N° RG 22/03775 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JHE2
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 04 AVRIL 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 24 Octobre 2022
APPELANTE :
S.A.S. TRANSDEV ROUEN exerçant sous l'enseigne TCAR (TRANSPORTS EN COMMUN DE L'AGGLOMÉRATION ROUENNAISE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Emmanuelle DUGUÉ-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉE :
Madame [B] [G]
Chez Monsieur [E] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Céline GIBARD, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me François AGUERA, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 Février 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 21 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 avril 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 04 Avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Transdev Rouen TCAR (la société ou l'employeur) est spécialisée dans le secteur d'activité des transports urbains et suburbains de voyageurs. Elle emploie plus de 11 salariés et applique la convention collective nationale des réseaux de transports publics et urbains de voyageurs.
Mme [G] (la salariée) a été embauchée par la société dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2008 en qualité de conducteur receveur après avoir effectué un contrat d'apprentissage au sein de l'entreprise à compter du 24 septembre 2007 ; le contrat précisant expressément que la salariée conserverait l'ancienneté acquise à compter du 1er octobre 2007.
Le 19 avril 2016, la salariée a été victime d'une agression physique de la part d'un de ses collègues de travail, M. [F], sur son lieu de travail. Elle a été placée en arrêt de travail.
A la suite d'un entretien préalable en date du 19 mai 2016, l'employeur a notifié à la salariée un avertissement suite à l'altercation avec M. [F].
La salariée a contesté la légitimité de cet avertissement qui a été annulé par l'employeur.
L'état de santé de la salariée a été déclaré consolidé au 31 mars 2018.
Le 10 avril 2018 le médecin du travail a déclaré la salariée apte à la reprise à temps plein.
La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 7 au 8 juin 2018, du 25 au 27 juin 2018 puis du 9 juillet au 3 août 2018. Elle a bénéficié de congés jusqu'au 30 août 2018 puis a de nouveau été arrêtée du 30 août au 10 décembre 2018.
A compter de cette date elle a bénéficié d'un congé maternité jusqu'au 12 avril 2019 puis d'un congé maladie jusqu'au 2 mai 2019.
Une visite médicale de reprise a été organisée le 3 mai 2019. La salariée a été arrêtée du 3 au 6 juin 2019.
Le 10 septembre 2019, la salariée a été victime d'un accident du travail. Elle a été arrêtée du 17 septembre jusqu'au 17 octobre 2019.
Elle a repris son activité professionnelle le 18 octobre 2019 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique.
Par avis du 21 octobre 2019 le médecin du travail a confirmé cette reprise à mi-temps thérapeutique d'une durée maximum de 4 heures par jour.
Par avis en date du 9 décembre 2019, le médecin du travail a indiqué qu'une reprise du poste à temps plein à partir du 17 décembre 2019 était possible avec conduite sur bus avec appui-tête réglable et inclinable.
Estimant que son employeur avait gravement manqué à son égard à ses obligations légales et contractuelles, la salariée a saisi le 21 février 2020 le conseil de prud'hommes de Rouen d'une demande tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail avec tous les effets attachés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 24 octobre 2022, le conseil de prud'hommes de Rouen a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée aux torts de la société,
- condamné la société à régler à la salariée les sommes suivantes:
16 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
10 361,50 euros à titre d'indemnité de licenciement,
5 406 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 484,44 euros au titre des congés payés afférents,
1 312,76 euros à titre de rappel de salaire,
1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la salariée de sa demande d'exécution provisoire,
- condamné la société aux dépens.
La société a interjeté appel le 23 novembre 2022 à l'encontre de cette décision.
La salariée a constitué avocat par voie électronique le 1er décembre 2022.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 31 janvier 2024, l'employeur appelant sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour :
- à titre principal, de débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et, par voie de conséquence, de l'intégralité de ses demandes,
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour prononcerait la résiliation judiciaire du contrat de travail, limiter la condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions et à 3 mois de salaire maximum, débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et la débouter du surplus de ses demandes,
- en tout état de cause, condamner la salariée à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 2 000 euros pour l'instance d'appel.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 17 mai 2023, la salariée intimée, appelante incidente, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée sauf à porter à 28 381,50 euros le quantum des dommages et intérêts et à préciser que la relation de travail qui a débuté le 24 septembre 2007 est résiliée à la date du 22 octobre 2022 ; de condamner la société à lui verser 1 000 euros au titre de la perte de la portabilité de la mutuelle ; de condamner la société à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euros et de la condamner aux dépens.
Les parties indiquent que la salariée a été licenciée pour faute grave le 17 mars 2023.
L'ordonnance de clôture en date du 1er février 2024 a renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 21 février 2024.
Il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la résiliation judiciaire
Au soutien de sa demande, la salariée reproche à son employeur deux manquements : le non-respect de son obligation de sécurité et la modification unilatérale de son contrat de travail.
L'employeur conteste la réalité des manquements allégués, rappelle que des faits anciens ne rendant pas impossible la poursuite du contrat de travail ne peuvent justifier le prononcé d'une résiliation judiciaire de celui-ci.
Sur ce ;
Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtus une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie, avec effet à la date de la décision la prononçant, lorsqu'à cette date le contrat de travail est toujours en cours.
Il appartient au salarié d'apporter la preuve des manquements invoqués.
Des griefs anciens dont le salarié a tardé à se saisir pour introduire son action en résiliation judiciaire peuvent faire apparaître qu'ils n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et donc à justifier la résiliation judiciaire du contrat.
La salariée soutient en premier lieu que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité dans la mesure où il n'a pas été en mesure de prévenir l'agression dont elle a été victime en 2016, qu'elle souffre depuis celle-ci d'un important mal-être au travail généré par les attitudes et les décisions sans cesse hostiles de sa hiérarchie.
Concernant l'agression commise à son encontre en 2016 par son collègue de travail M. [F], elle affirme que l'employeur n'a pas pris la mesure du danger représenté par son collègue, qu'il s'est montré complaisant à son égard, qu'il n'a pas collaboré loyalement à l'enquête pénale diligentée.
Elle précise avoir été victime à la suite à son agression d'un syndrome anxio dépressif, avoir bénéficié d'un arrêt de travail pendant près de deux années et avoir été suivi médicalement par un psychiatre.
Elle reproche à son employeur de ne pas avoir facilité sa reprise du travail en ce qu'elle n'a jamais retrouvé son poste de conducteur de métro et de Teor, qu'elle s'est dans un premier temps retrouvée sans affectation puis, dans un second temps, a exclusivement été affectée à la conduite de bus, l'employeur s'opposant à ce qu'elle effectue des stages de remise à niveau qui lui auraient permis de récupérer les habilitations nécessaires à la conduite du métro.
Elle soutient en outre avoir été victime de propos menaçants de certains salariés envers lesquels l'employeur n'a pas réagi.
En dernier lieu, elle reproche à l'employeur d'avoir émis des réserves lors de la déclaration d'accident du travail effectuée en septembre 2019 précisant qu'elle a été victime d'une douleur au niveau du cou et des cervicales alors qu'elle conduisait son bus.
L'employeur conteste tout manquement à l'obligation de sécurité.
Il indique n'avoir eu aucune connaissance d'une inimité entre la salariée et M. [F], la seule altercation les ayant opposés étant celle du 19 avril 2016. Il rappelle le contexte de l'agression, considère que la salariée a adopté un comportement provocant à l'égard de son collègue.
Il précise avoir sanctionné M. [F] par une mise à pied disciplinaire de 2 jours sans attendre le résultat de la plainte pénale déposée par Mme [G].
Il précise que si un avertissement a été délivré à la salariée en juin 2016 pour les propos tenus à M. [F], il l'a ensuite retiré considérant qu'aucune provocation même avérée ne justifiait le coup de poing reçu.
Depuis le retour de la salariée à son poste de travail en 2018, l'employeur indique qu'elle n'a jamais évoqué son mal-être en dehors de celui ressenti par la perte de ses habilitations de conduite de métro.
Il rappelle qu'une procédure interne existe concernant la délivrance et le renouvellement de ces habilitations, précise que la salariée n'a formé aucune demande écrite de maintien de ses habilitations ou de formation ou de stage, expose qu'en raison de son absence pendant une longue période elle devait repostuler pour récupérer ses habilitations et suivre un cycle de formation.
L'employeur indique que lors de la reprise en mars 2018, son mi-temps thérapeutique empêchait que sa candidature soit retenue puisque les formations se déroulaient sur 3 semaines à temps plein pour le métro et sur une semaine à temps plein pour le Teor.
La société expose que la perte des habilitations de la salariée aurait dû entraîner la perte de son classement mais qu'il lui a été proposé en mars 2018 le maintien de celui-ci, soutenat qu'ainsi elle n'a subi aucune dégradation de son poste, seul le véhicule qu'elle conduisait ayant changé.
Au regard des pièces produites par la salariée, il ne ressort aucun manquement de l'employeur dans la prévention et la gestion de l'altercation qu'elle a subi en 2016, cette altercation ayant lieu entre deux collègues de travail et M. [F] étant le seul sanctionné à ce titre.
Au demeurant, à supposer l'existence d'un manquement, il y a lieu de considérer que celui-ci n'a pas empêché la poursuite du contrat de travail, la salariée ayant repris son activité professionnelle en 2018 et n'ayant formé une demande de résiliation judiciaire qu'en 2020 soit près de 4 ans après les faits évoqués.
L'employeur justifie de l'existence d'une procédure interne concernant la délivrance et le renouvellement des habilitations nécessaires à la conduite du métro ou du Teor.
Il verse aux débats les règlements de sécurité de l'exploitation Teor et Métro.
Il ressort des éléments produits par l'employeur que lorsque l'habilitation est perdue par absence de conduite pendant plus d'un an, l'agent doit suivre un cycle complet de formation et sa candidature est réexaminée par la commission de recrutement.
Si la salariée soutient avoir formulé des demandes en 2016 et 2017, il ressort des pièces produites qu'elle a regretté la perte de ses habilitations et émis le souhait de les retrouver mais qu'elle n'a formulé aucune demande écrite en ce sens.
En outre, il ressort des éléments produits, du contenu et de la durée des formations nécessaires à l'obtention de ces habilitations qu'une reprise du travail à mi-temps thérapeutique ne rendait pas possible la participation aux formations.
La salariée a cependant expressément formé une demande au sein de son courrier du 16 décembre 2019, alors qu'elle était autorisée par le médecin du travail à reprendre son emploi à temps complet à compter du 17 décembre 2019.
Sa demande a été réitérée lors de son entretien professionnel le 2 mars 2020.
La salariée justifie du fait que son supérieur, M. [H], dès le 3 mars 2020, a relayé sa demande et a sollicité une réponse de sa direction à ce sujet.
La salariée démontre ainsi qu'à compter de décembre 2019 sa situation de reprise de travail à temps complet permettait à l'employeur d'envisager de présenter sa candidature pour une formation nécessaire à la reprise de ses habilitations.
Si la salariée n'avait pas effectué de demande formelle avant cette date, l'employeur, au regard des échanges versés aux débats, ne pouvait ignorer la volonté de celle-ci de conduire à nouveau le métro ou le Teor.
A compter de décembre 2019, l'employeur ne justifie pas d'une réponse apportée à la salariée alors que cette dernière démontre que ces formations étaient organisées régulièrement, qu'elles se déroulaient tout au long de l'année.
En ne répondant pas à la demande de la salariée alors que celle-ci avait perdu son droit à la conduite des métro et Teor à la suite d'un accident professionnel, la société a commis un manquement qui a empêché la poursuite du contrat de travail, l'employeur n'ignorant pas que la conduite de bus par la salariée ne pouvait être qu'une solution provisoire.
En conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tiré de la modification unilatérale du contrat de travail, il y a lieu, par arrêt confirmatif, de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et d'en fixer la date au 24 octobre 2022, date de son prononcé par le conseil de prud'hommes.
2/ Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail
Produisant tous les effets d'un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse, la résiliation judiciaire ouvre doit pour la salariée aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement) ainsi qu'à des dommages et intérêts.
Les droits de la salariée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement tels que fixés par les premiers juges ne sont pas spécifiquement contestés dans leur quantum à hauteur de cour.
Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.
Compte-tenu de la date de rupture du contrat de travail sont applicables les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
Selon ces dispositions si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de 1'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.
Pour une ancienneté de 15 années dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre trois et treize mois de salaire.
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme qui sera indiquée au dispositif de l'arrêt.
Aux termes de l'article L 1235-4 du code du travail dans sa version issue de la loi du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Il convient en conséquence de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'Antenne Pôle Emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.
Il sera ajouté au jugement entrepris en ce sens.
3/ Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
La société demande que la salariée soit déboutée de sa demande au motif qu'elle ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui réparé par l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle considère que les premiers juges n'ont pas motivé leur décision à ce titre, se contentant d'affirmer que la société n'avait pas exécuté le contrat de travail de bonne foi.
La salariée requiert la confirmation du jugement entrepris sans développer de moyen de droit ou de fait spécifique.
Sur ce ;
Tout comme le salarié, l'employeur est tenu d'une obligation générale d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.
Cependant, aux termes de ses conclusions, Mme [G] sollicite des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en se référant de manière générale aux mêmes manquements de l'employeur que ceux invoqués au soutient de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail sans articuler de moyen spécifique et sans établir un préjudice distinct de celui précédemment réparé.
Il n'est ainsi pas démontré de fait générateur distinct des différents manquements allégués de nature à fonder spécifiquement une telle demande d'indemnisation.
Cette demande doit en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, être rejetée.
4/ Sur la demande de rappel de salaire
La salariée soutient qu'à la date de rupture du contrat de travail elle était bénéficiaire de 2 jours de repos décalé et de 9 jours de RTT dont elle demande l'indemnisation à hauteur de 1 312,76 euros. Elle requiert la confirmation du jugement entrepris à ce titre.
La société conclut au débouté de la demande soutenant qu'à défaut de résiliation judiciaire aucune somme n'est due.
Sur ce ;
Les parties ne produisent pas d'éléments relatifs à la relation de travail postérieurement au mois de septembre 2019 (bulletins de paies, relevés de congés ...).
Il appartient à l'employeur de justifier de la prise effective des congés payés par la salariée.
La société ne versant aux débats aucun élément tendant à établir qu'à la date de résiliation judiciaire du contrat de travail la salariée a été remplie de ses droits au titre de ses congés payés et RTT, il y a lieu de faire droit à sa demande et de confirmer le jugement entrepris.
5/ Sur la demande relative à la portabilité de la mutuelle
La salariée indique qu'après son licenciement pour faute grave le 17 mars 2023, l'employeur a attendu plus d'un mois pour lui transmettre les documents de fin de contrat, qu'elle ne les a réceptionnés que le 20 avril 2023 ; qu'elle a appris que, faute pour elle d'avoir retourné avant le 31 mars 2023 le formulaire exprimant sa volonté de bénéficier du portage de la mutuelle, celle-ci avait été résiliée.
Elle demande en conséquence que son ancien employeur soit condamné à lui verser 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La société expose que la salariée, sans l'en informer, a changé d'adresse ; qu'il lui a envoyé ses documents de fin de contrat qui sont revenus 'destinataire inconnu à l'adresse'.
Il considère en conséquence n'avoir commis aucune faute.
Sur ce ;
Les documents de fin de contrat de travail remis au salarié et le solde de tout compte prévus aux articles L.1234-19 et L.1234-20 du code du travail sont des documents quérables et non portables.
En l'espèce, la société justifie avoir adressé à la salariée ses documents de fin de contrat le 31 mars 2023 par voie postale, ces documents lui étant retournés par la poste au motif d'une adresse inconnue.
La salariée, qui ne conteste pas avoir changé d'adresse, ne justifie pas en avoir informé son employeur.
Il ne ressort pas des éléments produits que la remise tardive des documents de fin de contrat résulte d'un comportement fautif de l'employeur.
En conséquence, la salariée doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
6/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [G] les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer.
Il convient en l'espèce de condamner l'employeur, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et de confirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais irrépétibles exposés par lui.
Il y a également lieu de condamner la société appelante aux dépens d'appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Rouen du 24 octobre 2022 sauf en ses dispositions relatives au montant des dommages et intérêts accordés au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a fait droit à la demande formée par la salariée au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au 24 octobre 2022 ;
Déboute Mme [B] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Condamne la société Transdev Rouen TCAR à verser à Mme [B] [G] la somme de 27 030 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Transdev Rouen TCAR à verser à l'organisme concerné le montant des indemnités chômage versées à Mme [G] depuis la rupture de son contrat de travail dans la limite de 3 mois de prestations ;
Déboute Mme [B] [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de la portabilité de la mutuelle ;
Condamne la société Transdev Rouen TCAR à verser à Mme [B] [G] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Transdev Rouen TCAR aux dépens d'appel.
La greffière La présidente