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25/05/2023 | FRANCE | N°21/01962

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 25 mai 2023, 21/01962


N° RG 21/01962 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYR7





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 25 MAI 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 06 Avril 2021





APPELANTE :





Madame [V] [R]-[S]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Kevin HAMELET, avocat au barreau de l'EURE substitué par Me Christophe OHANIAN, avocat au

barreau de l'EURE





(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006562 du 29/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)







INTIMEE :





Association CENTRE D'INFORMATION SUR L...

N° RG 21/01962 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYR7

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 25 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 06 Avril 2021

APPELANTE :

Madame [V] [R]-[S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Kevin HAMELET, avocat au barreau de l'EURE substitué par Me Christophe OHANIAN, avocat au barreau de l'EURE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006562 du 29/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMEE :

Association CENTRE D'INFORMATION SUR LES DROITS DES FEMMES ET DES FAMILLES DE L'EURE (CIDFF DE L'EURE)

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Hélène QUESNEL de la SELARL MOLINERO QUESNEL STRATEGIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère, rédactrice

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 12 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [V] [R] a été engagée par l'association Centre d'information sur les droits des femmes et des familles de l'Eure (le CIDFF de l'Eure) en qualité de secrétaire comptable-animatrice d'accueil par contrat d'accompagnement dans l'emploi à durée indéterminée du 2 janvier 2014.

Par requête du 6 décembre 2017, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes en rappel de salaire pour la période d'octobre à décembre 2017 et les parties ont signé un procès-verbal de conciliation totale le 6 février 2018 aux termes duquel l'association CIDDF s'est engagée à lui payer la somme de 2 349 euros et a renoncé à lui réclamer un remboursement au titre d'un trop-perçu d'indemnités journalières, en contrepartie Mme [R] a renoncé à solliciter des dommages et intérêts pour préjudice subi.

Une rupture conventionnelle a été signée le 1er octobre 2019 et le contrat a été rompu le 10 novembre 2019.

Par requête du 2 mars 2020, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux en contestation de la rupture, ainsi qu'en paiement de rappel de salaires et indemnités.

Par jugement du 6 avril 2021, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [R] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Mme [R] a interjeté appel de cette décision le 6 mai 2021.

Par conclusions remises le 22 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [R] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, et statuant à nouveau, de :

- condamner l'association CIDFF de l'Eure à lui remettre une attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- condamner l'association CIDFF de l'Eure à lui verser les sommes suivantes :

dommages et intérêts au titre du préjudice financier subi compte tenu des manquements de l'association et de son refus réitéré de transmettre une attestation conforme : 1 500 euros,

rappel de congés payés : 268,76 euros bruts,

rappels de salaire : 1 972 euros bruts

congés payés y afférents : 197,2 euros bruts,

dommages et intérêts pour discrimination : 1 500 euros,

dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 1 500 euros,

dommages et intérêts pour harcèlement moral : 2 500 euros,

dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention : 2 500 euros,

- annuler la rupture conventionnelle pour vice du consentement, requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'association CIDFF de l'Eure à lui verser les sommes suivantes :

indemnité de licenciement : 1 924,14 euros nets,

indemnité compensatrice de préavis : 3 130,82 euros bruts,

congés payés y afférents : 313,08 euros bruts,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 392,46 euros nets,

- en tout état de cause, condamner l'association CIDFF de l'Eure à verser à M. [X] [J] la somme de 2 000 euros HT, soit 2 400 euros TTC au titre de l'article 37 de la loi de 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- dire que les sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine et condamner l'association CIDFF de l'Eure à lui remettre un bulletin de salaire, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour et par document.

Par conclusions remises le 22 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, l'association CIDFF de l'Eure demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner Mme [R] à lui verser une indemnité de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. A titre très subsidiaire, si la cour annulait la rupture conventionnelle, condamner Mme [R] à lui rembourser la somme de 5 000 euros correspondant à l'indemnité de rupture conventionnelle.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 23 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés

Mme [R] explique qu'au moment de la rupture de son contrat, elle avait un solde de 20 jours de congés payés correspondant à 12,5 jours au titre du solde de l'année N et 7,5 jours au titre du solde de l'année N-1. Aussi, elle soutient que le nombre de jours de congés acquis au titre de l'année N étant inférieur à la durée maximale de 30 jours et, étant âgée de plus de 21 ans avec deux enfants à charge de moins de 15 ans, elle pouvait prétendre à 4 jours de congés supplémentaires par application de l'article L. 3141-8 du code du travail. Ayant pris six jours de congés, elle indique qu'il lui était dû le solde, soit 18 jours, alors que l'association ne lui a payé que 12,5 jours, aussi réclame-t-elle la somme correspondant à 5,5 jours.

En réponse, l'association CIDFF de l'Eure explique que pour la période de référence allant du 1er juin 2018 au 31 mai 2019, Mme [R] a acquis 30 jours ouvrables et qu'elle n'a ainsi ouvert droit à aucun congé supplémentaire tel que prévu par l'article L. 3141-8 et que, pour la période allant du 1er juin au 31 octobre 2019, elle a acquis 12,5 jours, sans qu'elle puisse davantage bénéficier de congés supplémentaires dès lors qu'elle a quitté l'entreprise avant la fin de la période de référence d'acquisition des congés. Aussi, constatant qu'elle a pris 30,5 jours de congés au titre de l'année N-1 et qu'il lui a été payé une indemnité compensatrice de 12,5 jours, l'association CIDFF de l'Eure conclut au débouté de Mme [R].

Selon l'article L. 3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.

Il résulte par ailleurs de l'article L. 3141-8 du code du travail que les salariés âgés de vingt et un ans au moins au 30 avril de l'année précédente bénéficient de deux jours de congé supplémentaires par enfant à charge, sans que le cumul du nombre des jours de congé supplémentaires et des jours de congé annuel puisse excéder la durée maximale du congé annuel prévu à l'article L. 3141-3. Est réputé enfant à charge l'enfant qui vit au foyer et est âgé de moins de quinze ans au 30 avril de l'année en cours et tout enfant sans condition d'âge dès lors qu'il vit au foyer et qu'il est en situation de handicap.

Il résulte des bulletins de salaire que Mme [R] a acquis 30 jours de congés payés pour la période de référence du 1er juin 2018 au 31 mai 2019, soit la durée maximale du congé annuel, et qu'elle n'a donc pas ouvert droit à congés payés supplémentaires.

Par ailleurs, si une erreur a été commise sur le bulletin de salaire du mois d'octobre puisqu'il en ressort qu'elle n'a pris qu'un jour et demi de congés payés alors qu'en réalité 24,5 heures, correspondant à trois jours ouvrables, lui ont été payées à ce titre, il est suffisamment établi par l'analyse de ces bulletins qu'elle a pris l'ensemble des jours de congés payés acquis sur la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019 et qu'il ne lui était donc plus dû aucune somme au terme du contrat pour l'année N-1.

Par ailleurs, en ce qui concerne la période du 1er juin 2019 au 31 octobre 2019, après régularisation intervenue en février 2020, il lui a été réglé une indemnité compensatrice de congés payés de 610,80 euros correspondant à 12,5 jours, soit l'ensemble des congés payés acquis sur cette période.

Ainsi, reste la question de savoir si Mme [R] pouvait percevoir 4 jours de congés supplémentaires sur cette période en raison de la présence de deux enfants à charge.

Outre que les congés supplémentaires sont en tout état de cause proratisés au temps de présence en cas de départ avant la fin de la période de référence, en l'espèce, le congé supplémentaire pour enfant à charge dont se prévaut Mme [R], âgée de plus de 21 ans au 30 avril de l'année précédente, est au surplus conditionné puisque le cumul du nombre de jours de congés supplémentaires et des jours de congé annuel ne peut excéder la durée maximale du congé annuel.

Aussi, et alors que Mme [R] a quitté l'association avant la fin de la période de référence, il convient de proratiser les congés. Or, elle a acquis jusqu'au 10 novembre l'ensemble des congés légaux auxquels elle pouvait prétendre et il ne peut dans ces conditions lui être accordé une indemnité compensatrice au titre des congés supplémentaires, sauf à excéder la durée maximale du congé annuel.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la demande de dommages et intérêts pour délivrance d'une attestation erronée

Mme [R] explique que si l'association CIDFF de l'Eure a effectivement transmis une attestation Pôle emploi rectifiée en mentionnant la date du 10 novembre 2019, et non plus celle du 8 novembre, comme date de dernier jour travaillé, pour autant, elle n'a pas modifié les salaires à prendre en compte et ce, alors qu'en cas de congé parental ou de mi-temps thérapeutique, doivent être pris en compte les salaires perçus antérieurement à ces situations, lesquels correspondent au salaire habituel. Aussi, réclame-t-elle qu'il soit mentionné sur l'attestation Pôle emploi les douze mois précédents le 28 novembre 2016, soit ceux de septembre 2015 à octobre 2016, sachant qu'elle conteste devoir prendre l'initiative d'une requête auprès de Pôle emploi.

En réponse, sans contester la possibilité de prendre en compte les salaires perçus antérieurement au mi-temps thérapeutique et au congé parental d'éducation, l'association CIDFF de l'Eure considère néanmoins qu'il appartient à Mme [R] d'en faire la requête auprès de Pôle emploi, ce dont elle ne justifie pas, sachant que cette requête est d'autant plus essentielle qu'il résulte de la circulaire du 24 juillet 2017 relative à la convention du 14 avril 2017 afférente à l'assurance chômage que la recherche d'un dernier jour travaillé et payé à temps plein est limitée aux seules situations dans lesquelles le demandeur d'emploi n'est pas susceptible de percevoir le complément de libre choix d'activité à taux partiel ou la prestation partagée d'éducation de l'enfant.

Il résulte de l'accord d'application n°5 du 14 avril 2017 pris pour l'application des articles 11 et 12 du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage que si le salaire de référence pris en considération pour fixer le montant de l'allocation journalière est établi sur la base des rémunérations ayant servi au calcul des contributions au titre des douze mois civils précédant le dernier jour de travail payé à l'intéressé, toutefois lorsqu'un salarié a été autorisé par la sécurité sociale à reprendre un emploi à temps partiel en restant indemnisé au titre des indemnités journalières ou a bénéficié d'un congé parental d'éducation à temps partiel et a fait l'objet d'une rupture conventionnelle au cours de cette période, il peut être décidé d'office ou à la requête de l'allocataire de retenir comme salaire de référence, pour le calcul des allocations, les rémunérations perçues ou afférentes à la période précédant immédiatement la date à laquelle la situation a cessé de pouvoir être considérée comme normale.

Comme justement relevé par l'association CIDFF de l'Eure, il résulte de cette annexe que s'il est effectivement possible de tenir compte des rémunérations afférentes à la période précédant immédiatement le congé parental d'éducation ou le mi-temps thérapeutique, cette décision relève néanmoins de Pôle emploi, en le faisant soit d'office, soit à la requête de l'allocataire.

A cet égard, il n'est pas justifié de la moindre requête présentée par Mme [R] auprès de Pôle emploi aux fins que soient retenus les salaires pour la période de septembre 2015 à octobre 2016, seule une réponse très vague de Pôle emploi, sans justification du contenu de la demande, étant produite aux débats aux termes de laquelle il est simplement indiqué que les modifications d'une attestation destinée à Pôle emploi sont du ressort de l'employeur et qu'il doit opérer les modifications et les contresigner.

Enfin, outre que le document 'comment remplir l'attestation d'employeur' édité par l'Unedic produit par Mme [R] concerne l'attestation Pôle emploi à remplir dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle, en tout état de cause, ce document ne peut prévaloir sur l'accord d'application précité.

Au vu de ces éléments, et à défaut de décision prise d'office par Pôle emploi ou de requête présentée par Mme [R] auprès de Pôle emploi en tant qu'allocataire, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande de délivrance d'une attestation Pôle emploi comprenant les salaires perçus sur la période de septembre 2015 à octobre 2016 et en conséquence de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive de ce document, sachant qu'il n'est justifié d'aucun préjudice résultant de la première erreur faite par l'association CIDFF de l'Eure et régularisée dès le 28 novembre 2019.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de l'inégalité de traitement

Mme [R] soutient, qu'hormis elle, au cours de l'année 2018, l'ensemble des salariés de l'association ont bénéficié d'une augmentation de salaire et qu'ainsi, à titre d'exemple, Mme [B] a bénéficié d'une augmentation de 116 euros bruts entre mai et juin 2018, ce qui est d'autant plus grave que cette différence de traitement a été justifiée par son état de santé et son souhait de bénéficier d'un congé parental.

Aussi, soutenant qu'elle présente ainsi des éléments de faits susceptibles de caractériser une discrimination, elle considère qu'il appartient à l'association CIDFF de l'Eure de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence, ce en quoi elle est défaillante à défaut de produire l'ensemble des bulletins de salaire 2018 et 2019 des salariés employés sur cette période, sachant qu'en tout état de cause, en accordant une augmentation de salaires à tous les juristes et conseillers d'insertion professionnelle, elle a été indirectement discriminée puisque tous les salariés de l'association, à son exception, ont cette qualité.

En réponse, tout en mettant en avant l'absence de force probante des attestations de Mmes [M] et [D] et l'audition de Mme [R] devant les services de police en ce qu'elle n'est que le reflet de ses propres déclarations, l'association CIDFF de l'Eure explique qu'à compter de fin septembre 2017, face à l'absence pour maladie de la directrice, plusieurs salariés ont accepté des missions complémentaires s'ajoutant à leurs missions habituelles, ce qui a justifié le versement d'une prime pour les mois de décembre 2017, janvier et février 2018, que cette absence s'étant prolongée, un nouveau directeur a été recruté et a proposé au mois de mai une revalorisation des salaires des juristes et conseillers en insertion professionnelle davantage en adéquation avec leurs diplômes, leurs responsabilités et leurs missions, ce qui ne saurait constituer ni une inégalité, ni une discrimination dans la mesure où les situations professionnelles n'étaient pas comparables.

Selon l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il résulte de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, en raison de sa situation de famille ou de son état de santé.

Par ailleurs, selon l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A titre liminaire, il doit être relevé que les deux attestations sur l'honneur produites par Mme [R], émanant de Mmes [M] et [D], certes accompagnées d'une pièce d'identité, ne sont cependant nullement conformes aux dispositions de l'article 202 du code civil et ne comprennent notamment aucune mention quant aux risques encourus en cas de propos mensongers.

Par ailleurs, alors que l'association CIDFF de l'Eure justifie qu'elles n'étaient pas salariées en son sein, aucune de ces deux personnes ne précise le lien qui les unit à Mme [R] et, Mme [M], qui pourtant décrit des faits qui auraient été subis par Mme [R] alors qu'elle travaillait au sein de l'association, n'explicite à aucun moment les circonstances dans lesquelles elle en aurait été témoin.

Quant à Mme [D], si elle précise pour sa part que ces faits ressortent de confidences faites par Mme [R], très affectée par la situation, son attestation n'est cependant pas datée et il n'est pas apporté la moindre précision de date sur ces confidences.

Au vu de ces éléments, il convient d'ores et déjà d'indiquer qu'à défaut de toute force probante pouvant leur être accordées, ces attestations ne seront pas retenues comme élément de nature à corroborer les faits dénoncés par Mme [R], et ce, au titre de ses différentes demandes.

Au-delà de ces attestations, à l'appui de sa demande, Mme [R] produit la plainte qu'elle a déposée le 20 février 2020 devant les services de police aux termes de laquelle elle indique que tous ses collègues ont eu une augmentation en 2018, sans qu'elle-même en bénéficie, ainsi que deux bulletins de salaire de Mme [B], juriste au sein de l'association, dont il résulte que cette dernière a effectivement bénéficié d'une augmentation de salaire entre mai et juin 2018, passant ainsi de 1 971 euros à 2 087 euros, soit une augmentation de 116 euros.

Cette allégation est corroborée par le compte-rendu du conseil d'administration du 31 mai 2018 dont il résulte qu'il a effectivement été proposé une revalorisation des salaires des juristes et conseillers d'insertion professionnelle et de M. [I], directeur, sachant qu'il ressort du registre unique du personnel qu'au moment de cette augmentation salariale, non contestée, tous les salariés de l'entreprise, hormis Mme [R] qui était animatrice d'accueil-secrétaire comptable et M. [I] qui était directeur, exerçaient soit des fonctions d'accompagnateur du service juridique, soit des fonctions de conseillers d'insertion professionnelle.

Aussi, et s'il ne peut être retenu aucune inégalité de traitement compte tenu des fonctions différentes exercées par Mme [R] par rapport aux autres salariés, elle est néanmoins la seule salariée permanente de l'association à ne pas avoir bénéficié d'une augmentation, ce qui est de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination indirecte liée à son état de santé, Mme [R] étant à cette date à temps partiel thérapeutique.

Néanmoins, et alors que l'association CIDFF de l'Eure explique cette augmentation à raison des diplômes détenus par ces salariés, tous titulaires d'un Master 2 et de la nécessité de se conformer au marché de l'emploi, il s'agit là d'une raison objective au regard des emplois occupés, aussi, convient-il de dire que Mme [R], qui n'était titulaire que d'un baccalauréat, n'a pas été victime d'une discrimination, serait-elle indirecte.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande de rappel de salaire et de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [R] soutient que plusieurs de ses fonctions, et notamment celles en lien avec la comptabilité ont été confiées à sa remplaçante et ce, même après son retour de congé maternité, pour finalement, après les lui avoir été redonnées durant quelques temps, être externalisées.

Rappelant que Mme [R] a été absente durant 15 mois et n'a pu reprendre son travail qu'à 40 % en mars 2018 en raison d'un temps partiel thérapeutique, l'association CIDFF de l'Eure indique avoir tenté d'organiser au mieux cette reprise en répartissant les tâches avec sa remplaçante, Mme [Y], qui devait s'occuper de la comptabilité, ce qui satisfaisait Mme [R] comme elle a d'ailleurs pu le dire devant les services de police lors de son dépôt de plainte.

Elle précise qu'au moment du départ de Mme [Y], au mois de septembre 2018, Mme [R] étant toujours à temps partiel à 40 %, il a été fait appel à un organisme extérieur pour la comptabilité afin de lui éviter une trop lourde charge de travail, organisation qui a été maintenue lorsqu'elle est passée à 80 % dans le cadre de son congé parental afin de tenir compte de ce temps, toujours partiel, et des remarques de l'expert-comptable sur les besoins en expertise de l'association, sachant que la décharge d'une partie de ces fonctions n'a nullement eu pour effet de vider son poste de sa substance.

A l'appui de sa demande, Mme [R] produit son contrat d'accompagnement dans l'emploi à durée indéterminée signé le 2 janvier 2014 aux termes duquel, engagée en qualité de 'secrétaire comptable, animatrice d'accueil', il était joint sa fiche de poste, laquelle comprenait, pour un temps plein, huit grandes orientations, à savoir accueillir et écouter, assurer la gestion des tâches de comptabilité et de paye, exécuter diverses tâches administratives, organiser et coordonner pour le CIDFF la transmission et la rédaction des informations, transcrire, présenter, organiser, classer et exploiter une partie des informations techniques concernant l'activité du CIDFF en utilisant les techniques bureautiques, organiser la salle d'accueil et locaux destinés à la réception du public, gérer la logistique quotidienne et enfin participer aux formation proposées.

S'il en résulte que le poste de Mme [R] comprenait des missions de comptabilité, lesquelles ont été exercées par sa remplaçante durant son arrêt-maladie, mais aussi à son retour, pour finalement être externalisées comme le reconnaît l'association CIDFF, il apparaît néanmoins que Mme [R] était également titulaire de nombreuses autres tâches et que le retrait de cette mission ne peut permettre de retenir que son poste aurait été 'vidé de sa substance', étant rappelé qu'après un arrêt de travail de quinze mois, elle n'a repris en mars 2018 qu'à 40 %, et ce, durant six mois, puis à 80 % à compter du mois de septembre 2018, ce qui impliquait nécessairement de confier un certain nombre de ses tâches à un tiers, sauf à lui faire supporter une surcharge de travail incompatible avec l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur.

En outre, l'association CIDFF justifie par la production d'un compte-rendu du conseil d'administration du 3 mai 2018 que KPMG, expert-comptable, a alors fait le constat d'un besoin de montée en compétence de la comptabilité au sein de l'association avec proposition de faire appel à une comptable extérieure une demi-journée par mois, intervention jugée suffisante.

Outre que cette évaluation démontre que la comptabilité ne représentait pas l'essentiel du poste de Mme [R], ce compte-rendu permet également de s'assurer qu'il existait une raison objective d'externaliser cette mission, sachant qu'il ressort des feuilles d'heures de Mme [R] qu'elle a continué à réaliser des tâches en lien avec la comptabilité, quand bien même elles étaient nécessairement de moindre importance qu'antérieurement à son arrêt de travail.

Enfin, et s'il ressort du registre unique du personnel que Mme [R] n'a par la suite pas été remplacée, il ne peut être déduit d'une réorganisation postérieure à son départ la preuve de ce que ses missions lui auraient été retirées alors qu'elle était encore salariée de l'association, d'autant que Mme [L], recrutée en janvier 2019 en tant que directrice adjointe, atteste que Mme [R] réalisait de nombreuses tâches parfaitement en lien avec son contrat de travail, à savoir standard téléphonique, accueil physique, courrier, fiches navette, contrôle des salaires, préparation des virements, commandes de fourniture, gestion des locaux, prise de rendez-vous pour les juristes ou encore déclarations sociales.

A cet égard, au-delà du retrait d'une partie de la comptabilité, admis par l'association CIDFF de l'Eure et justifié par des raisons objectives, les autres pièces produites par Mme [R] ne sont pas de nature à contredire cette dernière attestation pour être constituées des attestations de Mmes [M] et [D] et de sa propre audition devant les services de police, laquelle, outre qu'elle est concomitante à la rupture et à la saisine du conseil de prud'hommes, et ce, alors que les faits dénoncés ont débuté près de deux ans avant, comporte en outre un certain nombre de contradictions.

Au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Mme [R] soutient avoir dû faire face à l'animosité de la direction suite à son congé maternité qui lui a reproché non seulement d'avoir saisi le conseil de prud'hommes en 2017 mais aussi de n'avoir repris qu'à temps partiel à raison de son état de santé. Ainsi, elle indique que le nouveau directeur l'a ostracisée en ne lui adressant la parole que pour le strict nécessaire, en déplaçant son bureau sans l'en informer, en lui retirant les principales fonctions et responsabilités attachées à son poste et enfin en lui refusant une augmentation pourtant attribuée à l'ensemble des salariés de l'association.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de sa demande, outre les éléments déjà exposés à l'occasion de la demande de dommages et intérêts pour discrimination et exécution déloyale du contrat de travail, il n'est produit par Mme [R], pour justifier de ce que son bureau aurait été changé de place et qu'elle aurait été ostracisée que les seules attestations de Mmes [M] et [D] et son audition devant les services de police devant lesquels elle a indiqué que son bureau avait été remplacé durant son absence par un bureau beaucoup plus petit avec une organisation différente, affirmation contredite par l'attestation de M. [A] qui indique que le bureau a simplement été remplacé par un bureau identique avec un angle retour inversé pour permettre un accès plus facile à la reprographie.

Aussi, au regard des développements précédents, les faits présentés par Mme [R] ne sont pas de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

Faisant valoir que l'association CIDFF de l'Eure n'a diligenté aucune enquête malgré ses alertes face au déclassement professionnel et au harcèlement moral dont elle faisait l'objet et qui ont eu de graves répercussions sur son état de santé, Mme [R] demande des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

En réponse, l'association CIDFF conteste avoir été destinataire de signalements de la part de Mme [R] ou du médecin du travail, sachant que le certificat médical qu'elle produit est postérieur à la fin de la relation de travail.

Si Mme [R] a pu présenter des demandes financières au titre d'un rappel de salaire durant son congé de maladie, puis ensuite pour bénéficier d'une augmentation de salaire, aucune des pièces produites ne permet d'établir qu'elle aurait alerté à un quelconque moment l'association CIDFF de l'Eure d'un mal-être au travail, étant à nouveau rappelé l'absence de force probante pouvant être attachée aux deux attestations de Mmes [M] et [D].

Par ailleurs, et alors qu'elle a rencontré à deux reprises le médecin du travail en 2018, il n'est pas établi qu'il aurait été destinataire d'une plainte de sa part sur ses conditions de travail qu'il aurait pu transmettre à l'employeur et le seul certificat médical qu'elle produit a été établi le 28 janvier 2020 suite à la convocation des services de police, comme elle l'indique aux termes de sa plainte.

Au surplus, ce certificat qui émane de son médecin traitant qui certifie l'avoir vue à de très nombreuses reprises, sans cependant en spécifier les raisons, sachant que Mme [R] a souffert d'une embolie pulmonaire à la suite de sa grossesse, se montre particulièrement prudent dans la rédaction de ce certificat puisqu'il indique : 'Mme [R] m'a exprimé un état de souffrance au travail, selon ses dires'. Elle a dû bénéficier d'un soutien psychologique à ce titre'.

Au vu de ces éléments, et alors qu'il n'est en outre pas justifié de ce soutien psychologique, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention.

Sur la demande de nullité de la convention de rupture conventionnelle

Mme [R] explique n'avoir accepté le principe de la rupture conventionnelle que dans le seul objectif de mettre fin au harcèlement moral dont elle était l'objet, de sorte que son consentement s'en est trouvé nécessairement vicié, ce qui doit conduire à l'annulation de la rupture conventionnelle et en conséquence à ce que la rupture soit qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'association CIDFF de l'Eure explique que Mme [R] a très rapidement souhaité se réorienter vers le domaine de la coiffure ou des soins du corps et avait déjà évoqué en décembre 2018 la mise en oeuvre d'une rupture conventionnelle, demande qu'elle a réitérée fin 2019 et à laquelle il a été fait droit sans que la signature de cette rupture ne soit entachée d'aucun vice du consentement.

Si une rupture conventionnelle peut être annulée en cas de vice du consentement, il n'a en l'espèce pas été retenu l'existence d'un harcèlement moral et le seul certificat médical produit ne permet en aucune manière de caractériser un état de fragilité tel qu'il aurait empêché Mme [R] de signer valablement cette rupture.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande tendant à voir annuler la rupture conventionnelle et en conséquence de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail, à savoir indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner Mme [R] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à l'association CIDFF de l'Eure la somme de 300 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] [R] aux entiers dépens ;

Condamne Mme [V] [R] à payer à l'association Centre d'information sur les droits des femmes et des familles de l'Eure la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [V] [R] de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01962
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.01962 ?
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