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07/07/2023 | FRANCE | N°23/00008

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 07 juillet 2023, 23/00008


N° RG 23/00008 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLO3



COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 7 JUILLET 2023







DÉCISIONS DÉFÉRÉE :



ordonnance du présidente du tribunal judiciaire de Rouen du 27 avril 2023





DEMANDEUR au recours :



M. [O] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]



comparant en personne et assisté de Me Romain DEGOUTTE, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Béatrice MORIVAL


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DEFENDEURS au recours :



FONDATION BRIGITTE BARDOT

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Me Emilie LOZE, avocat au barreau de Paris substituant Me François-Xavier KELIDJIAN





MINISTERE ...

N° RG 23/00008 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLO3

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 7 JUILLET 2023

DÉCISIONS DÉFÉRÉE :

ordonnance du présidente du tribunal judiciaire de Rouen du 27 avril 2023

DEMANDEUR au recours :

M. [O] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

comparant en personne et assisté de Me Romain DEGOUTTE, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Béatrice MORIVAL

DEFENDEURS au recours :

FONDATION BRIGITTE BARDOT

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Emilie LOZE, avocat au barreau de Paris substituant Me François-Xavier KELIDJIAN

MINISTERE PUBLIC

[Adresse 4]

[Localité 6]

pris en la personne de M. Pucheus, avocat général, entendu en ses réquisitions

EN PRESENCE DE :

LA DIRECTION DEPARTEMENTALE DE LA PROTECTION DES POPULATIONS (DDPP)

Service de la santé et de la protection des animaux et de l'environnement

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Mmes [E] [T] et [D] [M]

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 juin 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 7 juillet 2023, devant M. Bruno LE BECACHEL, président de chambre délégué par ordonnance de la première présidente de la cour d'appel de Rouen, assisté de Mme Catherine CHEVALIER, greffier.

DÉCISION :

CONTRADICTOIRE

Prononcée publiquement le 7 juillet 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par M. LE BECACHEL, président et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

* * *

Faits et procédure

M. [O] [B] est propriétaire d'un cheptel bovin destiné à la production de viande bovine sur une exploitation de 151 hectares située en zone humide classée Natura 2000.

De graves anomalies liées à des absences de réalisation de la prophylaxie annuelle de son cheptel, à des divagations d'animaux, à des animaux en perte totale de traçabilité, à des conditions de détention non conformes au bien-être animal ont été constatées.

Un premier procès-verbal a été dressé à l'encontre de M. [O] [B] le 20 décembre 2021 pour mauvais traitement, inexécution de mise en demeure et défaut d'identification et de notification de naissances de bovins portant sur des constats d'avril à octobre 2021. A l'issue de nouveaux constats effectués le 7 mars 2023 par les services de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), une dénonciation officielle a été faite au procureur de la République de Rouen le 8 mars 2023 et une enquête pénale a été ouverte.

Le 10 mars 2023, l'ensemble du cheptel soit 432 bovins étaient retirés et confiés à la Fondation Brigitte Bardot, seul trois bovins inapprochables ont dû être abattus sur place.

M. [O] [B] faisait l'objet à l'issue de l'enquête pénale d'une convocation devant le tribunal correctionnel de Rouen pour abandon volontaire d'animal domestique, apprivoisé ou captif, il était placé sous contrôle judiciaire jusqu'à sa comparution fixée au 8 septembre 2023.

Le 5 avril 2023, la Fondation Brigitte Bardot sollicitait le parquet de Rouen afin d'envisager une cession du cheptel à son profit afin de satisfaire aux besoins physiologiques propres des animaux, tout en insistant sur la particulière agressivité de certains d'entre eux et la lourdeur des soins vétérinaires, la quasi totalité des vaches se trouvant en gestation.

Le 7 avril 2023, une ordonnance de placement à la Fondation Brigitte Bardot sur le fondement de l'article 99-1 du code de procédure pénale était prise par le procureur de la République de Rouen.

Le 25 avril 2023, le parquet saisissait le président du tribunal judiciaire de Rouen d'une requête en cession anticipée avant jugement.

Le 27 avril 2023, le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire autorisait aux termes de l'ordonnance entreprise la cession à titre onéreux du cheptel de

M. [B], en précisant que le prix de cession des animaux reviendrait intégralement à la Fondation Brigitte Bardot pour couvrir les frais engagés pour assurer leurs soins.

Prétentions

Aux termes de ses dernières écriture déposées le 29 juin 2023, M. [O] [B] sollicite à titre principal avant dire droit une expertise afin qu'un expert puisse, après avoir établi un inventaire, chiffrer la valeur vénale de chaque animal. Subsidiairement il demande l'infirmation de l'ordonnance de cession, et l'autorisation de céder le cheptel à titre onéreux, à un tiers sur la base de l'estimation d'un cheptel standard de 432 animaux à la somme de 650 300 euros hors taxe outre les veaux nés postérieurement, et la consignation de cette somme en application des dispositions de l'article 99-1 alinéa 5 du code de procédure pénale.

Au soutien de ses demandes, il soutient que les conditions nécessaires à l'application des dispositions de l'article 99-1 du code de procédure pénale ne sont pas réunies en l'espèce, que l'avis vétérinaire du 28 mars 2023 complété le 23 juin 2023 ne met pas en évidence des conditions de placement néfastes pour les bovins, que les animaux observés sont encore sous le stress de leur déplacement du 10 mars 2023 ce qui explique l'agressivité relevée par le vétérinaire. Il critique le positionnement de la Fondation Brigitte Bardot visant à changer la destination du cheptel pour le mettre à la retraite ce qui aurait pour conséquence d'en diminuer la valeur et porter atteinte à la spécificité de ce cheptel élevé en terrain marécageux, sans castration des mâles et écornage. Il critique l'absence à la procédure d'une estimation précise et détaillée pour la valorisation de ses animaux, écarte l'expertise anonyme communiquée au parquet par le service de la santé et de la protection des animaux et de l'environnement de la DDPP, d'un montant de 328 450 euros. Enfin, il rappelle qu'il conteste les faits qui lui sont reprochés et qu'il sollicitera la restitution de ses animaux devant le tribunal correctionnel le 8 septembre 2023.

La Fondation Brigitte Bardot indique que désormais 450 bovins sont à sa charge, placés dans des pensions partenaires, où ils reçoivent un accueil et des soins adaptés, que cependant, ainsi qu'il résulte du compte-rendu vétérinaire établi par le Dr [U] [C], les conditions de détention des animaux ne permettent pas de répondre à la pleine satisfaction de leurs besoins physiologiques, que l'impossibilité de procéder à l'épointage de certains animaux présente des dangers à la fois pour les bêtes mais aussi pour les éleveurs, que de la même façon l'impossibilité de procéder à la castration des mâles empêche de réduire l'agressivité de certains individus, un éleveur ayant été blessé.

Elle sollicite que le prix de cession dont le montant doit intégralement lui revenir soit fixé à la somme de 140 140,32 euros correspondant aux frais qu'elle a engagés au titre de leur prise en charge depuis le 10 mars 2023.

Réquisitions

Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait droit au principe de la cession anticipée du cheptel à titre onéreux, mais à sa réforme dans ses motifs de façon à valider l'engagement de la Fondation Brigitte Bardot à garantir jusqu'à leur dernier jour, une retraite sans exploitation des animaux ni mise en adoption auprès de tiers, et surtout de façon à se conformer à la lettre et l'économie de l'article 99-1 du code de procédure pénale, et préciser que le prix de cette cession fixé à 328 450 euros selon l'évaluation jointe, sera consigné en application de l'alinéa 5 de ce même article pour compenser l'atteinte au droit de propriété de M. [B] et garantir le règlement des frais de pension dont

M. [B] reste redevable.

Motifs de la décision

En application de l'article 99-1 du code de procédure pénale, lorsque, au cours d'une procédure judiciaire ou des contrôles mentionnés à l'article L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime, il a été procédé à la saisie ou au retrait, à quelque titre que ce soit, d'un ou plusieurs animaux vivants, le procureur de la République près le tribunal judiciaire du lieu de l'infraction ou, lorsqu'il est saisi, le juge d'instruction peut placer l'animal dans un lieu de dépôt prévu à cet effet ou le confier à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée. La décision mentionne le lieu de placement et vaut jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'infraction.

Lorsque les conditions du placement sont susceptibles de rendre l'animal dangereux ou de mettre sa santé en péril, le juge d'instruction, lorsqu'il est saisi, ou le président du tribunal judiciaire ou un magistrat du siège délégué par lui peut, par ordonnance motivée prise sur les réquisitions du procureur de la République et après avis d'un vétérinaire, ordonner qu'il sera cédé à titre onéreux ou confié à un tiers ou qu'il sera procédé à son euthanasie.

Cette ordonnance est notifiée au propriétaire s'il est connu, qui peut la déférer soit au premier président de la cour d'appel du ressort ou à un magistrat de cette cour désigné par lui, soit, lorsqu'il s'agit d'une ordonnance du juge d'instruction, à la chambre de l'instruction dans les conditions prévues aux cinquième et sixième alinéas de l'article 99.

Le produit de la vente de l'animal est consigné pendant une durée de cinq ans. Lorsque l'instance judiciaire qui a motivé la saisie se conclut par un non-lieu ou par une décision de relaxe, le produit de la vente est restitué à la personne qui était propriétaire de l'animal au moment de la saisie si celle-ci en fait la demande. Dans le cas où l'animal a été confié à un tiers, son propriétaire peut saisir le magistrat désigné au deuxième alinéa d'une requête tendant à la restitution de l'animal.

Les frais exposés pour la garde de l'animal dans le lieu de dépôt sont à la charge du propriétaire, sauf décision contraire du magistrat désigné au deuxième alinéa saisi d'une demande d'exonération ou du tribunal statuant sur le fond. Cette exonération peut également être accordée en cas de non-lieu ou de relaxe.

La présence à la procédure d'un compte-rendu de visite des 28 et 29 mars 2023 établi par le Dr [U] [C], vétérinaire à la clinique [8] satisfait aux conditions de forme posés par l'alinéa 2 de l'article 99-1 du code de procédure pénale sur lequel la procédure est fondée, en ce qu'il exige l'avis d'un vétérinaire.

Si en ce qui concerne sa qualité probatoire, ce constat vétérinaire pouvait apparaître critiquable car insuffisamment explicite dans la réalité des faits, le complément de compte-rendu de visite produit au débat le 23 juin 2023, en ce qu'il recense pension par pension la situation des animaux retirés du cheptel de M. [B] est parfaitement éclairant sur la situation des animaux.

Il en résulte de façon constante que pratiquement tous les animaux présentent des traces de coup de cornes plus ou moins anciennes, que les vaches sont maigres, semi- sauvages et non écornées et que de nombreux vêlages sont à prévoir. Le vétérinaire en conclu que la santé, voire la survie des animaux est menacée en raison du trop grand nombre de taureaux constituant une menace pour les vaches en chaleur, les animaux plus petits et les plus faibles. Il est également relevé que cette situation présente un risque pour les éleveurs à qui ces animaux ont été confiés, en ce qu'ils ne laissent peu ou pas approcher les humains et que toute tentative d'approche présente un danger immédiat.

L'agressivité des bovins constatée par le Dr [C] ne saurait être uniquement expliquée par le stress des animaux provoqué par leur capture et leur transport, dès lors qu'elle a également été constatée avant leur transport vers les pensions le 10 mars 2023. Le procès-verbal de retrait suite aux opérations de prophylaxie du 7 mars 2023 relevait déjà cette agressivité envers les personnes qui tentent de les approcher, et relevait également que les animaux portaient de nombreuses marques prouvant qu'ils se battent entre eux, fréquemment en compétition pour l'eau ou la nourriture.

Il résulte de l'avis vétérinaire que les conditions de détention des animaux dans les sept pensions partenaires de la Fondation Brigitte Bardot ne permettent pas de répondre à la pleine satisfaction de leurs besoins physiologiques, lesquels nécessitent pour leur santé la prise de mesure visant à réduire l'agressivité de certains animaux par l'épointage des cornes réalisé avec anesthésie tronculaire du nerf cornual, et non l'écornage, et la castration des jeunes mâles, comme d'ailleurs le préconise

M. [B] dans le cahier des charges du label 'Boeuf de la Vallée de Seine' qu'il a lui même rédigé.

La nécessité de disposer d'une valorisation du cheptel que la Fondation Brigitte Bardot déclare vouloir mettre à la retraite dans des pensions partenaires, résulte des dispositions mêmes de l'article 99-1 du code de procédure pénale dès lors que cet article prévoit en son alinéa 5 la consignation du produit de la vente dans l'attente de la décision pénale.

Une estimation individualisée de chaque animal avant dire droit par voie d'expertise comme le sollicite M. [B] sera écartée au regard d'une part, de l'urgence de la situation en raison de la multiplication des animaux pris en charge désormais au nombre de 450, de la nécessité de répondre au plus vite à la pleine satisfaction des besoins physiologiques des animaux et de faire cesser les situations de danger pour les éleveurs, et d'autre part de la présence à la procédure d'une estimation réalisée le 26 juin 2023 certes par un négociant en bovins désirant rester anonyme, mais procédant par catégorie d'animaux lequel est parvenu à identifier sur 432 bêtes retirées, 279 commercialisables pour une valeur sur le marché de 328 450 euros soit un prix supérieur au coup de la prise en charge du cheptel retiré.

Compte tenu de sa carence, M. [B] propriétaire du cheptel retiré, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire rendue en dernier ressort par mise à disposition au greffe

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Autorise la cession de l'ensemble du cheptel bovin, y compris les veaux nés depuis le 10 mars 2023, de M. [O] [B] à la Fondation Brigitte Bardot selon l'estimation communiquée par le ministère public pour un prix de 328 450 euros ;

Dit que le produit de la vente sera consigné conformément aux dispositions de l'article 99-1 alinéa 5 du code de procédure pénale dans l'attente de la décision définitive sur les poursuites pénales engagées à l'encontre de M. [O] [B].

Condamne M. [O] [B] aux dépens.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00008
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;23.00008 ?
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