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05/07/2023 | FRANCE | N°23/00033

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 05 juillet 2023, 23/00033


N° RG 23/00033 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLQY





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 5 JUILLET 2023









DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Rouen en date du 27 mars 2023





DEMANDEUR :



Monsieur [G] [D]

né le 19 mai 1974 au Maroc

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représenté par Me Aurélie BLO

QUET de la SELARL SELARL FILLATRE-METAYER BLOQUET, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me MORTIER







DÉFENDERESSE :



SAS S2M

RCS de Rouen 842 863 490

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Laëtitia ROUS...

N° RG 23/00033 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLQY

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 5 JUILLET 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Rouen en date du 27 mars 2023

DEMANDEUR :

Monsieur [G] [D]

né le 19 mai 1974 au Maroc

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Aurélie BLOQUET de la SELARL SELARL FILLATRE-METAYER BLOQUET, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me MORTIER

DÉFENDERESSE :

SAS S2M

RCS de Rouen 842 863 490

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Laëtitia ROUSSINEAU de l'AARPI ROUSSINEAU AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 14 juin 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 juillet 2023, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 5 juillet 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Par jugement contradictoire avant dire droit du 27 mars 2023, le conseil de prud'hommes de Rouen

a, dans le litige opposant M. [G] [D], salarié, à la Sas S2M :

- jugé irrecevable la demande nouvelle de M. [G] [D] tendant à obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein,

- ordonné la jonction des dossiers n° 19/00943 et 20/00727,

- ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale pour vol déposée contre M. [G] [D].

Par assignation délivrée le 4 mai 2023, M. [G] [D] a fait assigner la Sas S2M afin d'obtenir de la juridiction statuant dans le cadre d'une procédure accélérée au fond, au visa de l'article 380 du code de procédure civile :

- l'autorisation d'interjeter appel du jugement avant dire droit rendu le 27 mars 2023 par la section commerce du conseil de prud'hommes de Rouen en ce qu'il a jugé irrecevable la demande nouvelle de M. [G] [D] tendant à obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein et ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale pour vol déposée contre

M. [G] [D],

- la fixation de la date et l'heure à laquelle l'affaire sera plaidée à la cour,

- la condamnation de la Sas S2M aux entiers dépens.

Il soutient en premier lieu que sa demande est recevable puisque la décision critiquée a été rendue le 27 mars 2023 ; qu'il disposait d'un mois pour solliciter l'autorisation d'interjeter appel du jugement ; qu'il a formé une demande d'aide juridictionnelle le 19 avril 2023 qui interrompt le délai ; qu' alors que la décision n'avait pas encore été rendue, il a fait procéder à la signification de son assignation en référé le 4 mai 2023 ; que le délai n'a pu encore courir.

Sur les motifs graves et légitimes requis pour être autorisé à former appel, il fait valoir que l'enquête pénale à l'origine du sursis à statuer a pour origine la plainte de l'employeur du 14 janvier 2020, postérieure à sa procédure prud'homale ; qu'il n'a pas été convoqué depuis cette date pour être entendu sur les faits et qu'aucune réponse n'a été apportée à ses multiples demandes de renseignements ; que la lettre de licenciement n'est fondée que sur son absence injustifiée depuis le 29 mai 2019 et sur des faits de vol ; que rien ne justifie le sursis à statuer qui ne présente pas d'intérêt sur l'issue du litige. Il souligne que la motivation du conseil de prud'hommes est lacunaire voire incompréhensible.

Il ajoute que tout citoyen a droit au bénéfice d'un jugement dans un délai raisonnable ; que sa requête enregistrée en 2019 n'a aboutit qu'à ce jugement avant dire droit plus de trois ans plus tard ; qu'en outre, le conseil de prud'hommes a statué par décision avant dire droit alors qu'il a statué sur une fin de non-recevoir et a jugé à tort que sa demande était irrecevable.

Par conclusions notifiées le 9 juin 2023, la S2M demande à la juridiction, au visa de l'article 380 du code de procédure civile, de :

à titre principal,

- déclarer irrecevable la procédure engagée par M. [D] tendant à obtenir la levée du sursis à statuer en ce que l'assignation a été délivrée hors délais à son intention,

- refuser en conséquence à M. [D] l'autorisation de relever appel de la décision de sursis à statuer rendue par le conseil de prud'hommes de Rouen le 27 mars 2023,

à titre subsidiaire,

- refuser à M. [D] l'autorisation de relever appel de la décision de sursis à statuer rendue par le conseil des prud'hommes de Rouen le 27 mars 2023, en l'absence de motif grave et légitime,

en tout état de cause,

- condamner M. [D] à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soulève in limine litis le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de sursis à statuer comme ayant été formée plus d'un mois à compter du prononcé de la décision.

A titre subsidiaire, sur les motifs graves et légitimes, elle soutient que l'issue de la procédure pénale peut avoir une incidence sur la qualification du licenciement contesté par M. [D] ; que le sursis à statuer est fondé.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 14 juin 2023.

MOTIFS

Selon l'article 380 du code de procédure civile, la décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime. La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision. S'il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l'affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l'article 948, selon le cas.

Sur la recevabilité de la demande

L'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 dispose que lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter notamment de la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

L'assignation devant le premier président statuant en procédure accélérée au fond a été délivrée le 4 mai 2023 alors que le jugement a été prononcé le 27 mars 2023. Bénéficiaire déjà de l'aide juridictionnelle en première instance, M. [D] justifie par la production d'un accusé de réception délivré par le bureau de l'aide juridictionnelle compétent d'une demande du même type déposée le 19 avril 2023 soit avant l'expiration du délai pour agir. Le dépôt de cette requête a interrompu le délai d'un mois pour engager une procédure devant la juridiction et ce jusqu'au prononcé de la décision sur son octroi, encore attendue.

La demande d'autorisation pour interjeter appel est recevable.

Sur le bien-fondé de la demande

M. [D] sollicite l'autorisation de former appel à la fois sur la fin de non-recevoir et sur le sursis à statuer. Il ne développe pas de moyens s'agissant de la fin de non-recevoir dans la mesure où il ne vise que les dispositions de l'article 380 du code de procédure civile applicables au sursis à statuer.

En conséquence, la demande relative à la fin de non-recevoir doit être rejetée.

S'agissant du sursis à statuer, il ressort des pièces de procédure produites que :

- M. [D] a été recruté par contrat à durée déterminée à compter du 2 octobre 2017 par M. [B] [F] ;

- en raison d'un désaccord persistant sur l'inadéquation entre le temps de travail et la rémunération perçue, M. [D] a quitté factuellement son emploi le 15 mai 2019 sans percevoir ultérieurement les salaires et accessoires dus et être destinataire des documents constatant la fin du contrat ;

- le 'gérant Spar' a notifié le 2 juillet 2019 un avertissement au salarié ;

- il a déposé une requête afin que soit prononcée la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur le 16 décembre 2019 ;

- la Sas S2M, cessionnaire du fonds de commerce de l'employeur initial, M. [F], a procédé au licenciement du salarié avec effet au 3 février 2020 pour faute grave 'en raison de votre absence injustifiée depuis le 29 mai 2019' ;

- M. [D] a régularisé la procédure entreprise devant le conseil de prud'hommes à son encontre le 16 novembre 2020.

La Sas S2M a déposé plainte pour vol le 14 janvier 2020 : il n'a pas été donné suite à cette démarche ; aucune décision n'a été prise sur d'éventuelles poursuite à l'encontre de M. [D].

Ainsi, en réalité, M. [D] a initié la procédure avant son licenciement et alors que la cession du fonds de commerce emportant changement d'employeur ne lui avait pas été notifiée. La procédure de licenciement était fondée sur un motif sans lien avec les faits de nature délictuelle visés ultérieurement. En l'absence de suite donnée à la plainte déposée depuis plus de trois ans en janvier 2020, la perspective de poursuites qui viendraient conforter la thèse de l'employeur n'est pas crédible.

En conséquence, tant en droit qu'en fait, il existe des motifs graves et légitimes justifiant l'autorisation donnée de former appel du jugement critiqué au regard des risques présentés d'infirmation encoure sur le sursis à statuer et du délai déraisonnable et proche du déni de justice que provoquerait l'attente d'une décision pénale. Les demandes de condamnation portent sur des contreparties du travail de

M. [D] et donc sur les ressources lui permettant d'assurer des besoins quotidiens.

Il sera fait droit à la demande de M. [D].

La décision étant rendue dans l'intérêt exclusif de M. [D] et avant toute appréciation au fond sur les mérites du recours, il gardera à sa charge les dépens auxquels il sera condamné.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Sas S2M.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Déclare recevables les demandes de M. [D],

Rejette la demande d'autorisation de former appel à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Rouen du 27 mars 2023 portant sur la fin de non-recevoir présentée par M. [G] [D],

Autorise M. [G] [D] à former appel à l'encontre de ce jugement en ce qu'il porte sur le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale pour vol déposée contre lui,

Fixe l'affaire à l'audience du 20 septembre 2023 à 14h00 qui se tiendra devant la chambre sociale de notre cour,

Déboute les parties pour le surplus des demandes,

Condamne M. [G] [D] aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00033
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;23.00033 ?
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