défaut d'étanchéité du mur de la propriété voisine alors même que les pièces susvisées rapportent la preuve que la venderesse avait une connaissance éclairée par le bureau d'études de travaux effectués sur les fondations afin de stabiliser l'immeuble et traiter les conséquences de la cavité découverte.

Lors de la signature de l'acte de vente, elle a exactement déclaré, contrairement à la vérité décrite, qu'elle n'avait pas connaissance de travaux de rénovation ou entrant dans le champ de l'article 1792 du code civil. La seule évocation sommaire de travaux lors des visites et notamment la réfection de l'escalier de la cave était insuffisante pour éclairer les acquéreurs sur les actions conduites sur les fondations. La révélation de telles difficultés était de nature à influencer le choix des acquéreurs.

Dès lors, la vente immobilière qui a été signée par les parties le 28 février 2018 sera annulée, le jugement infirmé.

Sur les conséquences de la nullité de la vente pour dol entre la venderesse et les acquéreurs

La nullité emporte rétroactivement l'anéantissement du contrat de vente et la remise des parties dans l'état où elle se trouvait lors de la conclusion du contrat.

En conséquence, Mme [Z] sera condamnée à payer aux acquéreurs la somme de 230 000 euros en remboursement du prix d'acquisition.

Ils demandent en outre le paiement des sommes suivantes':

- les frais de notaire et droits d'enregistrement perçus par le notaire pour le compte du Trésor public, taxes foncières, primes d'assurance, frais divers, et autres à hauteur de 33 144,44 euros'

. sont justifiés par le compte établi par le notaire instrumentaire le 28 janvier 2019, les frais à hauteur de 1 239,18 euros et les droits d'enregistrement à hauteur de 14 109 euros, la commission de l'agence immobilière à hauteur de 10 000 euros, le prorata de la taxe foncière due pour l'année 2018 soit 1 046,27 euros.

Mme [Z] s'oppose au remboursement des droits d'enregistrement soit la somme de 14 109 euros au motif que dans tous les cas où il y a lieu à annulation, les droits d'enregistrement sur l'acte annulé ne sont restituables que si l'annulation a été prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée.

Ce moyen est fondé de sorte que la somme réclamée sera écartée des restitutions.

Le montant des restitutions se limitera à la somme de 12 285,45 euros.

. s'ajoutent à ce montant les taxes foncières de 2019 à 2022 soit 5 253 euros non discutées par Mme [Z], étant précisé qu'elle est sollicitée deux fois à tort dans le dispositif des appelants.

Le total est porté à 17 538,45 euros.

- le préjudice matériel

. 550 euros au titre du bâchage du toit': cette demande n'est pas reliée au dol retenu contre Mme [Z] mais à des travaux de toiture dont l'objet a été écarté ci-dessus.

. 804 euros au titre de l'expertise menée à leur demande et'90 euros au titre du diagnostic mérule': il s'agit d'une pièce susceptible d'être utile dans la démonstration relative à l'état de l'immeuble.

. 360 euros au titre du constat d'huissier du 15 septembre 2022': il s'agit d'un acte utile de sorte que cette somme sera retenue.

En définitive, la somme allouée s'élèvera à 1 254 euros.

- le préjudice moral

Les acquéreurs sollicitent la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice moral. Ils invoquent un état d'anxiété depuis qu'ils vivent dans la maison. Mme [Y] a connu un arrêt de travail du 13 au 23 mars 2018. Selon certificat médical, elle connaît un syndrome anxio-dépressif en raison de ce problème immobilier à la date du 30 septembre 2022'; qu'ils sont installés dans un immeuble en péril.

Mme [Z] conteste la demande en soulignant que les acquéreurs vivent normalement dans cette maison et selon attestation de la voisine, y reçoivent des amis'; que les allégations quant à leur mode de vie ne sont pas démontrées.

Les informations obtenues par les acquéreurs postérieurement à la vente alors qu'elles auraient dû leur être fournies spontanément par la venderesse ont incontestablement modifié le projet de Mme [Y] et M. [O] qui ont dû supporter des contrariétés importantes après avoir souscrit des engagements financiers et initier une procédure judiciaire. Il n'est pas établi par le certificat médical non circonstancié du 30 septembre 2022 que Mme [Y] ait connu des problèmes de santé continus, aucune référence n'étant faite à un autre arrêt de travail que celui de 2018 de l'ordre de 10 jours.

Le préjudice subi sera en conséquence indemnisé à hauteur de 5 000 euros.

- l'indemnité d'occupation réclamée par Mme [Z]

Mme [Z] demande à titre reconventionnel la somme de 1 818 euros par mois à compter de l'emménagement des acquéreurs soit dès le 1er mars 2018 et ce, jusqu'à la libération des lieux.

Sa demande ne peut aboutir puisqu'en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, Mme [Z] ne peut bénéficier d'une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble.

A défaut de rapporter la preuve d'un préjudice imputable aux acquéreurs, et en l'absence d'une demande autrement fondée, Mme [Z] sera déboutée.

Sur les demandes de l'établissement bancaire

La nullité du contrat de vente emporte la nullité du contrat de prêt subséquent.

- Les demandes à l'encontre des acquéreurs

La Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie demande la condamnation des acquéreurs à lui restituer':

. la somme de 250 656 euros en remboursement du capital du prêt n°10000693511, assortie des intérêts calculés au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,

. la somme de 20 000 euros en remboursement du capital du prêt n°10000693512, assortie des intérêts calculés au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir.

Les sommes visées correspondent exactement aux mentions portées dans l'acte authentique de vente du 28 février 2018 complétées par la production par les acquéreurs de la fiche d'information relative aux emprunts et tableaux d'amortissement.

Il sera fait droit à la demande.

Mme [Y] et M. [O] demandent qu'il soit fait injonction à la Caisse de leur adresser un décompte, à la date de l'arrêt à intervenir, des sommes dues en principal exclusivement, dont à déduire le principal d'ores et déjà amorti, ainsi que la totalité des intérêts, frais de dossier, frais de constitution de garantie, primes d'assurance, et d'une manière générale toutes sommes versées à l'exception de l'amortissement du principal.

La Caisse s'en rapporte à justice.

Le contrat de vente de l'immeuble ainsi que les tableaux d'amortissement portent la mention des capitaux empruntés en principal. Les acquéreurs ne produisent pas les contrats de crédit immobilier pour justifier de la nécessité du décompte sollicité puisque sauf preuve contraire ces capitaux empruntés ne comprennent pas les intérêts et frais de l'emprunt. Cette demande sera écartée.

Les appelants sollicitent encore qu'il soit jugé que le remboursement du principal interviendra dans les huit jours de la restitution par Mme [Z] du prix de vente de la maison.

La Caisse s'y oppose puisqu'il ne s'agit pas d'une prétention.

Le présent arrêt fixe les obligations des parties sans qu'il y ait lieu effectivement de retenir cette modalité.

- Les demandes à l'encontre de la venderesse

La Caisse fonde ses demandes sur l'indemnisation de la perte des intérêts échus et la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir.

. les frais de dossier et de garantie

Elle relève que Mme [Z] ne conteste pas devoir supporter la somme de 500 euros au titre des frais de dossier et de 2 257 euros au titre des frais de garantie.

Si Mme [Z] demande le débouté des demandes portant sur la somme totale de 105 395,97 euros au titre des intérêts et de 5 727,12 euros au titre des primes d'assurance, elle ne forme aucune prétention sur les montants réclamés ci-dessus.

Il sera fait droit à la demande de la Caisse.

. les intérêts échus

La Caisse soutient qu'elle est fondée en sa demande et que Mme [Z] n'a pas contesté devoir les intérêts échus. Elle réclame la somme de 15 829,31 euros pour le prêt n°10000693511 et de 341,23 euros au titre du prêt n°10000693512 arrêtée au

18 octobre 2021.

Mme [Z] conclut au débouté des demandes mais admet en page 73, après avoir discuté les décisions produites par la Caisse, que tout au plus, celle-ci pourrait prétendre à la restitution des intérêts échus à l'exclusion des intérêts à échoir.

En effet, la Caisse subit un préjudice en n'obtenant que la restitution du capital mobilisé dès 2018 par les emprunteurs alors que l'annulation de la vente a pour cause le comportement fautif de Mme [Z]. Il sera dès lors fait droit à la demande.

Seront également accordés les intérêts échus entre le 18 octobre 2021 et le présent arrêt.

. les intérêts à échoir

La Caisse fonde sa demande sur la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir et réclame la somme de 84 396,95 euros pour le prêt n°10000693511 et de

4 828,48 euros au titre du prêt n°10000693512.

La perte de chance exclut d'obtenir le bénéfice de l'intégralité de la perte'; l'indemnisation est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond.

La première échéance des prêts était due le 30 mars 2018, la dernière le 28 février 2043 soit deux emprunts remboursables en 25 ans. Le taux hors assurance était fixé à 1,85 % l'an pour le premier, à 1 % pour le second. La Caisse bénéfice de la restitution prématurée des fonds, soit au bout de 6 ans sur 25 années fixées par le contrat, à peine un quart de la durée d'exécution du contrat, mobilisés à faible coût pour les emprunteurs au regard des taux d'intérêt actuellement applicables.

La perte de chance sera fixée à 10 % des sommes réclamées soit respectivement': 8 439,69 euros pour le prêt n°10000693511 et de 482,84 euros au titre du prêt n°10000693512.

. les primes d'assurance

La Caisse réclame la somme de 5 304,60 euros pour le prêt n°10000693511 et de 422,52 euros au titre du prêt n°10000693512 au titre des primes d'assurance payées jusqu'au 25 janvier 2021 outre celles à venir jusqu'à la date de l'arrêt. Elle précise que le contrat de prêt précise que le taux de cotisation est de 0,378 % pour une couverture à 100 % de chacun des assurés.

Mme [Z] conteste cette prétention au motif que le calcul de la prime n'est pas justifié, que l'extrait de la clause assurance décès invalidité de l'acte de vente porte simple mention d'une assurance des demandeurs à 100 % et n'est assorti d'aucune information chiffrée quant au montant des primes. En outre, la Caisse ne verse pas les justificatifs de la Cnp assurances confirmant que la somme de 136,36 euros serait payée par les emprunteurs.

La Caisse ne produit pas le contrat d'assurance et les pièces permettant de vérifier le montant des primes réellement versées par les emprunteurs. De plus, le tableau porté dans l'acte authentique de vente précise que chacun des co-emprunteurs bénéficie «'d'une remise commerciale de 20,00 % sur 336 mois sur le montant de la prime'».

En conséquence, la Caisse sera déboutée de ce chef.

Sur les frais de procédure

La décision entreprise étant infirmée, elle le sera également au titre des dépens et frais de procédure.

Mme [Z] supportera les dépens de première instance et d'appel y compris les frais de publication de l'assignation et du présent arrêt dont distraction au profit de Me Joël Cisterne, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée à payer aux appelants la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de 5 000 euros à la Caisse.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Prononce l'annulation du contrat de vente immobilière passée le 28 février 2018 entre Mme [R] [Z] d'une part, Mme [J] [Y] et M. [B] [O] d'autre part portant sur un ensemble immobilier situé [Adresse 1], cadastré [Cadastre 10], pour la somme de 230 000 euros, publié au service de la publicité foncière de Rouen 1 le 13 mars 2018, Volume 2018 V n°192,

en conséquence,

Prononce l'annulation des contrats de crédit immobilier consenti par la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à Mme [J] [Y] et M. [B] [O] par acte du 28 février 2018 soit le prêt n°10000693511 de la somme de 250 656 euros en capital et le prêt n°10000693512 de la somme de

20 000 euros en capital,

Condamne Mme [R] [Z] à payer à Mme [J] [Y] et M. [B] [O] les sommes suivantes':

- la somme de 230 000 euros en restitution du prix d'acquisition de l'immeuble susvisé,

- la somme de 17 538,45 euros au titre des frais liés à l'acte de vente,

- la somme de 1 254 euros au titre du préjudice matériel,

- la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,

Condamne Mme [J] [Y] et M. [B] [O] à payer à la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à lui payer':

. la somme de 250 656 euros en remboursement du capital du prêt

n°10000693511 assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. la somme de 20 000 euros en remboursement du capital du prêt

n°10000693512 assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne Mme [R] [Z] à payer à la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie les sommes suivantes':

- celles de 500 euros au titre des frais de dossier et de 2 257 euros au titre des frais de garantie,

- celles de 15 829,31 euros pour le prêt n°10000693511 et de 341,23 euros au titre du prêt n°10000693512 au titre des intérêts échus, outre les intérêts échus entre le

18 octobre 2021 et le présent arrêt,

- celles de 8 439,69 euros pour le prêt n°10000693511 et de 482,84 euros au titre du prêt n°10000693512,

Condamne Mme [R] [Z] à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile':

- la somme de 15 000 euros à Mme [J] [Y] et M. [B] [O],

- la somme de 5 000 euros à la Sa Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie,

Déboute les parties pour le surplus des demandes,

Condamne Mme [R] [Z] aux dépens de première instance et d'appel y compris les frais de publication de l'assignation et du présent arrêt dont distraction au profit de Me Joël Cisterne, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/02170
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.02170 ?
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