N° RG 22/02255 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JD3J
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 14 JUIN 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00164
Tribunal judiciaire du Havre du 9 juin 2022
APPELANTE :
Syndicat de copropriétaires de l'immeuble ILOT V26
représenté par son syndic CABINET POULET IMMOBILIER SAS
[Adresse 2], [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent LEPILLIER de la SELARL LEPILLIER BOISSEAU, avocat au barreau du Havre
INTIMEE :
Madame [V] [Y]
née le 17 juin 1930 à [Localité 3] (Vietnam)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et assistée par Me Laurent BENOIST, avocat au barreau du Havre
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 3 avril 2023 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 3 avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 juin 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [V] [Y] est propriétaire des lots n°39 et 67 dans l'immeuble en copropriété Ilot V26, situé au [Adresse 2] et au [Adresse 1] au [Localité 4].
Par jugement du 12 avril 2016, le tribunal d'instance du Havre l'a condamnée à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2 184, 63 euros au titre d'un arriéré de charges arrêté au 8 janvier 2016.
Par acte d'huissier du 19 décembre 2018, le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic, la Sas Citya Lecourtois, a fait assigner Mme [V] [Y] devant le tribunal de grande instance du Havre, sollicitant sa condamnation à lui payer un arriéré de charges de 9 790,66 euros arrêté au 11 décembre 2018.
Par jugement du 9 juin 2022, le tribunal judiciaire du Havre a :
- déclaré la demande en paiement des factures de nettoyage formulée par le syndicat des copropriétaires de 1'immeuble Ilot V26 situé au [Adresse 2]et au [Adresse 1] au [Localité 4] irrecevable ;
- déclaré la demande en paiement de l'arriéré de charges locatives pour la période antérieure au 18 janvier 2016 formulée par le syndicat des copropriétaires de 1'immeuble IlotV26 irrecevable ;
- rejeté l'exception de nullité soulevée par Mme [Y] [V] au titre du défaut de pouvoir ;
- condamné Mme [Y] [V] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Ilot V26 la somme de 4 499,68 euros au titre de1'arriéré de charges locatives arrêté au 1er juillet 2021 ;
- dit que la somme allouée ci-dessus porterait intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020 ;
- rejeté la demande en délais de paiement formulée par Mme [V] [Y] ;
- rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Ilot V26 ;
- condamné Mme [V] [Y] à payer au syndicat des copropriétaires de 1'immeuble IlotV26 la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Mme [V] [Y] de sa demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [V] [Y] aux dépens de l'instance ;
- ordonné 1'exécution provisoire du présent jugement ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration reçue au greffe le 5 juillet 2022, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de la décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 14 mars 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Ilot V26 demande à la cour de le juger recevable et bien fondé en son appel,
et de :
- réformer le jugement en ce qu'il a :
. déclaré la demande en paiement des factures de nettoyage formulée par le syndicat des copropriétaires irrecevable ;
. déclaré la demande en paiement de l'arriéré de charges locatives pour la période antérieure au 8 janvier 2016 irrecevable ;
. condamné Mme [V] [Y] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4 499,68 euros au titre de l'arriéré de charges locatives arrêtées au 1er juillet 2021 ;
. dit que la somme allouée ci-dessus portera intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020 ;
. rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par le syndicat des copropriétaires ;
statuant à nouveau,
- condamner Mme [Y] [V] à lui payer les sommes suivantes :
. 10 358,05 euros au titre des charges de copropriété impayées du 9 janvier 2016 au 1 er janvier 2023, à parfaire au jour de l'arrêt, avec intérêts de droit à compter du 18 avril 2018, date de la mise en demeure sur la somme de 8.189,09 euros, et à compter de l'assignation pour le surplus ;
. 3 331,63 euros au titre des factures de nettoyage des façades ;
. 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
. 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter Mme [V] [Y] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Mme [V] [Y] aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Lepillier Boisseau sur son affirmation légale d'en avoir fait l'avance.
Il soutient en substance ce qui suit :
- il produit de nouvelles pièces permettant d'imputer les factures de nettoyage litigieuses à Mme [V] [Y] , de sorte que l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 12 avril 2016 n'est pas opposable ;
- il ne s'est pas prévalu de ce premier jugement de condamnation, de sorte qu'il est recevable à obtenir un titre pour un montant d'arriéré plus important incluant la période couverte par le premier jugement ;
- le tribunal a omis une période de charges impayées courant du 12 décembre 2018 au 31 décembre 2019.
Par dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2022, Mme [V] [Y] demande à la cour de débouter le syndicat de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'à la même somme au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, la condamner aux entiers dépens, subsidiairement, confirmer le jugement hormis quant aux délais de paiement sollicités, dire Mme [Y] [V] débitrice malheureuse et de bonne foi et l'autoriser à s'acquitter au moyen de 24 mensualités, par application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil.
Elle soutient en substance ce qui suit :
- le syndicat des copropriétaires dispose déjà, pour la période du 1er janvier 2013 au 8 janvier 2016, d'un titre exécutoire,
- le montant de la créance n'est pas justifié.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, la Cour relève que Mme [Y] ne la saisit d'aucune exception de procédure. En effet, si elle évoque, dans le corps de ses conclusions, un défaut de pouvoir du syndicat, cette exception n'est pas mentionnée dans le dispositif, qui seul saisit la cour.
La mention selon laquelle elle sollicite le débouté ne peut saisir la cour d'une exception, puisque que le déboutement est une mesure qui affecte le fond du litige.
La demande de confirmation subsidiaire n'emporte pas davantage saisine au titre d'un défaut de pouvoir, puisque le tribunal a précisément rejeté l'exception de procédure tirée du défaut de pouvoir.
En revanche, Mme [Y] saisit bien la cour, par le biais de cette demande, de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée que le premier juge a retenu, déclarant les demandes irrecevables pour l'arriéré de charges antérieur au 8 janvier 2016.
Le tribunal, après avoir rappelé les termes de l'article 1355 du code civil, a relevé que le tribunal d'instance du Havre par décision du 12 avril 2016, avait débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de paiement des frais de nettoyage de la façade de l'immeuble, au motif que les pièces versées ne démontraient pas que ces dépenses, facturées respectivement 737,18 euros et 2594,45 euros, seraient liées à l'habitude de Mme [Y] de nourrir les pigeons.
Devant la cour d'appel, le syndicat réitère sa demande de paiement au titre des mêmes factures, datées des 21 décembre 2010 et 29 janvier 2013, mais n'établit aucun fait nouveau de nature à faire échec à l'autorité de la chose jugée.
La production d'attestations nouvelles censées démontrer la responsabilité de l'intimée dans l'engagement des dépenses ci-dessus n'est pas constitutive d'un fait nouveau susceptible d'écarter l'irrecevabilité.
Les demandes formées au titre des dépenses ci-dessus sont donc irrecevables.
S'agissant de l'arriéré de charges qui lui est réclamé, Mme [Y] soutient ce qui suit :
- elle ne peut faire l'objet d'aucune condamnation au titre des charges échues avant le 1er janvier 2016, à raison de l'autorité de la chose jugée de la décision rendue par le tribunal d'instance le 12 avril 2016 qui a statué définitivement sur cette période ;
- les documents versés aux débats ne permettent pas de comprendre les calculs, si bien que les montants ne sont pas justifiées.
L'autorité de la chose jugée, s'agissant de la période antérieure au 8 janvier 2016, a été retenue par le tribunal aux termes de motifs propres que la cour adopte. Le fait que le jugement n'ait pas fait l'objet d'une exécution forcée n'est pas de nature à faire échec à l'irrecevabilité des demandes.
Le syndicat des copropriétaires produit un décompte actualisé au 1er janvier 2023 faisant état d'un arriéré de charges de 10 358,05 euros, soit 6132,60 euros entre le 9 janvier 2016 et le 1er juillet 2021, outre 4 225,45 euros entre le 1er juillet 2021 et le 1er janvier 2023.
Les journaux comptables du syndic 'Poulet immobilier' à compter du 1er janvier 2020 sont versés en pièce 40 et 41, ainsi que les relevés de compte dressés par Citya entre le 1er janvier 2015 et le 1er janvier 2020.
Mme [Y] n'articule aucune critique précise des décomptes ni n'allègue aucun paiement non pris en compte. Contrairement à ce qu'elle soutient, les calculs du syndic sont clairs.
La créance étant établie dans son montant, elle sera condamnée, après infirmation, à payer la somme de 10 358,05 euros au titre des charges de copropriété impayées du 9 janvier 2016 au 1er janvier 2023, avec intérêts légaux à compter du 18 avril 2018, date de la mise en demeure, sur la somme de 8 189,09 euros, et à compter du 14 mars 2023 pour le surplus.
Le tribunal a rejeté les délais de paiement par motifs propres. Compte tenu de l'ancienneté de la créance, de l'absence de paiement des charges courantes, des délais de paiement dont Mme [Y], propriétaires des deux lots, a de fait bénéficié depuis plusieurs années, il n'y a lieu ni à report, ni à délais de paiement.
Ainsi que comme l'a retenu le tribunal, le syndicat n'établit aucun préjudice distinct du retard de paiement, déjà indemnisé par l'effet des intérêts légaux, si bien que la demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée.
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles n'appellent pas de critique.
Mme [Y] succombe et sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de la Selarl Lepillier Boisseau, outre une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en ce que le tribunal a :
- condamné Mme [V] [Y] a payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Ilot V26 la somme de 4 499 68 euros au titre de1'arriéré de charges locatives arrêté au 1er juillet 2021 ;
- dit que la somme allouée ci-dessus porterait intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020 ;
Le confirme pour le surplus des chefs déférés ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Mme [V] [Y] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Ilot V26 la somme de 10 358,05 euros au titre de1'arriéré de charges locatives arrêté au 1er janvier 2023 avec intérêts légaux à compter du 18 avril 2018 sur la somme de 8 189,09 euros, et à compter du 14 mars 2023 pour le surplus ;
Condamne Mme [V] [Y] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Ilot V26 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne Mme [V] [Y] aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de la Selarl Lepillier Boisseau.
Le greffier, La présidente de chambre,