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04/07/2023 | FRANCE | N°23/00415

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 04 juillet 2023, 23/00415


N° RG 23/00415 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JI7D



COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 4 JUILLET 2023





DECISION DÉFÉRÉE :



ordonnance de taxe du bâtonnier de Dieppe du 4 janvier 2023





DEMANDERESSE AU RECOURS :



Madame [C] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]



comparante en personne





intervenant aux côtés de la demanderesse



Monsieur [B] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]



comparant en personne





DÉFENDEUR AU RECOURS :



Scp [W] ROISSARD LAVANANT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Claire VAILLS de la Selarl BARBIER VAILLS, avocat au barreau de Dieppe





DEBATS ...

N° RG 23/00415 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JI7D

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 4 JUILLET 2023

DECISION DÉFÉRÉE :

ordonnance de taxe du bâtonnier de Dieppe du 4 janvier 2023

DEMANDERESSE AU RECOURS :

Madame [C] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

comparante en personne

intervenant aux côtés de la demanderesse

Monsieur [B] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]

comparant en personne

DÉFENDEUR AU RECOURS :

Scp [W] ROISSARD LAVANANT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Claire VAILLS de la Selarl BARBIER VAILLS, avocat au barreau de Dieppe

DEBATS :

A l'audience publique du 2 mai 2023, devant Mme Marie-Christine LEPRINCE, première présidente de la cour d'appel de Rouen, assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier ; après avoir entendu les observations des parties présentes, la première présidente a mis l'affaire en délibéré au 4 juillet 2023.

DECISION :

CONTRADICTOIRE

Prononcée publiquement le 4 juillet 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Mme LEPRINCE, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise en disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par requête reçue à l'ordre des avocats de Dieppe le 11 octobre 2022, la SCP [W] Roissard Lavanant a saisi le bâtonnier afin de voir fixer à la somme de 896,64 euros TTC le solde des honoraires qui lui sont dus par Mme [C] [J] et M. [B] [U], outre la somme de 50 euros au titre des frais irrépétibles, pour les diligences accomplies dans le cadre d'un litige avec 'rendez-vous et consultation'.

Par décision en date du 4 janvier 2023, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Dieppe a fait droit à cette demande.

Cette décision a été signifiée à Mme [C] [J] et à M. [B] [U] par la même lettre recommandée avec accusé de réception le 12 janvier 2023 signée par la seule Mme [J].

Mme [C] [J] a déposé un recours contre cette décision par lettre reçue à la cour d'appel le 31 janvier 2023.

L'audience a été fixée au 4 avril 2023.

Mme [J], présente à l'audience, sollicite l'infirmation de l'ordonnance de taxe en toutes ses dispositions. Elle exprime sa surprise de voir le bâtonnier statuer sur la demande de taxe alors qu'il avait été son avocat dans le dossier dont il s'agit, avant que Me [O] puis Me [W] ne lui succède.

Elle reproche à Me [W] son inaction et le fait que son dossier ne trouve pas d'issue.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 31 mars 2023, la SCP [W] Roissard Lavanant a conclu :

- au débouté des prétentions de Mme [J],

- à la confirmation de l'ordonnance de taxe rendue le 4 janvier 2023 par le bâtonnier de Dieppe,

- à la fixation à la somme de 946,64 euros TTC le montant des honoraires dus par Mme [C] [J] et M. [B] [U],

- à la condamnation de Mme [C] [J] au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu des difficultés soulevées à l'audience, et principalement celle liée au fait que le bâtonnier [N] aurait été précèdemment et dans le même dossier l'avocat de Mme [J] mais également celle de la condamnation de M. [U], les débats ont été renvoyés à l'audience du 2 mai 2023.

Le 4 avril 2023, Mme [J] faisait parvenir au greffe un courriel qui lui avait été adressé par Me [N] dans le cadre des opérations de la succession de son père et la copie d'un courrier du notaire Me [E] adressé à Me [N], ès qualités d'avocat de Mme [C] [J].

Le 2 mai 2023, les parties ont été entendues, Mme [J] continue à reprocher son inaction à Me [W] et expose qu'elle lui paiera ses honoraires lorsqu'il aura exécuté sa mission. M. [U] précise 'qu'il n'a rien à voir dans le litige' bien que figurant dans l'ordonnance de taxe du bâtonnier.

La SCP [W] Roissard Lavanant sollicite la confirmation de l'ordonnance de taxe arguant que Mme [J] a signé une convention d'honoraires, qu'elle a été reçue deux fois en rendez-vous dont une fois en présence de M. [U], qu'une requête en changement de notaire a été déposée et que le dossier a nécessité des recherches juridiques.

L'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet 2023.

Par courrier reçu à la cour le 10 mai 2023, le conseil de la SCP [W] Roissard Lavanant a entendu déposer une note en délibéré dont il résulte :

- qu'il appartient à la première présidente d'évoquer l'éventuelle nullité de l'ordonnance de taxe,

- que la SCP [W] Roissard Lavanant s'engage à ne pas poursuivre l'exécution de l'ordonnance de taxe à l'encontre de M. [U] qui n'a pas interjeté appel,

- que l'assignation annexée à la demande de taxation était une erreur et qu'elle a été retirée du dossier en cause d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ressort des débats et des pièces qui ont été versées que M. [X] [J] est décédé le [Date décès 2] 2013 laissant pour lui succéder sa fille Mme [C] [J] née d'une première union et sa seconde épouse Mme [F] [P] à laquelle il avait fait donation de l'usufruit de la totalité de ses biens.

Saisi par Mme [C] [J], le tribunal de grande instance de Dieppe a, par jugement en date du 18 avril 2018, ordonné les opérations de compte liquidation partage et désigné le président de la Chambre départementale des notaires avec faculté de délégation, pour y procéder. Cette décision, frappée d'appel par Mme [P], a été confirmée dans un arrêt de la cour d'appel de Rouen rendu le 6 janvier 2021.

Il est établi que dans le cadre du dossier de succesion de son père, Mme [C] [J] a dans un premier temps confié ses intérêts à Me [N] qui a été en lien avec le notaire de son père et qu'elle a par la suite souhaité changer de conseil et a été représentée tant en première instance qu'en cause d'appel par Me [O]. Et ce n'est que dans le cadre des opérations de liquidation qu'elle a pris contact avec Me [W].

Il n'est pas contesté qu'une convention d'honoraires a été signée le 17 septembre 2021 entre Mme [C] [J] et la SCP [W] Roissard Lavanant sur la base d'un taux horaire de 240 euros. Il était également prévu un montant minimum d'honoraires pour les plaidoiries en premier instance (960 euros HT) et en appel

(1 200 euros HT) outre un honoraire de résultat de 10 % des sommes perçues par le client au titre de son indemnisation. La convention prévoyait enfin, à la charge du client, des frais et débours limitativement énumérés.

Sont versées au dossier de procédure trois factures :

- une facture n°210523 du 8 juillet 2021 adressée à Mme [J] pour un montant d'honoraires de 480 euros HT soit 576 euros TTC,

- une facture n°210524 du 8 juillet 2021 adressée à M. [B] [U] et à Mme [J] pour un montant d'honoraire de 480 euros HT soit 576 euros TTC,

- une facture n°220316 du 22 mars 2022 adressée à Mme [J] pour un montant de débours de 367,20 euros HT soit 440,64 euros TTC.

La demande de taxe a visé les trois factures pour un montant total de 1 592,64 euros dont ont été déduits les deux versements de 576 euros le 6 août et de 120 euros le 17 septembre 2021.

Ont été joints à cette demande de taxe, la convention d'honoraires, les factures, les échanges de courriers avec les clients, un 'projet d'assignation ouverture des opérations', une requête aux fins de désignation d'un nouveau notaire, un courrier à la chambre des notaires et un courrier au notaire commis.

Mme [J] et M. [U] informés de la demande de taxe n'ont pas entendu faire valoir leurs observations.

A) Sur la nullité de l'ordonnance de taxe

Il n'est pas contesté que Me [N] a statué en sa qualité de bâtonnier sur la demande de taxe présentée par la SCP [W] Roissard Lavanant alors qu'il l'avait précédé dans la défense des intérêts de Mme [C] [J] dans le cadre du même dossier de succession.

Il doit être rappelé que sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial. L'article 6, § 1, de la Convention énonce les garanties générales du procès équitable, c'est-à-dire celles qui doivent être offertes à tous justiciables afin qu'ils bénéficient d'une justice de qualité en laquelle ils puissent avoir confiance.

Ces éléments ainsi rappelés suffisent pour créer un doute raisonnable, objectivement justifié, sur l'impartialité de Me [N] au moment où il a été amené à rendre l'ordonnance de taxe.

Il sera en outre retenu une absence de motivation de la décision du bâtonnier lequel se contente d'indiquer qu'après examen du dossier 'il apparaît que l'intervention de la SCP [W] Roissard Lavanant n'est pas contestée ni contestable, que sa facture n'est nullement excessive eu égard au travail effectué, considérant qu'il en résulte que les diligences accomplies justifient les frais et débours demandés'.

Il sera relevé que cette absence de motivation n'a pas permis au bâtonnier de relever :

- que M. [U] n'était nullement concerné par l'affaire de la succesion du père de sa concubine Mme [J] et donc de prononcer sa mise hors de cause,

- que lui avait été versé, au titre des diligences effectuées, un projet d'assignation constituant un faux grossier ne conernant pas l'affaire Mme [J].

En conséquence l'annulation de l'ordonnance de taxe du 4 janvier 2023 sera prononcée en application de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et eu égard à l'absence de motivation.

Dans ces conditions et en vertu de l'alinéa 2 de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel interjeté contre cette décision opère dévolution pour le tout, de sorte que la cour est tenue de statuer au fond.

B) Sur la mise hors de cause de M. [U]

Il sera au préalable relevé que l'ordonnance de taxe attaquée n'a pas été régulièrement notifiée à M. [U] puisqu'elle a été adressée aux concubins par un seul et même courrier recommandé dont seule Mme [J] a accusé réception.

Il n'est surtout plus contesté par la SCP [W] Roissard Lavanant que M. [U] n'est pas concerné par la demande de taxe. Il sera donc mis hors cause.

C) Sur le montant des honoraires

L'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 tel qu'il résulte de la modification de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 prévoit que :

'Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci'.

Sur la convention d'honoraires

Il sera remarqué que la convention d'honoraires signée par Madame [J] n'est pas adaptée au contentieux soumis par celle-ci à Maître [W] puisqu'y sont visées les plaidoiries et un honoraire de résultat sur indemnisation alors qu'en l'espèce l'intervention de l'avocat se limitait à une assistance dans l'exécution de décisions de justice définitives ayant ordonné les opérations de compte liquidation partage. Seront toutefois retenus le taux horaire de 240 euros HT accepté par Mme [J] ainsi que les frais, débours et déplacements prévus à l'article 3.

Sur la facturation des honoraires

Il doit être reproché à la SCP [W] Roissard Lavanant une absence de facturation détaillée qui conduit à s'interroger sur le bien-fondé de chacune des trois factures.

Il ressort d'un courrier de Me [W] en date du 8 juillet 2021 que ce dernier a reçu sa cliente le 5 juillet pendant une durée de deux heures. En conséquence, la facture n°210523 du 8 juillet 2021 adressée à Mme [J] pour un montant d'honoraires de 480 euros HT soit 576 euros TTC qui a été payée le 6 août par cette dernière sera considérée comme parfaitement justifiée.

Il n'est pas non plus contestable, au vu des différents courriels, courriers, requête et démarches qui ont été justifiés, que la SCP [W] Roissard Lavanant ait facturé à Mme [J] le 22 mars 2022 des débours pour un montant de

367,20 euros HT soit 440,64 euros TTC.

En revanche, il convient de s'interroger sur le bien-fondé de la seconde facture du 8 juillet ( n°210524) pour le même montant de 576 euros correspondant aussi à deux heures de travail qui apparaît faire double emploi avec la facture n°210523. Cette facturation non justifiée sera écartée.

En conséquence, Mme [J] reste redevable à l'égard de la SCP [W] Roissard Lavanant de la somme de 440,64 euros dont à déduire la provision de 120 euros qui a été versée le 17 septembre 2021 le jour de la signature de la convention d'honoraires et correspondant au coût de l'ouverture de dossier.

D) Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SCP [W] Roissard Lavanant la charge des frais qu'ils ont dû exposer dans le cadre de la présente procédure. Par ailleurs, les dépens seront supportés par moitié.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,

Annule l'ordonnance de taxe rendue le 4 janvier 2023 par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Dieppe ;

Statuant à nouveau,

Met hors de cause M. [B] [U],

Condamne Mme [C] [J] à verser à la SCP [W] Roissard Lavanant la somme de 320,64 euros au titre des honoraires restant dus,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

Le greffier La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00415
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;23.00415 ?
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