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31/05/2023 | FRANCE | N°23/00013

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 31 mai 2023, 23/00013


N° RG 23/00013 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJG6



COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 31 MAI 2023







DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire d'Evreux en date du 13 décembre 2022





DEMANDERESSE :



Sasu DISPEO

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Claire GOGLU de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de Rouen



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DÉFENDERESSE :



Madame [M] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Valérie-Rose LEMAITRE de la SCP LEMAITRE, avocat au barreau de l'Eure





DÉBATS  :



En salle des référés, à l'audience publ...

N° RG 23/00013 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJG6

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 31 MAI 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire d'Evreux en date du 13 décembre 2022

DEMANDERESSE :

Sasu DISPEO

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Claire GOGLU de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

DÉFENDERESSE :

Madame [M] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Valérie-Rose LEMAITRE de la SCP LEMAITRE, avocat au barreau de l'Eure

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 5 avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 mai 2023, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 31 mai 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Par jugement contradictoire du 13 décembre 2022, le conseil de prud'hommes d'Évreux a essentiellement et en substance :

- dit que le licenciement de Mme [M] [R] était sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la Sasu Dispéo venant aux droits de la Sas Alpha direct services à lui payer les sommes suivantes :

. 1 455,66 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

. 145,56 euros au titre des congés payés sur mise à pied,

. 10 837,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 1 083,71 euros au titre des congés payés sur préavis,

. 23 681,15 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 31 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la brutalité et des conditions humiliantes et vexatoires du licenciement,

. 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 16 janvier 2023, la Sasu Dispéo a formé appel du jugement.

Par assignation en référé délivrée le 24 janvier 2023 complétées par dernières conclusions du 28 mars 2023, elle a fait citer Mme [M] [R] afin d'obtenir, au visa des articles 517 et 517-1 du code de procédure civile, 456 et 458 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement, et subsidiairement l'aménagement de l'exécution provisoire en l'autorisant à consigner les sommes dues.

Se fondant sur l'article 517-1 du code de procédure civile, elle invoque en premier lieu, au titre des moyens sérieux de réformation, le moyen tiré de la nullité du jugement au visa des articles 458 du même code qui pose le principe selon lequel ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454 en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 al 1, 456 al 1 et 2 doit être observé à peine de nullité. Le jugement doit être signé par le président et le greffier et en cas d'empêchement du président, mention en est faite sur la minute signée par l'un des juges qui en ont délibéré. En l'espèce, le jugement porte uniquement la mention « Le président, P/O [H] [W] » sans que la présidente, Mme [S], n'en soit la signataire. Il convient d'écarter la présomption d'empêchement alléguée par Mme [R] qui ne repose sur aucun fondement textuel, s'agissant en outre d'un empêchement qui serait en réalité impossible à prouver pour les parties. Elle relève en outre que le jugement encourt également la nullité pour défaut de motivation au visa de l'article 455 al. 1 du code de procédure civile pour défaut de motivation de l'exécution provisoire. La juridiction, bien qu'ayant la faculté de la prononcer d'office, à défaut pour Mme [R] de la demander, devait motiver en constatant qu'elle était nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

En second lieu, elle défend l'existence de risques de conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire du jugement. Mme [R] se déclare sans emploi et ne percevoir qu'un revenu de 1 380 euros par mois ; ainsi, elle ne sera pas en mesure de restituer les fonds versés dans l'hypothèse d'une annulation ou infirmation de la décision entreprise. Si l'intéressée fait valoir qu'elle est propriétaire de son logement, elle n'évoque pas les crédits qui pourraient courir encore en raison de l'acquisition de l'immeuble dont elle ne justifie pas la valeur. Cette dernière n'est pas davantage explicite quant à l'épargne dont elle dispose. L'incapacité de Mme [R] à rembourser le montant des condamnations perçues constitue une conséquence manifestement excessive de l'exécution provisoire de la décision.

Par dernières conclusions notifiées le 3 avril 2023, Mme [M] [R] demande à la juridiction de débouter la Sasu Dispeo de ses demandes, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle explique que le conseil de prud'hommes a rendu sa décision cinq semaines avant la date initialement fixée probablement en raison de l'expiration du mandat des conseillers prud'homaux le 31 décembre 2022 et souligne par ailleurs que le débat ne porte que sur les condamnations relevant de l'exécution provisoire facultative soit : le rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire, les congés payés sur rappel de salaire, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés sur préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Elle indique que la jurisprudence limite la possibilité d'invoquer la nullité du jugement quant aux conditions d'application des articles 455 et suivants du code de procédure civile en instituant des présomptions de régularité de la signature apposée sur le jugement : la signature de la décision par l'un des juges qui en ont délibéré implique nécessairement que le président a été empêché et en l'absence de preuve contraire, est présumé empêché le président qui n'a pas signé la minute, sans qu'il y soit fait mention de son empêchement. Le moyen tiré de la nullité du jugement doit être écarté à défaut de preuve contraire de l'empêchement. En outre, le prononcé de l'exécution provisoire d'office relève du pouvoir discrétionnaire du juge et ne doit pas faire l'objet de motivation.

Elle précise enfin qu'elle est en arrêt longue maladie depuis le 10 décembre 2021, perçoit des indemnités dont elle justifie, dispose d'un bien immobilier acquis dans des conditions financières qu'elle démontre par la production de pièces et enfin, bénéficie avec son compagnon d'une épargne de sorte qu'elle démontre des capacités financières lui permettant de rembourser les sommes perçues dans l'hypothèse d'une annulation ou infirmation du jugement critiqué.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 5 avril 2023.

MOTIFS

L'article 517-1 du code de procédure civile précise que lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants : 1° Si elle est interdite par la loi ; 2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.

La Sasu Dispéo ne sollicite que l'arrêt ou l'aménagement de l'exécution provisoire facultative ordonnée par le conseil de prud'hommes dans son jugement du 13 décembre 2022.

Les conditions d'octroi de l'arrêt de l'exécution provisoire sont cumulatives, le défaut de l'une emportant le rejet de la demande.

Le jugement entrepris porte les mentions suivantes :

« Composition du bureau de Jugement lors des débats

Madame Geneviève DESORMEAUX, Président Conseiller,

Madame Prescillia FICHOU, '

Madame Mireille ROLINAT-POLETTI, '

Monsieur [X] [N], '

'

- Prononcé de la décision fixé à la date du 17 janvier 2023 avancé au 13 décembre 2022

'

- Décision prononcée par Monsieur [X] [N]'

'

Le président

P/O [H] [W] ». Suit la signature de l'intéressée.

Les mentions du jugement révèlent une discordance entre l'identité de la présidente, l'auteur du prononcé de la décision et enfin de sa signature.

Toutefois, si les vices affectant la décision méritent un débat sur sa validité, la Sasu Dispéo doit encore établir l'existence des risques générés par l'exécution provisoire du jugement.

Elle se fonde exclusivement sur la situation économique de Mme [R] lui laissant craindre un défaut de restitution des fonds. Le montant dû au titre des condamnations bénéficiant de l'exécution provisoire facultative ne s'élève qu'à une somme de moins de 40 000 euros.

Mme [R] justifie de revenus au titre d'indemnités journalières et d'une épargne personnelle sur son livret A de 16 706 euros. Son compagnon dispose également d'une épargne de 16 606 euros permettant au couple de faire face aux besoins courants si la situation l'exigeait.

Mme [R] et M. [E] sont propriétaires de leur logement acquis au prix de

33 540 euros, valeur majorée par les travaux effectués sur l'habitation, les emprunts souscrits en 2007 devant être soldés en 2030.

En conséquence, Mme [R] n'est pas insolvable et dans l'incapacité de faire face à ses obligations si après avoir bénéficié de l'exécution provisoire de la décision, elle était contrainte de reverser à son ancien employeur les fonds perçus à la suite d'une réformation de la décision en appel.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement de la Sasu Dispéo est dès lors rejetée. Il n'y a pas lieu à l'aménagement des modalités d'exécution de la condamnation prononcée.

Partie perdante, elle supportera les dépens de l'instance.

L'équité commande qu'elle soit condamnée à payer à Mme [R] la somme de

1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Déboute la Sasu Dispéo de ses demandes,

Condamne la Sasu Dispéo à payer à Mme [M] [R] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sasu Dispéo aux dépens de l'instance.

 

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00013
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;23.00013 ?
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