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10/04/2024 | FRANCE | N°24/00021

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 10 avril 2024, 24/00021


N° RG 24/00021 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JTKN





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 10 AVRIL 2024











DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le tribunal judicaire de Rouen en date du 11 juillet 2023







DEMANDEUR :



Monsieur [Y] [O]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représenté par Me Akli AIT-TALEB, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me Arnaud de SA

INT RÉMY, avocat au barreau de ROUEN





DÉFENDERESSE :



SASU LAMY SINISTRE

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Simon GRATIEN, avocat au barreau de ROUEN





DÉBATS  :



En salle des référés, à l'audience...

N° RG 24/00021 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JTKN

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 10 AVRIL 2024

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal judicaire de Rouen en date du 11 juillet 2023

DEMANDEUR :

Monsieur [Y] [O]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Akli AIT-TALEB, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me Arnaud de SAINT RÉMY, avocat au barreau de ROUEN

DÉFENDERESSE :

SASU LAMY SINISTRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Simon GRATIEN, avocat au barreau de ROUEN

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 27 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 avril 2024, devant Mme WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 10 avril 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 3 mai 2022, un incendie est survenu dans la maison de M. [Y] [O], situé [Adresse 4]) et assurée auprès de la Sa Pacifica. Ce dernier a désigné par contrat des 10 et 11 mai 2022 la Sasu Lamy sinistre en qualité d'expert pour l'évaluation des dommages matériels et immatériels résultant de l'incendie.

Le 2 novembre 2022, la Sasu Lamy sinistre a émis une facture de 13 497,38 euros que M. [O] n'a pas payé. Par acte introductif d'instance du 25 avril 2023, elle a fait assigner en paiement ce dernier.

Par jugement réputé contradictoire du 11 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- condamné M. [O] à payer à la Sasu Lamy sinistre la somme de

13 497,38 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2022,

- dit que les intérêts seront capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil,

- débouté la Sasu Lamy sinistre de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné M. [O] aux dépens,

- condamné M. [O] à payer à la Sasu Lamy sinistre la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toute autre demande,

- rappelé que la décision était exécutoire par provision.

Par déclaration reçue au greffe le 24 août 2023, M. [O] a formé appel de la décision.

Par assignation en référé délivrée le 12 mars 2024, M. [O] demande à la juridiction, au visa des articles 514-3 et suivants du code de procédure civile, de :

- dire et juger qu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement et que son exécution provisoire entraînerait des conséquences manifestement excessives,

en conséquence,

- ordonner la suspension de l'exécution provisoire dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Il soulève le moyen tiré de la nullité de l'assignation délivrée le 25 avril 2023 au visa des articles 689 et 114 du code de procédure civile. Il soutient ainsi que la société Lamy sinistre n'ignorait pas qu'il bénéficiait d'une seconde adresse et qu'il avait quitté sa propriété vendue en juin 2022 et a pourtant fait délivrer l'assignation au domicile qu'il n'habitait plus depuis le 4 juin 2022. Il a fait procéder à une réexpédition définitive de son courrier du 4 juin 2022 au 4 juin 2023. Cette nouvelle adresse [Adresse 4] était portée sur le contrat de mission d'expertise amiable et a été utilisée pour l'envoi de la facture. La lettre de mise en demeure du 16 novembre 2022 lui est parvenue en raison de sa réexpédition mais aucune des significations ne lui a été régulièrement signifiée.

L'acte introductif d'instance est donc entaché d'un vice de forme faisant grief entraînant la nullité de l'acte délivré suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile,

Il soulève également le moyen tiré de la nullité de la signification du jugement rendu par acte du 1er août 2023 suivant une argumentation de même nature, le commissaire de justice se bornant en outre à recopier les mêmes mentions que dans l'acte précédent. Il affirme avoir eu connaissance de cette signification que dans le cadre de la saisie-attribution pratiquée ensuite le 11 août 2023.

Sur le fond, il fait valoir au visa des articles 1103 et 1194 du code civil, que les conditions d'exigibilité des honoraires telles que définies à l'article 5.2 du contrat n'étaient pas remplies.

S'agissant des conséquences manifestement excessives, il fait valoir qu'il a subi un sinistre important pour lequel il n'a pas été indemnisé ; que le coût de la réhabilitation s'élève à la somme de 251 157,96 euros ; qu'il a dû payer diverses factures en raison d'interventions sur le bien ; qu'il ne dispose pas de ressources suffisantes pour assumer l'exécution du jugement.

Par conclusions notifiées le 15 mars 2023 et soutenues à l'audience, la Sasu Lamy Sinistre demande à la juridiction, au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile, de :

- débouter M. [O] de ses demandes,

- condamner M. [O] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour recours abusif, et de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner M. [O] aux dépens.

Elle conteste l'existence de moyens sérieux de réformation du jugement entrepris et la nullité des actes délivrés, l'assignation devant la juridiction de première instance et la signification du jugement. Elle reprend précisément l'ensemble de la procédure en soulignant que M. [O] preuve à l'appui, a signé les avis de réception des mises en demeure des 16 novembre et 2 décembre 2022 envoyées [Adresse 6] à [Localité 5] sans qu'elle n'ait les moyens de deviner que M. [O] avait déménagé. Elle précise que M. [O] a toujours déclaré que son domicile était à cette adresse tandis que l'immeuble situé [Adresse 4] était loué (contrat de mission, rapport d'expertise d'assuré, procès-verbal de constatations, lettre d'acceptation de l'indemnité) et n'a pas informé sa cocontractante d'un déménagement. Elle ajoute qu'elle ne pouvait penser que l'adresse lieu de sinistre, le bien étant inhabitable en 2022, était le nouveau domicile de M. [O].

En outre, contrairement aux affirmations de M. [O], elle relève que celui-ci a perçu une somme de 140 747 euros comprenant une perte de loyer.

En conséquence, elle fait valoir que les actes critiqués ont été régulièrement délivrés suivant les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile ; que s'agissant de la saisie-attribution, le commissaire de justice est parvenu à joindre téléphoniquement M. [O], le constat étant celui de déclarations contradictoires puisque l'intéressé donnera une adresse différente à [Localité 7] alors que vérification faite, il n'y habite pas suivant acte du 11 août 2023. Elle soutient dès lors démontrer suffisamment que le commissaire de justice a effectué toutes les diligences concrètes et précises, suffisantes pour la délivrance des actes.

Sur le bien-fondé de la condamnation principale en paiement et au visa des articles 1103 et 1217 du code civil, elle conteste l'argumentation de M. [O] à la lecture même du contrat en son article 5.2 en indiquant que M. [O] a été destinataire de la lettre d'acceptation sur l'indemnité d'assurance octroyée à hauteur de

140 656,97 euros et qu'en application de l'article 6.1 les factures étaient payables à réception par le client.

Elle précise enfin que M. [O] ne démontre pas en quoi l'exécution de la décision soit le paiement de la somme de 13 497,38 euros aurait des conséquences manifestement excessives au regard de l'indemnité perçue, son espoir déçu d'obtenir davantage était un argument inopérant. Lors de la saisie-attribution pratiquée le 8 décembre 2023, le tiers saisi, le Crédit agricole a déclaré une somme totale disponible sur les comptes bancaires de 117 167 euros.

Les conditions n'étant pas réunies, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée.

Elle forme une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en produisant un schéma sur la multiplication des procédures provoquées par la résistance de M. [O] à s'acquitter de sa dette outre celle qu'elle formule pour ses frais irrépétibles.

MOTIFS

Sur l'arrêt de l'exécution provisoire

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

M. [O] n'étant pas représenté en première instance, la recevabilité de la demande n'est pas contestée.

Si M. [O] développe précisément les moyens qu'il entend défendre pour obtenir une réformation du jugement critiqué, il s'abstient de préciser dans ses conclusions la nature des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire de la décision. Il ne fait état que du sinistre et de ses frais conséquents, de sa déception quant au montant de l'indemnité.

Or, l'attestation notariée qu'il produit du 15 juin 2022 démontre que :

- d'une part, il exerce la profession d'aide-comptable alors qu'il ne communique pas les revenus qu'il perçoit, un avis d'imposition susceptible de fonder l'expression de difficultés de paiement du montant des condamnations prononcées,

d'autre part, que la vente de son immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 5] lui a permis de percevoir un capital de 620 000 euros sans qu'il ne précise si éventuellement ce prix a été absorbé par des emprunts non remboursés.

Dans le cadre de la saisie-attribution et par lettre du 8 décembre 2023, le Crédit agricole communique comme le soutient la Sasu Lamy sinistre l'état des disponibilités sur compte bancaire de 117 166,87 euros.

M. [O] maintient qu'il habite [Adresse 4] : il est toujours propriétaire de ce bien antérieurement loué.

Compte tenu de ses éléments, des facultés financières permettant à M. [O] de payer le montant des condamnations prononcées, il ne justifie pas des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire du jugement.

Les conditions exigées par l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulative, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

L'article 31 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés

Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsque le demandeur a agi soit avec malice, soit de mauvaise foi ou encore par une erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, la lecture des termes de l'article 514-3 du code de procédure civile permet aisément d'en déterminer les conditions cumulatives et de défendre particulièrement la seconde relative aux conséquences manifestement excessives.

Bien que détenteur de liquidités importantes lui donnant la faculté de payer, sans conséquence grave pour son quotidien, le montant des condamnations prononcées, et ce en exécution provisoire du jugement, M. [O] a agi en justice afin de paralyser les effets de la saisie-attribution pratiquée.

Si former appel du jugement relève du droit de former un recours et de contester une première décision, la saisine de la juridiction des référés suppose de considérer qu'à tout le moins et sous réserve d'appréciation, les conditions exigées sont possiblement remplies.

En l'espèce, elles ne l'étaient pas de façon manifeste : l'action dilatoire a causé un préjudice à la Sasu Lamy sinistre qui outre des frais de conseil et de représentation traités au titre des frais irrépétibles supporte des aléas procéduraux, des désagréments et doit notamment payer ses salariés pour gérer le contentieux.

En conséquence, M. [O] sera condamner à lui payer une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les frais de procédure

M. [O] succombe à l'instance et en supportera les dépens.

Il sera condamné à payer à la Sasu Lamy sinistre la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Rejette la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Rouen formée par M. [Y] [O],

Condamne M. [Y] [O] à payer à la Sasu Lamy sinistre :

- la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne M. [Y] [O] aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 24/00021
Date de la décision : 10/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-10;24.00021 ?
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