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02/04/2024 | FRANCE | N°23/04292

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 02 avril 2024, 23/04292


N° RG 23/04292 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JRS





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 2 AVRIL 2024





DÉCISION DÉFÉRÉE :



Décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats du Havre en date du 20 novembre 2023





DEMANDERESSE AU RECOURS :



Madame [B] [Y] divorcée [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]



comparante en personne







DÉFENDEUR AU RECOURS :



Maître [C] [L]
r>[Adresse 1]

[Localité 3]



comparant en personne





DEBATS :



A l'audience publique du 6 février 2024, devant Mme Marie-Christine LEPRINCE, première présidente de la cour d'appel de Rouen, assistée de Mme Catherine CHEVA...

N° RG 23/04292 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JRS

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 2 AVRIL 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats du Havre en date du 20 novembre 2023

DEMANDERESSE AU RECOURS :

Madame [B] [Y] divorcée [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne

DÉFENDEUR AU RECOURS :

Maître [C] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne

DEBATS :

A l'audience publique du 6 février 2024, devant Mme Marie-Christine LEPRINCE, première présidente de la cour d'appel de Rouen, assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier ; après avoir entendu les observations des parties présentes, la première présidente a mis l'affaire en délibéré au 2 avril 2024.

DECISION :

contradictoire

Prononcée publiquement le 2 avril 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Mme LEPRINCE, première présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [B] [Y], divorcée [J], a recouru aux services de Me [C] [L] pour qu'il l'assiste et la représente dans son divorce.

Une convention d'honoraires a été signée le 16 novembre 2020, laquelle prévoit un honoraire au temps, selon un taux horaire de 150 euros HT.

Un désaccord est survenu relativement à l'étendue et à la date de fin du mandat de Me [L], emportant conséquences sur les honoraires dus au titre de ses diligences.

Par facture demeurée impayée du 27 juin 2023, Me [L] réclamait à Mme [J] la somme de 898 euros TTC.

Par requête reçue le 28 juillet 2023 à l'ordre des avocats au barreau du Havre, Me [L] a saisi le bâtonnier en taxation de ses honoraires.

Par décision du 20 novembre 2023, le bâtonnier du Havre a fait droit à la demande de Me [L] et ordonné la taxation de ses honoraires à hauteur de 885 euros TTC, outre le paiement par Mme [J] de la somme de 20 euros de frais de taxation.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue au greffe de la cour d'appel le 27 décembre 2023, Mme [J] a formé recours contre la décision du bâtonnier.

L'audience a été fixée au 6 février 2024.

A l'audience, Mme [J] a demandé la réformation de l'ordonnance de taxe, refusant de payer les honoraires facturés postérieurement au 5 juin 2023, soit

246 euros TTC, refusant également de s'acquitter du prix du timbre fiscal d'appel soit 225 euros, ainsi que des 20 euros de frais de taxation.

Elle soutient que Me [L] a interjeté appel du jugement prononçant son divorce sans qu'elle ne lui en ait donné mandat. Elle expose que le mandat de ce dernier avait pris fin le 5 juin 2023, date à laquelle elle a récupéré son dossier. Dès lors, elle fait valoir que les honoraires postérieurs à cette date, outre les frais d'appel et de taxation, ne sont pas dus.

Me [L] demande la confirmation de l'ordonnance de taxe, et la condamnation de Mme [J] au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient avoir été en lien avec Mme [J] jusqu'au 16 juin 2023 pour le suivi de son dossier. Il explique que le 19 juin 2023, dernier jour pour relever appel, n'ayant pas de nouvelles de sa cliente en dépit de ses relances, il a décidé de régulariser l'appel à titre conservatoire. Me [L] expose avoir été informé de son dessaisissement seulement après avoir effectué la déclaration d'appel, et réclame à ce titre le paiement de l'intégralité de ses honoraires.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 1984 du code civil dispose que le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

En l'espèce, le moyen débattu ne porte pas sur l'existence du mandat lui-même et n'a pas davantage trait à la preuve qui incombe à l'avocat, de l'accomplissement des diligences. Il concerne la preuve de l'étendue du mandat. La question est de savoir si la preuve a été faite que Mme [J] a demandé à Me [L] d'accomplir les diligences dont ce dernier réclame paiement.

Il convient de relever des pièces, et notamment des échanges versés au débat, que dans le cadre du dossier de divorce sur lequel porte la convention signée :

- par courriel du 7 juin 2023, Mme [J] sollicite Me [L] aux fins de négociations amiables avec la partie adverse, en vue d'éviter un appel ;

- par courriel du 12 juin 2023, Mme [J] sollicite à nouveau Me [L] afin qu'il fasse une proposition de négociation amiable à la partie adverse ;

- par courriel du 14 juin 2023, Mme [J] fait parvenir à Me [L] sa proposition de règlement amiable à transmettre à la partie adverse. Elle indique que la réponse est attendue dans les deux jours et qu'à défaut ou en cas de refus, il conviendra de faire appel le 19 juin 2023 ;

- par courriel du 16 juin 2023, Me [L] transmet la proposition à la partie adverse, et apprend par retour de mail que sa contradictrice est en congés et que le mail sera traité après la fin du délai d'appel ;

- par courriel du même jour, 16 juin 2023, Me [L] informe Mme [J] de la situation. Il lui conseille de relever appel et lui demande d'indiquer quels chefs de jugement elle souhaite critiquer ;

- par un échange de courriels, également datés du 16 juin 2023, Mme [J] se renseigne auprès de Me [L] sur le coût de l'appel et les modalités de la procédure ;

- par deux courriels restés sans réponse du 19 juin 2023, Me [L] informe Mme [J] de ce qu'il s'agit du dernier jour pour faire appel, et lui demande de le recontacter ;

- par déclaration d'appel du 19 juin 2023 à 17h56, Me [L] a interjeté appel du jugement pour le compte de Mme [J] ;

- par courriel du 19 juin 2023 à 18h47, Me [L] est informé de la révocation de son mandat par l'avocat qui lui succède auprès de Mme [J].

D'une part, il apparaît de ces éléments que Mme [J] a révoqué son avocat comme les dispositions de l'article 2004 du code civil le lui permettent, et que cette révocation est intervenue à la date du 19 juin 2023 à 18h47.

D'autre part, il est manifeste que Mme [J] n'a pas donné mandat à Me [L] d'interjeter appel, indiquant dans un courriel du 16 juin 2023 : 'avant de vous confirmer l'appel merci de m'indiquer son coût', et sollicitant, dans ses échanges, des informations quant à la procédure alors seulement envisagée.

Il est rappelé que le juge de l'honoraire n'a pas à connaître de la responsabilité tirée des contrats laquelle relève des juridictions de doit commun.

Dès lors, nonobstant l'argumentation de Me [L] faisant état de la mauvaise foi de sa cliente, et rapportant avoir relevé appel à titre conservatoire dans l'intérêt de celle-ci, conformément à ses obligations déontologiques ; le silence de Mme [J] le 19 juin 2023, jour de l'expiration du délai, ne peut être pris en considération pour établir qu'elle avait effectivement chargé Me [L] de former appel.

Il résulte de l'article 10 du décret n°2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats que lorsque la mission de l'avocat est interrompue avant son terme, il a droit au paiement des honoraires dus dans la mesure du travail accompli et, le cas échéant, de sa contribution au résultat obtenu ou au service rendu au client.

Il résulte de la combinaison des articles 1103 du code civil et 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 que le dessaisissement de l'avocat avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ne fait pas obstacle à l'application de la convention d'honoraires portant sur le montant de son honoraire de diligence, lorsqu'elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement.

En l'espèce, la convention d'honoraires, non contestée, du 16 novembre 2020 prévoit en son article 3 que dans l'hypothèse où le client souhaiterait dessaisir l'avocat, les diligences déjà effectuées seront rémunérées par référence au taux horaire usuel de l'avocat, soit 150 euros HT.

Par facture du 27 juin 2023 comprenant décompte joint, Me [L] justifie des diligences accomplies et restant dues à cette date, pour la somme de 898 euros TTC.

Il convient de retrancher de ce total les montants afférents à la déclaration d'appel et aux diligences réalisées postérieurement au 19 juin 2023, date de fin de mandat :

- timbre fiscal d'appel : 225 euros ;

- timbre de plaidoirie 13 euros, Me [L] adoptant sur ce point la décision du bâtonnier ;

- déclaration d'appel du 19.06.23 : 87,50 euros HT, soit 105 euros TTC ;

- correspondances du 20.06.23 : 2,50 euros et 5 euros HT, soit 9 euros TTC ;

- correspondances du 23.06.23 : 4 × 2,50 euros HT, soit 12 euros TTC.

Aussi, l'ordonnance du bâtonnier sera-t-elle confirmée sur le principe de la créance. Elle sera réformée quant au montant des honoraires restant dus par Mme [J] à Me [L] lesquels seront fixés à la somme de 534 euros TTC.

Sur les demandes accessoires

Chacune des parties succombant en partie, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront partagés par moitié.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance de taxe rendue le 20 novembre 2023 en son principe de la créance de Me [L] à l'encontre de Mme [J], outre le paiement par cette dernière de la somme de 20 euros de frais de taxation; la réforme en ce qu'elle a'fixé à la somme de 885'euros TTC le montant des frais et honoraires que Mme [J] reste devoir à Me [L] ;

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [B] [J] née [Y] à payer à Me [C] [L] la somme de 534'euros au titre de ses honoraires';

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Dit que les dépens seront partagés par moitié.

Le greffier, La première présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/04292
Date de la décision : 02/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-02;23.04292 ?
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