N° RG 23/00796 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJZE
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 25 AVRIL 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/00080
Tribunal judiciaire de Rouen du 25 janvier 2023
APPELANTE :
Madame [O] [S] ÉPOUSE [G]
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Patrick ALBERT de la SCP ALBERT PATRICK, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE SEINE
[Adresse 9]
[Localité 7]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 janvier 2024 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, présidente
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 11 janvier 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 mars 2024 puis prorogé à ce jour.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière.
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* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Monsieur et Madame [G] ont exercé leur activité professionnelle au sein de la SARL Ferme d'[Localité 8] celle-ci ayant pour activité : toutes activités agricoles, ainsi que les activités qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation en particulier toutes activités ayant trait à l'élevage avicole.
La SARL la Ferme d'[Localité 8] a contracté auprès de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine (le Crédit Agricole) plusieurs prêts, en garantie desquels Madame [S] épouse [G] a donné sa caution.
Madame [G] s'est ainsi engagée comme caution solidaire le 19 janvier 2006 :
- de l'avenant d'un montant principal de 42 427,68 euros au prêt n° 88308846701, à hauteur de 155 156,00 euros pour une durée de 12 ans.
- de l'avenant au prêt n° 88391249301 d'un montant principal de 77 196,56 euros à hauteur de 100 954,00 euros pour une durée de 12 ans ;
- de l'avenant au prêt n° 88360248301 d'un montant principal de 18 955,80 euros à hauteur de 24 889,00 euros pour une durée de 12 ans.
Par acte sous seing privé du 12 décembre 2007, elle s'est engagée comme caution solidaire dans la limite de 130 000,00 euros d'un prêt n° 70003811822 d'un montant de 100 000,00 euros pour une durée de 17 ans.
Madame [G] s'est engagée comme caution solidaire le 29 mars 2010 :
- du prêt n° 70005898941 d'un montant de 230 000,00 euros,dans la limite de 89 700,00 euros pour une durée de 204 mois
- du prêt n° 70005898984 d'un montant de 300 000,00 euros dans la limite de la somme de 117 000,00 euros pour une durée de 204 mois
- du prêt n° 70005898992 d'un montant de 238 000,00 euros la limite de 92 820,00 euros pour une durée de 204 mois
- du prêt n° 70005899000 d'un montant de 304 000,00 euros dans la limite de 118 560,00 euros pour une durée de 204 mois
- du prêt n° 70005899018 d'un montant de 1 315 000,00 euros dans la limite de 512 850,00 euros pour une durée de 204 mois.
Par jugement du 21 avril 2011, le tribunal de commerce d'Evreux a prononcé le redressement judiciaire de la SARL la Ferme d'[Localité 8].
Le 15 juin 2011, le Crédit Agricole a déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire désigné, la SCP Guérin et Diesbecq.
Le 20 décembre 2012, le greffe du tribunal de commerce d'Evreux a notifié à la requérante l'admission de ses créances.
Par jugement du 15 octobre 2015, le tribunal de commerce d'Evreux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la SARL la Ferme d'[Localité 8].
Par lettre du 14 juin 2016, le greffe du tribunal de commerce d'Evreux a notifié à la requérante l'admission de ses créances privilégiées.
Par lettre recommandée du 1er décembre 2017, le Crédit Agricole a mis Madame [G] en demeure d'avoir à régler la somme totale de 1 125 178,37 euros pour le 15 décembre 2017, l'informant qu'à défaut de règlement la déchéance du terme interviendrait.
Par courrier recommandé du 18 décembre 2017, la banque a informé Madame [G] de l'acquisition de la déchéance du terme.
Par acte d'huissier délivré le 3 janvier 2018, le Crédit Agricole a fait assigner Madame [G] devant le tribunal de grande instance de Rouen aux fins de la voir condamner en qualité de caution à lui régler diverses sommes.
Par jugement du 25 janvier 2023, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 29 395,37 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 6,90 % l'an sur la somme de 24 378,92 euros à compter du 1er janvier 2018 et avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 1 218,95 euros,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 14 803,14 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,90 % l'an sur la somme de 12 336,88 euros à compter du 1er janvier 2018 et avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 616,84 euros,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 60 677,85 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 6.90 % l'an sur la somme de 50 040,48 euros à compter du 1er janvier 2018 et avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 2 502,02 euros,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 116 992,54 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 9 % l'an sur la somme de 108 912,15 euros à compter du 1er janvier 2018 et avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 7 623,85 euros,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 89 700 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 117 000,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 92 820,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majorée 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 118 560,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 512 850,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75% l'an à compter du 1er janvier 2018,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- débouté Madame [O] [S] épouse [G] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Madame [O] [S] épouse [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] aux dépens qui seront recouvrés par la SCP JY. Poncet-P. Deboeuf-MC. Beignet conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
Madame [O] [S] épouse [G] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 mars 2023.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 29 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Madame [O] [S] épouse [G] qui demande à la cour de :
- déclarer Madame [O] [S] recevable et bien fondée en son appel,
En conséquence infirmer le jugement déféré à la cour en toutes ses dispositions,
- décharger Madame [O] [S] divorcée [G] de ses engagements nés des contrats de cautionnement souscrits au profit du Crédit Agricole pour disproportion manifeste au regard de sa situation et de ses revenus et de ses facultés de remboursement et en conséquence débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine de l'intégralité de ses demandes,
- juger que le patrimoine et la situation de Madame [O] [S] divorcée [G] au moment où celle-ci était appelée en justice ne lui permettaient pas de faire face à ses obligations,
- décharger Madame [O] [S] divorcée [G] de l'ensemble de son engagement né des contrats de cautionnement souscrits au profit du Crédit Agricole pour perte de subrogation imputable à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine,
A titre subsidiaire,
- déclarer la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine responsable du préjudice occasionné par manquement à son obligation de mise en garde et la condamner à verser à titre de dommages et intérêts le montant des sommes réclamées par la banque et ordonner la compensation qui s'impose.
- condamner en tous les cas la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine à payer à Madame [O] [S] divorcée [G] une somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance qu'en cause d'appel et condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les conclusions 5 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie qui demande à la cour de :
- recevoir Madame [S] épouse [G] en son appel mais la dire mal fondée,
- débouter Madame [S] épouse [G] de toutes ses demandes fins et conclusions,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen le 25 janvier 2023,
De plus fort,
- condamner Madame [S] épouse [G] à régler à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine les sommes suivantes :
29 395,37 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,90 % l'an sur la somme de 24 378,92 euros à compter du 1er janvier 2018 et avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 1 218,95 euros, avec capitalisation,
14 803,14 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 6,90 % 1'an sur la somme de 12 336,88 euros à compter du 1er janvier 2018 et avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 616,84 euros, avec capitalisation,
60 677,85 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 6,90 % l'an sur la somme de 50 040,48 euros à compter du 1er janvier 2018 et avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 2 502,02 euros, avec capitalisation,
116 992,54 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 9 % l'an sur la somme de 108 912, 15 euros à compter du 1er janvier 2018 et avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 7 623,85 euros, avec capitalisation,
89 700,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005898941, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018, avec capitalisation,
117 000,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005898984, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018 avec capitalisation,
92 820,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005898992, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018 avec capitalisation,
118 560,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005899000, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018, avec capitalisation
512 850,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005899018, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018, avec capitalisation,
- condamner Madame [S] épouse [G] à payer à la CRCAM de Normandie Seine une indemnité de 5 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [S] épouse [G] aux entiers dépens de première instance et d'appels qui sont recouvrés par la SELARL Gray & Scolan pour ceux-là concernant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le moyen tiré de la disproportion des engagements de caution :
Moyens des parties
Madame [G] soutient que :
- la situation de chaque caution doit être examinée séparément, les dispositions de l'article 1526 du Code Civil qui disposent que la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes présentes et futures n'ont pas vocation à s'appliquer pour apprécier la disproportion des engagements de caution souscrits par l'un des époux ;
- le Crédit Agricole a fait souscrire le même jour à Madame [G] divers engagements de caution à hauteur de 930 930,00 euros, le tout sur la base d'une fiche de renseignements dactylographiée (alors qu'elle aurait dû être manuscrite) concernant la situation des époux [G] dont il ressortait qu'elle ne disposait d'aucun revenu et que par ailleurs les seules ressources du couple étaient constituées par des revenus fonciers à hauteur de la modeste somme de 2 550,00 euros complétée par un revenu mensuel de 5 000,00 euros de Monsieur [G] ;
- les chiffres allégués par le Crédit Agricole quant au patrimoine des époux [G] sont surévalués notamment l'estimation de la valeur des parts de SCI ;
- le Crédit Agricole occulte totalement les trois contrats de crédit-bail souscrits au mois avril 2010 auprès de la société Lixxbail par la société La Ferme D'[Localité 8] pour un montant de 573 840,80 euros TTC chacun pour lequel les époux [G] se sont portés cautions solidaires pour chaque contrat à hauteur d'une somme de 119 950,00 euros en principal. L'ensemble de ces opérations était déjà acquis dès le mois d'octobre 2009 par un accord de financement du Crédit Agricole pour un montant de 5 348 000,00 euros au bénéfice de la SARL Ferme d'[Localité 8] et l'intervention de cofinancements par la BRED, le Crédit Agricole et la Caisse d'Epargne ainsi que l'intervention de la filiale du Crédit Agricome Lixxbail ;
- les cautionnements souscrits par les époux [G] au profit de la Caisse d'Epargne le 29 mars 2010 ont été jugés manifestement disproportionnés par la cour d'appel le 20 mai 2021.
- il est évident que les engagements de caution dont le Crédit Agricole avait nécessairement connaissance étaient largement supérieurs à la valeur du patrimoine de Madame [G] , en admettant même que la valeur de l'actif retenu par le jugement déféré à la cour puisse être validé en quoi que ce soit dans la mesure où à l'évidence la valeur des parts de la SCI était manifestement surévaluée, ce que le Crédit Agricole ne pouvait ignorer.
Le Crédit Agricole réplique que :
- le patrimoine doit être apprécié à la date de chaque engagement, la charge de la preuve pesant sur la caution de justifier de son patrimoine au jour de chaque engagement et de la connaissance de celui-ci par l'établissement financier ;
- Monsieur et Madame [G] sont mariés sous le régime de la communauté universelle, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble de leur patrimoine ;
- Madame [G] ne produit pas ou peu de pièces aux débats justifiant sa situation patrimoniale au visa de laquelle elle prétend que l'engagement de caution été manifestement disproportionné ;
- l'avis d'imposition 2007 fait apparaître des revenus nets fonciers de 57 450,00 euros; à cette date les époux [G] déclarent être soumis à l'imposition sur la fortune ; tant en 2006 que le 12 décembre 2007, le patrimoine de Madame [G] était suffisant pour répondre des engagements alors souscrits ;
- la fiche d'information n'est soumise à aucune exigence formelle, pas même celle d'être manuscrite ; la caution n'est pas dispensée de son obligation de loyauté et de bonne foi dans ses déclarations sur son patrimoine ; Madame [G] ne conteste pas les informations portées sur les fiches d'informations de 2006 et 2007 ;
- il ressort des pièces versées aux débats qu'en 2010 Madame [G] était titulaire d'un patrimoine personnel d'une valeur nette de 2 429 131,00 euros ; exclusion faite de la valeur des biens garantis par l'hypothèque conventionnelle consentie au titre des cinq prêts pool (commune de [Localité 8]) et de la valeur du bien grevé par le prêt consenti par la CRCAMNS dans le cas de l'acquisition du bien de [Localité 7] du 26 février 2009 - terrain constructif déclaré pour une valeur de 220 000,00 euros ; précision étant encore faite qu'il est retenu une valeur nette des parts détenues au sein du capital des SCI, soit déduction des prêts déclarés contractés par les SCI ;
- les engagements de caution à hauteur de 359 850,00 euros en garantie des trois contrats de crédit-bail conclus par la société débitrice avec la société Lixxbail sont postérieurs aux engagements de caution du 29 mars 2010.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L.341-4 du code de la consommation dans sa version applicable au litige : '' un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.''
Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement au jour de la signature par rapport à ses biens et revenus. Lorsque le créancier professionnel fait établir par celui qui entend s'engager en qualité de caution une fiche de renseignements sur son patrimoine, il appartient à ce dernier de déclarer loyalement ses biens, ses revenus, ses charges et ses dettes. En signant la fiche de renseignements, la caution en approuve le contenu, peu important que la fiche n'ait pas été remplie par la caution. Elle ne pourra pas se prévaloir de l'inexactitude de ses propres déclarations ou de ses omissions. Le créancier professionnel n'a pas à vérifier l'exhaustivité et l'exactitude des informations fournies par la caution dans la fiche de renseignements en l'absence d'anomalies apparentes sauf s'il avait connaissance ou ne pouvait pas ignorer l'existence d'autres charges pesant sur la caution, non déclarées sur la fiche de renseignements.
Le patrimoine de la caution doit être apprécié à la date de chaque engagement, la charge de la preuve pesant sur la caution de justifier de son patrimoine au jour de chaque engagement et de la connaissance de celui-ci par l'établissement financier. Il est tenu compte de l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'autres engagements de caution et de l'ensemble des engagements souscrits par la caution au jour de la fourniture du cautionnement.
Monsieur et Madame [G] qui se sont mariés sous le régime de la communauté légale ont opté pour le régime de la communauté universelle selon acte notarié du 3 décembre 1999 homologué par jugement du 21 janvier 2002, ce qui a pour effet d'élargir la communauté à la totalité des biens des époux. La proportionnalité de l'engagement contracté par Madame [G] s'apprécie au regard de la totalité des biens et revenus des époux, mais également au regard des dettes contractées par chacun.
Le contrat de mariage n'étant pas produit, il est ignoré si les époux [G] ont prévu d'exclure certains biens de leur communauté universelle. Dans ses conclusions, Madame [G] indique ne disposer d'aucun patrimoine autre que le patrimoine commun avec son mari. La lettre adressée le 12 août 2019 par son notaire dans le cadre du partage de la communauté après divorce n'est pas de nature à renseigner sur la valeur du patrimoine des époux à la date des cautionnements litigieux en 2006, 2007 et 2010.
Sur la situation de Madame [G] lors des engagements de caution souscrits le 19 janvier 2006
Madame [G] s'est portée caution solidaire de la SARL Ferme d'[Localité 8] au titre du réaménagement de trois prêts consentis à cette dernière le 19 janvier 2006 et ceci dans la limite des sommes de 155 156,00 euros au titre du prêt n° 88308846701, de 24 889,00 euros au titre du prêt n° 88360248301 et de 100 954,00 euros au titre du prêt n° 88391249301 soit à hauteur de la somme totale de 280 999,00 euros.
Il n'est pas produit de fiche de renseignements sur la situation patrimoniale de Madame [G] le 19 janvier 2006 et cette dernière ne produit aucun élément sur sa situation au 19 janvier 2006. Les avis d'imposition versés aux débats concernent les années 2007 et suivantes.
Il ressort toutefois des statuts des SCI Domaine de la Boulaye et Massia créées pour la première en 1996 et pour la deuxième en 2002, que les époux [G] étaient titulaires de la totalité des parts des dites sociétés toutes deux propriétaires de biens immobiliers.
Madame [G] ne fait aucun développement sur les engagements souscrits le 19 janvier 2006 à hauteur de 280 999,00 euros.
Faute pour Madame [G] de justifier de la consistance de son patrimoine et de son état d'endettement lors desdits engagements, elle échoue à démontrer leur caractère manifestement disproportionné.
Sur la situation de Madame [G] lors de l'engagement de caution souscrit le 12 décembre 2007
Madame [G] s'est portée caution solidaire de la société La Ferme d'[Localité 8] au titre du prêt n° 70003811822 consenti à cette dernière et ceci dans la limite de 130 000,00 euros.
La banque produit un document intitulé ''renseignements confidentiels sur la caution'' signé le 10 décembre 2007 par Madame [G] qui a certifié exacts et sincères les renseignements donnés et qui renvoie en ce qui concerne le patrimoine des époux [G] à la synthèse de l'impôt de solidarité de la fortune jointe au document faisant ressortir qu'au 1er janvier 2006, les actifs bruts s'élevaient à 2 067 165,00 euros (immeubles bâtis à hauteur de 561 200,00 euros ; valeurs mobilières et liquidités à hauteur de 1 505 965,00 euros) et que le passif à déduire était 250 823,00 euros (dettes non professionnelles à charge du contribuable). L'actif net imposable au titre de l'ISF est de 1 816 342,00 euros.
Cette fiche de renseignements ne comporte aucune information sur les autres engagements de cautions de Madame [G] alors que celle-ci était engagée au profit de la banque prêteuse par les précédents cautionnements du 19 janvier 2006 à hauteur de 280 999,00 euros. Cette fiche étant incomplète, ce que la banque ne pouvait pas ignorer, Madame [G] est libre de démontrer quel était son endettement réel à la date de son engagement du 12 décembre 2007.
Madame [G] produit une assignation en paiement qui lui a été délivrée par l'intimée le 8 mars 2018 qui démontre que le 29 juillet 2006, les époux [G] ont bénéficié d'une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 90 000,00 euros destiné à assurer aux époux [G] une trésorerie.
Outre qu'il ressort de l'avis d'imposition des époux [G] sur les revenus perçus en 2007 que leur revenu imposable était de l'ordre de 57 700,00 euros, il résulte du rapport entre l'endettement de Madame [G] et le montant des revenus du ménage et de son patrimoine net imposable au titre de l'ISF que Madame [G] échoue à démontrer le caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution d'un montant de 130 000,00 euros souscrit le 12 décembre 2007.
Sur la situation de Madame [G] lors des engagements de caution souscrits le 29 mars 2010
Le 29 mars 2010, Madame [G] s'est engagée comme caution solidaire de la société La Ferme d'[Localité 8] au profit du Crédit Agricole et ceci à hauteur de la somme totale de 930 930,00 euros décomposée comme suit :
- 89 700,00 euros en garantie du prêt n° 70005898941
- 117 000,00 euros en garantie du prêt n° 70005898984
- 92 820,00 euros en garantie du prêt n° 70005898992
- 118 560,00 euros en garantie du prêt n° 70005899000
- 512 850,00 euros en garantie du prêt n° 70005899018
Elle a signé cinq fiches de renseignements confidentiels datées du 29 mars 2010 relatives aux cinq prêts susvisés.
En signant ces fiches, Madame [G] a certifié exacts et sincères les renseignements y figurant de sorte que le fait qu'elles ne soit pas manuscrites mais dactylographiées est indifférent.
Il ressort de ces fiches les éléments suivants :
- Madame [G] déclare exercer une activité de conjointe collaboratrice, Monsieur [G] étant chef d'entreprise,
- Madame [G] ne perçoit pas de revenus, son mari perçoit 5 000,00 euros par mois,
- le ménage perçoit des revenus ''autres'' de 2 550,00 euros par mois,
- au titre de l'estimation du patrimoine, est mentionnée une maison d'habitation d'une valeur de 730 000,00 euros, des parts des SCI Massia et Domaine des Hogues d'une valeur de 1 499 000,00 euros, des terrains constructibles d'une valeur de 220 000,00 euros, de l'épargne d'un montant de 200 000,00 euros.
Madame [G] ne mentionne aucune autre caution ou charges diverses.
Or, Madame [G] était déjà engagée comme caution solidaire de la société La Ferme d'[Localité 8] au profit du Crédit Agricole qui en avait nécessairement connaissance et ceci pour un montant de 280 999 euros au titre des cautions données le 16 janvier 2006 d'une durée de 12 années et pour un montant de 130 000 euros au titre de la caution donnée le 21 décembre 2007 d'une durée de 17 années.
La connaissance que l'établissement prêteur avait de l'endettement de Madame [G] aurait dû l'amener à rechercher davantage quelles étaient ses charges. Cette anomalie apparente permet à Madame [G] de démontrer quel était son endettement réel le 29 mars 2010.
La disproportion d'un cautionnement par rapport aux biens et revenus de la caution devant être appréciée au jour de la signature de l'acte et non au jour où le juge statue, les engagements de caution souscrits avant le cautionnement litigieux doivent être pris en compte, quand bien même ils ont été déclarés disproportionnés.
Madame [G] ne produit pas les engagements de caution souscrits au profit de la société Lixxbail pour garantir les prêts consentis par cette dernière à la société La Ferme d'[Localité 8]. Il ressort des décisions de justice qui ont eu à connaître de ces engagements de caution (cour d'appel de Rouen, arrêt du 20 juin 2019 ; tribunal judiciaire de Rouen, jugement du 25 janvier 2022) et que produit la caution, qu'ils ont été signés aux mois d'avril 2010 et le 2 juillet 2010 soit postérieurement aux engagements litigieux. Par ailleurs, Madame [G] ne produit pas l'accord de financement du Crédit Agricole d'octobre 2009 dont elle se prévaut pour soutenir que la banque en avait connaissance ce qui ne saurait résulter du seul fait que la société Lixxbail est une filiale du Crédit Agricole. Dès lors, ces engagements de caution ne seront pas pris en compte pour apprécier la disproportion de la caution de Mme [G] le 29 mars 2010.
Madame [G] verse aux débats l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rouen le 20 mai 2021 dans le litige qui l'a opposée à la Caisse d'Epargne et qui a confirmé le jugement du 3 avril 2018. Cet arrêt n'a pas autorité de la chose jugée au regard du présent litige. Il s'agit néanmoins d'une décision définitive dont le contenu intéresse directement la situation financière de Madame [G] le 29 mars 2010 et qui peut être retenu à titre probatoire dès lors qu'aucun élément ne le conteste utilement. Ainsi, il ressort de cette décision, sans que ce point soit contesté par le Crédit Agricole que Monsieur [G] s'est engagé comme caution auprès de la Caisse d'Epargne, le 29 mars 2010, à hauteur de 130 000,00 euros, engagement qui sera retenu dès lors que du fait de leur régime matrimonial, les deux époux peuvent être tenus des dettes de chacun. En revanche, l'engagement de caution du 2 avril 2010 de Madame [G] , postérieur à celle des engagements litigieux sera écarté. Il en ressort également, ce point étant corroborés par l'acte authentique du 7 avril 2010, que dans le cadre de la mise en place d'une opération de co-financement de la société La Ferme d'[Localité 8] par le Crédit Agricole, la Caisse d'Epargne et la Bred, Madame [G] s'est engagée comme caution au profit de ces deux dernières banques pour un montant de 372 840,00 euros (177 840,00 euros au profit de la Caisse d'Epargne et 195 000,00 euros au profit de la Bred). Il en ressort enfin, sans que des éléments apportés par la société Crédit Agricole viennent le contredire, qu'elle était engagée envers la société CIC pour un prêt de 450 000,00 euros dont il restait dû le capital de 421 304,00 euros.
Ainsi qu'il a été exposé ci-desssus, Madame [G] a bénéficié le 29 juillet 2006, du Crédit Agricole d'un prêt en ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 90 000,00 euros destiné à assurer aux époux [G] une trésorerie.
Ainsi le passif de Madame [G] lors de ses engagements de caution du 29 mars 2010 était composé des sommes suivantes :
- 280 999,00 euros au titre des cautions données au Crédit Agricole le 16 janvier 2006,
- 130 000,00 euros au titre de la caution donnée au Crédit Agricole le 21 décembre 2007,
- 130 000,00 euros au titre de la caution donnée par M. [G] le 29 mars 2010,
- 372 840,00 euros au titre des cautionnements donnés au profit de la Caisse d'Epargne et de la Bred le 29 mars 2010,
- 90 000,00 euros au titre du prêt consenti le 29 juillet 2006 par le Crédit Agricole,
- 421 304,00 euros au titre du prêt consenti par le CIC le 30 octobre 2008.
Total : 1 424 144,00 euros
Madame [G] a déclaré dans ses fiches de renseignements du 29 mars 2010 :
- une maison d'habitation d'une valeur de 730 000,00 euros,
- des parts des SCI Massia et Domaine des Hogues d'une valeur de 1 499 000,00 euros,
- des terrains constructibles d'une valeur de 220 000,00 euros,
- de l'épargne d'un montant de 200 000,00 euros.
Les époux [G] ont rempli le 30 mars 2010, une fiche patrimoniale dont il ressort que la valeur nette des parts sociales de la SCI Massia et du domaine de la Hogues après déduction de la valeur du bien immobilier, le montant du capital restant dû sur le prêt garanti par une hypothèque est de 1 499 131,00 euros. Toutefois, la valeur des parts de SCI ne se définit pas simplement par la valeur de ces biens ce dont la banque spécialiste du crédit et des opérations financières avait parfaitement connaissance. Les fiches de renseignements étaient ainsi affectées d'une deuxième anomalie apparente.
Le Crédit Agricole verse aux débats l'extrait Kbis de la société Massia mis à jour le 15 janvier 2018, ses statuts mis à jour au 16 novembre 2012 et le dossier d'évaluation qu'elle en a fait en 2018. La société Crédit Agricole ne démontre ni même n'allègue que la SCI Massia a connu une modification de son capital social depuis son immatriculation le 30 août 2010. Il ressort des pièces qu'elle produit aux débats que le capital social de la SCI Masia était de 30 490,00 euros divisé en 30 490 parts de 1 euro chacune. Cette valeur nominale sera retenue.
A l'exception de l'arrêt du 20 mai 2021 de la cour d'appel de Rouen, aucun élément d'information n'est produit par les partie de la SCI Domaine des Hogues. Cet arrêt relate que « le rapport de gestion soumis à la délibération de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 30 juin 2010 fait état d'une perte sur l'exercice 2009 s'ajoutant à la perte de l'exercice 2008, et d'un report à nouveau de - 197 668,42 € » et retient une valeur nette nulle. A défaut de tout élément susceptible de contredire cette analyse, cette valeur nulle sera à nouveau retenue.
Par ailleurs, le Crédit Agricole convient qu'il doit être déduit du montant de l'actif déclaré la valeur du terrain constructible soit 220 000,00 euros grevé par un prêt qu'elle a consenti aux époux [G] pour l'acquisition de ce terrain le 26 février 2009.
Il résulte de tout ceci que le patrimoine de Madame [G], à la date de ses engagements du 29 mars 2010, était de 960 490 euros. Les époux [G] disposaient de revenus mensuels de l'ordre de 4 913,00 euros par mois (revenus agricoles et revenus fonciers)
Enfin, pour apprécier la proportionnalité de chacun des cinq engagements souscrit à cette date il convient de prendre en compte le montant des quatre autres engagements que le Crédit Agricole ne pouvait que connaitre. Le montant total de ces engagements de cautions étant de 930 930,00 euros.
Il résulte ainsi de la comparaison de l'endettement de Madame [G] avec son patrimoine et ses revenus que ses engagements de caution du 29 mars 2010 étaient manifestement disproportionnés.
Sur la situation de Madame [G] lorsqu'elle est appelée le 3 janvier 2018
Moyens des parties :
Le Crédit Agricole soutient que :
- à cette date, Madame [G] disposait d'un patrimoine de 4 110 200,00 euros.
Madame [G] réplique que :
- la charge de la preuve pèse sur la société Crédit Agricole ;
- la société La Ferme d'[Localité 8] a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ;
- elle a fait l'objet de mises en demeure de la Bred et du CIC et de procédures de la Caisse d'Epargne et de Lixxbail ;
Réponse de la cour
Il incombe au Crédit Agricole de démontrer que le 3 janvier 2018, le patrimoine de Madame [G] lui permet de faire face à ses engagements de cautions dont le montant était à cette date de :
- 89 700,00 euros en garantie du prêt n° 70005898941
- 117 000,00 euros en garantie du prêt n° 70005898984
- 92 820,00 euros en garantie du prêt n° 70005898992
- 118560,00 euros en garantie du prêt n° 70005899000
- 512 850,00 euros en garantie du prêt n° 70005899018
Il doit être tenu compte de l'endettement global de Madame [G] au jour où elle est appelée soit le 3 janvier 2018.
Ainsi, il convient de tenir compte des engagements souscrits en janvier 2006 et décembre 2007 soit la somme de 221 869,00 euros (29.395,37 euros, 14 803,14 euros de 60.677,85 euros, de 116 992,54 euros), les sommes dues au Crédit Agricole au titre de l'ouverture de crédit en compte courant consentie le 29 juillet 2006 soit la somme de 82 739,81 euros et au titre du prêt tout Habitat Facilimo du 10 février 2011 soit la somme de 67 779,21 euros. Il convient de tenir compte des engagements de caution donnés au profit de la Bred à hauteur de 195 000,00 euros et 250 000,00 euros, de la somme de 274 195,91 euros au titre d'un prêt consenti le 30 octobre 2008 par la banque le CIC, des engagements de caution au bénéfice de la caisse d'Epargne pour un montant de 177 840,00 euros, des engagements de caution souscrits par Madame [G] au profit de la société Lixxbail à hauteur de 359 850,00 euros.
L'endettement de Madame [G] lorsqu'elle est appelée s'élevait à 1 091 584,00 euros.
Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la valeur des parts sociales de la SCI Massia au 3 janvier 2018 était de 30 490,00 euros.
Le bien immobilier situé à [Localité 7] a été estimé en juillet 2015 à 977 000,00 euros ce qui n'est pas contemporain au jour où Madame [G] est appelée en janvier 2018. Il sera par conséquent retenu l'estimation basse de 635 000,00 euros en cas de vente forcée proposée par l'expert amiable, Monsieur [Y] mandaté par Le Crédit Agricole. Restaient dus en décembre 2019 les sommes de 127 878,00 et 72 165,00 euros au titre des prêts grevant ce bien. Ainsi la valeur nette sera retenue pour la somme de 434 957,00 euros.
La pièce intitulée ''annexe pièce 36'' visée par la banque pour justifier de la valeur des parts dont Monsieur [G] est titulaire dans la société Domaine des Hogues SARL n'est pas visée par le bordereau de communication de pièces et en pièce 36 sont produits les statuts de la SCI Domaine de la Boulaye. La banque ne justifie donc pas de la valeur des parts à hauteur de 1 170 000,00 euros mentionnée en page 17 de ses conclusions.
Quant aux parcelles de terres située commune d'[Localité 8], section C n° [Cadastre 6] autres que celles précédemment citées (AB [Cadastre 1],[Cadastre 3],[Cadastre 5]), elles sont évaluées par la banque à 43 200,00 euros sans observation de Madame [G] sur cette évaluation.
Il s'ensuit que l'actif de Madame [G] lorsqu'elle est appelée le 3 janvier 2018 est de l'ordre de 508 647,00 euros et son endettement de 2 560 204,00 euros. Enfin, ainsi qu'il a été expliqué ci-dessus, pour apprécier la proportionnalité de chacun des cinq engagements souscrit à cette date il convient de prendre en compte le montant des quatre autres engagements que le Crédit Agricole ne pouvait que connaître, le montant total de ces engagements de cautions étant de 930 930,00 euros.
Il en résulte que lorsqu'elle a été appelée, les engagements de Madame [G] étaient manifestement disproportionnés à ses ressources. Dès lors, les engagements de caution souscrits le 29 mars 2010 au profit de la société Le Crédit Agricole seront déclarés inopposables à la caution.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné Madame [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine les sommes de :
- 89 700 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018,
- 1 117 000,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018,
- 92 820,00 euros arrêtée au 31 décembre 201 7 avec intérêts au taux contractuel majorée 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018,
- 118 560,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018,
- 512 850,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75% l'an à compter du 1er janvier 2018.
La société Caisse Régionale de Crédit Agricole Nomandie Seine sera déboutée de ces chefs de demandes.
Sur la décharge de la caution pour perte de la subrogation du fait du créancier :
Moyens des parties :
Madame [G] fait valoir que :
- le Crédit Agricole a renoncé volontairement au bénéfice de l'article L 642-12 alinéa 4 du code de commerce alors que les prêts étaient toujours en cours lorsque le plan de cession a été adopté par le tribunal de commerce ;
- Madame [G] se trouve déchargée de son engagement de caution de ce simple fait puisque la banque lui a fait perdre un droit qu'elle pouvait invoquer à son profit, celui d'exiger du cessionnaire d'acquitter les échéances des prêts consentis du fait du transfert des sûretés au cessionnaire.
Le Crédit Agricole réplique que :
- face à une seule offre de reprise, la marge de man'uvre de la société Crédit Agricole était extrêmement réduite puisque si elle refusait la condition suspensive réclamée consistant en la renonciation du transfert à Eurovo de la charge des sûretés, aucun plan de cession total de la SARL Ferme d'[Localité 8] n'aurait pu être arrêté par le tribunal ;
- dans cette hypothèse, Eurovo n'aurait pas versé à la procédure collective la somme de 1 195 001,00 euros, et la Caisse de Crédit Agricole n'aurait pas perçu la somme de 965 859.40 euros de sorte que Madame [G] aurait été poursuivie en paiement pour une somme bien plus importante puisque les fonds perçus sont venus en diminution de son engagement ;
- son accord pour renoncer au transfert de la charge de la sûreté a permis également la poursuite des neuf contrats de travail de la SARL Ferme d'[Localité 8] ;
- Madame [G] n'a pas été privée d'un droit préférentiel du fait d'une faute exclusivement imputable au créancier.
Réponse de la cour :
Madame [G] étant déchargée des engagements de caution souscrits le 29 mars 2010 au profit de la banque Le Crédit Agricole, la demande qu'elle présente doit être appréciée au regard des engagements de caution consentis en janvier 2006 et décembre 2007.
Aux termes de l'article 2314 du Code civil dans sa version applicable au litige, '' la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.''
Aux termes de l'article L 642-12 du code de commerce, ''Lorsque la cession porte sur des biens grevés d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, le tribunal affecte à chacun de ces biens, pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence, la quote-part du prix, déterminée au vu de l'inventaire et de la prisée des actifs et correspondant au rapport entre la valeur de ce bien et la valeur totale des actifs cédés.
Le paiement du prix de cession fait obstacle à l'exercice à l'encontre du cessionnaire des droits des créanciers inscrits sur ces biens.
Jusqu'au paiement complet du prix qui emporte purge des inscriptions grevant les biens compris dans la cession, les créanciers bénéficiant d'un droit de suite ne peuvent l'exercer qu'en cas d'aliénation du bien cédé par le cessionnaire.
Toutefois, la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire. Celui-ci est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété ou, en cas de location-gérance, de la jouissance du bien sur lequel porte la garantie. Il peut être dérogé aux dispositions du présent alinéa par accord entre le cessionnaire et les créanciers titulaires des sûretés.
Les dispositions du présent article n'affectent pas le droit de rétention acquis par un créancier sur des biens compris dans la cession.''
Il ressort du jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 3 décembre 2015 qu'une seule offre de reprise de la société La Ferme d'[Localité 8] a été présentée par l'administrateur soit l'offre de la société Eurovo France affectée de deux conditions suspensives dont la renonciation par le Crédit Agricole au bénéfice de l'article L 642-12 alinéa 4 du code de commerce prévoyant la transmission au cessionnaire de la charge des sûretés réelles spéciales ; et que cette unique offre de reprise permettait d'assurer la pérennité de l'entreprise. Ainsi, si la banque a accepté de ne pas transférer à la société Eurovo la charge des sûretés en contrepartie du paiement de la somme de 965 859,40 euros, cette perte résultant du jugement qui a arrêté le plan de cession a permis de retrouver un repreneur, de sauvegarder des emplois de sorte que Madame [G] n'a pas été privée d'un droit préférentiel du fait d'une faute exclusivement imputable à la banque.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [G] de chef de demande.
Sur la responsabilité de la société Crédit Agricole au titre de son devoir de mise en garde :
Moyens des parties
Madame [G] soutient que :
- les engagements souscrits n'étaient pas adaptés à ses capacités financières et il existait un risque d'endettement gravissime né de l'octroi de ces prêts résultant de l'inadaptation de ceux-ci à ses capacités financières puisqu'elle n'avait aucun revenu ;
- elle n'avait pas la qualité d'emprunteur averti et la caisse se devait de la mettre en garde de manière loyale sur la portée de ses engagements et le risque qu'elle prenait en cas de défaillance de la société La Ferme d'[Localité 8] qui devait déposer le bilan à peine un an après la signature des engagements de caution ;
- la simple qualité d'associé ne donne aucune compétence particulière ; elle a été cogérante de la SCI Domaine de la Boulaye mais elle a toujours été tenue à l'écart de la gestion des SCI ;
- par l'inexécution de son obligation de mise en garde la banque lui a causé un préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter.
Le Crédit Agricole réplique que :
- Madame [G] ne rapporte ni la preuve que les différents prêts n'étaient pas adaptés aux capacités financières de l'emprunteur ; ni celle que les quatre prêts antérieurs à ceux de l'année 2010 n'étaient pas adaptés à ses capacités financières ;
- Madame [G] est une caution avertie ; sur les statuts de la SCI Massia, elle déclare expressément être comptable ce qui démontre qu'elle était dans la capacité d'appréhender la situation financière ; il ressort du rapport de l'administrateur qu'elle exerce toujours ses fonctions au sein de la ferme d'[Localité 8] ; elle est par ailleurs gérante des SCI Massia et Domaine de La Boulaye ;
- le financement était adapté aux possibilités financières de l'emprunteur. Tous les crédits ont été souscrits entre 2006 et le début de l'année 2010 ; aux termes de l'assemblée générale du 30 juin 2010, le bénéfice s'élevait à la somme de 134 682,87 euros.
Réponse de la cour
Madame [G] demande que la banque soit condamnée au paiement d'une indemnité d'un montant équivalent à celui des condamnations prononcées à son profit. Les engagements de caution souscrits le 29 mars 2010 étant inopposables au Crédit Agricole, la demande indemnitaire doit être appréciée au regard des engagements de caution consentis en janvier 2006 et décembre 2007.
Le banquier dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
La caution non avertie doit rapporter la preuve que lors de sa souscription son engagement n'était pas adapté à ses capacités financières personnelles ou qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur débiteur principal.
Le devoir de mise en garde à raison de la capacité financière de la caution n'est pas limité au caractère disproportionné de son engagement au regard de ses biens et ressources.
En premier lieu, il ressort de la déclaration de créances du 15 juin 2011 que le remboursement des quatre prêts au titre desquels Madame [G] a donné sa caution en 2006 et en 2007 était à jour lors du redressement judiciaire de la société La Ferme d'[Localité 8] prononcé par jugement du 21 avril 2011. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal d'assemblées générales du 30 juin 2010 que le bénéfice de l'exercice était de 134 682,87 euros et du rapport de l'administrateur que les difficultés financières de la société La Ferme d'[Localité 8] ont débuté au mois d'avril 2011. Il résulte de ces éléments que les prêts pour lesquels Madame [G] s'est engagée en 2006 et 2007 étaient adaptés aux capacités financières de la société La Ferme d'[Localité 8].
En second lieu, ainsi qu'il a été exposé plus haut, Madame [G] ne justifie pas de sa situation financière en 2006 et n'en justifie pas complètement pour l'année 2007. La banque produit la synthèse de l'impôt de solidarité de la fortune jointe faisant ressortir qu'au 1er janvier 2006, les actifs bruts s'élevaient à 2 067 165,00 euros et le passif à 250 823 euros soit un actif net imposable au titre de l'ISF de 1 816 342,00 euros. Les revenus fonciers annuels s'élevaient alors à 55 456,00 euros.
Il en résulte que Madame [G] n'établit pas que ses engagements de caution étaient inadaptés à ses capacités financières.
Il s'ensuit qu'en tout état de cause et même à supposer que Madame [G] n'ait pas été une caution avertie, la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde.
Dès lors le jugement qui a débouté Madame [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre du devoir de mise en garde sera confirmé.
Le jugement sera infirmé, d'une part, en ce qu'il a mis les dépens à la charge de Madame [G] qui seront partagés par moitié entre les parties et, d'autre part, en ce qu'il l'a condamnée à régler à la banque la somme de 1 500,00 euros au titre des frais irrépétibles. L'équité commande que le Crédit Agricole soit débouté de cette demande et les dépens seront partagés par moitié entre les parties de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 89 700,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018 avec capitalisation des intérêts,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 117 000,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018 avec capitalisation des intérêts,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 92 820,00 euros arrêtée au 31 décembre 201 7 avec intérêts au taux contractuel majorée 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018 avec capitalisation des intérêts,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 118 560,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017 avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018 avec capitalisation des intérêts,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 512 850,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75% l'an à compter du 1er janvier 2018 avec capitalisation des intérêts,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame [O] [S] épouse [G] aux dépens qui seront recouvrés par la SCP JY. Poncet-P. Deboeuf-MC. Beignet conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
Déclare inopposables à Madame [G] les engagements de caution suivants souscrits le 29 mars 2010 au bénéfice de La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine :
- 89 700,00 euros en garantie du prêt n° 70005898941
- 117 000,00 euros en garantie du prêt n° 70005898984
- 92 820,00 euros en garantie du prêt n° 70005898992
- 118 560,00 euros en garantie du prêt n° 70005899000
- 512 850,00 euros en garantie du prêt n° 70005899018
Déboute La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine de sa demande de condamnation au paiement des sommes de :
- 89 700,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005898941, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018, avec capitalisation,
- 117 000,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005898984, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018 avec capitalisation,
- 92 820,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005898992, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018 avec capitalisation,
- 118 560,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005899000, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,60 % l'an à compter du 1er janvier 2018, avec capitalisation
- 512 850,00 euros arrêtée au 31 décembre 2017, au titre du prêt 70005899018, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,75 % l'an à compter du 1er janvier 2018, avec capitalisation,
Condamne Madame [G] et La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine, par moitié chacun, aux dépens de première instance,
Déboute La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles de première instance,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Madame [G] et La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine, par moitié chacun, aux dépens de l'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine et Madame [G] de leurs demandes présentées au titre des frais irrépétibles,
La greffière, La présidente,