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31/05/2023 | FRANCE | N°23/00030

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 31 mai 2023, 23/00030


N° RG 23/00030 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLFX





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 31 MAI 2023







DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le tribunal de commerce de terre et de mer de Dieppe en date du 16 décembre 2022





DEMANDEURS :



Monsieur [Y] [L]

[Adresse 5]

[Localité 4]



représenté par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de Dieppe plaidant par Me Nathalie

HUREL





SARL LA TRATTORIA DI BERGAMO

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de Dieppe plaidant par Me Nathalie HUREL







DÉFENDERESSE :



SA BANQUE...

N° RG 23/00030 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLFX

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 31 MAI 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal de commerce de terre et de mer de Dieppe en date du 16 décembre 2022

DEMANDEURS :

Monsieur [Y] [L]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de Dieppe plaidant par Me Nathalie HUREL

SARL LA TRATTORIA DI BERGAMO

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de Dieppe plaidant par Me Nathalie HUREL

DÉFENDERESSE :

SA BANQUE CIC NORD OUEST

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe FOURDRIN de la Selarl PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 10 mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 mai 2023, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Marion DEVELET, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 31 mai 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Par jugement du 16 décembre 2022, le tribunal de commerce de terre et de mer de Dieppe a :

- condamné la Sarl La trattoria di Bergamo (anciennement dénommée La bella vita) à payer à la Banque Cic Nord-ouest, les sommes suivantes :

. au titre du prêt n° 00020273103, celle de 48 790,16 euros outre les intérêts au taux contractuel de 1,10 % l'an à compter du 22 septembre 2021 et jusqu'au jour du parfait paiement,

. au titre du prêt n°00020273104, celle de 42 583,72 euros outre les intérêts au taux contractuel de 2,12 % l'an à compter du 22 septembre 2021,

. au titre du prêt n°00020273106, celle de 32 920,90 euros outre les intérêts au taux contractuel de 2,12 % l'an à compter du 22 septembre 2021 ;

- condamné M. [Y] [L], en sa qualité de caution solidaire des engagements de la Sarl La trattoria di Bergamo, à payer à la Banque Cic Nord-ouest, les sommes suivantes :

. au titre de l'engagement de caution n° 12003519342, la somme de 24 395,08 euros outre les intérêts au taux contractuel 1,10 % l'an à compter du 22 septembre 2021,

. au titre de l'engagement de caution n° 120003519366, la somme de 21 291,86 euros outre les intérêts au taux contractuel de 2,12 % l'an à compter du 22 septembre 2021,

. au titre de l'engagement de caution n° 120035519390, la somme de 16 460,45 euros outre les intérêts au taux contractuel de 2,12 % l'an à compter du 22 septembre 2021 ;

- débouté la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit que la déchéance du terme est opposable à la Sarl La Trattoria di Bergamo et

M. [Y] [L] et constate en conséquence que les contrats de prêts des 14 juin et 27 juillet 2016 sont résolus à la date du jugement aux torts de la Sarl La trattoria di Bergamo ;

- condamné la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L] aux dépens de l'instance liquidés à la somme de 89,67 euros dont TVA à 20 %.

Par déclaration reçue au greffe le 1er mars 2023, la Sarl La trattoria di Bergamo et

M. [Y] [L] ont formé appel du jugement.

Par assignation en référé du 13 avril 2023, complétée par conclusions notifiées le 9 mai 2023, la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L] demandent à la juridiction, au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile, de :

- ordonner la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement susvisé,

- débouter la Banque Cic Nord-Ouest de ses demandes,

- condamner la Banque Cic Nord-Ouest à leur payer chacun la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Banque Cic Nord-Ouest aux dépens.

S'agissant de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement entrepris, ils discutent les conditions dans lesquelles la déchéance du terme est intervenue, en rappelant notamment la nécessité impérative de donner au débiteur un délai précis pour lui permettre de régulariser les impayés. Dans le cadre de relations entre professionnels, la clause automatique de déchéance du terme au premier retard de paiement entraînant l'exigibilité anticipée du prêt sans délai marque un déséquilibre significatif et une rupture brutale du concours financier de la banque de nature à impacter la poursuite d'activité. S'agissant de M. [L], ils invoquent la disproportion des engagements contractés alors que la banque ne justifie pas des informations recueillies sur sa situation personnelle et financière lors de leur souscription, face à un débiteur âgé de 69 ans susceptible d'obtenir ses droits à la retraite. La banque a manqué à ses obligations, à son devoir de mise en garde lors de la signature des prêts et engagements de caution et ne peut prétendre au paiement des créances débattues. Celle-ci engage sa responsabilité.

Le risque de conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire est celui de la procédure collective de la société, dans l'impossibilité de payer le montant des condamnations et l'insolvabilité de M. [L].

Par conclusions notifiées le 5 mai 2023 et soutenues à l'audience, la Sa Banque Cic Nord-Ouest demande à la juridiction, au visa des articles 514-3 et 526 du code de procédure civile de :

- juger irrecevables les demandes de la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L],

- condamner la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L] aux dépens de l'incident,

- condamner la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L] à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L] n'ont formulé aucune observation en première instance sur l'exécution provisoire du jugement à venir et que dès lors, ils doivent démontrer l'existence d'un risque créé par des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire postérieurement à la décision judiciaire ; qu'en l'espèce, ils ne justifient pas de l'évolution récente de leur situation alors qu'ils n'ont pas sollicité que l'exécution provisoire du jugement soit écartée. La demande n'est pas recevable.

A titre surabondant, sur la demande, elle relève que les conditions d'application de l'article 514-3 du code de procédure civile ne sont pas remplies ; que les bilans de la société, les avis d'imposition de M. [L] ne sont pas versés ; qu'en droit, les moyens avancés pour obtenir la réformation du jugement ne sont pas sérieux ; qu'ainsi, la déchéance du terme est intervenue dans des conditions régulières, à la suite de mises en demeure explicites sur les conditions de la résiliation des contrats ; que l'appréciation des textes et jurisprudences doit être distincte puisque la société est commerçante tandis que M. [L] est un particulier ; que contrairement aux allégations de ce dernier, l'engagement de caution n'est pas disproportionné ; que la banque n'a nullement manqué à ses obligations de mise en garde quant à la portée des engagements souscrits.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 10 mai 2023

MOTIFS

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Il est acquis aux débats, à la lecture du jugement entrepris, que la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [L] n'ont formé aucune demande relative à l'exécution provisoire du jugement à venir. La portée des condamnations encourues puis prononcées ne constitue pas en tant que telle une conséquence manifestement excessive de l'exécution provisoire, les demandeurs ayant la charge de démontrer la révélation de faits postérieurs.

En l'espèce, la Sarl La trattoria di Bergamo a souscrit trois emprunts au cours de l'année 2016 ; dès 2017, des échéances ont été impayées et ont fait l'objet de différentes mises en demeure de payer jusqu'à l'assignation délivrée le 18 novembre 2021 à la demande de la Banque Cic Nord-Ouest.

La Sa KPMG a rédigé des attestations de présentation des comptes mettant en évidence les résultats nets comptables suivants :

. en 2017 : ' 82 354 euros

. en 2018 : ' 2 288 euros

. en 2019 : ' 32 201 euros

. en 2020 : 1 773 euros

. en 2021 : 2 425 euros

. en 2022 : 5 076 euros.

La liasse fiscale de l'année 2022 est également communiquée.

La Sarl La trattoria di Bergamo ne verse aucun autre élément permettant à la juridiction d'apprécier les éléments financiers de sa situation mais les données ci-dessus reprises démontrent une fragilité de l'entreprise mais également une amélioration des résultats. La société ne met pas en évidence, avec ces seuls chiffres d'activité, les conséquences manifestement excessives révélées postérieurement au jugement entrepris.

M. [L] produit ses avis d'imposition établis sur les années 2015, 2016, 2017 et 2021 mettant en exergue une augmentation de ses ressources passant de la somme de 26 600 euros en 2015 (du couple : 41 938 euros) à celle de 58 050 euros en 2021 (du couple : 77 295 euros). De tels revenus permettent de faire face, au moins partiellement, aux conséquences de la décision prise par le tribunal de commerce sans qu'elles ne paraissent manifestement excessives.

A défaut ainsi de rapporter la preuve d'un risque relatif aux conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance, la demande de la Sarl La trattoria di Bergamo et de M. [L] est irrecevable.

Ils succombent à l'instance et en supporteront les dépens in solidum.

Ils seront condamnés in solidum à payer à la Banque Cic Nord-Ouest la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L],

Condamne in solidum la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L] à payer à la Sa Banque Cic Nord-Ouest la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la Sarl La trattoria di Bergamo et M. [Y] [L] aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00030
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;23.00030 ?
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