N° RG 22/01204 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JBSL
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 21 MARS 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 11 Mars 2022
APPELANT :
Monsieur [H] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
présent
représenté par Me Fabien LACAILLE, avocat postulant, inscrit au barreau de ROUEN substitué par Me Emilie GRELLETY, avocat plaidant, inscrite au barreau de BORDEAUX
INTIMEE :
S.A.S. VULCAIN SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Matthieu RICHARD DE SOULTRAIT de l'AARPI SPARK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 Janvier 2024 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame ALVARADE, Présidente
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 19 janvier 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 mars 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 21 Mars 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
FAITS ET PROCÉDURE
La Société Vulcain est spécialisée dans le conseil et l'ingénierie et intervient dans plusieurs secteurs tels l'environnement, l'énergie, les industries de procédés et les grandes infrastructures. Elle compte plus de 1600 salariés et 12 filiales réparties dans 36 pays.
M. [H] [L] a été engagé par la société Vulcain services suivant contrat de travail à durée indéterminée de chantier du 29 juillet 2016 prenant effet au 7 août 2016, en qualité de superviseur électricité statut cadre, position 2.1 coefficient 115, sur le chantier OL3 de la société Areva NP Finlande, moyennant un salaire brut moyen mensuel initial de 2 800 euros pour 39 heures par semaine, en ce compris les primes conventionnelles, outre la prise en charge de divers frais de bouche, de logement, de voyage, dans la limite de trois allers retours par an, entre le domicile et le site du chantier et la mise à disposition d'un véhicule à usage professionnel incluant les frais de carburant dans la limite de 150 euros par mois.
Suivant avenant du 16 juin 2017, il a été convenu que le salarié assurerait une assistance technique en qualité d'ingénieur commissioning sur le projet OL3 Building Technology mené par la société pour le compte d'Areva NP, à compter du 1er juin 2017 pour une durée estimée à 12 mois.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils dite convention SYNTEC du 15 décembre 1987.
Reprochant à l'employeur le non-paiement de ses heures supplémentaires, le salarié a fait part de sa décision de démissionner par courriel du 8 janvier 2020. Le terme du contrat de travail sera repoussé au 7 mars 2020, puis au 31 août 2020.
Le 28 mars 2021, M. [H] [L] a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir condamner la société au paiement des heures supplémentaires demeurées impayées et en remboursement du redressement fiscal dont il a fait l'objet par les services de contrôle finlandais sur la part des indemnités calendaires au titre des années 2017, 2018 et 2019, excédant les plafonds d'exonération fiscale.
Par jugement rendu le 11 mars 2022, le conseil de prud'hommes du Havre a :
- fixé en application de l'article R. 1454'28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [H] [L] à la somme de 2 800 euros,
- dit et jugé que M. [H] [L] n'a pas déclaré ses revenus et accessoires conformément à la législation finlandaise,
En conséquence,
- débouté M. [H] [L] de ses demandes de dommages et intérêts pour redressement fiscal et au titre des congés payés,
- dit et jugé que M. [H] [L] a accompli des heures supplémentaires,
En conséquence,
- condamné la SAS Vulcain services au versement des sommes de :
11 415.35 euros brut à titre d'heures supplémentaires, outre les congés payés,
1 141,53 euros brut à titre de congés payés sur heures supplémentaires,
9 344,35 euros brut à titre d'indemnité en contrepartie du repos compensateur, outre les congés payés,
16 800.00 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé correspondant à 6 mois de salaire,
1 000.00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les créances de nature salariale et les créances de nature indemnitaire produisent intérêt de retard au taux légal à compter de la mise à disposition du présent jugement,
- condamné le S.A.S Vulcain services à remettre à M. [H] [L] un bulletin de salaire récapitulant les sommes payées, une attestation Pôle Emploi et son certificat de travail sous astreinte de 25,00 euros par jour de retard et par document dans un délai de 30 jours à compter de la notification du présent jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- condamné la SAS Vulcain services à remettre aux organismes sociaux et fiscaux les documents régularisés,
- débouté M. [H] [L] du surplus de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire pour la totalité du jugement,
- condamné M. [H] [L] à verser à la SAS Vulcain services les sommes suivantes :
5 600 euros brut au titre de remboursement de deux mois de salaire trop perçu,
4 290 euros à titre de remboursement de frais non restitués,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les salaires et accessoires de salaire,
- dit que les créances de nature salariale reconnues à la SAS Vulcain services par le présent jugement produisent intérêts de retard au taux légal à compter de la mise à disposition du présent jugement,
- débouté la SAS Vulcain services du surplus de ses demandes,
- dit que ces deux sommes seront à déduire des sommes revenant par ce jugement à M. [H] [L],
- dit que chacune des parties devront supporter les éventuelles dépens, comprenant les frais de traduction et les frais d'exécution du présent jugement. »
Le salarié a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 décembre 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 décembre 2022, l'appelant demande à la cour de voir infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du Havre ;
Et statuant à nouveau,
- condamner la Société Vulcain à lui verser la somme de :
39.163,38 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant au montant total du redressement fiscal
- En conséquence, condamner la Société Vulcain à lui verser les sommes de :
1 461,10 euros à titre de congés payés sur l'année 2017 à 2020
3 918,30 euros à titre de congés payés sur l'année 2018
4 281,75 euros à titre de congés payés sur l'année 2019
4 441,95 euros à titre de congés payés sur l'année 2020
- condamner la Société Vulcain à lui verser les sommes suivantes :
54.881,71 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires à tout le moins 42.000,00 euros, outre les congés payés,
62.505,92 euros à titre de paiement des heures dépassant le contingent conventionnel d'heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents,
10.000,00 euros pour violation des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles relatives à la durée du travail,
63.893,04 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
10.648,84 euros net à titre de dommages et intérêts pour défaut de remise des documents de fin de contrat et des sommes y afférentes,
50.000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
50.000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés ainsi que les documents de fin de contrat de M. [L] selon les termes de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- ordonner la régularisation de M. [L] auprès des organismes sociaux,
- dire que la totalité de ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
En tout état de cause,
- débouter la Société Vulcain de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la Société Vulcain à verser à M. [L] la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance, en ce compris les frais de traduction.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2022, l'intimée demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 16.800 euros au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, le confirmer pour le surplus et condamner M. [L] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur la demande au titre du remboursement des rappels d'impôt
Le salarié fait valoir qu'à la suite d'un contrôle effectué par l'administration fiscale finlandaise, il a fait l'objet d'un redressement sur la partie des indemnités calendaires dépassant les plafonds d'exonération,
que le conseil finlandais du comité social économique (CSE) a mis en demeure la société de régulariser non seulement la dette fiscale mais également ses conséquences pour les salariés détachés,
que consciente de ses errements, la société a proposé des protocoles transactionnels afin de limiter les conséquences sociales et fiscales des redressements en cause pour les salariés encore en poste,
que pour sa part, les démarches amiables aux fins de résoudre le litige n'ont pas abouti,
qu'au sens de la directive 2018/957/UE relative au détachement des salariés, transposée en France par ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019, entrée en vigueur le 30 juillet 2020, laquelle consacre le principe « à travail égal, rémunération égale sur un même lieu de travail », un salarié détaché par une entreprise établie à l'étranger doit bénéficier de la même rémunération qu'un salarié employé par une entreprise établie localement réalisant les mêmes tâches,
qu'elle est également venue renforcer la coopération en matière de fraude et d'abus dans le cadre du détachement de travailleurs,
que c'est dans ce cadre que la société a fait l'objet d'un contrôle par l'administration fiscale finlandaise en 2020,
que la société a commis une faute dans le traitement des indemnités calendaires, ayant cru de façon erronée que les indemnités suivraient le même régime que celles versées à un salarié résidant fiscalement en France,
qu'elle avait également mis en place un procédé constitutif d'une fraude, réalisant ainsi deux versions des bulletins de paie, la première à destination des salariés, et la deuxième de l'administration fiscale, sans mention des frais d'expatriés,
que s'il était convenu qu'il devait s'acquitter de la régularisation de l'impôt sur les revenus qu'il percevait en Finlande et dont il avait connaissance, soit sur la base de sa rémunération forfaitaire mensuelle abondée éventuellement d'heures supplémentaires, tel n'est pas le cas des sommes dont il ignorait le caractère imposable,
qu'il a accepté cette mission en Finlande, uniquement parce qu'il lui était assuré « sur un mois complet travaillé (5j/7) sans prise de congés, un salaire de 6 110 euros (1610 + 150 x 30 jours calendaires), « net de charges et d'impôts » »,
que la proposition faite par la société constituait une offre de travail au sens des articles 1114 et suivants du code civil, les mêmes éléments ayant été repris au contrat de travail, de sorte que l'engagement pris n'a pas été respecté,
que dans l'arrêt du 16 juin 2021, invoqué par la société, la Cour de cassation s'est prononcée dans une espèce différente, ayant jugé irrecevable la demande indemnitaire formée à l'encontre de l'employeur résultant du redressement fiscal dont le salarié avait fait l'objet à la suite de la déclaration des sommes versées en exécution d'une transaction, alors que le contrat de travail prévoyait expressément « que moyennant la parfaite exécution de la transaction, le salarié déclarait être rempli de tous ses droits, qu'il n'avait plus aucune réclamation à formuler à l'encontre de l'employeur et renonçait irrévocablement à toutes demandes et actions de toute nature liées à ses fonctions et mandats, à son contrat de travail et à toutes réclamations de tout avantage en nature ou en argent ainsi qu'à toutes demandes, sommes, indemnités et dommages intérêts de toute nature pour quelle que cause que ce soit »,
que la société a commis une erreur au sens de l'article 1132 du code civil, engageant sa responsabilité, le contrat de travail étant soumis aux règles du droit commun et aux dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail,
qu'elle a également manqué à son obligation d'information, inscrite dans la convention collective applicable, dès lors que s'il avait su que la fraction supérieure au maximum légal pour les frais de bouche et de logement, ainsi que toutes les autres indemnités calendaires (frais de transport, véhicule, frais d'essence') étaient soumises à impôt sur le revenu en Finlande, il n'aurait jamais accepté cette mission.
La société fait valoir en réplique que dans le cadre du contrôle fiscal organisé par les autorités finlandaises au cours de l'exercice 2020, il est ressorti une interprétation différente présentée par l'administration fiscale relativement au traitement des sommes versées à titre d'indemnités calendaires de déplacement,
que les parties sont expressément convenues dans le cadre de la signature du contrat de travail que le salarié s'acquitterait de son impôt, l'article 13 du contrat de travail signé le 29 juillet 2016 mentionnant qu'il « devra s'acquitter de la régularisation de l'impôt sur les revenus salariaux liés à son activité en Finlande pour Vulcain services dans le respect des législations fiscales française et finlandaise », de sorte qu'il n'est pas recevable à solliciter l'indemnisation de son redressement fiscal,
qu'il lui appartenait de se renseigner et de vérifier les informations qui lui étaient communiquées, d'autant que lorsque la proposition salariale lui a été faite, elle n'était pas encore son employeur, ne pouvant lui être reproché aucune faute en sa qualité d'employeur,
que le contrat de travail, signé par le salarié, n'indique à aucun moment que les indemnités calendaires seront nettes de charges et d'impôts,
que le salarié ne saurait lui reprocher un manquement à une obligation d'information au visa de l'article 1112-2 du code civil, alors qu'elle n'avait pas « connaissance » de la fiscalité des indemnités calendaires en Finlande, que l'alinéa 2 prévoit du reste que « ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation »,
que le salarié ne peut non plus se prévaloir du fait que cette « obligation générale d'information est inscrite dans la convention collective alors qu'il a été engagé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée de chantier et non dans le cadre d'un contrat de mission qui aurait nécessité un ordre de mission valant avenant au contrat,
que la loi n'impose pas non plus que les contrats de chantier contiennent les informations qui doivent être précisées au salarié lorsqu'il est envoyé en mission hors de France métropolitaine,
que le salarié n'a jamais fait la démarche de se rapprocher d'elle aux fins de régulariser sa situation vis-à-vis de l'administration fiscale et a d'ailleurs fait le choix de ne pas l'informer de son contrôle fiscal,
que les accords intervenus pour faciliter le paiement du rattrapage d'impôts avec d'autres salariés, ne donnent naissance à aucun droit en sa faveur,
que la Cour de cassation considère, en s'appuyant sur les termes de l'article 2044 du code civil, que le principe d'égalité de traitement ne peut être valablement invoqué par un salarié pour revendiquer les droits et avantages obtenus par d'autres salariés placés dans une situation identique,
qu'il ne peut donc invoquer ce principe pour revendiquer les droits et avantages d'une transaction conclue par l'employeur pour terminer une contestation ou prévenir une contestation à naître.
Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un contrôle opéré par l'administration fiscale finlandaise, le salarié a fait l'objet d'un redressement portant sur les indemnités calendaires excédant les plafonds d'exonération,
que le service fiscal finlandais a retenu que la société a vendu des services expertisés de maintenance au chantier de la centrale nucléaire OL3 en construction dans une commune où elle a un établissement stable en Finlande, que le contribuable a été un travailleur détaché qui devait travailler en Finlande de six à douze mois, durée prolongée suite au retard pris sur le projet, qu'il a reçu comme salaire un avantage ou une prestation évaluable en argent imposable sur laquelle l'employeur n'a pas procédé à la retenue à la source, qu'il lui a été versé des indemnités d'expatriation, lesquelles n'ont pas été traitées par la comptabilité en matière de paie en Finlande, mais l'ont été dans la fiche de paie du travailleur détaché établie par la comptabilité française de la société comme une indemnité non imposable ajoutée au salaire net du destinataire, que selon la comptabilité en matière de paie en France, le contribuable a reçu cette indemnité d'expatriation considérée comme indemnité non imposable, alors qu'en Finlande, lesdites indemnités, en particulier les frais de déplacement, sont considérées comme des revenus imposables au-delà d'un plafond fixé à 41 euros en 2017 et à 42 euros pour 2018 et 2019,
que c'est dans ces conditions que le salarié a fait l'objet de redressements au titre des années 2017 à 2019 à hauteur de 38.997,75 euros, soit 39.163,38 euros après majoration et de 20.289,98 euros pour l'année 2020.
Aux fins d'obtenir le remboursement des rappels d'impôt sur le revenu, le salarié invoque le principe « à travail égal, rémunération égale sur un même lieu de travail », consacré par la directive 2018/957/UE transposée en droit français par l'ordonnance du 20 février 2019, selon lequel, toutes les règles du pays d'accueil applicables aux travailleurs locaux s'appliqueront également aux travailleurs détachés dès le premier jour du détachement. Il n'explicite toutefois pas les différences de traitement éventuellement subies, ni le lien entre le contrôle fiscal dont il a été l'objet et ses incidences avec une éventuelle différence de traitement au sens de la directive précitée en comparaison avec les travailleurs locaux.
Il allègue en outre une fraude, au motif que la société présentait deux versions des bulletins de paie, la première à destination des salariés et la deuxième pour l'administration fiscale, sans mention des frais d'expatriés, fondement qui ne peut être retenu, dès lors qu'elle considérait que le même régime fiscal était applicable tant en France qu'en Finlande, que ces sommes n'étaient pas considérées comme imposables et qu'il n'y avait donc pas lieu de les faire apparaître sur les bulletins de paie à destination de la Finlande. En tout état de cause, il n'est pas établi l'existence d'une dissimulation de la part de la société, étant observé que le service des impôts finlandais n'a mis en évidence aucune volonté de fraude.
Le salarié se prévaut par ailleurs d'une erreur ayant vicié son consentement, sur le fondement des dispositions des articles 1132 du code civil et L. 1221-1 du code du travail, lequel précise que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun, faisant valoir que sans cette interprétation erronée quant au traitement des indemnités d'expatriation, il n'aurait jamais accepté cette mission et encore moins de quitter la France, ayant subi un important préjudice financier. Aux termes toutefois du contrat de travail régularisé le 29 juillet 2016, les parties sont expressément convenues que le salarié percevrait « une rémunération forfaitaire mensuelle brute » et qu'il devait s'acquitter de l'impôt sur les revenus liés à son activité en Finlande. Ce dernier ne peut donc valablement soutenir que son consentement a été vicié, ayant connaissance de ces éléments lors de la signature du contrat de travail.
La cour considère que le salarié est fondé en sa demande de dommages et intérêts au titre d'un manquement de la société à son obligation d'information et/ou de renseignement, dès lors qu'il lui incombait d'informer son salarié au regard de la complexité liée à cette position de détachement dans un pays étranger, voire à tout le moins de l'alerter sur l'ensemble des conséquences de son détachement, notamment par rapport aux services fiscaux locaux, sans qu'elle ne puisse exciper les dispositions de l'article 13 faisant obligation à l'intéressé de «s'acquitter de la régularisation de l'impôt sur les revenus salariaux liés à son activité en Finlande », alors que cet engagement ne concerne que les revenus imposables dont ce dernier avait connaissance, l'arrêt du 16 juin 2021, cité par la société, qui a rejeté la demande de remboursement des rappels d'impôt, ayant été rendu dans une espèce différente, et pouvant a contrario être interprété en faveur du salarié qui n'a pas renoncé à toute action à l'encontre de l'employeur, alors en outre que la société, consciente de l'erreur commise et de ses conséquences, a proposé des « protocoles transactionnels d'accompagnement » afin de limiter les incidences fiscales des redressements pour les salariés encore en poste.
La réalité du préjudice est établie dès lors que le salarié a fait l'objet de rappels d'impôt sur le revenu et la demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation d'information et/ou de renseignement justifiée, par voie d'infirmation du jugement. Le préjudice en résultant ne pourra toutefois être équivalent au montant du redressement opéré, dès lors que l'impôt sur le revenu reste une charge du contribuable qui en est personnellement redevable. Il sera alloué au salarié une somme de 15.000 euros à titre de réparation.
2 - Sur la demande au titre des rappels de congés payés résultant de la requalification des indemnités calendaires en salaire
Le salarié invoque les dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale qui définit l'assiette des cotisations de sécurité sociale comme étant « les revenus d'activité tels qu'ils sont pris en compte pour la détermination de l'assiette de la CSG », l'assiette de la CSG et de la CRDS étant définie par l'article L. 136-1-1 du même code qui précise que « ne constituent pas un revenu d'activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondant, dans les conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi des travailleurs salariés ou assimilés que ceux-ci supportent lors de l'accomplissement de leurs missions ».
Il fait valoir qu'au regard des textes précités, à défaut d'être justifiées par le remboursement de frais professionnels satisfaisant à la définition rappelée ci-dessus, les indemnisations versées aux salariés doivent être regardées comme des éléments de salaire, quelle que soit la dénomination qui leur est donnée par convention collective ou par contrat et, de ce fait, être assujetties à cotisations et contributions sociales dans les conditions de droit commun,
que l'administration fiscale finlandaise ayant estimé que les indemnités calendaires avaient la nature de salaire, la fraction des indemnités excédant le plafond ouvre droit à des congés payés conformément aux dispositions des articles L. 3141-1 et suivants du code du travail. Il cite à l'appui un arrêt de la Cour de cassation (Soc. 1er octobre 1992, n° 90-12.381), qui a retenu que « doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations dues par une société, les indemnités forfaitaires de séjour allouées par celle-ci à ses salariés en déplacement à l'étranger, dès lors que la cour d'appel constate que l'employeur, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas que les dépenses prises en charge par lui sont des dépenses ayant un lien avec la fonction ou l'emploi et que les indemnités en cause, de caractère forfaitaire, sont allouées en réalité en contrepartie de sujétions diverses liées aux conditions particulières d'existence des salariés concernés, 'et que ces indemnités ne compensaient pas des frais professionnels ».
Il s'estime en droit de demander un rappel de congés payés sur les trois dernières années, du 1er septembre 2017 au 31 août 2020, que soit ordonnée la remise de bulletins de paie rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ainsi que la régularisation auprès des organismes sociaux.
La société répond qu'au sens de la législation française, les indemnités calendaires octroyées sous la forme d'allocations forfaitaires, sont réputées utilisées conformément à leur objet et sont exonérées de cotisations et charges sociales,
qu'elles ne peuvent donc être assimilées à du salaire,
que la jurisprudence considère d'ailleurs notamment que sont exclues de l'assiette de calcul des congés payés les indemnités de repas, les primes de panier, les allocations forfaitaires pour frais de séjour à l'étranger et les indemnités d'expatriation destinées à compenser les différences de niveau de vie,
que le fait qu'une partie des indemnités calendaires ait été considérée comme imposable au titre de l'impôt sur le revenu finlandais et selon la législation finlandaise ne permet pas de retenir la qualification de salaire en France.
Il résulte du dossier que le salarié percevait des indemnités calendaires venant couvrir les frais exposés dans le cadre de son détachement sur un chantier pour le compte de la Société Areva NP située en Finlande,
qu'au sens de la législation française, ces indemnités versées sous la forme d'allocations forfaitaires, réputées utilisées conformément à leur objet, constituent non un complément de salaire mais le remboursement de frais professionnels, et ne doivent donc pas être prises en compte dans le calcul de l'indemnité de congés payés.
Les sommes litigieuses ne peuvent ouvrir droit à congés payés, dès lors que la détermination du salaire intervient nécessairement dans le cadre juridique de la loi applicable au contrat de travail, en l'espèce la loi française (article 6 du contrat de travail), la législation finlandaise intervenant uniquement en matière fiscale, la jurisprudence citée (Cass. Soc. 1er octobre 1992, n° 90-12.381) étant inapplicable à l'espèce, étant par ailleurs observé que le caractère imposable desdites indemnités au-delà d'un certain plafond ne change pas en soi sa nature.
Le salarié sera en conséquence débouté de sa demande au titre des congés payés, par confirmation du jugement déféré, outre de ses demandes subséquentes.
3 - Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Aux termes de L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Le salarié fait valoir qu'aux termes de son contrat de travail, il percevait une rémunération mensuelle brute de 2 800 euros à raison de 39 heures par semaine,
qu'en réalité, il travaillait 44 heures sur le site O3L pour le compte de la société Areva,
que dès 2018, il avait été demandé à tous les salariés d'augmenter le nombre d'heures supplémentaires à 330 heures par an,
que l'employeur n'a jamais contesté la réalisation d'heures supplémentaires reconnaissant devoir une somme de 42.000 euros entre son embauche et fin 2019, mais a rechigné à procéder à leur règlement, alors qu'il a proposé de décaler sa sortie de l'entreprise, initialement prévue en février, en mars puis en août 2020,
qu'en tout état de cause, la proposition de la société a été faite sur la base d'un taux horaire erroné, puisque qu'elle n'a pas intégré le montant des indemnités calendaires, considérées comme du salaire,
qu'il a en outre effectué des heures supplémentaires au titre de 2020,
que s'il a bénéficié de jours de repos pour compenser les heures supplémentaires réalisées entre la 36ème et la 39ème heure, bien que non mentionnés sur les bulletins de paie, les heures réalisées à partir de la 40ème heure et jusqu'à la 44ème heure, n'ont quant à elles, jamais été rémunérées ou compensées par un repos ;
Il réclame une somme de 54.881,71 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés y afférents calculées comme ci-après, sur la base d'un taux horaire intégrant les indemnités calendaires, soit 63,01 euros (salaire reconstitué : 10.648,84/169 = 63,01 euros).
- soit pour 4 heures supplémentaires à 25 %, 315,05 euros, (63,01 *125% = 78,7625 euros) et pour 1 heure supplémentaire à 50 %, soit 94,515 euros (63,01 *150% = 94,515 euros), représentant 409,565 euros par semaine,
sachant que du 1er septembre 2017 au 31 août 2018, soit sur 52 semaines, il a travaillé a minima 45 semaines (après déduction de 5 semaines de congés payés et 10 jours de repos compensateur),
du 1er septembre 2018 au 31 août 2019, il a travaillé 45 semaines (après déduction de 5 semaines de congés payés et 10 jours de repos compensateur),
du 1er septembre 2019 au 31 août 2020, il a travaillé a minima 44 semaines (après déduction de 5 semaines de congés payés, 10 jours de repos compensateur et la semaine du 11 mars 2019 où il a été 3 jours en arrêt maladie),
les sommes dues se fixant à :
- 18.430,425 euros du 1 er septembre 2017 au 31 août 2018 (45 x 409,565),
- 18.430,425 euros du 1 er septembre 2018 au 31 août 2019 (45 x 409,565),
-18.020,86 euros du 1er septembre 2019 au 31 août 2020 (44 x 409,565),
Subsidiairement, il sollicite le versement de la somme de 42.000,00 euros outre 4.200,00 euros à titre de congés payés y afférents.
Il produit :
- le courriel de l'employeur du 7 février 2020, indiquant « voici ce que je te propose pour avancer avec [H]. Nous pourrons présenter un protocole pour solder la situation de [H] de la manière suivante : une compensation pour les heures supplémentaires estimées sur la base de celle décomptée pour 2019, une compensation complémentaire les heures supplémentaires estimées pour 2017 et 2018 sur la reconduction de celles réalisées pour 2019, une prime complémentaire pour saluer son engagement à nos côtés sur ces trois années »,
- le courriel du 3 mars 2020 de Mme [S] [B], business développer, indiquant : « ' je te confirme donc notre engagement à te verser la somme de 42 000 euros ' »,
- le courriel adressé par M. [D] [X] le 4 juin 2020 précisant que les heures supplémentaires de janvier 2020 (40,28) ont été payées en mars, que celles au titre de février (47,83) n'ont pas été payées, qu'aucune heure supplémentaire n'a été effectuée en mars et avril 2020 et celles au titre de mai seront réglées en juin,
- les échanges de courriels des 26 et 29 juin 2020 et 3 juillet 2020 relativement aux demandes de règlement de sa situation,
- le courriel du 5 août 2020 indiquant quitter définitivement la société Vulcain le 31 août 2020 quelle que soit la situation, réclamant son solde de tout compte et le paiement de ses heures supplémentaires,
- le courriel du 11 août 2020 adressé à Mme [B] indiquant « je confirme que je souhaite signer le protocole de rupture du contrat au 31 août 2020 dès maintenant. Quand ce protocole va-t-il mettre présenter ' »,
- la relance adressée à l'employeur par courriel du 18 novembre 2020.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.
La société fait valoir en réplique que des difficultés d'interprétation sont apparues entre les notions de temps de présence et de temps de travail effectif, qui ont fait l'objet de discussions avec le client, le CSE et les salariés travaillant en Finlande,
que si une partie des indemnités calendaires a été considérée comme imposable au titre de l'impôt sur le revenu finlandais et selon la législation finlandaise, elles ne sont pas pour autant qualifiées de salaire en France,
que quand bien même ce serait le cas, la base de calcul des heures supplémentaires ne peut être constituée que par le salaire versé en contrepartie directe d'un travail fourni,
que les indemnités calendaires de déplacement, qui indemnisent des frais de logement et de repas et qui ne sont donc pas la contrepartie d'un travail fourni, ne peuvent donc entrer dans la base de calcul des heures supplémentaires,
que les parties ont donc procédé à l'analyse contradictoire de la situation et sont parvenues à un accord pour mettre fin à tous litiges portant sur une somme brute de 42.000 euros, tous préjudices confondus, indemnisant donc à la fois les heures supplémentaires et les congés payés afférents, le dépassement du contingent annuel, le travail dissimulé dont le salarié faisait état, bien que non reconnu en l'absence de caractère intentionnel de la dissimulation et les préjudices liés à l'accomplissement des heures supplémentaires,
que le salarié n'a pas souhaité signer l'accord qui avait été finalisé, dont le montant négocié correspond précisément à ses demandes actuelles,
que le salarié a reconnu ne pas avoir accompli d'heures supplémentaires en 2020 qui n'auraient pas été réglées et celles effectuées au mois de février 2020 ont bien été réglées au mois de juin 2020, ainsi que cela résulte de son bulletin de salaire au titre de ce mois mentionnant des heures supplémentaires à hauteur de 47,83,
que le salarié est tout au plus fondé en sa demande à hauteur de 11.415,35 euros brut, outre 1 141,53 euros brut au titre des congés payés afférents, sur la base de 180 heures (= 4 x 45 semaines) du 1/09/2017 au 31/08/2018, de 180 heures du 1/09/2017 au 31/08/2018 et de 64 heures (= 4 x 16) du 1/09/2019 au 31/12/2019.
Il ressort du dossier que s'agissant de la période du 1er septembre 2017 au 31 décembre 2019, les parties s'accordent sur un total de 44 heures effectuées par semaine, soit cinq heures au-delà de la 39ème heure, les heures effectuées de la 36ème à la 39ème étant rémunérées dans le cadre de la rémunération forfaitaire convenue. Il conviendra de considérer au regard des pièces soumises à la cour que pour l'année 2020, le salarié a été rempli de ses droits, ayant été réglé du solde des heures supplémentaires dues au titre des mois de janvier, février et mai 2020, alors qu'il indique n'avoir pas effectué d'heures supplémentaires en mars et avril (courriel de M. [D] [X] du 4 juin 2020) et qu'il fait état de 5 semaines de congés payés et de 10 jours de repos compensateur de septembre 2019 à août 2020.
Au regard des développements ci-avant, il sera tenu compte du décompte de l'employeur déterminé en fonction d'un taux horaire de 16,568 euros, soit les taux majorés de 20,71 euros (25 %) et de 24,852 (50 %), le jugement étant confirmé sur ce point.
4 - Sur l'indemnisation relative à la contrepartie obligatoire en repos
En application des dispositions de l'article L 3121-38 du code du travail :« A défaut d'accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100% de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés. Pour l'application du premier alinéa du présent article, l'effectif salarié et le franchissement du seuil de vingt salariés sont déterminés selon les modalités prévues à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. »
Dès lors que les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires, fixé par la convention collective Syntec à 130 heures, il y a lieu d'indemniser le salarié au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires pour 14 heures en 2017 (4 mois x 4 semaines x 9 HS = 144 HS), 275 heures en 2018 et 2019 (45 semaines x 9 HS = 405 HS), soit un total de 564 heures supplémentaires au-delà du contingent affecté du taux horaire de 16,568 euros, la valorisation du repos compensateur se chiffrant en conséquence à 9 344,35 euros brut (564 x 16,568), outre 934,43 euros au titre des congés payés afférents, le jugement étant confirmé sur ces points.
5 - Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail
Le salarié rappelle que l'employeur est tenu de respecter un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives (art. L. 3131-1), un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 24 heures consécutives (art. L. 3132-2), et un temps de pause d'au moins 20 minutes dès lors que les salariés travaillent 6 heures d'affilée (art. L. 3121-16),
que la durée quotidienne de travail effectif ne peut dépasser 10 heures, sauf dérogation prévue par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement ou, par convention ou un accord de branche (L. 3121-18), ou sur autorisation expression de l'inspection du travail et la durée hebdomadaire ne peut excéder 48 heures sur une même semaine de travail, sauf autorisation par l'inspection du travail pour circonstances exceptionnelles, auquel cas elle peut être portée à 60 heures au maximum, et 44 heures sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, sauf accord collectif ou, à défaut, sur autorisation de l'inspection du travail. (articles L. 3121-20 à L.3121-25).
La société ne justifie pas avoir respecté lesdites dispositions, procédant par affirmations.
Il est à tout le moins établi au regard des pièces du dossier que le salarié a travaillé 44h sur une période de 12 semaines consécutives et que le temps de repos hebdomadaire de 11 heures consécutives n'a pas été respecté.
Il est justifié d'accorder au salarié qui invoque une atteinte à sa vie privée et familiale, indiquant avoir sacrifié du temps personnel au profit de son activité professionnelle, une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi.
La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande.
6 - Sur la demande au titre du travail dissimulé
Par application de l'article L.8221-5, du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
(')
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Selon l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le salarié fait valoir que la société n'ignorait pas qu'il effectuait de nombreuses heures supplémentaires, dont le cumul dépassait amplement le contingent d'heures légal,
que l'infraction de travail dissimulé est constituée à un autre titre, notamment par la soustraction des déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ces derniers.
qu'en omettant sciemment de déclarer les indemnités calendaires auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale, alors qu'elles ont la nature de salaire, l'employeur a cherché à minorer ses obligations,
que contrairement à ce qu'a soutenu la société, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé n'était pas incluse dans la proposition faite de paiement d'une somme de 42.000 euros à titre transactionnel, mais ne comprenait que les heures supplémentaires accomplies,
qu'il est fondé à solliciter la somme de 63.893,04 euros (10.648,84 euros x 6) à titre de dommages et intérêts, sur la base d'un salaire intégrant les frais calendaires requalifiés.
La société répond que la volonté de dissimuler les heures effectuées par le salarié n'est aucunement caractérisée,
que bien que refusant de reconnaître avoir dissimulé de manière intentionnelle les heures supplémentaires accomplies, elle avait accepté, dans le cadre d'un règlement global du litige de lui verser une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, correspondant à 6 mois de salaire, soit 16.800 euros,
qu'en l'absence de règlement amiable, elle sollicite l'infirmation du jugement.
Il résulte des développements précédents que n'ont été retenues ni une fraude, ni une faute intentionnelle dans le traitement des indemnités calendaires, alors que leur assimilation à des salaires résulte d'une interprétation de l'administration fiscale finlandaise et qu'elles ne sauraient être soumises à cotisations sociales au regard du droit français.
Par ailleurs, l'attribution par la juridiction au salarié d'heures supplémentaires non payées ne constitue pas à elle seule la preuve d'une dissimulation intentionnelle, alors qu'il apparaît encore une divergence d'interprétation entre les sociétés française et finlandaise relativement aux notions de temps de présence et de temps de travail effectif.
Faute pour le salarié de justifier d'éléments permettant de caractériser l'élément intentionnel de l'infraction, le salarié doit être débouté de sa demande de ce chef, par infirmation du jugement lequel a retenu a à tort que « la société aurait dû anticiper toute difficulté afférente aux horaires de travail de ses salariés travaillant à l'étranger », sans caractériser la volonté de la société de dissimuler l'emploi du salarié.
7 - Sur la demande de dommages et intérêts au titre du défaut de remise des documents de fin de contrat
Le salarié fait valoir qu'en dépit de la rupture de son contrat de travail au 31 août 2020, la société ne lui a pas délivré ses documents de fin de contrat, ni réglé les sommes qui lui étaient dues,
qu'il a adressé plusieurs courriels de relance à son employeur les 5, 7, 8, 13, 14 août 2020 et le 9 novembre 2020, que le 18 novembre 2020, il lui était indiqué qu'il était attendu une « confirmation écrite de sa sortie des effectifs de Vulcain au 31/08/2020 »,
qu'il est resté par suite sans nouvelles de l'employeur depuis cette date,
que la non délivrance des documents de fin de contrat lui a nécessairement causé un préjudice puisqu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de pouvoir s'inscrire à Pôle Emploi, afin de percevoir les indemnités chômage, le temps de trouver un nouvel emploi, et qu'en retardant sans cesse son départ de l'entreprise une première fois au 7 février 2020, puis au 7 mars et enfin au 31 août malgré une démission au 8 janvier 2020, faute pour l'employeur d'avoir réglé ses heures supplémentaires, ni préparé ses documents de fin de contrat,
qu'il n'a pu se rendre en France pour voir ses proches et sa famille, qu'il ne peut visiter que pendant ses congés.
Il sollicite une somme correspondant à un mois de salaire brut soit 10.648,84 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et demande que soit ordonnée la remise de documents de fin de contrat, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
La cour observe que plusieurs échanges ont eu lieu entre le salarié et la société, le salarié évoquant son intention de rester en Finlande sur le projet OL3 mais avec un autre statut (courriel du 28 janvier 2020), s'interrogeant sur le sort des frais de gestion dans le cadre d'une poursuite de la mission en freelance (forfait ' pourcentage ') (courriel du 25 février 2020), que les négociations entre les parties se sont poursuivies, le salarié indiquant par courriel du 8 mars 2020 : « Mon contrat s'est achevé hier, légalement parlant, je ne rendrais pas sur le chantier demain pour des raisons évidentes, mais il est nécessaire à présent d'accélérer les discussions si nous souhaitons trouver un accord rapide et une reprise d'activité » et par courriel du 3 juillet 2020, l'employeur rappelait que « Vulcain a maintenu durant ces derniers mois la relation de travail 'afin d'étudier la faisabilité de la mise en place d'un contrat de freelance ».
Il apparaît que le salarié a volontairement repoussé son départ au 31 août 2020, espérant obtenir le règlement de sa situation, que postérieurement à son départ effectif, il ne justifie d'aucun préjudice, alors que l'employeur soutient sans être contredit qu'il a choisi de proposer ses services sur le même site, pour le même client, étant précisé que le chèque de 31.354,85 euros au titre du solde de tout compte a été adressé par la société à son conseil le 17 novembre 2021, lequel n'a pas été encaissé et a été restitué après le jugement du 11 mars 2022 et que des suites dudit jugement un virement de 30.549,83 euros a été effectué, excluant toutefois de la condamnation prononcée au titre du travail dissimulé.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
8- Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Le salarié soutient que l'employeur a tenté de tromper l'administration fiscale finlandaise en violant les dispositions légales applicables, dans le but de réaliser économies,
que du fait de son inertie, elle n'a jamais informé ses salariés conformément à ses obligations légales et conventionnelles, les exposant à un contrôle fiscal et à un rappel d'impôt outre à des majorations et des pénalités de retard,
qu'il a été en proie au stress et à l'inquiétude alors qu'il devait trouver la trésorerie suffisante aux fins de s'acquitter de la dette fiscale.
Il sollicite l'attribution d'une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le salarié qui ne justifie pas du préjudice qui est résulté du paiement de l'impôt sur le revenu dont il doit naturellement s'acquitter en sa qualité de contribuable sera débouté de sa demande, alors qu'aucune fraude fiscale ou sociale n'a été retenue à l'encontre de la société et qu'il a obtenu réparation à raison du manquement de la société à son obligation de renseignement, par confirmation du jugement.
9 - Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. ». Sur le fondement de ces dispositions, l'employeur peut être sanctionné en raison de graves manquements à ses obligations.
Le salarié fait valoir que l'employeur n'a pas respecté la rémunération légale et contractuelle, en omettant sciemment de régler les heures supplémentaires qu'il a réalisées et en fraudant les dispositions légales finlandaises sur les indemnités calendaires alors qu'il s'agissait d'un élément du salaire.
En l'espèce, en considération des développements ci-avant, il n'est caractérisé aucun manquement de la part de l'employeur constitutif d'une exécution déloyale du contrat de travail et s'il peut être retenu que la société aurait dû s'assurer des règles fiscales locales à appliquer, et fournir les informations nécessaires à ses salaries, pour autant ce défaut d'information ne peut être assimilé à un comportement déloyal, le jugement étant confirmé sur ce point.
10 - Sur la demande de la société Vulcain au titre de la restitution des sommes trop perçues
La société sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné le salarié à lui restituer les sommes de 5.600 euros brut à titre de salaire trop perçu en septembre et octobre 2020 et 4 290 euros à titre d'avance de frais qui devait être restituée au terme de la mission.
Les sommes en causes, qui ne sont pas discutées dans leur principe et dans leur montant seront confirmées.
11 - Sur les intérêts
Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation. Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
12 - Sur la remise de documents
La cour ordonne à la société de remettre au salarié les documents de fin de contrat rectifiés : l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
14 - Sur les frais du procès
Le salarié sollicite une somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, faisant valoir avoir exposé la somme de 1.659,00 euros au titre des frais de traduction, près de 3 500 euros au titre de ses frais de transport ainsi que de son conseil, de la perte de chiffre d'affaires.
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 500 euros au titre de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a fait droit à la demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts au titre du manquement de la SAS Vulcain services à son obligation d'information et au titre de la violation des durées maximales de travail,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SAS Vulcain services à payer à M. [H] [L] les sommes de :
15.000 euros au titre du manquement à son obligation d'information,
2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail,
Déboute M. [H] [L] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,
Y ajoutant,
Ordonne à la SAS Vulcain services de remettre à M. [H] [L] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur les condamnations prononcées et du présent arrêt pour le surplus,
Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Condamne la SAS Vulcain services aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne la SAS Vulcain services à payer à M. [H] [L] une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Vulcain services de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
La greffière La présidente