La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2023 | FRANCE | N°23/01823

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 01 juin 2023, 23/01823


N° RG 23/01823 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JL63







COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 31 MAI 2023





Nous, Mariane ALVARADE, présidente de chambre près de la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, R. 3211-7 et suivants du code de la santé publique)<

br>


Assistée de M. GEFFROY, greffier ;





APPELANT :



PREFET DE LA SEINE MARITIME

[Adresse 1]

[Localité 5]



AGENCE REGIONALE D...

N° RG 23/01823 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JL63

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 31 MAI 2023

Nous, Mariane ALVARADE, présidente de chambre près de la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, R. 3211-7 et suivants du code de la santé publique)

Assistée de M. GEFFROY, greffier ;

APPELANT :

PREFET DE LA SEINE MARITIME

[Adresse 1]

[Localité 5]

AGENCE REGIONALE DE LA SANTE DE HAUTE NORMANDIE représentant le PREFET DE LA SEINE MARITIME

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

repésenté par Mme [W] [Z], munie d'un pouvoir

INTIMÉS :

CENTRE HOSPITALIER [9]

[Adresse 4]

[Localité 7]

non représenté

M. [R] [P]

[Adresse 2]

[Localité 6]

assisté de Mme Hélène BERLOT, avocat au barreau de Rouen

Vu l'admission de M. [R] [P] en soins psychiatriques au centre hospitalier de [9] à compter du 20 juillet 2012, puis en progamme de soins à compter du 19 novembre 2018;

Vu la saisine en date du 12 mai 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du Havre par M. le directeur du centre hospitalier de [9];

Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention en date du 17 mai 2023 ordonnant la main levée de l'hospitalisation sous la forme d'un programme de soins pour M. [R] [P] avec consultations trimestrielles ;

Vu la déclaration d'appel formée à l'encontre de cette ordonnance par le PREFET DE LA SEINE MARITIME représenté par l'Agence Régionale de Santé et reçue au greffe de la cour d'appel le 26 mai 2023 ;

Vu les avis d'audience adressés par le greffe ;

Vu la transmission du dossier au ministère public ;

Vu les réquisitions écrites du substitut général en date du 30 mai 2023,

Vu les conclusions de l'Agence Régionale de Santé représentant le préfet de la Seine-Maritime en date du 26 mai 2023,

Vu les débats en audience publique du 31 mai 2023 ;

***

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [R] [P] a été déclaré pénalement irresponsable à raison de l'existence d'un trouble psychique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes au moment des faits (tentative d'agressions sexuelles et violation de domicile) suivant jugement du tribunal correctionnel du Havre du 20 juillet 2012. Il a été admis en soins psychiatriques sans consentement au centre hospitalier [8], sur le fondement des dispositions des articles 706-135 du code de procédure pénale et L. 3213-1 et suivants du code de la santé publique à compter du 20 juillet 2012 et transféré au centre hospitalier [9] du [Localité 7] à compter du 17 septembre 2015.

Suivant décision du représentant de l'Etat un programme de soins a été mis en place avec effet au 19 novembre 2018.

Sur demande de levée de la mesure de soins psychiatriques du 28 février 2023 présentée par le docteur [B], psychiatre prenant en charge le patient dans le cadre de son programme de soins, le collège prévu à l'article L. 3211-9 du code de la santé publique a procédé à l'évaluation de l'état mental de l'intéressé et après avoir recueilli l'avis du patient, a indiqué le 1er mars 2023 être d'accord avec la démarche de levée de la mesure.

Le préfet de la Seine-Maritime, sur le fondement des articles L. 3211-12 Il, L. 3213-3 IV et L. 3213-8 du code de la santé publique, a ordonné l'expertise de l'état mental de M. [R] [P] par deux psychiatres inscrits sur la liste établie par le procureur de la République de Rouen par courrier du 16 mars 2023, conformément aux dispositions de l'article L. 3213-5-1 du code précité, désignant les docteurs [K] et [Y], lesquels ont déposé leur rapport les 23 mars 2023 et 31 mars 2023.

Compte tenu de leurs avis discordants, le 10 mai 2023 le préfet de la Seine-Maritime a indiqué maintenir la mesure de soins psychiatriques sous sa forme actuelle et demandé au directeur du centre hospitalier de saisir le juge des libertés et de la détention en application des dispositions de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique.

Sur requête du directeur de l'établissement en date du 11 mai 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du Havre a, le 17 mai 2023 autorisé le maintien de la mesure d'hospitalisation sous la forme d'un programme de soins pour M. [R] [P] avec consultations trimestrielles.

Le préfet de la Seine-Maritime a interjeté appel de cette décision. Il conclut à l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés de la détention au motif que ce dernier en autorisant la poursuite de la mesure de soins sans consentement sous la forme d'un programme de soins avec consultations trimestrielles, a violé les dispositions des articles L.3211-2-1 et R. 3211-1 du code de la santé publique, mais également de l'article L3213-3 du code précité, faisant en outre valoir, quant au fond, au regard des expertises diligentées, une levée de la mesure de soins contraints de M. [R] [P] ne présente pas les garanties suffisantes en termes d'ordre public et de sûreté des personnes.

Il sollicite la poursuite de la mesure de soins sous contrainte sous la forme d'un programme de soins assorti d'un suivi régulier.

Le conseil de M. [R] [P] demande l'infirmation de l'ordonnance et la mainlevée totale de la mesure, considérant qu'elle n'est plus appropriée. Il ajoute que l'intéressé a pris conscience de la gravité des actes commis, qu'il a gagné en autonomie et voudrait progresser dans sa vie, qu'en ce qui concerne les expertises, les avis sont contraires, le docteur [K] ayant indiqué qu'il ne présentait pas de dangerosité, le docteur [Y] se fondant sur un risque de rupture thérapeutique, sans constater que les troubles mentaux compromettaient la sûreté des personnes et porter gravement atteinte à l'ordre public.

Le parquet général a le 30 mai 2023 requis l'infirmation de la décision entreprise.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formé dans les formes et délais requis est recevable.

Sur le fond

Il convient de rappeler que suivant expertise réalisé le 18 mai 2012 par le docteur [F], il a été mis en évidence que M. [R] [P] avait déjà été mis sous traitement neuroleptique retard et reconnaîtra qu'il était sous l'influence d'hallucinations acoustico-verbales, qu'il était atteint au moment des faits d'un trouble psychiatrique en lien avec une psychose de type 'schizophrénie' ayant aboli son discernement et que pouvant présenter un état dangereux, il était préconisé des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète. Ces conclusions ont été confirmées à la suite de la deuxième expertise pratiquée par le Docteur [C].

Aux termes du certificat médical établi le 28 février 2023, le docteur [B], psychiatre participant à la prise en charge du patient, a constaté: 'M. [R] [P] est maintenant bien stabilisé sur le plan clinique et se projette toujours de manière adaptée en vue d'acquérir davantage d'autonomie ; il a un logement autonome. Il investit les soins sereinement. Il est aussi assez isolé socialement. Il continue à faire régulièrement de petites missions en intérim, généralement en manutention. Globalement, l'évolution est favorable, d'autant qu'il prend maintenant plus conscience de la gravité des actes qui l'avait amené devant la justice. Le traitement neuroleptique a pu être arrêté depuis trois mois, sans réapparition de troubles particuliers. Il poursuit ses démarches d'insertion sociale.

Les conditions ayant justifié la mesure de soins ne sont plus réunies et la mesure de soins psychiatriques en cours peut être levée.'

Le docteur [K] a indiqué, 'l'état mental actuel de M. [R] [P], apparemment stabilisé, nous permet d'aller dans le sens de la levée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'État... Il subsiste un doute sur l'origine de la pathologie de ce patient... étant donné le doute sur le diagnostic de schizophrénie paranoïde, nous ne pouvons pas nous résoudre à perdre de vue ce patient dans la nature définitivement. Des évaluations devraient être possibles, tant qu'il subsiste encore des traces du traitement neuroleptique retard récemment arrêté.

Nous préconisons la prolongation du suivi sous la forme d'un programme de soins assouplis, soit : uniquement une consultation trimestrielle.' 'actuellement et dans un avenir proche, M. [R] [P] ne présente aucun degré de dangerosité'.

Le docteur [Y] pour sa part a relevé : 'il peut rapidement devenir intolérant aux frustrations.

Présente des signes en faveur d'un trouble psychotique chronique sans signes de décompensation aiguës (bizarreries, incohérence dans le discours, ambivalence, irritabilité, discordance). Il possède une prise de conscience partielle par rapport à ses troubles. Il refuse catégoriquement la continuité du traitement hormonal.... le risque de rupture thérapeutique demeure toujours possibles dès la fin du programme de soins.

Le risque de dangerosité criminologique reste présent.

Il est nécessaire d'assurer son suivi et de maintenir la prise en charge dans sa forme actuelle sous forme de programmes de soins.'

Il conclut que les conditions du maintien des soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État sont toujours réunies et qu'il est nécessaire de maintenir la mesure de contrainte.

Sur ce,

En application de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique. 'Une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est prise en charge:

1° Sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du présent code ;

2° Sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile, dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement de ce type.

Lorsque les soins prennent la forme prévue au 2°, un programme de soins est établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Ce programme de soins ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient, afin de tenir compte de l'évolution de son état de santé.

L'avis du patient est recueilli préalablement à la définition du programme de soins et avant toute modification de celui-ci, à l'occasion d'un entretien avec un psychiatre de l'établissement d'accueil au cours duquel il reçoit l'information prévue à l'article L. 3211-3 et est avisé des dispositions de l'article L. 3211-11.

Le programme de soins définit les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.'

Par ailleurs, l'article L 3213-3-I du code de la santé publique dispose :'Dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques décidée en application du présent chapitre ou résultant de la décision mentionnée à l'article 706-135 du code de procédure pénale et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. Ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L. 3211-2-1 du présent code demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, le psychiatre de l'établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient.'

Il résulte des dispositions précitées que le programme de soins prévu à l'article 3211-2-1 est établi et modifié par un psychiatre qui participe à la prise en charge de la personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement (art. R. 3211-1, I CSP), la modification du programme par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient pouvant intervenir à tout moment pour l'adapter à l'état de santé de ce dernier (art. R. 3211-1, Ill, alinéa 3CSP).

Il ressort en outre de ces dispositions que le premier juge ne pouvait suivre les conclusions du docteur [K] préconisant la modification du programme de soins en autorisant des consultations trimestrielles.

Au regard des expertises réalisées, des divers avis médicaux et des débats d'audience, il ne saurait toutefois être fait droit à la demande de levée totale des soins contraints, le docteur [K] exprimant le fait qu'il subsiste un doute sur l'origine de la pathologie et prenant en compte des traces du traitement neuroleptique retard récemment arrêté, le docteur [Y] relevant une intolérance aux frustrations, une prise de conscience partielle des troubles, une ambivalence et un risque de dangerosité criminologique qui reste présent.

La cour constate à toutes fins que la poursuite des soins psychiatriques en hospitalisation complète n'apparaît pas non plus nécessaire, adaptée à l'état du malade et proportionnée au but thérapeutique poursuivi.

Considérant l'ensemble de ces éléments, il conviendra d'autoriser la poursuite de la mesure de soins sous contrainte sous la forme actuelle et selon le dernier programme de soins en vigueur; l'ordonnance étant infirmée en ce qu'elle a retenu des consultations psychiatriques trimestrielles.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort ;

Déclare recevable l'appel interjeté par PREFET DE LA SEINE MARITIME, représenté par l'Agence Régionale de Santé à l'encontre de l'ordonnance rendue le 17 mai 2023 par le juge des libertés et de la détention du Havre,

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a retenu un rythme de consultations trimestrielles,

Statuant à nouveau,

Dit que les soins sous contrainte se poursuivront en la forme actuelle et selon le dernier programme de soins en vigueur,

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Fait à Rouen, le 31 Mai 2023

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/01823
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;23.01823 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award