N° RG 22/00304 - N° Portalis DBV2-V-B7G-I7TU
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
Section PARITAIRE
ARRET DU 22 JUIN 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux d'EVREUX, décision attaquée en date du 14/12/2021, enregistrée sous le n° 51-20-0012
APPELANT :
Monsieur [I] [Z]
né le 22 décembre 1928 à [Localité 29]
[Adresse 19]
[Localité 29]
Non comparant, représenté par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau de l'EURE
INTIMES :
Monsieur [L] [Z]
né le 07 avril 1943 à [Localité 27] ([Localité 27])
[Adresse 21]
[Localité 14]
Monsieur [A] [U]
né le 07 avril 1962 à [Localité 27] (Eure) ([Localité 27])
[Adresse 30],
[Localité 31], TEXAS 76487
Madame [K] [G] épouse [F]
née le 27 janvier 1963 à [Localité 28], Ga. (USA)
[Adresse 1]
[Localité 34] -TEXAS 79567
Madame [N] [G] épouse [R]
née le 13 décembre 1963 à [Localité 28], Ga. (USA)
[Adresse 23],
[Localité 25] - TEXAS 79607
Monsieur [H] [W]
né le 28 novembre 1983 à [Localité 26], Texas (USA)
[Adresse 11],
[Localité 34] - TEXAS 79567
Non comparants, représentés par Me Pauline COSSE de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'EURE
Madame [B] [R] épouse [G]
née le 29 mars 1985 à [Localité 25], Texas (USA)
[Adresse 15],
[Localité 25] - TEXAS 79606
Monsieur [E] [G]
né le 17 août 1989 à [Localité 25] (USA)
[Adresse 24],
[Localité 32] OKLAHOMA 73566
Madame [V] [R] épouse [P]
née le 17 août 1990 à [Localité 25], Texas (USA)
[Adresse 2],
[Localité 25] - TEXAS 79605
Madame [C] [G]
née le 03 février 1992 à [Localité 25], Texas USA
[Adresse 8],
[Localité 25] - TEXAS 79603
Madame [M] [F]
née le 17 avril 1992 à [Localité 25], Texas USA
[Adresse 6],
[Localité 33] - TEXAS 79566
Non comparants, représentés par Me Pauline COSSE de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de la plaidoirie et du délibéré
Madame GOUARIN, présidente,
Madame TILLIEZ, conseillère,
Madame GERMAIN, conseillère.
DEBATS :
Madame DUPONT, greffière lors de l'audience de plaidoirie.
Rapport oral a été fait à l'audience.
A l'audience publique du 22 mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 juin 2023.
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement le 22 juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
Signé par Madame GOUARIN, présidente et par Madame DUPONT, greffière.
Exposé des faits et de la procédure
Suivant bail écrit établi le 19 janvier 1963, M. [O] [Z] a donné à bail rural à M. [I] [Z] un corps de ferme et des terres situées dans la commune [Localité 29].
Suivant bail verbal consenti en 1964, M. [O] [Z] a donné à bail rural à M. [I] [Z] des parcelles de terres situées [Localité 29] cadastrées section Y n°[Cadastre 4] (anciennement Y n°[Cadastre 10]) et n°[Cadastre 5] (anciennement Y n°[Cadastre 9]) d'une contenance initiale de 50a 41ca ramenée à 49a 16ca à la suite de l'expropriation d'une bande de terrain.
Un second bail verbal a été convenu entre les parties portant sur des parcelles situées [Localité 29] cadastrées ZB n°[Cadastre 18], n°[Cadastre 12] et n°[Cadastre 22] d'une contenance de 69a 22ca.
M. [O] [Z] est décédé le 23 décembre 1984, laissant pour lui succéder son épouse, depuis décédée, et ses enfants, M. [L] [Z] et Mme [D] [Z] épouse [G], elle-même décédée le 16 mars 2016.
Un congé a été délivré à M. [I] [Z] par acte du 27 février 2017 à effet au 29 septembre 2018. Ce congé a été contesté par le preneur et l'instance a fait l'objet d'une radiation.
Par acte d'huissier du 24 mars 2020, M. [L] [Z], Mme [K] [G] épouse [F], Mme [N] [G] épouse [R], M. [H] [W], Mme [B] [R] épouse [G], Mme [V] [R] épouse [P], Mme [M] [F], M. [A] [U], M. [E] [G] et Mme [C] [G] (les consorts [Z]), agissant en qualité d'ayants droit de M. [O] [Z], ont fait délivrer à M. [I] [Z] un congé pour motif d'âge à effet au 29 septembre 2021 portant sur les parcelles objet du bail verbal.
Par lettre du 17 juillet 2020, M. [I] [Z] a saisi le tribunal paritaire d'une contestation du congé délivré.
Par jugement contradictoire du 14 décembre 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux du tribunal judiciaire d'Evreux a :
- déclaré régulier le congé délivré le 24 mars 2020 ;
- validé ledit congé ;
- constaté la résiliation à effet au 29 septembre 2021 du bail portant sur les parcelles situées [Localité 29] ;
- ordonné l'expulsion de M. [I] [Z] des parcelles situées [Localité 29] cadastrées section A n°[Cadastre 16], n°[Cadastre 17] et n°[Cadastre 13] et section ZB n°[Cadastre 3], ZB n°[Cadastre 7], ZB n°[Cadastre 20] ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
- débouté M. [I] [Z] de sa demande d'expertise aux fins de fixation de l'indemnité au preneur sortant ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [I] [Z] aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le tribunal a principalement estimé que les auteurs du congé justifiaient de leur qualité d'héritiers et donc de propriétaires des parcelles objet du congé, que le congé pour motif d'âge devait être validé dès lors que M. [I] [Z], âgé de 92 ans, avait atteint l'âge légal de la retraite lui permettant de prétendre à une retraite à taux plein et qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une expertise en raison de l'insuffisance des éléments produits au titre des améliorations apportées au fonds.
Par déclaration du 21 janvier 2022, M. [I] [Z] a relevé appel de cette décision.
Exposé des prétentions et moyens des parties
Par dernières conclusions du 17 mai 2022 soutenues oralement à l'audience, M. [I] [Z] demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu ;
Statuant à nouveau,
- annuler le congé délivré le 24 mars 2020 ;
- à titre subsidiaire, ordonner une expertise afin de voir fixer l'indemnité au preneur sortant ;
- débouter les consorts [Z] de leur demande reconventionnelle en résiliation du bail ;
- condamner les consorts [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter les consorts [Z] de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les consorts [Z] aux dépens.
Par dernières conclusions du 19 septembre 2022 reprises lors de l'audience, les consorts [Z] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- déclarer le congé régulier ;
- à titre subsidiaire, ordonner la résiliation du bail pour défaut d'exploitation personnelle ;
- ordonner l'expulsion de M. [I] [Z] des parcelles cadastrées section Y n°[Cadastre 5] et n°[Cadastre 4] et section ZB n°[Cadastre 18], n°[Cadastre 12], et n°[Cadastre 22] sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 29 septembre 2021 ;
- débouter M. [I] [Z] de sa demande tendant à faire juger nul le congé délivré le 24 mars 2020 ;
- désigner un expert pour chiffrer l'indemnité susceptible d'être due au preneur sortant ;
- condamner M. [I] [Z] à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, M. [I] [Z] fait principalement plaider que le congé est nul aux motifs que les auteurs du congé ne justifient pas de leur droit de propriété ni de leur qualité d'héritiers et produisent des documents en langue anglaise qui n'ont pas fait l'objet d'une traduction officielle en français, que la demande de résiliation du bail est irrecevable pour n'avoir pas été formée lors de l'audience de conciliation, qu'elle est mal fondée dès lors qu'il justifie exploiter personnellement les parcelles objet du bail et que la demande d'expertise est justifiée en ce qu'il exploite les terres données à bail depuis 1961 et qu'il a procédé à des améliorations.
En réplique, les consorts [Z] font essentiellement valoir qu'ils justifient de leur qualité de bailleurs, que la demande reconventionnelle en résiliation du bail pour défaut d'exploitation a bien été formée au stade de l'audience de conciliation et que M. [I] [Z], n'est plus en raison de son âge en capacité d'exploiter personnellement les surfaces données à bail, lesquelles ont été mises à la disposition de la SCEA des Grands baux sans que le bailleur en soit informé.
MOTIFS DE LA DECISION
La recevabilité de l'appel formé dans les formes et délais légaux n'étant pas contestée, l'appel formé par M. [I] [Z] sera déclaré recevable.
Sur la demande d'annulation du congé
Aux termes de l'article 730 du code civil, la preuve de la qualité d'héritier s'établit par tous moyens.
L'article 730-1 du même code dispose que la preuve de la qualité d'héritier peut résulter d'un acte de notoriété dressé par un notaire, à la demande d'un ou plusieurs ayants droit.
Selon l'article 730-3, l'acte de notoriété ainsi établi fait foi jusqu'à preuve contraire et celui qui s'en prévaut est présumé avoir des droits héréditaires dans la proportion qui s'y trouve indiquée.
En l'espèce, il résulte de l'acte de notoriété établi le 1er février 1985 et destiné à établir la preuve de la qualité d'héritier et l'exactitude de la dévolution successorale, que le 23 décembre 1984, M. [O] [Z] est décédé, laissant pour lui succéder Mme [X] [Y], son épouse, et ses deux enfants, M. [L] [Z] et Mme [D] [Z] épouse [G]. Il résulte en outre de l'attestation de propriété établie par Me [T], notaire, le 21 juin 1985 que les biens immobiliers dépendant de la succession incluent les parcelles objet du bail verbal consenti à M. [I] [Z]. Il n'est enfin pas contesté qu'à la suite du décès de leur mère, M. [L] [Z] et Mme [D] [Z] sont devenus pleinement propriétaires desdites parcelles.
Il est également établi par la production de l'acte de notoriété dressé le 4 juillet 2018 que Mme [D] [Z] est décédée le 16 mars 2016, laissant pour lui succéder son époux, M.[A] [U] aux termes d'un testament établi le 28 juillet 2015. Si l'appelant remet en cause la validité de cet acte au motif qu'il a été établi sur la foi d'un testament rédigé en langue anglaise et traduit par M. [L] [Z], il ne rapporte nullement la preuve, qui lui incombe, de l'inexactitude des affirmations qu'il comporte. Il s'en déduit que l'acte de notoriété dressé par le notaire, sous sa responsabilité, établit la qualité d'héritier de M.[A] [U] en l'absence de démonstration par M. [I] [Z] d'une traduction erronée du testament de la défunte.
M. [A] [G] est décédé à son tour après avoir rédigé un testament en langue anglaise déposé au greffe du comté de Runnels, au Texas, le 7 août 2019. Dès lors que les intimés versent aux débats en cause d'appel une traduction officielle effectuée le 18 juin 2022 par M. [S] [J], traducteur expert près la cour d'appel d'Amiens, les contestations élevées à ce titre par M. [I] [Z] sont inopérantes.
Il résulte notamment des dispositions de cet acte que les biens reçus par le testateur dans le cadre de la succession de son épouse en France sont dévolus aux enfants du couple, M. [A] [U], Mme [K] [G] épouse [F] et Mme [N] [G] épouse [R] à concurrence d'un quart chacun et, pour le dernier quart, à leurs petits-enfants désignés comme suit : M. [H] [W], Mme [B] [R] épouse [G], M. [E] [G], Mme [V] [R] épouse [P], Mme [C] [G] et Mme [M] [F]. Il est ainsi justifié de l'identité des ayants droit de [A] [U].
Il s'ensuit que M. [L] [Z], M. [A] [U], Mme [K] [G] épouse [F], Mme [N] [G] épouse [R], M. [H] [W], Mme [B] [R] épouse [G], M. [E] [G], Mme [V] [R] épouse [P], Mme [C] [G] et Mme [M] [F] justifient de ce qu'ils viennent aux droits du bailleur initial, [O] [Z], et de leur qualité de propriétaires et de bailleurs des parcelles objet du bail verbal objet du litige.
Le grief tiré du défaut de qualité à délivrer le congé doit en conséquence être écarté.
Il n'est par ailleurs pas contesté que le congé est régulier en la forme et que M. [I] [Z], âgé de 94 ans pour être né le 22 décembre 1928, a atteint, à la date prévue pour la reprise, l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles au sens des dispositions de l'article L. 411-64 du code rural.
Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé dans ses dispositions ayant rejeté les contestations élevées relatives à la validité du congé, constaté la résiliation du bail à effet au 29 septembre 2021 et ordonné l'expulsion de M. [I] [Z] sans l'assortir d'une astreinte. Il convient cependant de rectifier l'erreur matérielle affectant le dispositif du jugement s'agissant de la désignation des parcelles concernées, le premier juge ayant mentionné par erreur les références cadastrales des parcelles objet du bail écrit qui font l'objet d'une instance distincte au lieu de celles des parcelles objet du bail verbal.
Sur la demande d'expertise
Le dispositif des conclusions des intimés saisit la cour à titre principal d'une demande de confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions, lesquelles ont notamment débouté le preneur de sa demande d'expertise de sorte qu'il importe peu que les bailleurs n'aient pas été opposés en première instance à l'expertise sollicitée puisqu'ils ne sollicitent pas l'infirmation du jugement sur ce point.
Aux termes de L. 411-69 du code rural, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.
En application de ces dispositions, le preneur est fondé à solliciter que soit ordonnée une expertise destinée à caractériser les améliorations apportées par le preneur sortant et à chiffrer l'indemnité le cas échéant à condition qu'il produise des éléments corroborant l'existence des améliorations culturales qu'il allègue.
En l'espèce, l'appelant ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance des améliorations qu'il allègue. Le seul fait d'exploiter les parcelles litigieuses depuis plus de 60 ans n'est nullement de nature à caractériser l'existence d'améliorations apportées par le preneur, lequel fait notamment état du ramassage de cailloux, d'apports réguliers de chaux et de mise en culture de parcelles en bois taillis dont il n'apporte aucune preuve.
Le jugement déféré doit en conséquence recevoir confirmation dans ses dispositions ayant débouté M. [I] [Z] de sa demande d'expertise.
Sur les frais et dépens
Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.
M. [I] [Z] sera condamné aux dépens d'appel, à verser aux intimés la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et débouté de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour :
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf à rectifier le dispositif du jugement et dire que l'expulsion de M. [I] [Z] porte sur les parcelles situées [Localité 29] cadastrées section Y n°[Cadastre 4] et n°[Cadastre 5] pour une surface de 49a 16ca et section ZB n°[Cadastre 18], n°[Cadastre 12] et n°[Cadastre 22] pour une surface de 69a 22ca ;
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [Z] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [I] [Z] à payer à M. [L] [Z], Mme [K] [G] épouse [F], Mme [N] [G] épouse [R], M. [H] [W], Mme [B] [R] épouse [G], Mme [V] [R] épouse [P], Mme [M] [F], M. [A] [U], M. [E] [G] et Mme [C] [G] unis d'intérêt la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande formée à ce titre.
Le greffier La présidente