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23/05/2024 | FRANCE | N°23/01334

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 23 mai 2024, 23/01334


N° RG 23/01334 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JK5I





COUR D'APPEL DE ROUEN



CH. CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 23 MAI 2024











DÉCISION DÉFÉRÉE :



2020J00080

Tribunal de commerce du Havre du 24 mars 2023





APPELANTE :



S.A.S. HERVE BALLADUR INTERNATIONAL

HBI Le Plein Ouest

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assisté

e par Me Christine BERNARDOT de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.









INTIMEES :



S.A.S.U. HINTERLAND

[Adresse 7]

[Localité 5]



représentée par Me Valérie GRAY de la SE...

N° RG 23/01334 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JK5I

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 23 MAI 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2020J00080

Tribunal de commerce du Havre du 24 mars 2023

APPELANTE :

S.A.S. HERVE BALLADUR INTERNATIONAL

HBI Le Plein Ouest

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Christine BERNARDOT de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.

INTIMEES :

S.A.S.U. HINTERLAND

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN, et assistée par Me Sylvie NEIGE de la SELARL LAROQUE, NEIGE, ADJAM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

S.A. MSC-MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY

[Adresse 2]

[Localité 3] / SUISSE

représentée et assistée par Me Fabrice LEMARIE de la SELARL MARGUET & LEMARIE, avocat au barreau du HAVRE.

COMPOSITION DE LA COUR  :

Lors des débats et du délibéré :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

M. [P] a été entendu en son rapport.

A l'audience publique du 19 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024 puis prorogé à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 mai 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par M. URBANO, conseiller suppléant du président empêché, et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 5 mars 2019, la SAS Hervé Balladur International, aujourd'hui dénommée HBI France, a commandé à la société MSC la mise à disposition de conteneurs reefer (frigorifiques) ainsi que le transport maritime de produits pharmaceutiques entre le Havre et Ashdod (Israël).

L'un des conteneurs remis par la société MSC a été accidenté le 9 avril 2019 alors qu'il faisait l'objet d'un préacheminement entre Marne la Vallée et le Havre par la SAS Hinterland, transporteur routier choisi par la société Hervé Balladur International.

Le conteneur ayant été considéré comme économiquement irréparable, la société MSC a demandé à la société Hervé Balladur International de lui régler la somme de 18 800 $ US correspondant à sa valeur résiduelle et cette dernière lui a opposé la limitation de responsabilité dont faisait état son propre transporteur terrestre à son égard.

Par acte d'huissier du 23 juillet 2020, la société MSC a fait assigner la société Hervé Balladur International devant le tribunal de commerce du Havre en paiement des sommes 18 176 $ US en réparation de son préjudice.

Par acte d'huissier du 11 août 2020, la société Hervé Balladur International a fait assigner la société Hinterland afin d'obtenir sa garantie et cette dernière a soutenu que c'était la société MSC France et non la société MSC suisse qui avait remis le conteneur à la société Hervé Balladur International.

Par jugement du 24 mars 2023, le tribunal de commerce du Havre a :

- reçu les sociétés Hervé Balladur International HBI et Hinterland en leur exception d'irrecevabilité de l'action de la société MSC mais l'a dite mal fondée,

- reçu la société Mediterranean Shipping Company MSC en sa demande d'indemnisation de son préjudice et en a validé le montant à 16 131 euros,

- reçu la société Hervé Balladur International HBI en sa demande d'application de la limitation de responsabilité de 2 875 euros, prévue au contrat type général, mais l'a dite non applicable,

- condamné la société Hervé Balladur International HBI à payer à la société Mediterranean Shipping Company MSC la somme de 16 131 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 23 juillet 2020,

- reçu la société Hervé Balladur International HBI en son appel en garantie à l'encontre de la société Hinterland, l'a déclaré partiellement fondé, ne retenant pas la faute inexcusable de cette dernière,

- condamné la société Hinterland à payer à la société Hervé Balladur International HBI la somme de 2 875 euros pour les dommages au conteneur, augmentée des intérêts légaux à compter du 1 1 août 2020,

- enjoint à la société Hinterland de communiquer les coordonnées de son assureur RC à la société Hervé Balladur International FIBI.

- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

- condamné la société Hinterland aux entiers dépens, ceux visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 189,64 euros,

- condamné la société Hervé Balladur International HBI à payer à la société Mediterranean Shipping Company MSC la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Hinterland à relever et garantir la société Hervé Balladur International de sa condamnation par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Hervé Balladur International a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 avril 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2023.

A la demande de la cour, la société MSC Méditerranean Shipping Compagny a communiqué ses pièces n°1 ; 2 ; 2-2 ; 4 ; 5 traduites en français.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 9 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société HBI France anciennement dénommée Hervé Balladur International qui demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel,

Et statuant à nouveau,

Sur l'action principale,

- juger irrecevable la société MSC en ses demandes pour défaut de qualité et intérêt à agir et/ou de lien de droit avec la société HBI,

Subsidiairement,

- juger la demande infondée en son quantum,

- débouter la requérante de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement encore,

- juger le commissionnaire de transport garant des faits de son substitué et responsable à ce titre dans les mêmes proportions que ce dernier,

- juger opposables à la société MSC les limitations légales du voiturier telles que prévues par le contrat type général au titre des UTI,

- juger au besoin, l'absence de contrat de transport maritime,

- juger si nécessaire, les clauses du connaissement inapplicables,

- juger la concluante fondée en son principe à exciper de la limitation de responsabilité du contrat type général à hauteur de 2 875 euros Sur l'appel en garantie

- juger irrecevable la demande incidente de la société Hinterland tendant à voir juger l'appel en garantie infondé,

- juger recevable et fondé l'appel en garantie dirigé contre la société Hinterland,

- juger la société Hinterland responsable sur le terrain de la faute inexcusable,

En toute hypothèse, quelle que soit la nature de la faute du voiturier,

- condamner la société Hinterland à relever et garantir la société HBI indemne de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires,

En toute hypothèse,

- enjoindre la société Hinterland de produire les coordonnées de son assureur RC,

- débouter la société Hinterland de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner celle contre laquelle l'action le mieux compétera au paiement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 11 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Mediterranean Shipping Company MSC qui demande à la cour de :

- recevoir les sociétés HBI et Hinterland en leurs appels respectifs, mais de les juger mal fondées,

- débouter les sociétés HBI et Hinterland de toutes leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre la société MSC,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- reçu la société Hervé Balladur International et Hinterland en leur exception d'irrecevabilité mais l'a jugée mal fondée,

- reçu MSC en sa demande d'indemnisation de son préjudice et en a validé le montant à 16 131 Euros,

- reçu la société Hervé Balladur International en sa demande d'application de la limitation de responsabilité à 2 875 euros prévue au contrat type général, mais la dit non applicable,

- condamné la société Hervé Balladur International à payer à MSC la somme de 16 131 euros augmentée des intérêts à compter du 23 juin 2020,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- condamné la société Hervé Balladur International à payer à MSC 3 000 euros sur le fondement de l'article 700,

- condamné la société Hinterland à supporter les dépens,

- condamner solidairement les sociétés Hervé Balladur International et Hinterland à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés Hervé Balladur International et Hinterland, sinon l'un plus à défaut de l'autre, aux dépens d'appel.

Vu les conclusions du 8 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Hinterland qui demande à la cour de :

Sur l'action principale de MSC à l'encontre de la société Herve Balladur International,

- Le réformer en ce qu'il a jugé recevable et fondée l'action de la société MSC,

Et statuant à nouveau,

- Juger que MSC est irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir,

- Juger la demande diligentée par MSC infondée en son quantum,

- Débouter MSC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Juger l'appel en garantie diligenté par HBI à l'encontre de la société Hinterland sans objet,

Sur l'appel en garantie diligenté par la société Herve Balladur International à l'encontre de la société Hinterland,

Y ajoutant,

- Juger l'appel en garantie de la société HBI à l'encontre de société Hinterland mal fondé.

En tout état de cause,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que toute condamnation qui viendrait à être mise à la charge de la société Hinterland ne peut pas excéder la somme de 2.875,00€.

- Condamner tout succombant à régler à la société Hinterland la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel que la SELARL Gray Scolan, Avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action de la société de droit suisse MSC :

La SAS HBI France soutient que :

- elle a conclu un contrat de mise à disposition d'un container avec la société MSC France SA et non avec la société de droit suisse MSC ;

- la société de droit suisse MSC ne justifie ni de sa qualité ni de son intérêt à agir ;

- le transport maritime que devait réaliser la société de droit suisse MSC n'a jamais eu lieu du fait de l'accident et le contrat de mise à disposition du container ne peut être considéré comme ayant été l'accessoire du contrat de transport maritime qui n'a jamais eu lieu ;

- si la société MSC France SA a eu la qualité d'agent de la société de droit suisse MSC, c'est uniquement au regard du contrat de transport maritime et non au titre de la mise à disposition du container.

La société MSC soutient que :

- la mise à disposition du container constitue une obligation accessoire au contrat de transport maritime et la SAS HBI France a effectivement conclu un tel contrat avec la société de droit suisse MSC dont la société MSC France n'a été que l'agent en France ce que cette dernière a pris soin de mentionner dans tous les courriers échangés ;

- c'est la société de droit suisse MSC qui a indemnisé le propriétaire du container dégradé et c'est elle qui subit le préjudice en résultant.

La société Hinterland reprend à son compte l'argumentation de la SAS HBI France.

Réponse de la cour :

Par demande du 5 mars 2019 intitulée « booking request », la SAS HBI France a commandé à la société MSC la mise à disposition de conteneurs ainsi que le transport maritime de produits pharmaceutiques entre le Havre et Ashdod.

Par courriel du 2 avril 2019 auquel était joint un document intitulé « Booking Confirmation », la société MSC France SA a confirmé la réservation du transport et a indiqué à la SAS HBI France la mise à disposition d'un container qui lui serait directement envoyé par son service logistique. Le courriel précise que la société MSC France SA agit en qualité d'agent de « MSC Mediterranean Shipping Company S.A. Geneva »

Aucun autre écrit ne règle le sort de ce container.

Il est constant que le 9 avril 2019, l'un des conteneurs remis par la société MSC a été accidenté alors qu'il faisait l'objet d'un préacheminement entre Marne la Vallée et le Havre par la SAS Hinterland, transporteur routier choisi par la SAS HBI France.

La SAS HBI France ne conteste pas que le transport a été commandé à la société de droit suisse MSC mais affirme qu'il existe un second contrat, totalement distinct du transport, qui a été conclu avec la seule société MSC France SA et que si cette dernière s'est prévalue de sa qualité d'agent de la société de droit suisse MSC, c'est uniquement « au regard du transport maritime stricto sensu ».

Cependant, il ressort des conditions générales de la société MSC annexées à la « booking confirmation », point qui n'est pas contesté par la SAS Hervé Balladur International, que le transporteur est défini comme étant la « MSC Mediterranean Shipping Company S.A ».

Par ailleurs, dans ses courriers électroniques échangés entre le 9 avril et le 9 octobre 2019 avec la SAS HBI France, la société MSC France SA lui a à nouveau indiqué agir en qualité d'agent de « MSC Mediterranean Shipping Company S.A. Geneva ».

Le contrat de transport est un contrat consensuel existant dès l'accord des consentements caractérisé notamment par la booking request puis par la booking confirmation, peu important qu'un connaissement, qui n'est qu'un document nécessaire à l'exécution de ce transport, matérialisant la prise en charge de la marchandise et représentant celle-ci, n'ait pas été remis. Il résulte des éléments ci-dessus rapportés qu'un contrat de transport maritime a effectivement été conclu entre la société de droit suisse MSC et la SAS HBI France, laquelle n'y apparaît qu'en son nom personnel et non en tant que mandataire d'un client ou commissionnaire de transport.

A moins qu'elle ne fasse l'objet d'une convention distincte du contrat de transport, la mise à disposition de conteneurs par le transporteur maritime, qui concourt à l'acheminement de la marchandise, constitue l'exécution d'une obligation accessoire de ce contrat de transport maritime. Le contrat de mise à disposition du container demeure l'accessoire du contrat de transport maritime même si, du fait d'un accident de la circulation ayant empêché le chargement du container à bord du navire, le transport maritime n'a pu être matériellement exécuté.

Il s'ensuit que la société MSC, Mediterranean Shipping Compagny, transporteur maritime excipant d'un contrat le liant à la SAS Hervé Balladur International, a qualité et intérêt pour agir en paiement de dommages et intérêts représentant la valeur du container détruit contre la SAS Hervé Balladur International à qui ce container avait été confié.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a reçu les sociétés Hervé Balladur International HBI et Hinterland en leur exception d'irrecevabilité de l'action de la société MSC mais l'a dite mal fondée.

Sur le principe et le montant du préjudice :

La SAS HBI France soutient que :

- une expertise amiable a été menée, l'expert n'a pu obtenir les pièces utiles de la société MSC et la valeur résiduelle du container n'est pas déterminée. Il en résulte que la société MSC ne justifie pas de la réalité de son préjudice ;

- la SAS HBI France étant commissionnaire de transport et simple intermédiaire dans le cadre de la mise à disposition du container, elle ne saurait être condamnée plus sévèrement que ses substitués de sorte que si la société Hinterland est susceptible de lui opposer une limitation légale de responsabilité, la SAS HBI France doit également pouvoir opposer la même limitation à la société MSC ;

- la société MSC ne peut opposer à la SAS HBI France les termes de son connaissement qui n'a pas été émis dès lors qu'aucun transport maritime n'a eu lieu et que la limitation de responsabilité du transporteur terrestre est légale et s'impose à tous ;

- n'étant pas propriétaire de la marchandise, elle n'avait pas à la déclarer en valeur réelle ;

- le transport maritime que devait réaliser la société de droit suisse MSC n'a jamais eu lieu du fait de l'accident, le contrat de mise à disposition du container ne peut être considéré comme ayant été l'accessoire du contrat de transport maritime et doit être qualifié de contrat de location relevant du droit commun ;

- l'accident qui s'est produit en dehors du champ d'application des textes maritimes puisque les marchandises n'ont pas été chargées à bord du navire est soumis au droit commun ;

- la clause qui est opposée par la société MSC à la SAS HBI France n'a pas été acceptée, par ailleurs, la SAS HBI France n'étant pas intéressée à la cargaison, cette clause lui est inopposable ;

- il est inexact de considérer que le chargeur ne peut se voir opposer aucune clause de limitation de responsabilité.

La société MSC soutient que :

- la SAS HBI France a accepté les conditions générales du transport maritime, contrat consensuel qui s'est formé et il importe peu à cet égard qu'un accident soit survenu avant le chargement de la marchandise à bord du navire ;

- les conditions générales prévoient la restitution du container mis à disposition et sinon l'indemnisation de son coût de remise en état ou de remplacement ;

- la valeur du container, économiquement irréparable, diminuée du montant payé par un épaviste, s'élève à 16 131 euros, cette valeur a été approuvée par l'expert de la SAS HBI France et aucune autre déduction ne peut être opérée ;

- le contrat liant la société MSC à la SAS HBI France est un contrat de transport maritime et la SAS HBI France n'a pas la qualité de commissionnaire de transport s'agissant de ce contrat de sorte qu'elle ne peut lui opposer aucune limitation de responsabilité découlant d'un contrat de transport terrestre ;

- au surplus, la limitation de responsabilité opposée par la SAS HBI France résulte d'un contrat-type de transport auquel a expressément dérogé le contrat de transport maritime existant entre les parties ;

- la société MSC poursuit la responsabilité personnelle de la SAS HBI France et non la garantie que devrait cette dernière du fait de son substitué ;

- il appartenait à la SAS HBI France de faire transporter la marchandise en camion en valeur déclarée réelle.

La société Hinterland reprend pour son compte l'argumentation de la SAS HBI France.

Réponse de la cour :

Ainsi qu'il a été exposé plus haut, un contrat de transport maritime a effectivement été conclu entre la société de droit suisse MSC et la SAS HBI France.

Le commissionnaire de transport est un intermédiaire qui agit en son nom pour le compte d'un commettant afin d'optimiser le transport de marchandises. Dans ce cadre, un contrat de commission de transport est établi entre ce commissionnaire et le commettant. En parallèle, des contrats de transport peuvent être signés entre le commissionnaire de transport et les transporteurs qu'il aura sélectionnés pour mener à bien la mission qui lui a été confiée par le commettant. Tel est le cas en l'espèce où, si la SAS HBI France a bien la qualité de commissionnaire de transport à l'égard de son client, qui est soit l'expéditeur soit le destinataire de la marchandise, elle a la qualité de cocontractante d'un contrat de transport maritime à l'égard de la société MSC étant observé que la SAS HBI France n'y apparaît qu'en son nom personnel et non en tant que mandataire d'un client ou en tant que commissionnaire de transport. Il s'ensuit qu'à l'égard de la société MSC, la SAS HBI France ne peut lui opposer aucune des limitations que la société Hinterland, à qui la SAS HBI France a confié le transport terrestre de diverses marchandises, est en droit de lui opposer. A l'égard de la société MSC, la SAS HBI France n'est pas un garant de la société Hinterland qui lui aurait été substituée mais la débitrice d'une obligation personnelle de restitution du container qui lui a été confié par la société MSC à titre accessoire au contrat de transport maritime qu'elles ont conclu.

La SAS HBI France ne conteste pas que dès le « booking ou la mise à disposition du container voire par relations d'affaires suivies » elle a eu connaissance des conditions générales de la société MSC applicables à ses contrats de transport maritime. L'article 14.2 de ces conditions, dans une traduction libre non contestée, prévoit que « le marchand doit restituer, en un lieu désigné par le transporteur, les conteneurs'non-endommagés'Le marchand est tenu d'indemniser le transporteur de n'importe lequel et de tous frais engagés pour la remise en état ou le remplacement des conteneurs'non retournés dans l'état spécifié ci-dessus, y compris les frais juridiques raisonnables et les frais de recouvrement des coûts encourus et les intérêts y afférents. »

La société MSC, elle-même locataire du container endommagé, verse aux débats une facture du 18 décembre 2019 de la société Seaco relative au montant réclamé par le propriétaire du container pour la somme de 18 800 $ soit une somme de 16 681 euros. Elle produit également un devis de réparation de ce container du 7 mai 2019 pour une somme de 17 854,16 euros. Elle produit en outre une facture émise le 24 janvier 2022 à l'attention d'un épaviste portant sur l'achat de ce container endommagé pour la somme de 550 euros. La SAS HBI France produit enfin un rapport d'expertise amiable contradictoire, confortant les factures ci-dessus, établi le 28 novembre 2019 aux termes duquel la valeur vénale du container est cohérente et la valeur résiduelle de ce container est retenue pour 17 406,40 euros HT sous déduction du montant « de sa valorisation éventuelle pour pièces ».

Dès lors que la société MSC produit une facture d'achat émise à l'attention d'un épaviste pour 550 euros, il n'existe plus aucune autre valorisation possible du container endommagé pour pièces. Le calcul effectué par la société MSC de 16 681 ' 550 euros étant exact, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a reçu la société Mediterranean Shipping Company MSC en sa demande d'indemnisation de son préjudice et en a validé le montant à 16 131 euros, reçu la société Hervé Balladur International HBI en sa demande d'application de la limitation de responsabilité de 2 875 euros, prévue au contrat type général, mais l'a dite non applicable et condamné la société Hervé Balladur International HBI à payer à la société Mediterranean Shipping Company MSC la somme de 16 131 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 23 juillet 2020, date de l'assignation.

Sur l'appel en garantie :

La SAS HBI France soutient que :

- la société Hinterland n'a aucunement fait dans le délai requis, appel incident de la disposition qui la condamne en application de sa garantie ;

- la société Hinterland est seule responsable du préjudice et la faute qu'elle prétend opposer à la SAS HBI France est inexistante ;

- le chauffeur de la société Hinterland était sous l'emprise d'alcool et de stupéfiants ainsi que l'ont déterminé les experts amiables en présente de la société Hinterland et ce point n'a pas fait l'objet d'une contestation devant les premiers juges ;

- la faute commise par le chauffeur constitue une faute inexcusable excluant toute limitation de responsabilité pour la société Hinterland et son comportement est évidemment en lien avec l'accident.

La société Hinterland soutient que :

- dès lors que la société MSC poursuit la faute personnelle de la SAS HBI France consistant à ne pas avoir restitué le container, la société Hinterland ne saurait garantir la SAS HBI France des conséquences de sa propre faute ;

- elle est intervenue en qualité de transporteur terrestre et bénéficie des limitations de responsabilité édictées par le contrat type ;

- les conditions d'existence de la faute inexcusable ne sont pas réunies, aucun procès-verbal n'établissant la conduite sous l'empire de stupéfiants ou d'alcool et aucun lien de causalité l'étant démontré entre l'éventuelle conduite sous stupéfiants et alcool et l'accident ;

- la faute inexcusable n'aurait aucune incidence quant à la limitation de responsabilité s'agissant de la perte d'un container.

Réponse de la cour :

Au préalable, il résulte des dispositions des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. La société Hinterland ne présente dans le dispositif de ses conclusions de demande d'infirmation du jugement qu'en ce qu'il a jugé recevable et fondée l'action de la société MSC. Par voie de conséquence, sa demande tendant à voir juger que l'appel en garantie est mal fondé n'est pas irrecevable, mais la cour ne peut que confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à l'appel en garantie. Le seul différend restant à juger est celui du quantum de la garantie.

L'article L1432-4 du code des transports applicable aux transports routiers dispose que : « A défaut de convention écrite et sans préjudice de dispositions législatives régissant les contrats, les rapports entre les parties sont, de plein droit, ceux fixés par les contrats-types prévus à la section 3. »

Les articles 1er et 22.5 de l'annexe du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatif à l'annexe II à la partie 3 réglementaire du code des transports concernant le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique prévoient qu'en cas de perte ou d'avarie d'une UTI (Unité de Transport Intermodal tel qu'un container), l'indemnité due ne peut dépasser la somme de 2 875 euros et que cette indemnité s'ajoute, le cas échéant, à l'indemnité due au titre de la perte et/ ou de l'avarie de la marchandise.

L'article L133-8 du code de commerce dispose que : « Seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Il est constant que la SAS HBI France a chargé la société Hinterland de transporter par voie terrestre le container qui avait été mis à disposition par la société MSC et dans lequel se trouvait la marchandise devant être finalement transportée par voie maritime en Israël.

Il est également constant que le contrat de transport qui a été conclu entre la SAS HBI France et la société Hinterland n'a pas été établi par écrit. Il est dès lors soumis aux stipulations du contrat-type prévu par l'article L1432-4 du code des transports prévoyant une limitation d'indemnisation à hauteur de 2 875 euros.

Pour contester cette limitation, la SAS HBI France soutient que l'accident ayant endommagé le container est dû à la faute inexcusable du chauffeur de la société Hinterland qui aurait été sous l'emprise de l'alcool et de produits classés stupéfiants au moment des faits. Elle se prévaut du rapport d'expertise amiable contradictoire établi le 28 novembre 2019 dans lequel l'expert, M. [S], a indiqué avoir pris contact téléphoniquement avec la gendarmerie de [Localité 6], intervenue le jour de l'accident, qui lui a confirmé oralement que le chauffeur, M. [G], avait été contrôlé positif au test de drogue et à celui d'alcool mais qu'aucun procès-verbal n'avait été établi dès lors qu'aucun tiers n'avait été impliqué dans l'accident.

Aucune des parties n'a produit de pièce de nature à corroborer que le chauffeur était sous l'emprise de l'alcool et de produits classés stupéfiant alors qu'il acheminait le container considéré le jour de l'accident. Par ailleurs, il n'est produit aucune pièce permettant de déterminer les circonstances dans lesquelles l'accident s'est produit de sorte qu'il est impossible d'affirmer, ne serait-ce que par présomptions, que le prétendu état dans lequel se serait trouvé ce chauffeur est en lien de causalité directe avec le sinistre.

Faute de démontrer l'existence de la faute inexcusable qu'elle allègue, la limitation de responsabilité prévue par le contrat-type est applicable.

Le jugement entrepris sera confirmé pour le surplus de ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Rejette la fin de non-recevoir de la demande incidente de la société Hinterland tendant à voir juger l'appel en garantie infondé ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce du Havre du 24 mars 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne solidairement la SAS HBI France et la société Hinterland aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne solidairement la SAS HBI France et la société Hinterland à payer à la société MSC la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les sociétés HBI France et Hinterland de leurs demandes présentées au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

La greffière, Le conseiller suppléant du président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 23/01334
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.01334 ?
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