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29/06/2023 | FRANCE | N°23/02112

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 29 juin 2023, 23/02112


N° RG 23/02112 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMTE







COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 29 JUIN 2023





Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, R. 3211-7 et suivants du code de la santé publique)
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Assistée de Mme VESPIER, greffière présente lors des débats, et de Mme GUILLARD, greffière présente lors du délibéré ;





APPELANT :
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N° RG 23/02112 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMTE

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 29 JUIN 2023

Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, R. 3211-7 et suivants du code de la santé publique)

Assistée de Mme VESPIER, greffière présente lors des débats, et de Mme GUILLARD, greffière présente lors du délibéré ;

APPELANT :

Monsieur [L] [J]

Né le 20 novembre 1965 à [Localité 6]

Résidence habituelle :

[Adresse 4]

[Localité 6]

Lieu d'admission :

Centre hospitalier spécialisé de Navarre

[Adresse 5]

[Localité 1]

assisté de Me Bilal YOUSFI, avocat au barreau de Rouen

INTIMÉS :

Monsieur le directeur du centre hospitalier spécialisé de Navarre

[Adresse 5]

[Localité 1]

non comparant, non représenté

ATMPE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

non représentée

Vu l'admission de M. [L] [J] en soins psychiatriques au centre hospitalier de Navarre à compter du 31 mai 2023, sur décision de son directeur ;

Vu la saisine en date du 05 juin 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Evreux par M. le directeur du centre hospitalier de Navarre;

Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention en date du 08 juin 2023 ordonnant la poursuite de l'hospitalisation complète sous contrainte de M. [L] [J], notifiée au patient le 11 juin 2023 ;

Vu la déclaration d'appel formée à l'encontre de cette ordonnance par M. [L] [J] et reçue au greffe de la cour d'appel le 20 juin 2023 ;

Vu les avis d'audience adressés par le greffe ;

Vu la transmission du dossier au ministère public ;

Vu les réquisitions écrites du substitut général en date du 27 juin 2023 ;

Vu le certificat médical du docteur [U] en date du 26 juin 2023;

Vu les débats en audience publique du 28 juin 2023 ;

***

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [L] [J] a fait l'objet d'une admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent suivant décision du directeur du centre hospitalier Nouvel hôpital de [Localité 7] le 31 mai 2023. M. [L] [J] bénéficie d'une mesure de curatelle renforcée prise en charge par l'association tutélaire des majeurs protégés de l'Eure.

Une décision de maintien était prise le 3 mars 2023 aux termes des certificats établis à 24 heures et 72 heures, respectivement par les docteurs [U] et [G], lesquels ont conclu que l'hospitalisation était toujours nécessaire au vu de la symptomatologie productive, de son trouble du jugement majeur, de la persistance de l'activité délirante, le docteur [U] précisant qu'en cas d'arrêt des soins, le patient présenterait une dangerosité majeure pour autrui et pour lui-même.

Suivant requête du 5 juin 2023, le directeur du centre hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention afin de statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète.

Suivant ordonnance du 8 juin 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Évreux a rejeté la demande de mainlevée de l'hospitalisation complète sans consentement et dit que les soins psychiatriques se poursuivraient à temps complet. Cette décision a été notifiée le 11 juin 2023 à l'intéressé qui en a interjeté appel par courrier reçu au greffe le 20 juin 2023.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 28 juin 2023.

A ladite audience, tenue publiquement au siège de la juridiction, M. [L] [J] a été entendu en ses observations. Il a indiqué ne pas comprendre les motifs de son hospitalisation, que 'tout est faux' et qu''il peut le prouver', qu''à chaque fois, il faisait son travail lorsqu'il a été stoppé et qu'il peut produire des témoignages', , qu'il avait un parcours de soins qui avait été mis en place par son médecin traitant mais qui a été supprimé sans qu'il puisse en préciser le motif, qu'il souhaite poursuivre son traitement mais à domicile.

Son conseil a soulevé l'irrégularité de la procédure en ce que le curateur n'a pas été contacté dans les délais et que l'hospitalisation a été décidée sur la base d'un certificat sans aucune indication sur le péril imminent. Au fond, il indique que M. [L] [J] pourra désormais bénéficier d'un traitement adapté, qu'au regard de cet élément nouveau, il pourra poursuivre son traitement à domicile alors qu'il n'en conteste pas la nécessité, que la perte de liberté totale est disproportionnée.

L'association tutélaire des majeurs protégés de l'Eure rappelle que depuis la levée du dernier programme de soins en septembre 2018, son protégé a cessé de prendre son traitement et tout suivi psychiatrique, qu'elle a régulièrement été interpellée par les services de la mairie de [Localité 6] et par son bailleur en raison des troubles de voisinage dont il était à l'origine (cris, tape dans les murs...). Elle sollicite le maintien de l'hospitalisation complète sans consentement et à tout le moins la mise en place d'un programme de soins.

Selon avis en date du 27 juin 2023, le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance.

Le directeur du centre hospitalier, partie intimée, n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formé dans les formes et délais requis est recevable.

Sur la régularité de la procédure

Le conseil de M. [L] [J] a soulevé lors de l'audience du 28 juin 2023 et pour la première fois en cause d'appel des moyens tendant à voir constater l'irrégularité de la procédure d'hospitalisation sous contrainte.

Par application de l'article 563 du code de procédure civile, des moyens nouveaux peuvent être soulevés par les parties en cause d'appel pour justifier les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge.Il convient toutefois que toutes les parties aient été à même d'en débattre contradictoirement conformément à l'article 16 du même code.

Des règles spéciales de communication des observations et des conclusions ayant été fixées en matière de soins sans consentement dans le cadre d'une procédure orale, il incombe au juge de veiller au respect du principe du contradictoire dans les délais contraints pour statuer, et en l'espèce dans les 12 jours de sa saisine.

Les autres parties convoquées mais non présentes à l'audience que sont le directeur de l'établissement, l'association tutélaire et le Ministère public ont en effet été placées dans l'impossibilité de répliquer, les délais particulièrement contraints en matière de soins sans consentement ne permettant pas d'organiser une nouvelle audience aux fins de soumettre ces moyens à la contradiction. Il en résulte que les moyens soulevés oralement pour la première fois en cause d'appel qui ne figurent pas dans la déclaration d'appel, doivent être déclarés irrecevables.

Sur le fond

L'article L. 3212-1, II, 2° du code de la santé publique sur lequel s'appuie la décision d'admission, prévoit que le directeur de l'établissement prononce l'admission, lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir la demande d'un membre de la famille du malade ou d'une personne justifiant de relations avec ce dernier et qu'il existe à la date de l'admission, un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical circonstancié, datant de moins de quinze jours, indiquant les caractéristiques de la maladie.

Aux termes de l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement.

En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.

Le certificat médical initial daté du 31 mai 2023 émanant d'un médecin n'appartenant pas à l'établissement d'accueil de la personne malade, le docteur [I], relève l'existence de troubles mentaux caractérisés par un état d'agitation avec des propos délirants récurrents, une pensée désorganisée et imposant des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en raison de l'existence d'un péril imminent pour sa santé et nécessitant son admission en soins psychiatriques sans consentement.

Le certificat de situation du 6 juin 2023 du docteur [U] constate à l'examen qu'il persiste une désorganisation du cours de la pensée avec une symptomatologie productive notamment un délire de persécution avec adhésion totale envers les soignants et les forces de l'ordre, associée à un trouble du jugement, qu'il est anosognosique, quand bien même il serait néanmoins compliant à la prise des traitements. Il indique que son hospitalisation sous contrainte est nécessaire, les traitements étant en cours d'ajustement.

Ainsi, les conditions d'application de l'article L.'3212-1, II, 2° se trouvent réunies. Les éléments nouveaux, relativement au suivi médical, dont le patient a pu faire état lors de l'audience, ne sont donc pas justifiés par des pièces médicales.

Il résulte de ce qui précède et en particulier de la persistance de ses troubles qu'en l'état, un suivi dans le cadre ambulatoire s'avère actuellement prématuré. Le cadre strict de l'hospitalisation sous contrainte s'impose dès lors dans l'attente de la mise au point un traitement adapté que M. [L] [J] pourra ensuite suivre dans un cadre ambulatoire.

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort ;

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [L] [J] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 8 juin 2023 par le juge des libertés et de la détention de Evreux;

Déclare irrecevables les moyens nouveaux tirés de l'irrégularité de la procédure;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Fait à Rouen, le 29 Juin 2023

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/02112
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;23.02112 ?
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