N° RG 23/02166 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMWY
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 17 AVRIL 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00316
Tribunal judiciaire de Rouen du 22 mai 2023
APPELANTS :
Monsieur [C] [E]
né le 8 juillet 1985 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté et assisté par Me Fabrice LEGLOAHEC de la SELARL D'AVOCATS LEGLOAHEC LEGIGAN, avocat au barreau de Rouen substitué par Me TESSON
Madame [Y] [O]
née le 17 mai 1983 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée et assistée par Me Fabrice LEGLOAHEC de la SELARL D'AVOCATS LEGLOAHEC LEGIGAN, avocat au barreau de Rouen substitué par Me TESSON
INTIMES :
Madame [N] [L]
née le 15 décembre 1986 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée et assistée par Me Marion FAMERY de l'AARPI LHJ AVOCATS AARPI, avocat au barreau du Havre
Monsieur [W] [J]
né le 11 avril 1986 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté et assisté par Me Marion FAMERY de l'AARPI LHJ AVOCATS AARPI, avocat au barreau du Havre
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 février 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 21 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 avril 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant acte notarié du 11 janvier 2017, M. [W] [J] et Mme [N] [L] ont vendu à M. [C] [E] et à Mme [Y] [O] une maison d'habitation, située [Adresse 3], pour le prix de
240 000 euros.
Par ordonnance du 22 novembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen a fait droit à la demande d'expertise présentée par M. [C] [E] et Mme [Y] [O], se plaignant d'inondations dans le sous-sol de la maison survenues à partir de novembre 2017. Il a confié la réalisation de cette mesure à M. [S] [X].
Suivant actes d'huissier de justice des 29 et 30 octobre 2020, M. [C] [E] et Mme [Y] [O] ont fait assigner leurs vendeurs devant le tribunal judiciaire de Rouen en réparation de leurs préjudices.
L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 26 novembre 2020.
Par jugement du 22 mai 2023, le tribunal a :
- condamné M. [W] [J] et Mme [N] [L] in solidum à verser à
M. [C] [E] et Mme [Y] [O] une somme de 10 000 euros au titre de la réduction du prix de vente, et les a déboutés de leurs demandes de surplus, outre celles au titre des frais de reprise des travaux, du préjudice de jouissance et du préjudice moral,
- condamné M. [W] [J] et Mme [N] [L] in solidum à verser à
M. [C] [E] et Mme [Y] [O] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [W] [J] et Mme [N] [L] aux entiers dépens qui comprendront ceux engagés dans le cadre de la procédure de référé-expertise, d'expertise judiciaire (incluant les frais d'expertise judiciaire) et la présente procédure au fond, avec recouvrement direct au profit de la Selarl Legloahec-Legigan, avocats au barreau de Rouen,
- débouté les parties de toute autre demande non présentement satisfaite,
- constaté le caractère exécutoire de droit de la présente décision.
Par déclaration du 23 juin 2023, M. [C] [E] et Mme [Y] [O] ont formé un appel contre le jugement.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2024, M. [C] [E] et Mme [Y] [O] sollicitent de voir :
à titre principal en vertu des articles 1641 et 1604 du code civil, à titre subsidiaire en vertu des articles 1792, 1604, et suivants du même code, et à titre subsidiaire en vertu des articles 1147, 1604, et suivants du même code,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 22 mai 2023 en ce qu'il a condamné M. [W] [J] et Mme [N] [L] in solidum à leur verser une somme de 10 000 euros au titre de la réduction du prix de vente, et les a déboutés de leurs demandes de surplus, outre celles au titre des frais de reprise des travaux, du préjudice de jouissance et du préjudice moral,
statuant à nouveau, condamner in solidum M. [W] [J] et Mme [N] [L] au paiement des sommes suivantes :
. 90 061,91 euros TTC au titre des travaux de reprise,
. 54 990,04 euros au titre de la diminution du prix de vente,
. 36 704 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au 1er janvier 2024,
. 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [W] [J] et Mme [N] [L] in solidum à leur régler une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuant à nouveau, condamner in solidum M. [W] [J] et Mme [N] [L] à leur verser une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure de première instance et celle de
6 000 euros en cause d'appel,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [W] [J] et Mme [N] [L] aux entiers dépens qui comprendront ceux engagés dans le cadre de la procédure de référé-expertise, d'expertise judiciaire (incluant les frais d'expertise judiciaire) et la présente procédure au fond, avec recouvrement direct au profit de la Selarl Legloahec-Legigan, avocats au barreau de Rouen,
statuant à nouveau, condamner in solidum M. [W] [J] et Mme [N] [L] aux entiers dépens qui comprendront ceux engagés dans le cadre de la procédure de référé-expertise, d'expertise judiciaire (incluant les frais d'expertise judiciaire) et la présente procédure au fond, avec recouvrement direct au profit de la Selarl Legloahec-Legigan, avocats au barreau de Rouen,
- condamner in solidum M. [W] [J] et Mme [N] [L] aux entiers dépens de la procédure d'appel,
- débouter M. [W] [J] et Mme [N] [L] de l'intégralité de leurs demandes.
Ils font valoir à titre principal que la garantie des vendeurs est engagée pour les vices cachés constitués par les inondations et les infiltrations affectant le sous-sol de leur immeuble qui le rendent impropre à sa destination et portent atteinte à plus ou moins long terme à sa solidité du fait de l'humidité dans les murs, qu'il est anormal que le sol soit recouvert d'une couche d'eau, qu'on y circule avec des bottes, et que l'usage d'environ 50 m² de la surface de la maison soit impossible.
Ils ajoutent que ces vices existaient au moment de la vente et étaient connus des vendeurs qui ont vécu pendant huit ans dans la maison et qui ont remplacé les bâtis de portes du sous-sol juste avant la vente ou au moment où ils ont aménagé le sous-sol afin de masquer les conséquences des inondations, que celles-ci étaient atténuées par la présence d'une pompe de relevage posée par les vendeurs qu'ils ont enlevée au moment de la vente ; que les photographies en noir et blanc non datées versées aux débats par ces derniers ne permettent pas de vérifier correctement l'absence d'inondations ou d'infiltrations et ont pu être prises en plein été par temps sec ; que les vendeurs ne les ont jamais informés qu'ils subissaient de tels écoulements d'eau, que s'il était jugé que la pompe de relevage laissait présumer la présence d'humidité, ce fait n'a pas pu leur permettre de connaître l'ampleur et les conséquences des désordres ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ce n'est pas le retrait de la pompe de relevage qui est à l'origine des inondations et les attestations produites par les intimés ne peuvent prédominer sur l'avis de l'expert judiciaire qui a estimé que ce retrait constituait une cause aggravante ; que lors de la vente ils ont simplement été informés de la non-conformité du raccordement de cette pompe dans le réseau d'assainissement.
Ils recherchent également à titre principal l'obligation de délivrance conforme à laquelle est tenu le vendeur. Ils avancent que M. [J] et Mme [L] ne pouvaient vendre que 158,57 m² et non pas 212 m² comme précisés dans les annonces immobilières, ni 208,20 m² comme calculés par l'expert judiciaire, qu'en effet devaient être exclues les trois pièces du sous-sol d'une surface totale de 49,63 m² qui ne remplissent pas les conditions d'habitabilité édictées par le Règlement sanitaire départemental de la Seine-Maritime en raison de l'insuffisance de la hauteur minimale sous plafond et de l'éclairage naturel dans le salon ; que, contrairement aux affirmations des intimés, la présence ou non d'une pompe de relevage n'a aucune incidence avec l'obligation de délivrance pesant sur eux, qu'il n'existe pas de clause contractuelle de non-garantie de contenance, qu'au surplus, les clauses limitatives de responsabilité sont réputées non écrites dès lors qu'elles concernent une obligation essentielle de la vente ; que la différence de surface étant au profit des intimés, ceux-ci doivent supporter une diminution du prix à hauteur de 54 990,04 euros calculée sur un prix du m² de 1 108 euros à l'époque de la vente.
Ils soulignent que le tribunal a écarté sans s'en expliquer les règles d'habitabilité issues du Règlement sanitaire départemental de la Seine-Maritime ; qu'il a mal interprété les dispositions de l'article R.111-2 du code de la construction et de l'habitation puisque la hauteur sous plafond de 1,80 mètres ne concerne pas les sous-sols, et qu'il n'a pas expliqué pourquoi il fixait arbitrairement à 10 000 euros la réduction du prix de vente.
Ils exposent à titre subsidiaire que les vendeurs ont engagé leur responsabilité en qualité de constructeur sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, car ils ont effectué l'aménagement du sous-sol dans les dix ans précédant la vente qui constitue des travaux de construction de grande ampleur comprenant un apport de matières et la création d'un regard avec l'installation d'une pompe de relevage ; que ces travaux se sont avérés insuffisants puisque n'a pas été mis en place un système de drainage au pied des fondations du sous-sol ; qu'en outre, M. [J] a enlevé la pompe de relevage, ce qui a généré l'apparition d'inondations plus importantes ; qu'à titre infiniment susbidiaire, la responsabilité contractuelle de droit commun des intimés est engagée en leur qualité de constructeur, que ces derniers ont menti lorsqu'ils ont déclaré le jour de la vente qu'aucune construction de rénovation n'avait été effectuée sur l'immeuble.
Ils précisent enfin que leur sous-sol est aujourd'hui inhabitable et inutilisable faute d'avoir pu réaliser à ce jour les travaux de reprise ; qu'ils subissent un préjudice de jouissance de 496 euros par mois calculé sur un prix de location de 10 euros par m² ; que, lors des inondations, ils ont perdu de nombreux meubles et objets qui leur étaient chers de sorte qu'ils ont subi un préjudice moral.
Par dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2023, M. [W] [J] et Mme [N] [L] demandent de voir :
- réformer le jugement du 22 mai 2023 en ce qu'il les a condamnés à verser à M. [E] et Mme [O] la somme de 10 000 euros au titre de la réduction du prix de vente, outre 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens incluant les frais de la procédure d'expertise,
statuant à nouveau,
- débouter M. [E] et Mme [O] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner in solidum ces derniers à leur verser la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais exposés en première instance et en appel,
- laisser à la charge de M. [E] et Mme [O] les frais exposés dans la procédure de référé-expertise, les frais d'expertise et les dépens de première instance et d'appel, et au besoin, condamner ceux-ci à prendre en charge l'ensemble de ces frais.
Ils font valoir que les infiltrations subies par les appelants dans leur sous-sol après la vente ne leur sont pas imputables ; qu'ils n'ont réalisé aucun travaux de gros oeuvre dans l'immeuble, mais seulement des travaux de rafraîchissement des peintures et des décorations intérieures et l'aménagement d'une pièce de loisirs au sous-sol où se trouvaient de nombreux instruments de musique et leurs équipements électriques ; qu'ils n'y ont jamais subi d'infiltrations d'eau pendant les huit ans de leur occupation de la maison ; que les acquéreurs ont été informés du retrait de la pompe de relevage située dans un regard dans un coin de la pièce de loisirs que M. [J] a effectué en toute bonne foi pour se mettre en conformité avec les préconisations de la Saur laquelle n'a pas attiré son attention sur le risque d'arrivées d'eau.
Ils précisent que l'origine des désordres n'est pas le retrait de cette pompe, mais l'absence de drain au pied des fondations qu'ils ignoraient et qui ne peut leur être imputée au vu de la date de la construction de la maison en 1975 et de leur qualité de profane en la matière ; qu'ils n'ont caché aucune information à leurs acquéreurs lesquels ne démontrent pas l'existence d'un vice caché. Ils sollicitent l'application de la clause exonératrice de garantie à leur profit.
Ils exposent ensuite qu'ils ont délivré la maison aux acquéreurs dans un état conforme à celui dans lequel elle était au moment des visites et à celui décrit dans l'acte de vente, que les annonces immobilières n'avaient aucun caractère contractuel ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le retrait de la pompe de relevage n'a pas modifié la physionomie du salon au sous-sol, que le fait qu'a posteriori cette pièce ne pouvait plus être utilisée comme un salon n'engendre pas un manquement à l'obligation de délivrance.
Ils répliquent que les travaux qu'ils ont réalisés dans le sous-sol aux fins d'aménagements ne sont pas des travaux de gros oeuvre relevant de l'article 1792 du code civil et ne présentent par eux-mêmes aucun défaut, ni désordre ; qu'ils n'ont pas participé à la construction de la maison et que toute demande au titre du défaut d'origine consistant en l'absence de système de drainage serait frappée de prescription.
Ils considèrent qu'en l'absence de faute et/ou de responsabilité de leur part, la demande indemnitaire pour trouble de jouissance ne peut être admise, qu'elle est de plus exagérée car les quelques infiltrations survenues dans le sous-sol n'ont pas gêné l'habitation normale de la maison et n'ont créé aucun trouble réel de jouissance ; que la comparaison avec le prix des locations de logements d'habitation, et non pas de pièces accessoires au sous-sol, est inopérante ; que le préjudice moral allégué n'est pas établi et qu'aucune faute de leur part ne peut être en lien avec un tel préjudice.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 31 janvier 2024.
MOTIFS
Sur la garantie des vices cachés
1) Sur son bien-fondé
L'article 1641 du code civil prévoit que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Selon l'article 1643 du même code, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté le 11 mars 2019 au sous-sol de l'immeuble :
- dans le garage, la présence d'une longue flaque d'eau le long du mur nord qui s'étalait vers le centre et se retournait contre le mur de refend ouest,
- dans la cage d'escalier, la présence d'une flaque d'eau au bas de l'escalier contre le mur de refend est et le mur de refend ouest,
- dans la pièce aménagée en salon, une inondation totale avec une épaisseur moyenne d'eau d'environ un centimètre. L'expert a précisé y avoir marché avec des bottes.
Il a aussi relevé lors de la réunion du 14 février 2020, lendemain d'une journée très pluvieuse, que, dans le sous-sol, le tiers ouest du garage était inondé, la moitié sud de la cage d'escalier était recouverte d'eau, et la moitié ouest de la salle aménagée était partiellement inondée (le long des murs ouest et sud, sur le côté est du comptoir, et devant la porte).
Il a estimé que les inondations étaient anciennes. Il les a imputées à l'absence de mise en oeuvre d'un système de drainage au pied des fondations du sous-sol lors de l'édification de la maison en 1975 en violation du Dtu 20 en vigueur depuis janvier 1961 qui le prévoyait dans un terrain peu perméable. En effet, sur ce type de terrain, les eaux de ruissellement peuvent venir s'accumuler le long du mur enterré.
Il a également précisé que l'importance des inondations avait été aggravée par l'enlèvement par M. [J] avant la vente de la pompe de relevage, immergée dans un regard situé dans l'angle nord-ouest de la pièce aménagée en salon et créé dans le dallage en béton, comme celui-ci l'avait déclaré lors de la réunion d'expertise du 27 février 2019.
Le retrait de cette pompe a été porté à la connaissance des acquéreurs lors de la vente. A été annexé à l'acte de vente un certificat de contrôle du raccordement des immeubles au réseau public d'assainissement établi par la Saur le 14 décembre 2016 aux termes duquel :
- l'évier du sous-sol était rejeté dans le puisard des eaux pluviales et la pompe du regard vide cave était rejetée dans le réseau d'assainissement,
- il était préconisé de supprimer cet évier et le vide cave EP.
Le 20 janvier 2017, la Saur a constaté la levée intégrale de ces non-conformités.
De plus, l'existence du regard vide cave dans la pièce aménagée duquel a été retirée cette pompe était aisément visible pour les acquéreurs, qui ont ainsi été informés de ces deux non-conformités de raccordement des eaux usées et des eaux pluviales.
Toutefois, ils ne pouvaient en déduire la survenance et l'ampleur d'inondations et d'infiltrations à plusieurs reprises dans leur sous-sol. Ces vices n'étaient donc pas apparents lors de la vente.
Ils étaient également antérieurs à celle-ci pour les raisons suivantes :
- l'absence d'un système de drainage au pied des fondations du sous-sol lors de l'édification de la maison en 1975,
- le remplacement de la partie inférieure des bâtis des trois portes du sous-sol par une greffe matérialisée par la présence de coupes à environ 70 centimètres de hauteur, constaté par l'expert judiciaire. Celui-ci a précisé qu'il ignorait si ces greffes, posées à la suite de multiples inondations, l'avait été avant la vente ou des années auparavant lors des travaux d'aménagement du sous-sol.
Enfin, si l'expert judiciaire n'a pas indiqué explicitement que les désordres compromettaient la solidité de l'ouvrage ou rendaient l'immeuble impropre à sa destination, il a précisé que, lors des inondations du sous-sol, le sol était partiellement recouvert d'une couche d'eau de zéro à deux centimètres d'épaisseur, ce qui nécessitait l'usage de bottes. Il a en outre expliqué que les murs de garage, de chaufferie, ou de réserve qui étaient des murs de catégorie 2 pouvaient être humides et même très humides, mais qu'en aucun cas, ces locaux ne devaient avoir une flaque d'eau à cause d'une infiltration. Il a ajouté que les murs de pièces habitables ne pouvaient pas être humides, ni infiltrants, et devaient être étanches.
En définitive, les inondations et infiltrations constituent un vice grave, ayant compromis l'usage de clos et de couvert du sous-sol de l'immeuble dont une partie avait été aménagée par M. [J] comme un espace de vie dédié aux loisirs et qui a été qualifié de 'salon' dans la désignation du bien figurant dans l'acte de vente. En revanche, contrairement à ce qu'avancent les appelants, aucun élément ne conforte l'existence d'une atteinte à la solidité de l'immeuble.
M. [E] et Mme [O] apportent la preuve d'un vice caché dans toutes ses composantes.
Pour écarter l'application de la clause contractuelle d'exclusion de garantie des vices cachés spécifiée à la page 10 de l'acte de vente, il appartient aux acquéreurs de prouver la mauvaise foi des vendeurs, caractérisée par leur connaissance du vice avant et au moment de la vente.
M. [J] et Mme [L] ont occupé les lieux entre 2009 et 2017. Durant ces huit années, eu égard à l'absence de système de collecte et d'évacuation des eaux de pluie au pied des fondations du sous-sol de la maison depuis sa construction, ils ont inévitablement eu à subir des infiltrations et écoulements d'eau de plus ou moins grande importance à la suite de fortes pluies même s'ils n'en connaissaient pas l'origine exacte. C'est d'ailleurs pour y pallier et recueillir ces eaux de ruissellement qu'a été créé à une date non connue le regard situé dans la pièce aménagée en salon, dans lequel a été installée une pompe de relevage pour les évacuer dans le réseau d'eau de la buanderie. Aucune autre cause n'est avancée par les intimés pour expliquer ces écoulements même s'ils étaient atténués par l'usage de cette pompe dans le salon. Y subsistaient nécessairement des traces d'eau et/ou d'humidité. Dans le garage et la cage d'escalier, étaient également perceptibles des flaques et/ou des inondations partielles comme a pu le constater l'expert judiciaire les 11 mars 2019 et 14 février 2020 à ces deux endroits.
Ces éléments objectifs relevés par l'expert judiciaire ne sont pas remis en cause par les témoignages des proches de M. [J] qui ont attesté n'avoir jamais vu d'infiltrations d'eau, ni de traces d'humidité, dans le salon où ils rangeaient des instruments de musique et autres appareils électriques. Ces derniers n'occupaient pas en permanence cette pièce dont ils ont pu seulement connaître l'état en période non pluvieuse et ne pas avoir assisté au fonctionnement de la pompe qu'ils n'évoquent pas.
M. [J] indique qu'il a effectué les travaux d'aménagement du sous-sol en 2012. Mais, ni lui, ni Mme [L], ne donne d'explications sur l'existence et la fréquence de fonctionnement de la pompe et sur l'existence et la cause des greffes constatées sur le bati des portes du sous-sol, éléments qu'ils ne pouvaient pas ignorer durant les huit années de leur occupation de l'immeuble. Leur silence sur ces points essentiels au cours de la procédure est équivoque.
De plus, M. [J] et Mme [L] ne pouvaient pas déclarer, comme ils l'ont fait à la page 13 de l'acte de vente, 'ne pas avoir constaté l'existence [...] de traces d'humidité'. Certes, ces précisions figurent dans le paragraphe sur les mérules, mais elles participent à l'information générale dispensée par le vendeur à l'acquéreur sur l'état de l'immeuble, objet de la vente.
En définitive, la mauvaise foi des vendeurs est démontrée. La clause d'exclusion de garantie des vices cachés contenue dans l'acte de vente sera écartée. M. [J] et Mme [L] seront condamnés à indemniser les appelants de leurs préjudices consécutifs.
La décision du tribunal sera infirmée.
2) Sur le montant de l'indemnisation
L'article 1645 du code civil précise que, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'espèce, l'expert judiciaire a évalué les travaux de reprise des désordres à hauteur de 57 100 euros TTC valeur septembre 2020, incluant le coût d'une mission de maîtrise d'oeuvre.
La nature et ce montant des travaux ne sont pas discutés par les intimés.
Estimant que ce montant devait être actualisé, M. [E] et Mme [O] produisent un devis établi par la Sarl 2Dtp du 22 septembre 2023 à la somme de 90 061,91 euros TTC dont ils sollicitent l'octroi.
Cependant, ils pouvaient solliciter l'indexation du montant retenu par l'expert judiciaire en fonction de la variation du dernier indice Bt 01 du coût de la construction à compter de la date du rapport d'expertise judiciaire. Aucune autre raison, notamment technique, n'est présentée pour justifier la prise en compte d'un devis établi de manière non contradictoire.
Dès lors, M. [J] et Mme [L] seront condamnés in solidum à verser à
M. [E] et à Mme [O], unis d'intérêts, la somme de 57 100 euros TTC.
Par ailleurs, M. [E] et Mme [O] ne dénombrent pas exactement les inondations qu'ils ont subies depuis novembre 2017.
Ils ont déclaré lors de la première réunion d'expertise le 27 février 2019 que six inondations avaient eu lieu lors de fortes pluies postérieurement à la première, survenue le 11 novembre 2017.
Les photographies qu'ils versent aux débats, datées des 10 et 11 mars 2019, montrent que l'occupation des pièces du sous-sol est impossible dans le salon dont le sol est inondé et limitée dans le garage et la buanderie, sans l'usage de bottes, à la suite d'épisodes pluvieux. Des photographies des 12 novembre et 27 décembre 2019 montrent des écoulements d'eau au sol dans le garage, la cage d'escalier, et la buanderie. L'expert judiciaire a relaté l'ampleur d'une inondation le 14 février 2020.
Les attestations de proches versées aux débats ne précisent pas de dates des inondations et infiltrations décrites. Mme [T] et M. [A] évoquent des inondations récurrentes dans le sous-sol. M. [G], expert amiable, indique que, selon M. [E] et Mme [O], les infiltrations d'eau interviennent après chaque chute de pluie.
Il s'en déduit que M. [E] et Mme [O] subissent une gêne temporaire à l'issue d'épisodes pluvieux, et non pas une privation continue, de l'utilisation des pièces de leur sous-sol.
Ils calculent leurs dommages et intérêts sur un prix de location de 10 euros par m² sans produire de pièces justificatives.
Une somme moindre de 2,50 euros par m² sera donc retenue s'agissant d'un sous-sol dont la majeure partie est constituée d'une pièce de vie (35,45 m² sur une surface totale de 49,63 m²), même si l'expert judiciaire a indiqué que celle-ci n'était pas conforme aux règles d'habitabilité prévues par le Règlement sanitaire départemental de la Seine-Maritime relatives à l'éclairement naturel et à la hauteur sous plafond.
Une indemnité totale de 9 181,55 euros sera allouée aux appelants en réparation de leur préjudice de jouissance subi de novembre 2017 jusqu'au 1er janvier 2024
(2,50 euros × 49,63 m² × 74 mois).
En revanche, à défaut de produire des éléments de preuve du préjudice moral qu'ils invoquent, les attestations de proches qu'ils versent aux débats n'en faisant pas état, les appelants seront déboutés de leur prétention à ce titre.
Sur l'obligation de délivrance conforme
Les articles 1603 et 1604 du code civil mettent à la charge du vendeur l'obligation de délivrer la chose vendue conformément aux spécifications contractuelles.
L'article 1616 du même code énonce que le vendeur est tenu de délivrer la contenance telle qu'elle est portée au contrat, sous les modifications ci-après exprimées.
Selon l'article 1617 du même code,ssi la vente d'un immeuble a été faite avec indication de la contenance, à raison de tant la mesure, le vendeur est obligé de délivrer à l'acquéreur, s'il l'exige, la quantité indiquée au contrat. Et si la chose ne lui est pas possible, ou si l'acquéreur ne l'exige pas, le vendeur est obligé de souffrir une diminution proportionnelle du prix.
Il incombe à l'acheteur de prouver la non-conformité contractuelle.
En l'espèce, l'expert judiciaire a mesuré la surface habitable de la maison à
208,20 m², incluant celle des pièces du sous-sol de 49,63 m² : salon aménagé, buanderie, et dégagement.
Toutefois, l'acte de vente ne mentionne aucune surface de la maison d'habitation, mais uniquement la surface totale de la parcelle de 47a 63ca.
Les deux annonces immobilières présentant l'immeuble aux fins de vente, versées aux débats par les appelants et précisant une surface habitable de 212 m², n'ont pas de valeur contractuelle. Le compromis de vente n'est pas produit.
Dès lors, la preuve de la non-conformité contractuelle de l'immeuble quant à sa surface habitable n'est pas apportée. Les clauses insérées à la page 10 de l'acte de vente, qui sont régulières dès lors qu'elles ne portent pas sur une caractéristique essentielle spécifiée par la convention des parties, s'appliquent. Selon celles-ci :
- 'L'ACQUEREUR prend le BIEN dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le VENDEUR pour quelque cause que ce soit.',
- 'Le VENDEUR ne confère aucune garantie de contenance du terrain ni de superficie des constructions.'.
La demande de réduction du prix présentée par les appelants sera rejetée. La décision contraire du tribunal sera infirmée.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais de procédure.
Parties perdantes, M. [J] et Mme [L] seront condamnés in solidum aux dépens de référé-expertise, de première instance et d'appel, qui incluront les frais de l'expertise judiciaire. Le bénéfice de distraction sera accordé à l'avocat des appelants.
Il n'est pas inéquitable de les condamner aussi in solidum au paiement à M. [E] et à Mme [O], unis d'intérêts, de la somme totale de 7 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que ces derniers ont exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne in solidum M. [W] [J] et Mme [N] [L] à payer à
M. [C] [E] et à Mme [Y] [O], unis d'intérêts, les sommes de
57 100 euros TTC au titre des travaux de reprise et de 9 181,55 euros en réparation de leur préjudice de jouissance subi de novembre 2017 jusqu'au 1er janvier 2024,
Condamne in solidum M. [W] [J] et Mme [N] [L] à payer à
M. [C] [E] et à Mme [Y] [O], unis d'intérêts, la somme de
7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne in solidum M. [W] [J] et Mme [N] [L] aux dépens de référé-expertise, de première instance et d'appel, qui incluront les frais de l'expertise judiciaire, avec bénéfice de distraction au profit de la Selarl Legloahec-Legigan, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,