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31/05/2023 | FRANCE | N°23/00011

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 31 mai 2023, 23/00011


N° RG 23/00011 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JI7Q





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 31 MAI 2023







DÉCISION CONCERNÉE :



Décision du tribunal judiciaire de Rouen en date du 10 janvier 2023





DEMANDERESSE :



Madame [G] [W] divorcée [R]

[Adresse 7]

[Localité 13]



représentée par Me Maxime DEBLIQUIS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Stéphanie BOULLEN


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DÉFENDEURS :



Monsieur [M] [D]

[Adresse 2]

[Localité 11]



représenté par Me Sandrine DARTIX-DOUILLET de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIÉS SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Julia...

N° RG 23/00011 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JI7Q

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 31 MAI 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision du tribunal judiciaire de Rouen en date du 10 janvier 2023

DEMANDERESSE :

Madame [G] [W] divorcée [R]

[Adresse 7]

[Localité 13]

représentée par Me Maxime DEBLIQUIS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Stéphanie BOULLEN

DÉFENDEURS :

Monsieur [M] [D]

[Adresse 2]

[Localité 11]

représenté par Me Sandrine DARTIX-DOUILLET de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIÉS SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Julia ABDOU

Madame [O] [Y] épouse [D]

[Adresse 2]

[Localité 11]

représenté par Me Sandrine DARTIX-DOUILLET de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIÉS SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Julia ABDOU

Sa CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE

[Adresse 1]

[Localité 10]

représentée par Me Pascal MARTIN-MENARD de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau du Havre plaidant par Me Anne LOUISET

Sas NOTAIRES 34 JL

anciennement dénommée Scp QUESNE MALET SEVINDIK LE CARBONNIER de la MORSANGLIERE [N]-[I]-[H]

[Adresse 8]

[Localité 9]

représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Grégoire LECLERC

Sa AXA FRANCE IARD

[Adresse 6]

[Localité 12]

représentée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL HMP AVOCATS, avocat au barreau de Rouen, substitué par Me Anne LOUISET

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 5 avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 mai 2023, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 31 mai 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE

Par acte authentique du 21 janvier 2016, reçu par Me [N]-[I]-[H], notaire, M. [M] [D] et Mme [O] [Y], son épouse, ont acquis de Mme [G] [W], divorcée [R] une parcelle de terrain [Adresse 7] à [Localité 13] (76) sur laquelle était édifiée une dépendance à usage de salle de réception.

Cette parcelle provenait de la division de la parcelle cadastrée AD n° [Cadastre 3] divisée en deux : section AD n°[Cadastre 4] restant appartenir à Mme [R] et section AD n° [Cadastre 5] vendue à M. et Mme [D].

Dans le cadre du compromis de vente signé le 19 septembre 2015, un certificat d'urbanisme du 19 septembre 2014 avait été produit alors qu'il faisait état de l'absence de possibilité de réhabiliter la salle de réception en habitation à défaut de réseau électrique. Le 18 mars 2016, M. et Mme [D] ont déposé une demande de permis de construire portant notamment sur l'autorisation de changer la destination de l'immeuble bâti. Par ailleurs, M. et Mme [D] ont souscrit deux emprunts de 117 134 euros et de 52 976 euros auprès de la Caisse d'Épargne.

Le 15 juin 2016, la commune de [Localité 13] a refusé d'autoriser la construction envisagée par M. et Mme [D] considérant que le terrain était enclavé et inconstructible.

Par exploits du 25 octobre 2017, M. et Mme [D] ont fait assigner Mme [R] et la Caisse d'Épargne en annulation de la vente, en restitution du prix de vente et des frais annexes, en condamnation indemnitaire.

Par exploits d'huissier des 6 et 12 mars 2019, Mme [R] a fait assigner la Scp Quesne Malet Sevindik Le Carbonnier de la Morsanglière [N]-[I]-[H], étude notariale et la Selafa Géodis, société de géomètres-experts intervenue en vue de la division de la parcelle initiale.

Par exploit du 16 octobre 2020, la Scp Quesne Malet Sevindik Le Carbonnier de la Morsanglière [N]-[I]-[H] a fait assigner la Sa Axa France Iard, assureur de la Selafa Géodis en garantie.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 10 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a essentiellement, en substance :

- déclaré recevable l'action de Mme [R] à l'encontre de l'étude notariale,

- déclaré irrecevable l'action de Mme [R] à l'encontre de la Selafa Géodis

- annulé la vente immobilière conclue entre Mme [R] et M. et Mme [D],

- prononcé la résolution des deux contrats de prêt consentis par la Caisse d'Épargne à M. et Mme [D],

- condamné Mme [R] à payer à M. et Mme [D] différentes sommes dont :

. la restitution du prix de vente, soit 100 000 euros,

. des intérêts,

. des frais divers,

- condamné in solidum M. et Mme [D] à restituer à la Caisse d'Épargne les sommes de 117 129,91 et 31 419,91 euros outre intérêts,

- ordonné la compensation entre créances réciproques,

- condamné Mme [R] à payer à la Caisse d'Épargne la somme de

23 756,32 euros au titre d'intérêts échus au 5 décembre 2022 en application des deux contrats de prêts,

outre intérêts et frais, indemnités procédurales, ce en ordonnant l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 17 janvier 2023, Mme [R] a formé appel du jugement.

PROCEDURE DE REFERE

Par exploits d'huissier des 24 et 25 janvier 2023 complétées par conclusions, Mme [R] a fait assigner en référé M. et Mme [D], la Sa Caisse d'Épargne et de prévoyance de Normandie, la Scp Quesne Malet Sevindik Le Carbonnier de la Morsanglière [N]-[I]-[H], la Sa Axa France Iard pour solliciter de la juridiction, au visa des articles 524 et suivants du code de procédure civile, de :

- déclarer recevables et bien fondées ses demandes,

- débouter M. et Mme [D] de leurs demandes,

- débouter la Sa Axa France Iard de ses demandes,

- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement susvisé,

à titre subsidiaire au visa des articles 514-3 et suivants du code de procédure civile,

- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement susvisé,

en tout état de cause,

- condamner solidairement M. et Mme [D] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. et Mme [D] aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 20 mars 2023, elle soutient que :

- au visa des articles 56 et 114 du code de procédure civile, les assignations délivrées à M. et Mme [D] se décomposent en trois parties expressément, « Objet de la demande », « En droit », « En l'espèce » ; le désaccord sur le fondement juridique ne peut fonder une annulation des actes introductifs d'instance et en outre, M. et Mme [D] ne démontrent pas le grief que cette irrégularité alléguée aurait causée, alors qu'ils ont été en mesure d'organiser leur défense ;

- l'article 12 du code de procédure civile permet au juge de donner l'exacte qualification de l'objet des prétentions des parties qui peuvent parfaitement changer le fondement juridique de la demande ;

- l'article 524 du code de procédure civile applicable en l'espèce vise comme condition de l'arrêt de l'exécution provisoire le risque de conséquences manifestement excessives, soit une obligation de paiement qui en cas de réformation de la décision laisserait des traces d'une gravité telle qu'elle dépasse très largement les risques normaux attachés à toute exécution provisoire ;

- elle modifie donc le fondement juridique de sa demande en se référant à l'article 524 du code de procédure civile et souligne que le montant à parfaire des condamnations prononcées à son encontre s'élève à la somme de 225 911,55 euros, soit plus du double du montant du prix de vente de l'immeuble en 2016 ; elle ne possède que le bien immobilier voisin et la somme perçue au titre du prix de vente, utilisée en partie pour payer la taxe sur la plus-value et des frais de sondage, ne lui a pas laissé un solde important notamment au regard des frais engagés dans le cadre de l'instance qui l'oppose aux acquéreurs ;

- elle est retraitée, a des problèmes de santé importants, et ne perçoit que des revenus mensuels de l'ordre de 3 000 euros ; elle n'est absolument pas en mesure d'exécuter la décision sans que les paiements ne causent sa ruine et ne soient pour elle d'une exception dureté.

- à titre subsidiaire, si l'article 514-3 du code de procédure était applicable, elle défend l'existence de chances sérieuses de réformation et développe une argumentation relative aux origines du chemin litigieux, son statut notamment, alors qu'il est entretenu par la commune.

Par dernières conclusions notifiées le 3 avril 2023, M. [M] [D] et Mme [O] [Y], son épouse, demandent à la juridiction, au visa des articles 524 du code de procédure ancien dans sa version applicable du 9 novembre au 1er janvier 2020, articles 514-3 et 517-1 du code de procédure civile applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, de :

à titre liminaire,

- déclarer nulle l'assignation délivrée à la requête de Mme [R] le 24 janvier 2023 à leur encontre,

en conséquence,

- rejeter purement et simplement la demande visant à obtenir la suspension de l'exécution provisoire,

en tout état de cause,

à titre principal,

- dire et juger que la demande de suspension de l'exécution provisoire de Mme [R] est dépourvue de tout fondement juridique,

en conséquence,

- rejeter la demande visant à obtenir cette suspension,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que la demande de suspension de l'exécution provisoire formée n'est pas justifiée au regard de l'absence de démonstration de l'existence de conséquences manifestement excessives,

en conséquence,

- rejeter la demande de suspension de l'exécution provisoire,

à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger l'absence de moyen sérieux de réformation ou d'annulation de la décision de première instance,

en conséquence,

- rejeter la demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement rendu le 10 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Rouen,

en tout état de cause,

- condamner Mme [R] à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] aux dépens.

Ils font valoir que :

- au visa des articles 56 du code de procédure civile, que l'assignation délivrée à leur encontre est nulle en l'absence de motivation en droit, lorsque l'assignation n'énonce pas les moyens sur lesquels est fondée la demande en justice ; la référence erronée aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile crée une incertitude préjudiciable dans l'exercice du droit de la défense ;

- le texte susvisé n'est applicable qu'aux instances engagées à compter du 1er janvier 2020 alors qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée le 25 octobre 2017 ; la juridiction du premier président n'est pas valablement saisie ; ce constat de leur part n'emporte pas d'effet juridique sur la validité des actes introductifs d'instance ; les assignations en référé ne sont pas fondés en droit puisque le texte visé n'est pas applicable à deux titres, en raison de la date de délivrance des assignations au fond en première instance, en raison du caractère facultatif de l'exécution prononcée par le premier juge et non de plein droit ;

- à titre subsidiaire, si la nullité des assignations en référé n'était pas retenue, Mme [R] ne démontre pas l'existence de conséquences manifestement excessives au sens de l'article 524 du code de procédure civile ancien, étant rappelé que la juridiction n'a pas à apprécier les chances de réformation du jugement entrepris ;

- le débiteur a la charge de la preuve des risques redoutés soumis à l'appréciation souveraine du juge ; le paiement doit rompre gravement, de façon quasiment irréversible, l'équilibre financier du débiteur, causant un préjudice d'une exceptionnelle dureté ;

- ils font état des propriétés immobilières dont dispose Mme [R], des gains procurés par la vente litigieuse que la venderesse n'a pu dépenser depuis 2016, notamment en voyages et convenances personnelles alors que les acquéreurs subissent un préjudice considérable en raison de l'achat du bien discuté dont ils ne peuvent disposer, ne bénéficient de revenus que de l'ordre de 52 568 euros par an ;

- à défaut de conditions exigées pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire facultative, et à titre subsidiaire, de moyens sérieux de réformation de la décision critiquée par Mme [R], cette dernière doit être déboutée de ses demandes.

Par conclusions notifiées le 8 mars 2023, la Sas Notaires 34 JL, anciennement dénommée la Scp Quesne Malet Sevindik Le Carbonnier de la Morsanglière [N]-[I]-[H] sollicite qu'il lui soit donné acte qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande et statué ce que de droit sur les dépens.

Elle souligne que le jugement entrepris n'encourt aucune critique mais que bénéficiaire uniquement que d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, elle s'en rapporte sur la demande.

Par conclusions notifiées le 6 mars 2023, la Sa Caisse d'Épargne et de Prévoyance Normandie sollicite qu'il lui soit donné acte qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande et statué ce que de droit sur les dépens.

Elle rappelle que le sort des prêts est conditionné par l'issue du litige entre les parties à la vente immobilière ; que le jugement tire les conséquences idoines de l'annulation de cette vente et qu'ainsi, elle s'en rapporte sur la demande relative à l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions notifiées le 3 mars 2023, la Sa Axa France Iard demande le débouté de Mme [R] de sa demande d'arrêt d'exécution provisoire à son encontre et sa condamnation aux dépens.

Elle rappelle qu'elle est intervenue dans la procédure en sa qualité d'assureur de la société Géodis devenue Aft, géomètre-expert en liquidation judiciaire et a soutenu devant le tribunal judiciaire qu'elle n'avait commis aucune faute en ce que le géomètre ne pouvait déduire de plans cadastraux qui ne sont pas tous à jour que le chemin d'accès à la propriété vendue était une voie privative ; que la demande de Mme [R] paraît recevable mais infondée. Elle soutient en effet qu'il n'existe aucun moyen sérieux de réformation en ce qui concerne la responsabilité de son assurée intervenue pour procéder à un découpage parcellaire sans qu'aucune information ne lui ait été donnée par la venderesse sur le caractère privatif du chemin litigieux et alors que, comme l'a relevé le tribunal, les éléments publics en sa possession, le cadastre, ne mettaient en évidence aucun indice devant attirer l'attention sur ce point. La responsabilité du géomètre-expert a donc été écartée à juste titre. La condamnation de Mme [R] au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'est pas de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 5 avril 2023.

MOTIFS

Sur la nullité de l'assignation

L'article 56 du code de procédure civile dispose que l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54, un exposé des moyens en fait et en droit.

Les assignations délivrées le 24 janvier 2023 à M. et Mme [D] à la demande de Mme [R] sont structurées, comme elle l'indique, en :

- l'objet de la demande, avec rappel des faits et de la procédure de première instance,

- en droit, avec l'énoncé de l'article 514-3 du code de procédure civile et des conditions d'application du texte,

- en l'espèce, avec les sous-titrages sur les chances sérieuses de réformation et les conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution forcée de la décision.

Si les conclusions de M. et Mme [D] l'ont conduite à modifier le fondement juridique de la demande en se référant à l'article 524 ancien du code de procédure civile, les termes de l'assignation déterminent clairement l'objet du litige en fait et en droit et conformément à l'article susvisé l'exposé des moyens en fait et en droit. La seule erreur de fondement juridique n'est pas de nature à emporter la nullité de l'assignation. Le moyen est écarté, la demande rejetée.

Sur le texte relatif à l'arrêt de l'exécution provisoire applicable

L'article 524 ancien du code de procédure civile dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2020 dispose que lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants : 1° Si elle est interdite par la loi ; 2° Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.  

L'article 514-3 du code de procédure civile applicable à compter du 1er janvier 2020 précise qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Ce texte, créé par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, article 3 n'est applicable, au visa de l'article 55 II du même décret, et par dérogation au I, qu'aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020.

En l'espèce, les actes introductifs de la procédure en première instance ont été délivrés à la demande de M. et Mme [D] le 25 octobre 2017. En conséquence, l'arrêt de l'exécution provisoire sollicité relève du texte ancien, l'article 524 ci-dessus rappelé.

Dès lors, ne sera examiné au titre des conditions de son obtention que le risque de conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution provisoire ordonné.

Sur le risque de conséquences manifestement excessives

La vente du bien litigieux est intervenue par acte authentique du 21 janvier 2016. La venderesse n'avait alors que 62 ans pour être née en 1954.

M. et Mme [D] ont fait assigner Mme [R] dès le 25 octobre 2017, ces derniers se heurtant au refus de la commune de délivrer tout permis de construire sur la parcelle acquise. Si le jugement n'est intervenu que le 10 janvier 2023, il convient d'observer que la défenderesse a disposé d'un délai important pour anticiper les conséquences de la décision judiciaire dont elle en connaissait les enjeux, aucune solution amiable n'étant envisagée.

Les premiers juges ont ainsi relevé qu'alors que le maire de la commune de [Localité 13] recherchait une issue à la difficulté soumise et notamment par l'octroi d'un passage sur la parcelle de la venderesse afin de désenclaver la parcelle de M. et Mme [D], Mme [R] s'est opposée à la négociation possible avant assignation et a ainsi contribué aux délais de résolution du litige.

Actuellement, pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire, cette dernière fait état de problèmes de santé : il s'agit d'un syndrome oculaire faisant l'objet d'un suivi médical.

Elle verse aux débats l'avis d'imposition établi sur les revenus 2021 permettant de vérifier qu'elle perçoit des ressources de 43 280 euros au titre de la retraite soit un revenu mensuel de 3 606 euros. Elle ne justifie d'aucune charge, d'aucune affectation de la somme perçue lors de la vente de la parcelle à M. et Mme [D]. S'agissant de son patrimoine immobilier, elle possède le bien voisin de celui qui a été vendu à ceux-ci.

Elle ne justifie en réalité d'aucune conséquence manifestement excessive de l'exécution du jugement entrepris : si l'exécution immédiate et intégrale des condamnations prononcées peut s'avérer difficile, Mme [R] n'est dans pas l'impossibilité de s'en acquitter partiellement jusqu'au prononcé de l'arrêt statuant sur l'appel interjeté.

Elle sera en conséquence débouté de sa demande.

Sur les frais de procédure

Mme [R] succombe à l'instance et en supportera les dépens.

L'équité commande sa condamnation à payer à M. et Mme [D] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,

Rejette la demande formée par M. [M] [D] et Mme [O] [Y], son épouse, en nullité des assignations délivrées en référé le 24 janvier 2023,

Déboute Mme [G] [W] divorcée [R] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement prononcée par le tribunal judiciaire de Rouen le 10 janvier 2023,

Condamne Mme [G] [W] divorcée [R] à payer à M. [M] [D] et Mme [O] [Y], son épouse, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [G] [W] divorcée [R] aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00011
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;23.00011 ?
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