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29/06/2023 | FRANCE | N°23/02099

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 29 juin 2023, 23/02099


N° RG 23/02099 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMSI







COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 29 JUIN 2023





Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, R. 3211-7 et suivants du code de la santé publique) ;




Assistée de Mme VESPIER, greffière présente lors des débats, et de Mme GUILLARD, greffière présente lors des délibérés ;





APPELAN...

N° RG 23/02099 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMSI

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 29 JUIN 2023

Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, R. 3211-7 et suivants du code de la santé publique) ;

Assistée de Mme VESPIER, greffière présente lors des débats, et de Mme GUILLARD, greffière présente lors des délibérés ;

APPELANTE :

Madame [V] [S]

née le 24 Juin 1974 à (MAROC)

Résidence habituelle :

[Adresse 2]

[Localité 4]

Lieu d'admission :

Centre hospitalier du [Localité 7]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

assistée de Me Adrien LAHAYE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉS :

Monsieur le Directeur du Centre hospitalier du [Localité 7]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

non comparant, non représenté

Madame [F] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

non comparante, non représentée

Vu l'admission de Mme [V] [S] en soins psychiatriques au centre hospitalier de [Localité 7] à compter du 02 juin 2023, sur décision de son directeur, à la demande d'un tiers, sa soeur, Mme [F] [S];

Vu la saisine en date du 08 juin 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen par Monsieur le directeur du centre hospitalier de [Localité 7];

Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention en date du 12 juin 2023 ordonnant la poursuite de l'hospitalisation complète sous contrainte de Mme [V] [S] ;

Vu la déclaration d'appel formée à l'encontre de cette ordonnance par Mme [V] [S] et reçue au greffe de la cour d'appel le 19 juin 2023 ;

Vu les avis d'audience adressés par le greffe ;

Vu la transmission du dossier au ministère public ;

Vu les réquisitions écrites du substitut général en date du 27 juin 2023,

Vu le certificat médical du docteur [J] en date du 26 juin 2023,

Vu les débats en audience publique du 28 juin 2023 ;

***

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Par décision du 2 juin 2023, le directeur du centre hospitalier du [Localité 7] a prononcé l'admission en soins psychiatriques de Mme [V] [S] sur le fondement de l'article L.3212-3 du code de la santé publique, à la demande d'un tiers, en l'occurrence, sa s'ur, Mme [F] [S], au vu du certificat médical du docteur [C], daté du même jour, lequel a constaté l'existence de troubles mentaux exposant la personne malade à un risque grave d'atteinte à l'intégrité de sa personne et nécessitant des soins immédiats sous surveillance constante.

A l'issue de la période initiale d'observation, le directeur d'établissement a décidé que la prise en charge de Mme [V] [S] se poursuivrait sous la forme de l'hospitalisation complète.

Par requête du 8 juin 2023, le directeur du centre hospitalier du [Localité 7] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen en poursuite de la mesure dans le cadre du contrôle obligatoire de la mesure prévue à l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 12 juin 2023, le juge des libertés et de la détention de Rouen a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [V] [S] qui a adressé par la voie de son conseil à la cour d'appel de Rouen une déclaration d'appel par courrier en date du 19 juin 2023.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 28 juin 2023.

L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.

Mme [V] [S] a été entendue en ses observations. Elle a indiqué comprendre la démarche de sa s'ur qui s'inquiète pour elle, précisant toutefois qu'elle présente plus de pathologies qu'elle, qu'elle a effectivement rencontré des difficultés mais pas au point d'être hospitalisée sans son consentement, qu'après le décès de son frère en 2020 et celui de son père en 2021, elle s'est trouvée seule à s'occuper de sa mère, ce qu'elle ne peut pas faire en étant enfermée, qu'elle a fait des dépressions, mais est parvenue à les surmonter, que le traitement qui lui est administré par injection n'est pas adapté, alors qu'elle est hémophile, les médecins n'en tenant pas compte. Elle souhaiterait être suivie régulièrement sans avoir à passer par le CMP.

Son conseil poursuit la nullité de la procédure d'admission, faisant valoir qu'il n'est caractérisé au travers du certificat médical d'urgence aucun risque grave d'atteinte à l'intégrité physique de la malade, dès lors qu'à l'admission, l'examen somatique ne révélait aucunement qu'elle possédait des troubles se traduisant par un risque ainsi qu'exigé par les textes et qu'à supposer qu'un tel risque ait existé, sa gravité n'est pas davantage démontrée, que le directeur de l'établissement ne pouvait non plus faire l'économie du deuxième certificat médical d'un médecin n'appartenant pas l'établissement datant de moins de 15 jours, que la procédure d'admission est donc manifestement irrégulière et doit être annulée en ce qu'elle a porté atteinte aux droits de la patiente,

que subsidiairement, les conditions de l'hospitalisation complète ne sont pas réunies, dès lors que Mme [V] [S] n'est pas opposée à prendre son traitement, que son consentement n'est donc pas impossible, que le certificat du docteur [J] ne précise pas non plus qu'elle est anosognosique et qu'elle n'a donc pas conscience de ses troubles ou est réfractaire à tout traitement médicamenteux, que 'l'indication trouble du jugement certain' est insuffisante pour détailler de façon précise les troubles dont elle serait atteinte.

Le directeur du centre hospitalier du [Localité 7] répond que la procédure est régulière, le certificat médical du docteur [C] ayant évoqué des éléments pouvant être caractéristiques d'une urgence justifiant l'hospitalisation, que les conditions légitimant l'hospitalisation complète sont également réunies, alors qu'il est relevé que la patiente ne prend son traitement que de manière fluctuante, qu'au fond, les différents psychiatres ayant examiné Mme [V] [S] depuis le début de son hospitalisation ont constaté la nécessité des soins psychiatriques sans consentement au vu notamment des troubles du jugement majeur, d'un délire de persécution et d'une intolérance à la frustration. Il sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise et le maintien de la poursuite des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.

Selon avis du 27 juin 2023 l'avocat général requiert la confirmation de l'ordonnance.

Mme [V] [S] a eu la parole en dernier.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formé dans les formes et délais requis est recevable.

Sur l'irrégularité de la procédure

L'article L. 3212-1 du code de la santé publique dispose

I- une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.

ll.-Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission :

l° Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l'égard d'un majeur protégé, d'une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci.

La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d'Etat. La décision d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du l du présent article sont réunies. Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. ll doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement mentionné a l'article L. 3222-l qui prononce la décision d'admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l'objet de ces soins

2° Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au l° du présent ll et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°.

Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement, ni avec la personne malade.

Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérét de celle-ci.

Lorsque l'admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.'

Aux termes de l'article L. 3112-3 :'En cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné a l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.

Mme [V] [S] a été admise au centre hospitalier du [Localité 7] sur décision de son directeur sur le fondement du certificat du docteur [C] en date du 2 juin 2023, lequel a constaté qu'elle présentait les troubles mentaux suivants :

- syndrome délirant persécutif

- idées de grandeurs

- troubles du jugement.

Ce médecin a conclu à la nécessité de passage en soins complets et, considérant l'urgence de la situation et qu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la malade, il a attesté que les troubles mentaux décrits ci-dessus rendaient impossible son consentement à des soins psychiatriques et que son état mental nécessitait des soins immédiat assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

Le docteur [C] a ainsi notamment évoqué un syndrome délirant persécutif et des troubles du jugement, caracteristiques d'une urgence pouvant justifier l'hospitalisation, alors que les troubles en cause peuvent altérer l'appréciation des situations par la patiente et être source de comportement à risque, contrairement à ce qui est soutenu, ce médecin soulignant en outre expressément l'urgence de la situation et l'existence d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la patiente.

La cour considère que le certificat médical fondant l'admission en hospitalisation complète est conforme aux exigences textuelles, de sorte qu'aucune irrégularité de la procédure ne saurait être encourue, le moyen tiré de l'absence de production de deux certificats étant dès lors inopérant.

Il ne peut non plus être soutenu que le fait que Mme [V] [S] ne soit pas opposée au traitement induit que son état ne rend pas impossible son adhésion aux soins, alors qu'il est par ailleurs relevé la prise fluctuante de son traitement, l'hospitalisation en la forme complète étant par ailleurs de nature à garantir l'adhésion de la patiente et la continuité des soins.

Les moyens de nullité sont en conséquence rejetés et la procédure sera déclarée régulière.

Sur le fond

Les dispositions applicables étant rappelées ci-avant, il y a lieu de préciser qu'en cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.

Par ailleurs, si le juge doit rechercher tant dans la motivation de la décision du directeur que dans les certificats médicaux communiqués, la réunion des conditions légales nécessaires à justifier l'admission en soins psychiatriques sans consentement, il ne lui appartient pas de substituer son avis ou de dénaturer la teneur des éléments médicaux résultant des constatations personnelles des psychiatres ayant établis ces certificats.

Il résulte des pièces de la procédure que Mme [V] [S] a fait l'objet d'évaluations médicales à 24 et 72 heures par les docteurs [J] et [O] respectivement les 3 et 5 juin 2023, concluant à la nécessité de maintenir les soins en hospitalisation complète, le premier constatant : 'des propos désorganisés et délirants à thématique de persécution- Sub-sthénicité, alliance médiocre, refuse les traitements-Trouble du jugement majeur -Risque hétéro-agressif', le second indiquant: ' on retrouve des éléments délirants de thématique persécutive avec adhésion totale et irritabilité' 'Il persiste une anosognosie, une altération du jugement et une opposition aux soins. Une surveillance clinique continue avec adaptation thérapeutique régulière s'avère nécessaire'.

Ces conclusions sont confirmées par l'avis motivé du docteur [J] du 8 juin 2023 qui observe que la patiente peut présenter des moments de sub-sthénicité lors de l'intolérance à la frustration et qu'elle n'est pas capable de retracer l'anamnèse des troubles et par le certificat médical de situation établi le 26 juin 2023, constatant qu'elle est totalement anosognosique, ce, associée à une véhémence concernant son hospitalisation actuelle, qu' elle présente toujours des éléments délirants de thématique persécutive et un trouble du jugement sous -tendu par sa pathologie.

Ainsi, les conditions d'application de l'article L.'3212-1 se trouvent réunies.

Eu égard à l'ensemble des éléments médicaux figurant en procédure, Mme [V] [S] présente encore des troubles mentaux dont elle n'a pas totalement conscience, son jugement étant fortement altéré. Elle a en conséquence encore besoin d'un cadre strict pour apaiser ses pulsions délirantes, ce qui justifie la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte.

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort ;

Déclare recevable l'appel interjeté par Mme [V] [S] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 12 Juin 2023 par le juge des libertés et de la détention de Rouen ;

Déclare la procédure régulière,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Fait à Rouen, le 29 juin 2023.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/02099
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;23.02099 ?
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