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14/03/2024 | FRANCE | N°23/02137

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 14 mars 2024, 23/02137


N° RG 23/02137 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMU5





COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE



ARRET DU 14 MARS 2024







DÉCISION DÉFÉRÉE :



23/00349

Jugement du tribunal judiciaire juge de l'execution du Havre du 19 Juin 2023





APPELANTE :



Madame [D] [E]

née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 7] (76)

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Emmanuel CARDON, avocat au barreau du HAVRE substitué par Me Frédéric CAN

TON, avocat au barreau de ROUEN



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/004787 du 24/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)





INTIMEE :



Société SEM...

N° RG 23/02137 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMU5

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 14 MARS 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/00349

Jugement du tribunal judiciaire juge de l'execution du Havre du 19 Juin 2023

APPELANTE :

Madame [D] [E]

née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 7] (76)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Emmanuel CARDON, avocat au barreau du HAVRE substitué par Me Frédéric CANTON, avocat au barreau de ROUEN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/004787 du 24/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMEE :

Société SEMINOR

RCS LE HAVRE sous le n° B 346 050 024

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Laurence HOUEIX, avocat au barreau du HAVRE substitué par Me Céline BOISSEAU, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 08 février 2024 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, Présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Monsieur MELLET, Conseiller

DEBATS :

Madame DUPONT greffière

A l'audience publique du 08 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 mars 2024

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 14 mars 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, greffière lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

Suivant acte sous seing privé du 3 février 2017, la société anonyme d'économie mixte immobilière de Normandie Seminor a donné à bail à Mme [D] [E] un bien à usage d'habitation situé [Adresse 4] à [Localité 5] moyennant le paiement d'un loyer mensuel révisable de 426,97 euros outre les charges.

Par jugement du 2 septembre 2019, le tribunal d'instance du Havre a, entre autres dispositions, prononcé la résiliation du bail et condamné Mme [E] à verser à la société Seminor la somme de 1 202,86 euros au titre de l'arriéré impayé au 31 mai 2019, une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux, les dépens et la somme de 150 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte de commissaire de justice du 5 janvier 2023, la société Seminor a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes détenus par Mme [E] à La banque Postale en recouvrement de la somme de 3 779,55 euros en principal, intérêts et frais. La saisie a été dénoncée à Mme [E] par acte du 11 janvier 2023.

Par acte de commissaire de justice du 10 février 2023, Mme [E] a fait assigner la société Seminor afin d'obtenir la nullité et la mainlevée de la saisie-attribution ainsi que des dommages et intérêts.

Par jugement du 19 juin 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire du Havre a :

- débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes ;

- dit que la société Seminor assumerait le coût de la saisie-atribution pratiquée le 5 janvier 2023 ;

- dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 22 juin 2023, Mme [E] a relevé appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2024.

Exposé des prétentions des parties

Par dernières conclusions reçues le 9 novembre 2023, Mme [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- annuler la saisie-attribution ;

- laisser l'ensemble des frais d'exécution forcée de 1 067,90 euros à la charge de la société Seminor et subsidiairement, les frais de 210,98 euros relatifs à la saisie-attribution et au prétendu acquiescement à la saisie ;

- dire et juger que la société Seminor n'est pas créancière de réparations locatives pour la somme de 2 380,22 euros et réintégrer la somme de

290 euros au crédit du décompte des sommes dues au titre de la dette locative qui s'élève à la somme de 3 261,96 euros au 20 mars 2023 ;

- condamner la société Seminor à lui verser la somme de 100 euros au titre des frais bancaires qui lui ont été facturés ;

- condamner la société Seminor à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Seminor à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de ses frais d'instance ;

- condamner la société Seminor aux dépens.

Par dernières conclusions reçues le 1er décembre 2023, la société Seminor demande à la cour de :

- débouter Mme [E] de ses demandes ;

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

- condamner Mme [E] à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant notamment le coût du timbre fiscal.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés par celles-ci.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de nullité de la saisie-attribution

L'appelante fait grief au premier juge de l'avoir déboutée de sa demande de nullité et de mainlevée de la saisie-attribution au motif que la société Seminor y a renoncé alors que la saisie est irrégulière puisqu'elle porte sur un compte alimenté par l'allocation adulte handicapé qui est insaisissable et que le créancier n'y a pas renoncé et n'en a pas donné mainlevée.

En réplique, la société Seminor fait principalement valoir que la saisie n'est ni illégale ni abusive dès lors que l'huissier n'était pas informé de la nature des sommes se trouvant sur le compte, que la saisie a été pratiquée sur le fondement d'un titre exécutoire pour recouvrer les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés et non les réparations locatives et qu'elle a été mise en oeuvre à la suite de la défaillance de la débitrice dans le respect de l'échéancier convenu.

Aux termes de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance et l'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

L'article L. 121-2 du même code dispose que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

Il n'est en l'espèce pas contesté que la saisie-attribution a été pratiquée en exécution du titre exécutoire que constitue le jugement rendu le 2 septembre 2019 et signifié à Mme [E] par acte du 4 octobre 2019.

Il est également acquis aux débats que les sommes versées sur le compte objet de la saisie-attribution sont insaisissables.

Dès lors qu'il n'est allégué d'aucune irrégularité de forme affectant l'acte de saisie, dont la conformité aux dispositions de l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas contestée, la nullité de la saisie-attribution n'est pas encourue, le caractère insaisissable des sommes saisies caractérisant uniquement l'impossibilité de mettre en oeuvre la saisie mais n'affectant pas sa régularité.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé dans ses dispositions ayant débouté Mme [E] de sa demande d'annulation de la saisie.

Si le dispositif des conclusions de l'appelante saisit la cour d'une demande d'infirmation des dispositions du jugement l'ayant déboutée de sa demande de mainlevée de la saisie, il ne comporte aucune prétention tendant à voir ordonner la mainlevée de ladite saisie de sorte que les dispositions du jugement déféré à ce titre ne peuvent qu'être confirmées.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'appelante fait grief au premier juge de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts au motif que la mesure d'exécution forcée n'était pas abusive au regard du montant des sommes restant dues alors que la société Seminor avait connaissance de sa situation de fortune, que deux saisies précédemment mises en oeuvre les 5 et 10 février 2020 s'étaient avérées infructueuses, que les frais de la saisie litigieuse étaient de nature à grever encore plus sa dette, que la saisie a été pratiquée en violation de l'accord de règlement convenu entre les parties et que l'allocation adulte handicapé a été bloquée, ce qui lui a occasionné un préjudice à la fois moral et financier.

En réplique, l'intimée fait principalement valoir que la saisie a été mise en oeuvre au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés pour un montant de 3 551,96 euros et non au titre des réparations locatives, que l'échéancier mis en place avec l'huissier n'a pas été respecté et qu'elle n'était pas informée de ce que Mme [E] percevait l'allocation adulte handicapé.

La saisie-attribution mise en oeuvre pour un montant en principal de

2 183,01 euros déduction faite des versements effectués n'est pas disproportionnée au regard du montant de la créance restant à recouvrer.

Il ne saurait être reproché au créancier d'avoir diligenté la saisie au mépris de l'accord de règlement intervenu dès lors que les décomptes produits établissent que les versements effectués étaient insuffisants au regard du montant restant dû et que l'échéancier convenu n'interdisait nullement au créancier de diligenter des mesures d'exécution forcée.

La circonstance que le bailleur était informé, à la date de conclusion du bail, le 3 février 2017, de ce que Mme [E] percevait le RSA n'est pas de nature à établir que le bailleur a, en connaissance de la persistance de l'état d'impécuniosité de la débitrice, diligenté inutilement la procédure de saisie-attribution litigieuse six ans plus tard.

L'existence de précédentes mesures d'exécution forcée pratiquées au cours de l'année 2020 n'est pas davantage de nature à démontrer un abus du créancier dans l'exercice de la saisie-attribution pratiquée le 5 janvier 2023.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé dans ses dispositions ayant débouté Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts pour abus de saisie.

Sur la contestation relative au montant de la créance

Il est constant que la saisie-attribution litigieuse porte exclusivement sur des loyers, charges et indemnités d'occupation impayées objet de la condamnation prononcée par le jugement du 2 septembre 2019 et non sur des réparations locatives qui ne font l'objet d'aucun titre exécutoire.

La demande de Mme [E] tendant à voir dire et juger que la société Seminor n'est pas créancière de réparations locatives à hauteur de la somme de 2 380,22 euros sera déclarée irrecevable en ce qu'elle constitue une prétention nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et en ce qu'elle ne relève pas des pouvoirs juridictionnels du juge de l'exécution, lequel ne connaît des contestations qu'à l'occasion de mesures d'exécution forcée, ce conformément aux dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

La contestation relative à l'imputation des paiements effectués par la débitrice relève en revanche de la compétence du juge de l'exécution saisi d'une contestation du montant de la créance objet de la mesure d'exécution forcée.

Aux termes de l'article 1342-10 du code civil, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

En l'espèce, les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir la volonté expresse et non équivoque de Mme [E] de voir imputer les versements effectués sur la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation. Entre cette dette, qui fait l'objet d'un titre exécutoire de nature à justifier des mesures d'exécution forcée, et la dette de réparations locatives

qui ne fait l'objet d'aucun titre, l'intérêt de la débitrice était d'acquitter la dette de loyers, laquelle est au surplus la plus ancienne.

Il convient en conséquence d'imputer les versements intervenus à hauteur de la somme de 240 euros, selon le décompte actualisé au 20 mars 2023, sur la dette d'un montant en principal de 3 340,98 euros après déduction des frais de saisie-attribution, soit un montant restant dû de 3 320,98 euros au titre de la créance objet du titre exécutoire.

Sur la demande de remboursement des frais bancaires

Mme [E] ne produit pas davantage en appel qu'en première instance les relevés de compte permettant de justifier que les frais dont elle sollicite le remboursement ont été prélevés par l'établissement bancaire. Le relevé de compte produit pour la période considérée ne fait pas apparaître le prélèvement de la somme de 100 euros allégué à ce titre.

Le seule production d'une lettre de la banque informant Mme [E] de la saisie et faisant état de frais de traitement du dossier pour un montant maximum de 100 euros est en effet insuffisante à démontrer que la somme de 100 euros a été effectivement prélevée sur le compte de la débitrice.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé dans ses dispositions ayant débouté Mme [E] de sa demande de remboursement des frais bancaires

Sur la contestation des frais d'exécution

Aux termes de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.

En l'espèce, Mme [E] ne saurait remettre en cause l'ensemble des frais de poursuite exposés par le créancier en exécution du jugement du 2 septembre 2019 dès lors qu'elle reconnaît que les causes du jugement n'ont pas été intégralement réglées.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé dans ses dispositions l'ayant déboutée de sa demande tendant à faire supporter au créancier l'ensemble des frais d'exécution forcée, à l'exception des frais de la procédure de saisie-attribution litigieuse laissés à la charge du créancier.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.

Mme [E] devra supporter la charge des dépens d'appel. Elle sera condamnée à verser à la société Seminor la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevable la demande de Mme [E] tendant à voir dire et juger que la société Seminor n'est pas créancière de réparations locatives à hauteur de la somme de 2 380,22 euros ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour à l'exception des dispositions ayant débouté Mme [E] de la contestation relative à l'imputation des paiements ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit que la créance de la société Seminor s'élève à la somme de

3 320,98 euros en principal et frais selon décompte arrêté au 20 mars 2023;

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] [E] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [D] [E] à verser à la société Seminor la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [D] [E] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre de la proximité
Numéro d'arrêt : 23/02137
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;23.02137 ?
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