La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2024 | FRANCE | N°23/02589

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 03 avril 2024, 23/02589


N° RG 23/02589 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JNS3







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBBRE CIVILE



ARRET DU 3 AVRIL 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



12-23-0005

Juridiction des contentieux de la protection de la chambre de proximité de Louviers du 3 juillet 2023





APPELANTE :



Madame [T] [X]

née le 4 septembre 1953 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Marion QUEFFRINEC de la SCP PICARD LEBE

L QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l'Eure et assistée de Me Gisela SUCHY, avocat au barreau de Versailles







INTIME :



Monsieur [V] [Y]

né le 26 juin 1966 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localit...

N° RG 23/02589 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JNS3

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBBRE CIVILE

ARRET DU 3 AVRIL 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

12-23-0005

Juridiction des contentieux de la protection de la chambre de proximité de Louviers du 3 juillet 2023

APPELANTE :

Madame [T] [X]

née le 4 septembre 1953 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Marion QUEFFRINEC de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l'Eure et assistée de Me Gisela SUCHY, avocat au barreau de Versailles

INTIME :

Monsieur [V] [Y]

né le 26 juin 1966 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté et assisté par Me Christophe OHANIAN de la SELARL CAMPANARO NOEL OHANIAN, avocat au barreau de l'Eure

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 31 janvier 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 31 janvier 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 3 avril 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 3 avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 28 avril 2017, Mme [T] [X] a vendu à réméré à la société Return on Equity une maison à usage d'habitation située [Adresse 1], (27 630) [Localité 7], pour le prix de 110 000 euros, avec faculté de rachat au profit de la venderesse pendant un délai de 12 mois à compter du lendemain de l'acte. Cet acte a également prévu une convention d'occupation précaire au profit de la venderesse pour une durée maximale de 12 mois, sauf prorogation de délai accordée par l'acquéreur, en contrepartie d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1 100 euros.

A l'expiration du délai d'un an, Mme [T] [X] s'est maintenue dans les lieux et n'a pas exercé la faculté de rachat.

Par acte authentique du 28 mai 2019, la société Return on Equity a vendu à réméré l'immeuble à M. [V] [Y] au prix de 122 936 euros, avec faculté de rachat au profit de la venderesse pendant un délai de 36 mois maximum à compter de l'acte. Il a en outre été précisé que l'immeuble était occupé par Mme [T] [X] avec l'accord de la venderesse, qu'elle bénéficiait initialement d'un droit de jouissance et d'occupation pour usage d'habitation ayant commencé à courir le 28 avril 2017 pour se terminer le 27 avril 2018, et qu'une convention d'occupation précaire serait conclue entre les occupants et les acquéreurs.

Suivant deux actes authentiques distincts également établis le 28 mai 2019,

- la société Return on Equity a cédé sa faculté de rachat de l'immeuble au profit de Mme [T] [X], stipulée pour une durée de 36 mois à compter de la signature de l'acte authentique,

- M. [V] [Y] et Mme [T] [X] ont conclu une convention d'occupation précaire en contrepartie d'une redevance mensuelle de 708 euros, soit une somme totale globale de 25 488 euros sur les 36 mois de cette convention.

Par exploit du 4 août 2021, M. [V] [Y] a fait signifier à Mme [T] [X] un commandement de payer la somme totale de 7 621,49 euros (arriéré d'indemnités d'occupation arrêté à juin 2021 de 6 402 euros + taxe foncière 2020 de 1 055 euros + coût de l'acte de 164,49 euros). Cet acte visait la clause résolutoire stipulée dans la convention d'occupation précaire du 28 mai 2019 et a été dénoncé à la Ccapex le 5 août 2021.

Une sommation de quitter les lieux a été délivrée à Mme [T] [X] le 21 janvier 2022.

Suivant acte d'huissier de justice du 9 juin 2022, M. [V] [Y] a fait assigner Mme [T] [X] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evreux aux fins notamment de résolution de la convention d'occupation précaire du 28 mai 2019, d'expulsion de Mme [T] [X], et de paiement des arriérés de redevances et d'indemnités d'occupation.

Par ordonnance du 23 novembre 2022, le juge des référés s'est déclaré incompétent au profit du juge des contentieux de la protection de Louviers.

Par ordonnance du 3 juillet 2023, celui-ci a :

- déclaré recevable l'action engagée par M. [V] [Y],

- constaté que Mme [T] [X] est occupant sans droit ni titre du logement situé [Adresse 1], propriété de M. [V] [Y],

- ordonné en conséquence l'expulsion de Mme [T] [X], ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec l'éventuelle assistance de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin, faute pour elle de restituer les clefs dans un délai de huit jours à compter de la signification de la présente ordonnance,

- condamné Mme [T] [X] à payer à titre provisionnel à M. [V] [Y] la somme de 11 934 euros,

- condamné Mme [T] [X] à payer à titre provisionnel à M. [V] [Y] une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 708 euros, à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux,

- dit que l'ensemble de ces condamnations est assorti d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard si Mme [T] [X] n'a pas libéré les lieux dans le délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision,

- condamné Mme [T] [X] à payer à M. [V] [Y] la somme de

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [T] [X] aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre de provision.

Par déclaration du 24 juillet 2023, Mme [T] [X] a formé un appel contre l'ordonnance en toutes ses dispositions.

Par décision du président de chambre du 18 septembre 2023, l'affaire a été fixée, suivant les modalités des articles 905 et suivants du code de procédure civile, à l'audience du 31 janvier 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2023, Mme [T] [X] demande de voir :

- annuler l'ordonnance déférée,

- débouter M. [V] [Y] de toutes ses prétentions,

- condamner celui-ci à payer la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.

Elle fait valoir que le juge des référés d'Evreux a renvoyé l'affaire devant le juge des contentieux de la protection et non pas devant le juge des contentieux de la protection statuant en référé. Elle reproche au juge des contentieux de la protection statuant en tant que juge des référés de s'être déclaré compétent et de ne pas avoir renvoyé au fond alors que l'affaire présente une contestation sérieuse.

Elle précise que cette contestation sérieuse porte sur la validité des actes de vente même si ceux-ci ont fait l'objet d'un acte authentique, que ces actes s'analysent en une opération de prêts à la consommation et de cession de ceux-ci par des professionnels ayant pour objet d'éluder les dispositions protectrices des consommateurs, notamment sur le taux de crédit de 20 % sensiblement supérieur à tous les taux d'usure de 5,96 % applicables aux crédits de trésorerie aux ménages de plus de 6 000 euros ; que M. [V] [Y] a déjà effectué à plusieurs reprises de telles opérations de crédit ; que l'ensemble contractuel, constitutif d'une convention pignorative, est entaché d'une nullité d'ordre public.

Elle ajoute qu'elle reste le débiteur réel du prêt initial et que le bien demeure sa résidence principale, mais qu'il y a eu novation au sens de l'article 1334 du code civil ; que son occupation du bien n'est pas manifestement illégale ; qu'à tout le moins, il ne peut être excipé de cet ensemble contractuel l'existence d'une clause résolutoire.

Par dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2023, M. [V] [Y] sollicite de voir sur la base des articles 1659 et suivants du code civil :

- débouter Mme [T] [X] de toutes ses demandes,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection de Louviers et ce faisant de :

. déclarer recevable l'action engagée par M. [V] [Y],

. constater que Mme [T] [X] est occupant sans droit ni titre du logement situé [Adresse 1], propriété de M. [V] [Y],

. ordonner en conséquence l'expulsion de Mme [T] [X], ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec l'éventuelle assistance de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin, faute pour elle de restituer les clefs dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance,

. condamner Mme [T] [X] à payer à titre provisionnel à M. [V] [Y] la somme de 11 934 euros,

. condamner Mme [T] [X] à payer à titre provisionnel à M. [V] [Y] une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 708 euros, à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux,

. dire que l'ensemble de ces condamnations est assorti d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard si Mme [T] [X] n'a pas libéré les lieux dans le délai de huit jours à compter de la signification de la décision,

. condamner Mme [T] [X] à payer à M. [V] [Y] la somme de

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné Mme [T] [X] aux entiers dépens de l'instance ;

y ajoutant,

- condamner Mme [T] [X] à lui payer, en cause d'appel, la somme de

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens d'appel.

Il expose que Mme [T] [X] dénature l'ordonnance du 3 juillet 2023, que le juge des contentieux de la protection a jugé qu'elle était irrecevable à contester sa compétence matérielle, mais pas à invoquer une contestation sérieuse, que, du reste, celui-ci s'est prononcé expressément sur les conditions du référé.

Il indique ensuite que les contestations de Mme [T] [X] ne sont pas sérieuses, que la vente à réméré est légale en ce qu'elle est prévue par les articles 1659 et suivants du code civil, même lorsqu'elle porte sur la résidence principale du vendeur ; qu'elle a reconnu avoir reçu tous les conseils nécessaires pour conclure une telle vente dont les conditions ne sont nullement usuraires ; qu'elle est irrecevable à contester l'opération du 28 avril 2017 en application de l'article 1304 du code précité pour cause de prescription acquise depuis le 28 avril 2022 ; que l'acte de vente du 28 mai 2019 n'est pas davantage critiquable, que Mme [T] [X] qui n'y a pas été partie, n'est pas recevable à en contester la régularité ; qu'elle est déchue de sa faculté de réméré et de son droit d'occupation précaire puisqu'elle n'a pas exercé la faculté de rachat dans le délai de 36 mois, soit au plus tard le 28 mai 2022 ; que le maintien de celle-ci dans les lieux constitue une voie de fait et par conséquent un trouble manifestement illicite relevant de la compétence du juge des référés.

Il ajoute que Mme [T] [X] n'a pas réglé la redevance mise à sa charge aux termes de la convention d'occupation précaire, ce qu'elle reconnaît explicitement, que le commandement de payer visant la clause résolutoire étant demeuré sans effet pendant plus de 20 jours, cette convention est résolue de plein droit.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 31 janvier 2024.

MOTIFS

Sur l'annulation de l'ordonnance

Mme [X] développe son argumentation sur l'incompétence du juge des contentieux de la protection selon laquelle, d'une part, ce juge n'a pas été désigné en qualité de juge des référés aux termes de l'ordonnance de référé du 23 novembre 2022 et, d'autre part, n'a pas retenu l'existence d'une contestation sérieuse.

Toutefois, elle ne précise aucun fondement juridique au soutien de sa demande d'annulation de l'ordonnance du 3 juillet 2023.

En outre, comme le souligne le juge des contentieux de la protection de Louviers, c'est bien en cette qualité, conformément à la demande en ce sens de Mme [X] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evreux, que l'examen de ce litige lui a été transmis pour compétence et qu'il n'a pas été formé appel de l'ordonnance de référé du 23 novembre 2022.

Enfin, l'existence ou non d'une contestation sérieuse ne fait pas encourir la sanction en appel d'une annulation de la décision, objet de cet appel, mais son éventuelle réformation si le moyen est fondé.

Dès lors, la demande d'annulation de l'ordonnance est rejetée. A défaut de solliciter l'infirmation de celle-ci, cette décision sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante, Mme [X] sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de faire droit à la demande de M. [Y] en ce sens et de condamner Mme [X] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés pour cette procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance formée par Mme [T] [X],

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [T] [X] à payer à M. [V] [Y] la somme de

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Condamne Mme [T] [X] aux dépens d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 23/02589
Date de la décision : 03/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-03;23.02589 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award